A première vue

À première vue : bilan définitif 2021

Comme vous pourrez le constater dans la galerie d’images ci-dessous, les dix derniers jours de présentation viennent étoffer de manière assez importante ma liste de lecture (pour le moment, bien entendu rien n’est figé).

Néanmoins, si je m’essaie à tirer un premier bilan de cette rentrée d’automne 2021, j’ai le sentiment qu’il s’agit d’une édition ouverte, sans titre ni auteur nettement dominateur, sans « superstar » prête à tout écraser médiatiquement ni locomotive surpuissante.
En d’autres termes, il y aura de la place pour la découverte, et de nombreux auteurs pourraient tirer leur épingle du jeu.
On verra bien ce que la presse mettra en avant, mais plus que jamais, il me semble que le travail de prescription des libraires sera prépondérant, ainsi que celui des blogueurs, dont le réseau aussi vaste que mouvant permet de mettre en lumière des écrivains qui seraient passés sous les radars il y a quelques années.

Bref, chères amies, chers amis, au boulot !
On se retrouve ici autour après le 15 août. D’ici là, bon été, en vous souhaitant plein de belles lectures, présentes et à venir.

Déjà lus
(avec une note sur cinq) :

En cours :

ATTENDUS
(dans un ordre d’impatience approximatif et potentiellement soumis à bouleversement) :


À première vue : dernier tour 2021 !


Intérêt global :


Comme l’année dernière, en guise d’ultime article de présentation, je regroupe quelques éditeurs faisant le choix (ou le pari) de ne publier qu’un seul livre en cette rentrée littéraire 2021. Certains, économes par nature, sont coutumiers du fait, comme les éditions de Minuit. D’autres ont décidé de concentrer tous leurs efforts sur un seul texte, une décision aussi louable que courageuse. Et franchement, il y a pas mal de jolies choses, dont la plupart semblent joyeusement sortir de l’ordinaire.
J’en profite aussi pour rattraper certains éditeurs que j’apprécie, dont je n’avais pas encore le programme lorsque j’ai commencé l’édition 2021 de la rubrique « à première vue », et qui peuvent compter plus d’un titre dans leur programme. Exemple avec le premier de la liste ci-dessous.


LA FOSSE AUX OURS


Ubasute, d’Isabel Gutierrez
Mourante, Marie demande à son fils de la porter dans la montagne pour la déposer sous le grand rocher. Ce court premier roman évoque l’ubasute, cette pratique mythique au Japon qui consiste à amener un infirme ou un parent âgé dans un endroit éloigné et désolé pour le laisser mourir.

Un ciel rempli d’oiseaux, d’Antoine Choplin
Lors d’une cérémonie d’hommage à l’artiste rom Ceija Stojka, la narratrice se souvient du parcours singulier de son amie. Déportée à 10 ans, elle survit à trois camps de concentration, passant par Auschwitz, Ravensbrück et Bergen-Belsen. À 55 ans, elle sort du silence et se lance en autodidacte dans un travail de mémoire, au moyen de l’art et de l’écriture. Avec des illustrations de l’artiste.


ÉDITIONS DE MINUIT


La Fille qu’on appelle, de Tanguy Viel
Il y eut des rentrées exclusivement centrées sur Laurent Mauvignier, cette année sera consacrée à un autre grand nom du catalogue contemporain de Minuit : Tanguy Viel.
En 176 pages, celui-ci nous convie aux côtés de Max Le Corre, chauffeur du maire mais aussi père de Laura qui, à vingt ans, a décidé de revenir vivre avec lui. Max songe alors à solliciter le maire pour l’aider à trouver un logement.
Chez Viel, ce genre de résumé sibyllin a toutes les chances de déboucher sur de l’inattendu. Fera-t-il aussi fort qu’avec Article 353 du Code Pénal ? On en reparle à la rentrée.


ASPHALTE


Villa Wexler, de Jean-François Dupont
La veille de la rentrée scolaire, la mystérieuse famille Wexler s’installe dans une villa reculée nichée entre collines et sapins. Le père, charismatique professeur au lycée, fascine ceux qu’il côtoie, adultes comme élèves. L’un d’eux, Mathias, va fréquenter ce clan fusionnel. Cheyenne, qui passe son temps à cheval. Karl, toujours une carabine à l’épaule. Charlotte, avec qui l’adolescent va vivre un premier amour lumineux, pendant qu’une relation plus trouble semble se nouer entre Wexler et la jeune Aurore… Jusqu’au jour où il propose à sa classe de tourner un film en forêt.
Vingt ans plus tard, Mathias revient dans sa ville natale, sur les traces de son passé et de cette famille vénéneuse.


LES AVRILS


Les garçons de la Cité-Jardin, de Dan Nisand
Auteur d’une bizarrerie titrée Morsure aux éditions Naïve en 2007, Dan Nisand reprend la plume chez la toute jeune maison des Avrils et nous invite dans la cité-jardin Hildenbrandt, en Alsace.
C’est là qu’a grandi Melvil, là qu’il vit toujours, en modeste employé de mairie qui s’occupe seul de son père depuis le départ de ses frères aînés – Virgile, engagé dans la Légion, et Jonas, qui a purement et simplement disparu. Au grand soulagement de leurs voisins, qui ont longtemps souffert de leur violence.
Cependant, un jour de printemps, le téléphone. Et la rumeur commence à se répandre dans la cité-jardin…


LE TRIPODE


Mort aux girafes, de Pierre Demarty
Rien que pour le titre, franchement, il aurait été dommage de passer à côté… Bon, après il s’agit d’un texte rédigé en une seule phrase longue de 200 pages, procédé littéraire qui a le don de me faire fuir – j’aime trop les pauses et les silences pour adhérer à ce genre de dispositif certes admirable, mais que je trouve systématiquement épuisant.
Voici comment le présente l’éditeur : « avançant sous le masque de la digression et du coq-à-l’âne poussés dans leurs ultimes retranchements pour mieux aborder des questions graves telles que la mort, l’amour, la cohabitation interethnique en milieu carcéral et l’épépinage des groseilles, Mort aux girafes est un cri d’indignation, un brûlot féministe, un thriller haletant aux résonances écologiques en prise avec l’actualité la plus actuelle – bref, on l’aura compris, un roman coup de poing dont on ne sort pas indemne. »

24 fois la vérité, de Raphaël Meltz
Il y a Gabriel, un opérateur de cinéma qui a parcouru le vingtième siècle l’œil rivé derrière sa caméra : de l’enterrement de Sarah Bernhardt au tournage du Mépris, du défilé de la paix de 1919 au 11 septembre 2001, il aura été le témoin muet d’un monde chaotique, et de certains de ses vertiges. Il y a Adrien, son petit-fils, qui est journaliste spécialisé dans les choses numériques qui envahissent désormais nos vies. Et il y a le roman qu’Adrien a décidé d’écrire sur son grand-père.
En vingt-quatre chapitres, raconter une vie. Vingt-quatre chapitres comme les vingt-quatre images qui font chaque seconde d’un film. Vingt-quatre chapitres pour tenter de saisir la vérité : que reste-t-il de ce qui n’est plus là ? Que connaît-on de ce qu’on a vu sans le vivre ? Que faire, aujourd’hui, de tant d’images ?


FINITUDE


Le Parfum des cendres, de Marie Mangez
Embaumeur, Sylvain Bragonnard a le don de cerner les personnalités, celles des vivants comme celles de morts, grâce à leurs odeurs. Cette manière insolite de dresser des portraits stupéfie Alice, une jeune thésarde qui, curieuse impénitente, veut percer le mystère de cet homme bourru et taiseux. Peu à peu, elle l’apprivoise et comprend ce qu’il cache.
Premier roman.


LE NOUVEL ATTILA


Tu aimeras ce que tu as tué, de Kevin Lambert
À Chicoutimi, nombre d’enfants connaissent des fins tragiques : viols, accidents ou meurtres violents. Mais la plupart ressuscitent et prennent ainsi leur vengeance. Faldistoire mène la danse des ressuscités et détourne du droit chemin son ami Almanach, en organisant des rodéos de la mort dans son quartier.

Pour que je m’aime encore, de Maryam Madjidi
Une petite fille qui grandit dans la banlieue parisienne vit une épopée tragi-comique, entre le combat avec son corps, sa relation avec ses parents, son évolution à l’école et ses rêves d’une ascension sociale qui lui permettrait de vivre de l’autre côté du périphérique.


BILAN


Lecture certaine :
La Fille qu’on appelle, de Tanguy Viel

Lectures probables :
Un ciel rempli d’oiseaux, d’Antoine Choplin
Villa Wexler, de Jean-François Dupont
24 fois la vérité, de Raphaël Meltz
Tu aimeras ce que tu as tué, de Kevin Lambert

Lectures potentielles :
Les garçons de la Cité-Jardin, de Dan Nisand
Ubasute, d’Isabel Gutierrez


À première vue : la rentrée Zulma 2021


Intérêt global :


Comme d’habitude, le nom des éditions Zulma annonce la quasi fin de la rubrique « à première vue ».
Et comme d’habitude, les quatre titres proposés cette année sont à l’image de la maison : voyageurs, joueurs, érudits et ouverts sur le monde. De quoi embarquer pour des périples inattendus, sous les couvertures chatoyantes qui contribuent à la renommée de la marque dirigée par Laure Leroy.


Les Aventures d’Ibidem Serpicon, de René Haddad

Le monde et le quotidien étant ce qu’ils sont, pas souvent reluisants, mieux vaut les réinventer en les repeignant d’un regard neuf et en les parant de mots inattendus, qui jettent couleurs et cocasserie là où il en manque trop souvent.
Voici la vie d’Ibidem Serpicon, qui fait de Paris son terrain de jeux et d’observation, des bus aux bancs des squares, toujours en quête de rencontres sur lesquels il braquera son drôle de regard toujours en éveil.
« À mi-chemin entre le M. Hulot de Tati et le M. Plume de Michaux », dixit l’éditrice : pourquoi pas !

L’Anarchiste qui s’appelait comme moi, de Pablo Martín Sánchez
(traduit de l’espagnol par Jean-Marie Saint-Lu)
co-édition Zulma & La Contre Allée

Pablo Martin Sanchez découvre par hasard sur Internet un homonyme au passé héroïque, un anarchiste condamné à mort en 1924. Né en 1890 à Madrid, il s’exile à Paris où il devient imprimeur typographe puis fréquente des compatriotes anarchistes qui l’enrôlent dans leurs actions militantes.
Épique, virevoltant, joyeusement érudit et à l’imagination foisonnante, ce premier roman espagnol dresse le portrait à la fois réaliste et rêvé des utopies montantes du XXe siècle, dans l’esprit des grands romans populaires où l’amitié, la trahison, l’amour et la peur sont les rouages invisibles qui font tourner le monde.

L’Hôtel du Cygne, de Zhang Yueran

Yu-Ling s’occupe d’un enfant issu d’une famille aisée à Pékin. Dada est fils unique et gâté par ses parents qui sont souvent absents. Un grand pique-nique est organisé au bord du lac par M. Courge qui prévoit de simuler le kidnapping du garçon pour changer de vie grâce à l’argent de la rançon. Mais le plan échoue lorsque la radio annonce l’arrestation du grand-père et du père de Dada.

Ce que Frida m’a donné, de Rosa Maria Unda Souki
(traduit de l’espagnol (Venezuela) par Margot Nguyen Béraud et l’auteure)

Il faudrait relever tous les romans prenant pour sujet Frida Kahlo : je présume que la liste serait impressionnante…
En voici donc un de plus. Teinté d’autobiographie par ailleurs, puisqu’il s’agit d’une sorte de dialogue artistique entre Frida et l’auteure.
Tout commence alors que Rosa Maria Unda Souki attend l’arrivée du Brésil des tableaux destinés à son exposition à venir au Couvent des Récollets. Elle profite de ce temps de latence pour reconstituer le cheminement qui l’a conduit à cet accomplissement, consacrant cinq ans à la figure emblématique de Frida Kahlo en peignant sa célèbre Maison bleue et constituant une œuvre picturale d’une richesse saisissante.
Un livre illustré de dessins au graphite et des tableaux originaux de l’auteure.


BILAN


Lecture probable :
Les Aventures d’Ibidem Serpicon, de René Haddad

Lecture potentielle :
L’Anarchiste qui s’appelait comme moi, de Pablo Martín Sánchez


À première vue : la rentrée Zoé 2021


Intérêt global :


À première vue, j’ai connu des rentrées plus excitantes chez les éditions Zoé. D’un côté, on ne peut pas briller tout le temps (ce que cette excellente maison suisse parvient à faire très régulièrement) ; d’un autre, ces quatre textes auront sans doute plus d’intérêt pour d’autres que moi.
Donc, comme d’habitude, je vous les confie et vous laisse vous faire votre propre idée !


La Patience du serpent, d’Anne Brécart

Christelle et Greg, des amateurs de surf dans la trentaine, sillonnent le monde en minibus avec leurs deux petits garçons, s’installant près des meilleurs spots et vivant de petits boulots.
À San Tiburcio, sur la côte mexicaine, ils s’acclimatent et font la rencontre d’une jeune villageoise. Cette dernière entraîne Christelle dans une relation vertigineuse qui bouleverse leur vie de famille.
C’est le septième roman d’Anne Brécart, publié comme les six précédents par les éditions Zoé.


Je vais ainsi, de Hwang Jungeun
(traduit du coréen par Eun-Jin Jeong et Jacques Batilliot)

So Ra, la grande sœur douce et rêveuse, Na Na, la cadette déterminée et libre, et Na Ki, le frère de cœur, prennent tour à tour la parole pour raconter leur rencontre et l’enfance dans l’appartement commun, la grossesse de la deuxième et le séjour au Japon du troisième, qui l’a transformé. À travers ces voix à l’imaginaire propre, événements et situations se déploient dans leurs nuances. Première traduction en français.

Reconnaissances, de Catherine Safonoff
Au soir de sa vie, une auteure se relit. Ses livres sont des îlots dans sa mémoire et elle cherche à relier ces repères. Sa relecture est relecture de soi. Grave, mais régulièrement drôle aussi. De ce voyage dans le passé, elle choisit les heures claires, souvenirs inaltérables de lieux propices. Une autofiction évoquant l’amour pour le père et la mère, la difficulté à être soi, à être fille comme à être mère.

Les vies de Chevrolet, de Michel Layaz
Biographie romancée de Louis Chevrolet, né en Suisse en 1878 et qui grandit en Bourgogne où il travaille comme mécanicien pour vélos, avant de gagner l’Amérique en 1900. Il dessine des milliers de moteurs, acquiert une notoriété en tant que pilote, puis devient entrepreneur en fondant la marque qui porte son nom avec William Durant, futur fondateur de la General Motors, qui la lui rachète.


À première vue : la rentrée Viviane Hamy 2021


Intérêt global :


Désormais filiale des éditions Flammarion depuis un an, les éditions Viviane Hamy – toujours barrées par leur auguste capitaine et fondatrice – ont hélas semé beaucoup de leurs talents majeurs au cours de ces dernières années, en particulier Fred Vargas (locomotive historique de la maison), Dominique Sylvain et Cécile Coulon. Mais la marque est toujours là, riche de son catalogue éclectique et désireuse de continuer à porter une certaine idée de la littérature sous ses célèbres couvertures rouges.
Cette responsabilité revient cette année à deux auteurs, une Française habituée de la maison et un Hongrois dont c’est la première traduction.


Ce qu’il nous faut de remords et d’espérance, de Céline Lapertot

À 10 ans, Roger Leroy vit comme une trahison l’arrivée dans sa vie de son demi-frère, Nicolas Lempereur. Des années plus tard, Roger, garde des Sceaux d’un gouvernement populiste, œuvre à la réhabilitation de la peine de mort. Nicolas, lui, est une véritable rock star, pacifiste et contre toute forme de discrimination.
Quand il se retrouve accusé du meurtre d’une jeune femme et clame son innocence, la querelle fraternelle qui l’oppose à Roger devient alors un enjeu sociétal et moral.
La symbolique un peu lourdingue des noms de famille (Lempereur supplante Leroy, ouh !) me fait un peu peur, et le sujet est franchement casse-gueule. Mais pourquoi pas.

Nord bonheur, d’Árpád Kun
(traduit du hongrois par Chantal Philippe)

Né au Bénin d’un père franco-vietnamien et de la fille d’un ancien fonctionnaire devenu puissant sorcier vaudou, Aimé Billon est un étranger : aux autres et à lui-même. Aide-soignant et bénévole pour une mission religieuse norvégienne, il compose avec les multiples origines qui façonnent sa personnalité grâce à sa compréhension concrète et onirique du monde qui l’entoure.
Après la mort de ses parents, Aimé part pour l’Europe, son « nord bonheur ». C’est l’arrivée en Norvège, où il va enfin prendre racine et comprendre tout ce que la vie recèle de mystère, de beauté et de résilience.


BILAN


Lecture potentielle :
Ce qu’il nous faut de remords et d’espérance, de Céline Lapertot


À première vue : la rentrée Verdier 2021


Intérêt global :


Je ne me retrouve pas si souvent dans le riche et souvent exigeant catalogue des éditions Verdier, mais quand cela se produit, ma satisfaction de lecteur atteint souvent des hauteurs très estimables.
Cette année, je suis donc très heureux de retrouver Antoine Wauters, l’un de leurs auteurs qui m’a fait la plus forte impression il y a trois ans avec une double parution : Moi, Marthe et les autres, et le sublime Pense aux pierres sous tes pas.
Le programme sera riche de trois autres publications, dont les contrastes sont à l’image de la diversité à l’œuvre sous les célèbres couvertures jaunes de Verdier.


Mahmoud ou la montée des eaux, d’Antoine Wauters (en cours de lecture)

Syrie. Un vieil homme rame à bord d’une barque, seul au milieu d’une immense étendue d’eau. En dessous de lui, sa maison d’enfance, engloutie par le lac el-Assad, né de la construction du barrage de Tabqa, en 1973.
Fermant les yeux sur la guerre qui gronde, muni d’un masque et d’un tuba, il plonge – et c’est sa vie entière qu’il revoit, ses enfants au temps où ils n’étaient pas encore partis se battre, Sarah, sa femme folle amoureuse de poésie, la prison, son premier amour, sa soif de liberté.
Pour ce nouveau texte, Antoine Wauters choisit une forme narrative proche de la poésie (qu’il pratique également en tant qu’auteur et éditeur en Belgique), créant ainsi un rythme à la fois hypnotique et mélancolique, évocation des lentes plongées dans le lac de son vieux héros qui réveillent les souvenirs.
C’est beau, tragique, sobre et poignant. Une nouvelle couleur sur la palette chatoyante de l’écrivain.

Monsieur Faustini part en voyage, de Wolfgang Hermann
(traduit de l’allemand (Autriche) par Olivier Le Lay)

Monsieur Faustini est un vieil homme vivant seul avec son chat à Hörbranz, près du lac de Constance. Il porte toujours le même veston qui est devenu presque une part de lui. Il apprécie le calme de sa vie et une simple visite chez le coiffeur est un événement notoire. Toutefois, plusieurs aventures bouleversent son quotidien, au point de le faire rêver d’aller en Afrique.
L’éditeur annonce un « petit chef d’œuvre d’humour et de fantaisie ». On passera sur le galvaudé « chef d’œuvre » (même petit… d’ailleurs, un chef d’œuvre peut-il être petit ? Vous avez quatre heures) pour se contenter d’une belle promesse de légèreté, bien agréable par les temps qui courent.

Les ouvertures, d’Antonio Moresco
(traduit de l’italien par Laurent Lombard)

Trois étapes de la vie du narrateur – les années du séminaire, celles de l’activisme politique et celles du début de ses ambitions littéraires -, trois instantanés de l’histoire contemporaine : les années 1950 à 1960, les années 1970 et les années 1980 et 1990.
À première vue, avec ses 704 pages et son sujet aussi ambitieux que sérieux, ce ne devrait pas être le livre le plus abordable du grand romancier italien, révélé en France il y a sept ans par La Petite lumière (qui sort en poche en septembre).

D’oncle, de Rebecca Gisler

À la faveur d’un séjour chez son oncle, la narratrice entreprend une étude systématique de ce drôle de bout d’homme à l’hygiène douteuse, aux manies bizarres, à la santé défaillante, aux proportions anormales, définitivement trop petit, trop gros et trop boiteux pour ce monde.
L’occasion de sonder par extension l’histoire de toute une famille, aussi bizarre et biscornue que n’importe quelle famille… ou peut-être un peu plus que les autres tout de même.
Premier roman.


BILAN


Lecture en cours :
Mahmoud ou la montée des eaux, d’Antoine Wauters

Lecture potentielle :
Monsieur Faustini part en voyage, de Wolfgang Hermann

Lecture hypothétique :
D’oncle, de Rebecca Gisler


À première vue : la rentrée Stock 2021


Intérêt global :


Pas toujours facile pour moi de distinguer le bon grain de l’ivraie dans les programmes de rentrée des éditions Stock (et c’est valable pour le reste de l’année, du reste). De temps en temps, un auteur, un propos, une approche me séduisent. Mais la plupart du temps, je trouve leurs propositions très éloignées de mes goûts et de ma conception de la littérature – et je le dis fort poliment.
2021 n’échappe pas à cette règle personnelle, ne me laissant m’accrocher qu’à deux espoirs (dont un très fort) au milieu d’un océan de désintérêt, voire d’agacement majeur. Vous me direz, deux sur onze, c’est déjà ça.
Mais onze titres, quoi…


La Félicité du loup, de Paolo Cognetti
(traduit de l’italien par Anita Rochedy)

Voici mon plus bel espoir du programme, hérité des merveilleuses sensations éprouvées à la lecture des Huit montagnes en 2017. Si les livres suivants de Cognetti, plus proches du récit de voyage, m’ont plu, je n’y ai pas retrouvé la force et la pureté cueillies dans ce roman extraordinaire.
L’attente est donc forte pour La Félicité du loup, mêlée d’un peu de prudence tout de même car, à première vue, ce nouveau texte paraît une sorte de cousin du précédent, déclinant sous forme d’histoire d’amour ce que Huit montagnes offrait à la littérature d’amitié.
On y assiste à la rencontre entre Fausto, écrivain de quarante ans, et Silvia, artiste-peintre de vingt-sept ans, dans la station de ski de Fontana Fredda (à nouveau au cœur du Val d’Aoste), où ils travaillent tous deux dans le même restaurant. La saison d’hiver les voit se rapprocher et céder l’un à l’autre, sans promesse d’avenir.
Le printemps les sépare, elle monte vers les hauteurs tandis que lui retourne en ville pour gérer son quotidien morose, dont son divorce. Mais l’appel des montagnes et la force d’attraction de Silvia le ramènent très vite en direction des montagnes…

Les vies de Jacob, de Christophe Boltanski

Un projet mêlant littérature et vraie vie, comme je les aime quand ils sont bien faits, évidemment. Christophe Boltanski s’est déjà brillamment illustré dans ce registre avec son premier roman, La Cache, inspiré de sa famille.
Cette fois, il part en quête d’un parfait inconnu. Un homme dont Boltanski découvre, en chinant aux puces, un album contenant 369 photomatons pris entre 1973 et 1974. Au dos des clichés, présentant l’homme sous différentes facettes et avec différents visages, des adresses du monde entier ajoutent encore au mystère.
Le romancier se lance alors dans une vaste quête aux quatre coins du globe pour reconstituer l’histoire et le parcours du fameux Jacob B’rebi.

Artifices, de Claire Berest

Depuis sa suspension, Abel Bac, un policier parisien, vit reclus. Des événements étranges survenus dans des musées, semblant tous le concerner, l’obligent à rompre son isolement.
Aidé de sa voisine Elsa et de sa collègue Camille Pierrat, il mène une enquête qui le conduit à s’intéresser à l’artiste internationale Mila.
Après deux romans inspirés de personnages réels (Gabriële, co-écrit avec sa sœur Anne sur son arrière-grand-mère, femme de Francis Picabia, et Rien n’est noir, Grand Prix des Lectrices de Elle consacré à Frida Kahlo et Diego Rivera), Claire Berest renoue avec le roman purement fictionnel, en fonçant droit dans le mystérieux, tout en tournant encore autour du monde de l’art.


Saint-Phalle : Monter en enfance, de Gwenaëlle Aubry
Restons du côté des artistes, avec ce récit littéraire traçant le portrait de Niki de Saint-Phalle, depuis son enfance saccagée (violée par son père à onze ans, maltraitée par sa mère) jusqu’à son accomplissement d’artiste, nourri de rage et de volonté de revanche.

Son fils, de Justine Lévy
De l’art toujours, par la bande, puisque Justine Lévy imagine le journal intime de la mère d’Antonin Artaud. Une manière d’aborder de biais le parcours de cet artiste hors normes, écrivain, poète, acteur, dessinateur, illuminé et rongé par la folie.

Le Candidat idéal, d’Ondine Millot
Le jeudi 29 octobre 2015, officiant alors à Libération, Ondine Millot se trouve au tribunal de Melun lorsque l’avocat Joseph Scipilliti tente d’assassiner le bâtonnier Henrique Vannier, le blessant gravement de deux balles avant de retourner l’arme contre lui et de se donner la mort. Plutôt que de réagir à chaud, la journaliste prend le temps de mener une longue enquête pour comprendre le cheminement ayant conduit à ce fait divers tragique.

Bellissima, de Simonetta Greggio
La romancière poursuit son « autobiographie de l’Italie », mettant en parallèle l’histoire de sa famille et celle de son pays, dans la continuité de son travail entamé avec Dolce Vita 1959-1979 et Les Nouveaux Monstres 1978-2014.

S’adapter, de Clara Dupont-Monod
Dans les Cévennes, l’équilibre d’une famille est bouleversé par la naissance d’un enfant handicapé. Si l’aîné de la fratrie s’attache profondément à ce frère différent et fragile, la cadette se révolte et le rejette.

Le Garçon de mon père, d’Emmanuelle Lambert
L’auteure raconte son père, mort d’un cancer en septembre 2019. Selon l’éditeur, c’est évidemment « un livre de vie », parce que sinon ça ferait peur et ça serait sinistre. Ah oui, la question du livre serait aussi : Papa aurait-il préféré avoir un garçon plutôt qu’une fille ? D’où le titre.
Je vous laisse vous dépatouiller avec ça, j’ai pour ma part mieux à faire.

La Maison des solitudes, de Constance Rivière
Dans le même genre, voici l’histoire d’une jeune femme empêchée d’aller retrouver sa grand-mère mourante à l’hôpital. L’occasion d’opposer à cette douleur la mémoire des moments heureux dans la Maison, le repaire du bonheur familial. Sauf que Maman ne partage pas cette vision idyllique des choses, et refuse de retourner dans la dite Maison.
Voilà qui promet de chouettes réunions de famille à Noël.

Les routiers sont sympas : essais 2000-2020, de Rachel Kushner
(traduit de l’anglais (États-Unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson)

Un recueil de 19 textes relevant de plusieurs genres tels que le journalisme, les mémoires ainsi que la critique littéraire et artistique. L’auteure évoque notamment un camp de réfugiés palestiniens et une course de moto illégale dans la péninsule de Baja en 1970, alors que d’importantes grèves ont lieu dans les usines Fiat.


BILAN


Lecture certaine :
La Félicité du loup, de Paolo Cognetti

Lecture probable :
Les vies de Jacob, de Christophe Boltanski


À première vue : la rentrée Sous-Sol 2021


Intérêt global :


Voilà un éditeur dont je lis régulièrement des parutions, notamment en récit de voyage, grand reportage ou témoignage – ce que les Américains, maîtres du genre, appellent « narrative non-fiction », et que les éditions du Sous-Sol ont beaucoup publié. On retrouve notamment chez eux David Grann, Deborah Levy, Maggie Nelson, ou les textes fondateurs de Joseph Mitchell, Nellie Bly et Gay Talese.
Néanmoins, le travail de cette petite maison adossée au Seuil et dirigée par Adrien Bosc ne se limite pas à cette chambre littéraire, puisqu’elle publie aussi de la fiction, souvent audacieuse voire d’avant-garde, à la manière de Ben Marcus, Mordecai Richler ou, plus récemment et avec un certain succès,
La Trajectoire des confettis de Marie-Eve Thuot.
Les trois titres qui composent le programme de rentrée littéraire des éditions du Sous-Sol résument parfaitement ces différentes tendances à l’œuvre dans la maison, et proposent des escapades prometteuses en singularité.


Notre part de nuit, de Mariana Enriquez
(traduit de l’espagnol par Anne Plantagenet)

Gaspar, un petit garçon dont la mère a disparu dans des circonstances étranges, a hérité d’un don qui le destine, comme son père, à faire office de médium pour une obscure société secrète dont l’objectif est de percer les secrets de la vie éternelle. Ensemble, Gaspar et son père prennent la route, traversant le Londres psychédélique des années 1970 et l’Argentine des années 1980 sous la dictature.
768 pages pour ce roman sûrement pas tous terrains, mais dont l’originalité et la richesse du propos pourraient offrir l’une de ces offres radicalement différentes dont on a besoin dans une rentrée littéraire.

Le Secret de Joe Gould, de Joseph Mitchell
(traduit de l’anglais (États-Unis) par Sabine Porte)

Portrait de Joe Gould (1889-1957), marginal et figure de Greenwich Village dans la première moitié du XXe siècle. Personnage radical et poignant qui se dit l’auteur du plus long manuscrit jamais écrit (dont on n’a jamais retrouvé la trace), il fascine le journaliste du New Yorker qui le rencontre en 1942 et lui consacre ce livre paru en 1964.
Réédition d’un texte déjà publié deux fois en France, chez Autrement et Calmann-Lévy.

La Semaine perpétuelle, de Laura Vazquez

Le père rêve d’une éponge qui lave le passé. La mère est partie, il dit qu’elle n’existe plus.
Sorti du monde, le fils poste des vidéos sur Internet et il écrit des poèmes. La fille ne supporte pas la réalité trop proche et toutes ces personnes qui avancent avec leurs millions de détails.
La grand-mère entend les clignements et les soupirs de chaque moustique.
Tout ce qui leur arrive est dans l’ordre du monde.
Premier roman de Laura Vazquez, qui porte la marque de son œuvre de poétesse, ce livre se distingue, selon son éditeur, par une « écriture animiste, où toutes les choses du monde peuvent parler – où le monde est possédé. »
Bref, sûrement pas tout public non plus, mais les amateurs de style singulier devraient s’y intéresser.


BILAN


Lectures potentielles :
Notre part de nuit, de Mariana Enriquez
Le Secret de Joe Gould, de Joseph Mitchell


À première vue : la rentrée Sabine Wespieser 2021


Intérêt global :


La vie est un combat perpétuel dont on n’est jamais certain de sortir vainqueur. Tel pourrait être le résumé, un peu rapide certes, de la rentrée littéraire 2021 des éditions Sabine Wespieser. Des violences dont sont encore et toujours victimes les Noirs aux États-Unis à celles qui menacent d’embraser Belfast durant l’été 2014, en passant par la difficulté d’être femme, les trois romans du programme scrutent le monde avec sérieux et placent haut la barre de l’exigence.


Milwaukee Blues, de Louis-Philippe Dalembert

La mort traumatisante de George Floyd n’en finit pas, et c’est compréhensible, de provoquer stupeur, questionnements et profondes remises en question.
Elle inspire à Louis-Philippe Dalembert ce nouveau roman, qui débute par le décès brutal d’Emmett, un jeune homme noir asphyxié sous le genou d’un policier insensible à ses appels de détresse. Mais comment raconter le cheminement qui a conduit ce garçon sans histoire à une mort aussi atroce ?
L’écrivain choisit de reconstituer le portrait d’Emmett sous forme de puzzle, en convoquant tour à tour les voix de tous ceux qui l’ont côtoyé : son institutrice, ses amis les plus proches, mais aussi son entraîneur de football, son ex-femme ou sa mère. Une manière de remettre l’humain au cœur du fait divers, pour en chasser le sensationnalisme et essayer de saisir au mieux l’humain qui continue à vibrer dans une histoire aussi dramatique.

Sages femmes, de Marie Richeux

Parcours de combattantes.
Marie, la narratrice, décide de conjurer d’étranges rêves de chevaux fous et la question obsédante que lui pose sa fille – « Elle est où, la maman ? » en remontant le fil généalogique féminin de sa famille. Elle démêle l’écheveau de son héritage familial, cherchant à en savoir plus sur ses aïeules qui, sur plusieurs générations, depuis le milieu du XIXe siècle, ont accouché de filles sans être mariées et subsisté grâce à des travaux d’aiguille.
Interrogeant ses tantes, sa mère, fouillant les archives, elle remonte le fil de sa lignée, racontant l’histoire sociale des filles-mères.

Les lanceurs de feu, de Jan Carson
(traduit de l’anglais (Irlande) par Dominique Goy-Blanquet)

Belfast, 2014. C’est l’été des Grands Feux. Bien avant les feux de joie traditionnellement élevés à l’occasion de la grande parade orangiste du 12 juillet, de gigantesques foyers illuminent la ville cette année-là, malgré l’interdiction formelle des autorités.
Dans ce climat de forte tension où la fureur n’est jamais loin de s’embraser, deux pères de famille que rien ne lie s’interrogent en miroir sur le risque de transmettre à leurs enfants le germe de la violence que chacun croit porter en lui à sa manière.


À première vue : la rentrée Seuil 2021


Intérêt global :


Loin des enflammades éditoriales de leurs illustres « gros » confrères que sont Gallimard, Grasset ou Flammarion, les éditions du Seuil ont opté cette année pour une rentrée plus ramassée que d’habitude : sept titres seulement (contre onze l’année dernière). Un effort notable, qui va de pair avec un programme gagnant en clarté.
Dans tout ceci, je mettrai une grosse pièce sur le nouveau roman de David Diop (notamment dans la perspective des prix littéraires), ainsi que sur un véritable objet de curiosité venu tout droit d’Allemagne – qui pourrait s’avérer aussi bien un bijou rutilant qu’une insupportable baudruche à dégonfler de toute urgence…


La Porte du voyage sans retour, de David Diop (lu)

Avant même la parution de ce nouveau livre, 2021 est déjà l’année David Diop. En effet, son précédent, Frère d’âme (Prix Goncourt des Lycéens 2018 et beau succès de librairie), vient tout juste d’être distingué de l’International Booker Prize – une première pour un auteur français.
Dans ce contexte favorable, La Porte du voyage sans retour pourrait constituer une consécration quasi définitive – d’autant que ce roman a tout ce qu’il faut pour séduire un public aussi large qu’exigeant. David Diop s’y inspire de la vie de Michel Adanson, naturaliste et botaniste du XVIIIème siècle qui, à sa mort, lègue à sa fille Aglaé une série de carnets relatant un voyage qu’il accomplit au Sénégal en 1750. Là, non seulement il découvre que les Noirs ne sont en rien inférieurs aux colons blancs, mais il se lance également sur les traces d’une mystérieuse jeune femme qui, sans doute kidnappée et promise à l’esclavage, aurait réussi à échapper à ses bourreaux pour trouver refuge aux confins du pays.
Documenté avec élégance et sans ostentation, et porté par une plume dont le classicisme n’a jamais rien de suranné, ce roman mêle le souffle de l’aventure et de l’exploration à de multiples niveaux de lecture, entre récit de transmission filiale, quête amoureuse, fascination pour la force des histoires et des contes, le tout porté par un humanisme réconfortant.

Le Grand rire des hommes assis au bord du monde, de Philipp Weiss
(traduit de l’allemand par Olivier Mannoni)

Ces derniers temps, les éditions du Seuil aiment relever des défis éditoriaux hors normes. L’année dernière, c’était Les lionnes, effrayant pavé de 1152 pages constitué d’une seule et même phrase. Cette année, il s’agit à nouveau d’un roman dépassant les mille pages, mais réparties cette fois en cinq volumes, dont un… de bande dessinée – de manga, pour être précis.
Tout est fait pour épater dans ce projet extraordinaire. Chaque volume propose un type d’approche littéraire différente. On y trouve une tentative d’autobiographie d’une femme sous forme d’encyclopédie, un récit intimiste d’un jeune homme amoureux au Japon pendant le tremblement de terre de 2011, des carnets de notes d’une scientifique remettant en cause la théorie de l’évolution, et la transcription des enregistrements audio d’un petit garçon survivant du tsunami de Fukushima. Et donc, un manga mettant en scène une jeune femme dans un Tokyo virtualisé.
Est-ce que le tout fonctionnera ? Difficile à dire, d’autant que les libraires n’ont pu avoir accès qu’à quelques extraits de chaque volume – chacun pouvant, par ailleurs, être lu dans l’ordre que l’on veut. Mais c’est une proposition suffisamment dingue pour avoir envie de se pencher un peu plus dessus.

Fenua, de Patrick Deville (vu)

Fenua signifie « territoire », « terre », « pays » (ou souvent « île ») en tahitien. Par extension, c’est le nom que l’on donne à l’archipel comprenant Tahiti et les îles avoisinantes. Et c’est donc le nouveau sujet de Patrick Deville, qui s’est fait une spécialité de transformer lieux ou personnages réels en objets de curiosité littéraire.
Comme toujours avec lui, Fenua est à la fois une invitation au voyage, une exploration géographique, un parcours historique et un hommage à tous ceux, voyageurs et écrivains, qui l’ont inspiré, au fil de chapitres juxtaposés comme autant de rêveries et d’abandons à l’aventure.

Rêver debout, de Lydie Salvayre (vu)

La romancière adresse quinze lettres pleines de verve, d’ironie et de passion à Cervantes, dans une défense enflammée de son célèbre héros, le chevalier universel, Don Quichotte, pour lequel elle souhaite une pleine et entière réhabilitation.
Lu une quarantaine de pages que j’ai trouvées amusantes et souvent pertinentes, dans lesquelles transparaît bien sûr la profonde admiration de Lydie Salvayre pour le romancier espagnol et pour son œuvre.


Farouches, de Fanny Taillandier
Depuis la villa de Jean et Baya, la Méditerranée scintillante donne à penser que tout est paisible. Mais à l’approche du solstice, la colline où habite le couple est bientôt parcourue de diffuses menaces, à peine perceptibles mais bien réelles : d’invisibles sangliers saccagent les jardins; des règlements de comptes entre bandes rivales défraient la chronique de Liguria, la ville la plus proche ; une inconnue habite depuis peu la maison longtemps restée vide près de la falaise…

La Dame couchée, de Sandra Vanbremeersch
La dame du titre, c’est Lucette Destouches, dont l’auteure a été l’assistante de vie durant presque vingt ans, jusqu’à sa mort en 2019. Une expérience aux premières loges de celle qui était la veuve de Louis-Ferdinand Céline, et qui vécut en autarcie, comme à l’écart du monde dont elle laissait néanmoins entrer quelques proches et animaux de compagnie.

Les filles de Monroe, d’Antoine Volodine
Dans une vaste cité psychiatrique où cohabitent malades, infirmiers et policiers, vivants et morts, l’ordre établi est remis en cause par un afflux de guerrières envoyées par Monroe, un dissident exécuté des années plus tôt. Breton et son acolyte sont chargés d’identifier les revenantes à l’aide d’une lunette spéciale.


BILAN


Déjà lu (et approuvé) :
La Porte du voyage sans retour, de David Diop

Lecture probable :
Le Grand rire des hommes assis au bord du monde, de Philipp Weiss

Lectures parcourues (et ça ira comme ça) :
Fenua, de Patrick Deville
Rêver debout, de Lydie Salvayre


À première vue : la rentrée Rouergue 2021


Intérêt global :


Du côté du Rouergue, la rentrée littéraire 2021 est l’occasion de s’interroger sur la famille. Frère, mère, père, enfant, à tous les âges de la vie, dans toutes les situations, les deux auteurs en lice sous la bannière de la collection La Brune questionnent les liens qui constituent (ou pas) le socle d’une existence humaine.


Revenir fils, de Christophe Perruchas
Remarqué l’année dernière avec Sept gingembres, son premier roman, Christophe Perruchas revient avec un deuxième livre mettant en scène une mère et son fils, restés seuls depuis la mort du père. Tandis que le garçon, à quatorze ans, se concentre sur son avancée dans la vie, sa mère se replie sur les souvenirs débordants de son premier enfant, emporté par la mort subite du nourrisson, et au creux d’un bazar grandissant, caractéristique du syndrome de Diogène.
Vingt ans plus tard, devenu père à son tour, le garçon se confronte plus que jamais à la folie qui lui a volé sa mère de son vivant.

Zone blanche, de Jocelyn Bonnerave
C’est le troisième roman de Jocelyn Bonnerave, mais le premier au Rouergue. Il y raconte la quête de Maxime, un musicien célèbre qui a coupé les ponts avec sa famille mais qui décide tout de même de partir à la recherche de son frère cadet, après que celui-ci a disparu d’une ZAD pendant une descente de police.
Ce qu’il pensait n’être qu’une parenthèse dans son existence pleine de succès et d’équilibre, devient pour Maxime une plongée dans un monde turbulent dont il ignorait l’existence et le sens.


À première vue : la rentrée Robert Laffont 2021


Intérêt global :


L’année dernière, j’avais cru déceler plusieurs jolies promesses dans le programme de rentrée des éditions Robert Laffont. Finalement, je n’avais eu le temps de n’en lire qu’un, qui s’était avéré une grosse déception.
Je ne vais donc pas me mouiller cette année, d’autant qu’à première vue, il n’y pas grand-chose dans cette affiche 2021 (pourtant « riche » de sept titres) qui soit susceptible de me détourner de mes déjà nombreuses envies de lecture chez la concurrence.
À un moment, il faut bien faire des choix. Et là, je l’avoue, c’est assez facile.


Châteaux de sable, de Louis-Henri de la Rochefoucauld
Un jeune père de famille un peu paumé, héritier de la noblesse d’épée sans aucune conviction royaliste, il finit par trouver un point d’accroche en s’intéressant à la Révolution française. Et voilà-t-y pas que Louis XVI en personne lui apparaît ! Notre héros s’imagine alors un but tout neuf dans la vie : prendre fait et cause pour le roi guillotiné et lui offrir, enfin, la défense qu’il aurait mérité à son époque…
(Comme quoi, la drogue peut faire des ravages dans toutes les strates de la société.)

Ce qui manque à un clochard, de Nicolas Diat
Mémoires romancées d’un homme bien réel, Marcel Bascoulard, né en 1913 et mort assassiné en 1978, dessinateur de génie et homme excentrique qui vivait dans son camion, ancien paysan devenu travesti, sauvage et misanthrope.

Une certaine raison de vivre, de Philippe Torreton
Le comédien poursuit son œuvre littéraire souvent couronnée de beaux succès publics. Il relate cette fois le retour à la vie civile d’un soldat de 14-18, indemne physiquement mais dévasté intérieurement, qui tente de se raccrocher à son emploi et surtout à son amour pour Alice pour croire qu’une existence ordinaire reste possible.
Un thème qui rappelle un peu Capitaine Conan, film de Bertrand Tavernier dont Torreton était la tête d’affiche.

Le Fils du pêcheur, de Sacha Sperling
Le narrateur s’appelle Sacha. (Ah, tiens.) Il est écrivain, mais là il n’écrit pas. (Oh ben ça.) Il est dévasté par l’échec de sa relation amoureuse avec Mona. (Aïe.) Mais voici qu’il rencontre Léo. (Oh.) Grande passion, qui dure sept mois. Pas plus, parce que Sacha est du genre à tout gâcher et tout détruire. (L’artiste maudit, tout ça tout ça.) C’est moche, mais ça donne de la matière pour écrire des livres.
(Qu’on n’est pas obligé de lire.)

Le Cri de la cigogne, de Jean-Charles Chapuzet
C’est l’un des deux titres qui inaugurent L’Incendie, nouvelle collection de littérature dirigée par Glenn Tavennec. Inspiré d’une histoire vraie, ce roman se déroule à Olaszhalom, un village hongrois. 1500 habitants, une station-service, des cigognes, trois églises, les ruines d’une synagogue. Et, en contrebas de la route principale, une rivière dans laquelle chahutent des dizaines de Tsiganes. Une voiture transportant un professeur d’histoire et ses deux enfants passe par là. Une fille surgit devant le véhicule. C’est la porte ouverte à toutes les haines qui tiraillent le pays.

Six pieds sur terre, d’Antoine Dole
Deuxième titre de la collection L’Incendie. Histoire d’amour boiteuse entre deux trentenaires qui s’aiment sans réussir à être heureux. Camille annonce alors qu’elle veut un enfant, ce qui pousse Jérémy à s’interroger sans détour sur le sens qu’il donne à sa propre vie, et sur sa peine à trouver sa place.

Au nom des miens, de Nina Wähä
(traduit du suédois par Anna Postel)

En suédois, Toimi signifie « fonctionnel ». Drôle de nom, donc, pour une famille qui est tout sauf fonctionnelle. Surtout à cause du père, pervers et violent. Alors que Noël approche et que les onze enfants sont appelés à se réunir chez leurs parents, le moment semble venu de mettre fin au mal.


À première vue : la rentrée Rivages 2021


Intérêt global :


Après une rentrée 2020 minimaliste de deux titres, Rivages aborde 2021 avec une équipe élargie de cinq auteurs (trois français et deux étrangers) qui feront la part belle au spectaculaire, aux passions et à l’inattendu.
Une offre assez exigeante à première vue, dont toute tiédeur semble en tout cas exclue, ce qui donne envie de tenter quelques paris de lecture.


Bangkok Déluge, de Pitchaya Sudbanthad
traduit de l’anglais (Thaïlande) par Bernard Turle)


Ce premier roman thaïlandais fait de Bangkok le personnage central d’une histoire couvrant deux siècles, du XIXème synonyme de grandes découvertes et de profondes mutations à des années 2070 balayées de désastres climatiques. Pour incarner ce récit ambitieux, l’auteur choisit comme pivot une maison hantée, et une dizaine de personnages-témoins qui gravitent autour.
Grosse curiosité pour ce résumé étonnant.

Plasmas, de Céline Minard

Céline Minard n’est jamais avare en ambition ni en invention, elle qui se fait une règle de changer radicalement de genre, de style et d’approche littéraire à chaque livre – au risque, parfois, de perdre son lecteur.
Ce nouveau roman promet d’atteindre des sommets de curiosité et d’étrangeté, en convoquant pêle-mêle un monstre génétique créé dans une écurie sibérienne, un parallélépipède d’aluminium qui tombe des étoiles et du futur à travers un couloir du temps, des acrobates qui effectuent des mesures sensorielles et la manière dont sera conservée la mémoire de la Terre après son extinction. Le tout en 160 pages.
Ça va déménager – et provoquer sans aucun doute des avis tranchés.


L’Agneau des neiges, de Dimitri Bortnikov
Au nord de la Russie, au bord de la mer Blanche, Maria, une jeune infirme née au lendemain de la révolution russe, s’illustre par son courage. Ballotée de région en région, elle est confrontée à la perte de ses proches et se retrouve à Leningrad face aux forces nazies. Elle met tout en œuvre pour sauver de la famine et de la mort douze jeunes orphelins.

Souvenirs du rivage des morts, de Michaël Prazan
M. Mizuno est un vieil homme doux et affectueux qui cache un lourd passé. De son vrai nom Yasukazu Sanso, il est étudiant dans les années 1960 quand il est recruté comme opérationnel de l’Armée rouge japonaise. Il participe à des massacres et des purges d’une rare violence avant de rejoindre les terroristes internationalistes dans des camps palestiniens du Liban.

Quelques indélicatesses du destin, de Laura Morante
(traduit de l’italien par Hélène Frappat)

Sur les petites et grandes trahisons de la vie, pas juste des histoires mais plusieurs fois « toute une histoire » que se font les personnages de Laura Morante face aux instants qui basculent, aux engrenages détraqués qui s’ébranlent, inexorables, vers les extrémités de l’absurde. Humour vachard, poésie inattendue, ambiguïté rouée, des contes cruels dépourvus de morale qui capturent l’étreinte du doute, le frisson de la précision, le vertige des conséquences.


BILAN


Lectures probables :
Bangkok Déluge, de Pitchaya Sudbanthad
Plasmas, de Céline Minard

Lecture potentielle :
L’Agneau des neiges, de Dimitri Bornikov


À première vue : la rentrée Plon 2021


Intérêt global :


Je ne vais toujours pas vous mentir, je n’ai pas tellement progressé dans ma connaissance du catalogue des éditions Plon depuis l’année dernière. Ni dans ma volonté de m’y intéresser. Et ce n’est pas leur programme pléthorique (exclusivement francophone) de cette année qui risque de me faire changer d’avis. Huit titres pour une maison de cette dimension, c’est très excessif, même s’il y a trois premiers romans parmi eux.
Néanmoins, la politesse m’oblige pour ainsi dire à leur laisser une place ici – car vous avez le droit, vous, d’être amateurs ou curieux de leur travail. Mais je vais faire simple, si vous me le permettez.


La Riposte, de Jean-François Hardy
Dans un Paris désagrégé par la crise écologique, la misère, la violence d’État, la canicule et la maladie, un mystérieux mouvement prônant la révolution, Absolum, gagne du terrain. Dans ce chaos, Jonas, infirmier à domicile désabusé de 37 ans, s’apprête comme beaucoup d’autres à fuir vers le Nord, en quête d’une vie meilleure. Premier roman.

Mourir au monde, de Claire Conruyt
Sœur Anne ne s’est jamais vraiment adaptée au quotidien du couvent où elle vit pourtant depuis vingt ans. L’arrivée de Jeanne, une jeune postulante dont elle a la charge, réveille en elle des sentiments oubliés. Très vite, la relation entre les deux femmes dépasse le cadre de la formation de la novice et sœur Anne entrevoit la possibilité de se retrouver elle-même. Premier roman.

L’Unique goutte de sang, d’Arnaud Rozan
Sidney quitte son Tennessee natal pour Chicago, où il se lie d’amitié avec Turner, un garçon errant irlandais, tandis que les émeutes de l’été 1919 embrasent le quartier noir de South Side. Il suit cet être révolté contre les siens dans un périple qui le mène de l’Arkansas à Manhattan. Ce voyage les confronte à la mort et les rapproche chaque jour du cœur de Harlem. Premier roman.

Berlin Requiem, de Xavier-Marie Bonnot
En 1934, quand Hitler accède au pouvoir et que le nazisme s’impose en Allemagne, Wilhelm Furtwängler, l’un des plus grands chefs d’orchestre allemands, refusant de choisir entre son art et son pays, se soumet au IIIe Reich. Rodolphe Bruckman, fils d’une célèbre cantatrice, qui rêve de diriger un jour l’Orchestre philharmonique de Berlin, observe les événements avec son regard de jeune garçon.

Le Syndrome de Beyrouth, d’Alexandre Najjar
Confinée dans un hôtel à Saint-Malo, Amira Mitri, ancienne combattante devenue reporter au quotidien libanais An-Nahar, se remémore les vingt ans qui se sont écoulés de son retour au Liban en l’an 2000 à l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020. Durant cet intervalle, bien des événements ont secoué son pays et sa vie amoureuse a connu de multiples rebondissements.

907 fois Camille, de Julien Dufresne-Lamy
L’histoire de Camille, fille de Dominique Alderweireld, alias Dodo la Saumure, proxénète. Composant avec l’absence de ce dernier, elle grandit et construit son identité de femme moderne et indépendante qui cherche à donner un sens aux non-dits de son histoire familiale.

La Nuit des aventuriers, de Nicolas Chaudun
Le roman vrai d’un coup d’État presque parfait. Si la conjuration du 2 décembre 1851 a si bien réussi, c’est qu’elle apparaissait inéluctable à ses contemporains ; elle scellait la faillite manifeste des élites. En relatant cet événement historique majeur du XIXème siècle, Nicolas Chaudun tente bien évidemment de tisser un lien avec la situation politique actuelle.

Ma mère avait ce geste, d’Alain Rémond
Alain Rémond poursuit son œuvre autobiographique et livre un récit intime et universel sur l’amour inconditionnel qu’il porte à sa mère. Livre après livre, il retrouve le paradis perdu de son enfance en Bretagne.


À première vue : la rentrée P.O.L. 2021


Intérêt global :


Quitte ou double P.O.L., épisode 2021.
Comme je le disais l’année dernière, pour cette maison d’édition dotée d’une ligne forte et exigeante, soit le programme de rentrée me passionne, soit il me laisse indifférent ou me hérisse. L’année dernière, j’avais eu une bonne surprise grâce à Lise Charles (
La Demoiselle à cœur ouvert, qui n’a certes pas marqué les esprits), et c’était tout.
Cette année, pas de folie non plus en vue, et plutôt des motifs d’agacement prononcé – même si deux romancières habituées du catalogue pourraient m’attirer dans leurs filets.


Ce que c’est qu’une existence, de Christine Montalbetti

Raconter, en une seule journée, plusieurs existences liées entre elles de près ou de loin. Voici le défi que se lance Christine Montalbetti (qui apparaît elle-même comme personnage) dans ce roman choral dont l’ambition est de raconter comment nous vivons tous au même moment des vies si différentes les unes des autres.
Un beau projet (qui rappelle un peu sur le papier celui de Laurent Mauvignier dans Autour du monde), que la fantaisie et l’empathie de l’auteure pourraient sublimer.

Hors gel, d’Emmanuelle Salasc

Durant des années, Emmanuelle Salasc a signé ses livres sous le pseudonyme de Pagano. Elle reprend son véritable nom pour ce nouveau roman, toujours chez P.O.L., campé en 2056.
L’écologie politique a pris le pouvoir et impose un respect drastique de la nature, désormais traitée avec un respect proche de la dévotion et placée sous haute surveillance. Dans une vallée de montagne, un village se retrouve sous la menace du glacier qui le surplombe, et qu’une poche d’eau menace de rompre, ravivant le souvenir d’une tragédie similaire, 150 ans plus tôt.
Au même moment, Lucie retrouve Clémence, sa sœur jumelle disparue depuis des années, qui lui demande de la cacher car elle serait poursuivi par un redoutable réseau de prostitution et de trafiquants de drogue.

Rabalaïre, d’Alain Guiraudie

Rabalaïre, en occitan, désigne une personne qui n’est jamais chez elle, « un mec qui va à droite, à gauche, un homme qui aime bien aller chez les gens ». Ici, le rabalaïre, c’est Jacques, chômeur, passionné de vélo, solitaire mais d’une humanité à toute épreuve, et qui, entre Clermont-Ferrand, les monts d’Auvergne et l’Aveyron, va connaître, plus ou moins malgré lui, toute une série d’aventures rocambolesques, mystérieuses, voire criminelles.
Le cinéaste Alain Guiraudie balance une pavasse de 1000 pages apparemment remplies d’aventure, de folie, de drogue et de sexe (forcément, c’est Guiraudie). Le truc imbitable façon P.O.L. (il y en a, c’est une composante constante du catalogue) qui fera friser d’orgasme une poignée d’admirateurs en rut, et laissera indifférent la grande majorité des lecteurs.


Mausolée, de Louise Chennevière
La narratrice, une jeune femme indépendante et soucieuse de sa liberté, se retrouve pourtant prise au piège d’une passion ardente et d’une rupture qui la fait durement souffrir. Ressassant une nuit entière ses souvenirs de manière obsessionnelle, elle éprouve l’absence jusqu’à son point limite et prend la plume pour pallier le manque, l’accepter et enterrer cette histoire dans un mausolée de mots.
220 pages dont j’aurai le bonheur de m’épargner la lecture.

Le Premier exil, de Santiago H. Amigorena
À Buenos Aires, au milieu des années 1960, Zeide, l’arrière-grand-père maternel de l’auteur, un Juif originaire de Kiev, décède. Mais la famille du narrateur a fui l’Argentine pour l’Uruguay afin d’échapper à la dictature, après le coup d’État militaire du général Juan Carlos Ongania en 1968. Un roman qui décrit l’enfance de S.H. Amigorena tout en dressant le portrait d’un continent blessé.
L’œuvre largement autobiographique d’Amigorena, qui a ses irréductibles fans, n’a jamais réussi à m’intéresser. Je passe, donc.

Pas dormir, de Marie Darrieussecq
Marie Darrieussecq souffre d’insomnie depuis des années.
Ça explique sans doute beaucoup de choses.


BILAN


Lecture probable :
Ce que c’est qu’une existence, de Christine Montalbetti

Lecture potentielle :
Hors gel, d’Emmanuelle Salasc


À première vue : la rentrée Passage 2021


Intérêt global :


Deux titres l’année dernière, deux titres cette année : le Passage ne déroge pas à sa règle de parcimonie, conforme à la taille modeste de cette maison dont le catalogue sérieux, à défaut souvent d’être percutant ou original, réserve à l’occasion quelques jolies surprises.
Les deux invités de la rentrée 2021, déjà publiés par l’éditeur, convoquent aventure et Histoire, dans un mélange qui a fait ses preuves sous la griffe du Passage.


Là où naissent les prophètes, d’Olivier Rogez
C’est le troisième roman du journaliste Olivier Rogez qui, pour son travail, a navigué à travers le monde durant de nombreuses années, en particulier en Russie et en Afrique. Cette expérience a sans doute nourri l’intrigue de ce livre qui se déroule entre le Libéria et le Nigéria, aux côtés d’un pasteur capable de voir des anges et d’une évangéliste américaine qui l’invite à prendre place dans une caravane d’évangélisation. Ce périple entre faux dévots, fondamentalistes et criminels va amener le pasteur à se questionner en profondeur sur la foi sincère.

Le Jeune homme au bras fantôme, d’Hélène Bonafous-Murat
Paris, 1834. Orphelin à la suite de l’attaque qui a coûté la vie à son père et qui lui a valu de perdre son bras, Charles Hû n’attend pas grand chose de la vie. C’est sans compter sur l’aide d’un horloger qui l’équipe d’une prothèse. Devenu rédacteur pour un entrepreneur peu scrupuleux, il est déterminé à se faire une place, s’impliquant de plus en plus dans les affaires de son patron.


À première vue : la rentrée de la Peuplade 2021


Intérêt global :


C’est l’une des plus jolies découvertes éditoriales en France de ces dernières années, bien que la Peuplade existe depuis 2006. Mais il a fallu de nombreuses années pour que cette maison québécoise inscrive son catalogue chez un distributeur français d’envergure et rencontre enfin un public plus large chez nous – à commencer par de nombreux libraires, qui tombent amoureux de leur ligne atypique, nimbée de mystère, d’étrangeté parfois, riche d’univers poétiques et fantasques.
En cette rentrée 2021, ce sont trois nouveaux titres qui vont tenter de rencontrer leurs lecteurs. Une invitation à des voyages neufs et stimulants qui méritait largement une place par ici.


Les ombres filantes, de Christian Guay-Poliquin

Le précédent roman de Christian Guay-Poliquin, Le Poids de la neige, a connu en 2018 un beau succès français… sous la marque des éditions de l’Observatoire – alors qu’il était sorti deux ans plus à la Peuplade. C’est donc cette fois chez son éditeur d’origine que le romancier québécois nous revient, avec une histoire qui me donne très envie.
Nous marchons en pleine forêt, dans les pas d’un homme regagnant le camp de chasse où il s’est réfugié avec sa famille après une panne électrique généralisée. Alors qu’il se perd, il rencontre un garçon d’une douzaine d’années, solide et déterminé, qui se joint à l’équipée du héros entre les arbres, pour un périple plein de périls…
Une pincée de post-apo en guise de décor, de l’aventure, du mystère, un duo improbable, la nature : s’ils sont bien mélangés par le style de l’auteur, ces ingrédients auront tout pour me plaire. On en reparlera, c’est une certitude.

La Pêche au petit brochet, de Juhani Karila
(traduit du finnois par Claire Saint-Germain)

Si l’on se réfère à son représentant le plus illustre chez nous, Arto Paasilina, la littérature finlandaise est douée d’un humour particulièrement saugrenu et fantasque, que ce premier roman ne devrait pas démentir.
Quelque part en Laponie orientale, comme chaque année en juin, Elina a trois jours et trois nuits pour pêcher le seul et unique brochet de l’Étang du Pieu. Or, un cruel génie des eaux règne sur les lieux et complique tout. Elina n’a pas d’autre choix que de pactiser avec les forces surnaturelles des marais et d’affronter Jousia, son premier amour. Pendant ce temps, l’inspectrice Janatuinen enquête sur un mystérieux meurtre qui la mène à poursuivre l’héroïne. Avec l’aide d’excentriques locaux, les deux femmes devront associer leur fougue et leur fureur pour rétablir l’équilibre entre les mondes.

Tableau final de l’amour, de Larry Tremblay

Ce roman fait du peintre Francis Bacon son point d’ancrage, pour une réflexion intense sur le corps, sa représentation picturale, mais aussi sur la passion amoureuse (le texte est une adresse de l’artiste à son modèle et amant), et plus largement le récit d’une quête artistique absolue dans l’Europe du XXème siècle étranglée entre deux guerres mondiales.


BILAN


Lecture certaine :
Les ombres filantes, de Christian Guay-Poliquin

Lecture probable :
La Pêche au petit brochet, de Juhani Karila


À première vue : la rentrée Métailié 2021


Intérêt global :


Une rentrée Métailié est souvent une invitation au voyage, tant le catalogue de la maison est riche d’auteurs atypiques venus des quatre coins du monde ou presque.
Cette année, on vivra de Cuba à l’Islande, de l’Espagne à l’Allemagne, du monde d’hier à celui d’aujourd’hui – dans tout ce que la littérature a de plus vivant et de plus intemporel.


Poussière dans le vent, de Leonardo Padura
(traduit de l’espagnol (Cuba) par René Solis)

L’immense écrivain cubain, grande figure du catalogue Métailié, offre à ses nombreux admirateurs un roman choral de 600 pages, s’appuyant sur le parcours d’un groupe d’amis depuis la fin du lycée jusqu’aux aléas de la vie adulte, d’autant plus agités que l’Histoire s’en mêle – en particulier l’effondrement du bloc soviétique à l’orée des années 90, et la terrible crise frappant ensuite les pays communistes – dont Cuba, bien sûr.
Cuba, qui reste au coeur du livre, plus que jamais scrutée et racontée avec panache par le romancier, dans une ode flamboyante à l’amitié.
À coup sûr, l’un des grands romans de la rentrée littéraire étrangère.

La Bonne chance, de Rosa Montero
(traduit de l’espagnol par Myriam Chirousse)

Un homme descend d’un train à l’improviste et vient se faire oublier dans un village minier à l’agonie. Ce qu’il fuit, quelqu’un, quelque chose, on verra.
En attendant, il prend sa place parmi les locaux, s’entiche de la bizarre et lumineuse Raluca, et ajoute ses secrets à ceux de tous les autres – car tout le monde, ici, a quelque chose à cacher.

Hôtel Berlin 43, de Vicki Baum
(traduit de l’anglais par Cécile Wajsbrot)

Déjà publié autrefois par Stock, Phébus et le Rocher, ce classique de l’Autrichienne Vicki Baum bénéficie d’une nouvelle traduction de l’anglais, langue dans laquelle l’auteure l’avait écrit initialement.
C’est l’occasion de retourner à Berlin en 1943, dans ce palace où se croisent diplomates, généraux et hommes d’affaires, tandis que les bombes s’abattent sur la capitale allemande. C’est aussi là que Lisa Dorn, comédienne appréciée de Hitler, rencontre un jeune opposant au régime, qui va lui ouvrir les yeux sur le nazisme et déchirer son cœur…

Troll, de Eiríkur Örn Norðdahl
(traduit de l’islandais par Jean-Christophe Salaün)

Le troll du titre n’est pas la créature légendaire qui hante les contes venus du grand nord. Mais bien un troll dans sa définition actuelle : celui qui use et abuse de l’anonymat d’Internet pour raconter tout et son contraire, et y acquérir une renommée sulfureuse qui n’a jamais fini de faire parler.
Ce troll, c’est Hans Blær, né.e hermaphrodite et qui s’assume comme tel, dont les prises de position provoquent des débats sans fin dans tout le pays. Jusqu’au jour où iel dépasse les bornes et se retrouve la cible de tous…
J’aime bien le sujet de ce roman, mais après en avoir lu les premières pages, le style cru et extrêmement singulier de Norðdahl m’a laissé au bord de la route. Normal, le romancier islandais est réputé pour sa radicalité. À aborder donc avec précaution.


BILAN


Lectures potentielles :
Hôtel Berlin 43, de Vicki Baum
La Bonne chance, de Rosa Montero
Poussière dans le vent, de Leonardo Padura


À première vue : la rentrée de l’Olivier 2021


Intérêt global :


Je ne vous cache pas que j’ai pour les éditions de l’Olivier une affection durable, doublée bien évidemment d’une estime profonde pour leur catalogue riche et varié, aussi bien en littérature française qu’en étrangère.
2021 est une année particulière pour la maison fondée par Olivier Cohen, puisqu’elle fête cette année ses trente ans d’existence. Trente ans durant lesquelles elle aura publié Jean-Paul Dubois (Fémina 2004, Goncourt 2019), Richard Ford, Jonathan Safran Foer, Florence Aubenas, Cormac McCarthy, Olivier Adam, Jonathan Franzen, Véronique Ovaldé, Florence Seyvos, Valérie Zenatti, Cormac McCarthy, Jay McInerney… et tant d’autres qu’il serait fastidieux de les citer tous.
Parce qu’elle n’est pas du genre à se reposer sur ses lauriers, l’équipe réunie autour d’Olivier Cohen et Nathalie Zberro propose en cette rentrée une belle affiche mêlant deux textes américains servis par des traductrices exceptionnelles, des grands noms de la maison et des nouvelles plumes prometteuses.

L’un des programmes les plus séduisants de cette rentrée 2021, tout simplement.


Blizzard, de Marie Vingtras (en cours de lecture)

Honneur aux débutantes : Marie Vingtras propose un premier roman savamment élaboré, construit sur un crescendo concentrique d’une rigueur inexorable, et dont l’inspiration américaine est si franche et sincère qu’on en oublie souvent que ce livre est l’œuvre d’une auteure française.
Le blizzard du titre tombe sur un bled paumé de l’Alaska. Quelques maisons, des caractères bien trempés (pour ne pas dire épais au sujet de certains d’entre eux). Et une jeune femme, sortie de la tempête avec un enfant, qu’elle perd après lui avoir lâché la main quelques instants.
Tandis qu’elle affronte seule les éléments déchaînés, trois hommes se mêlent à leur manière aux recherches. L’espoir de retrouver le garçon sain et sauf télescope alors la vérité profonde des uns et des autres…

Memorial Drive, de Natasha Trethewey
(traduit de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy)

Je connais un peu la traductrice Céline Leroy, mais ce n’est pas pour cela que je tiens à vous signaler un détail capital : quand son nom apparaît sur une couverture, vous pouvez être sûr(e) que le livre dont elle a assuré la traduction est tout sauf anodin, tant elle a le nez pour s’associer à des projets littéraires toujours singuliers.
Nanti de cette conviction, on peut donc aborder cette première publication en français de Natasha Trethewey avec confiance et curiosité.
Je parle de première publication, manière de souligner que, pour le coup, nous n’avons pas affaire à une débutante. Aux États-Unis, sa poésie lui a valu une renommée importante, ainsi qu’un prix Pulitzer en 2007.
Memorial Drive, le texte grâce auquel nous allons la découvrir, est un récit autobiographique, dans laquelle elle évoque l’existence tragique de sa mère, Gwendolyn, mais aussi le courage et la volonté d’indépendance qui vont servir de flambeau au propre parcours de poètesse et de femme de Natasha Trethewey.
Un texte dont on peut attendre beaucoup, sans craindre d’être déçu.

Rien à déclarer, de Richard Ford
(traduit de l’anglais (États-Unis) par Josée Kamoun)

Je vous le disais, cette rentrée étrangère de l’Olivier est marquée par la présence de traductrices remarquables. Pour nous transmettre ces nouvelles du grand Richard Ford (Indépendance, Canada, Un week-end dans le Michigan), c’est Josée Kamoun qui prête sa voix française, comme elle l’avait déjà fait pour Canada du même auteur, mais aussi pour la nouvelle traduction événement de 1984 il y a trois ans, ou pour Philip Roth, Jonathan Coe et John Irving, entre autres.
Les textes rassemblés ici ont pour point commun de mettre en scène des personnages ayant basculé dans le second versant leur existence, et qui examinent leur passé pour tenter de comprendre pourquoi leur présent se trouve fragilisé.

L’Éternel fiancé, d’Agnès Desarthe

C’est l’histoire d’une histoire d’amour qui dure toute une vie. Commencée à quatre ans, sur une promesse d’éternité comme s’en font les enfants qui s’aiment. Déçue à l’adolescence, quand elle aime toujours et que lui a oublié la promesse. Et qui se poursuit, tout au long des nombreuses étapes, moments forts, joies, déceptions, qui font une existence humaine.
Incontournable du catalogue de l’Olivier et auteure extrêmement attachante, qui navigue à l’envi entre folie douce et mélancolie, Agnès Desarthe propose un roman-puzzle dont la forme et l’ambition constituent un véritable objet de curiosité.

Une vie cachée, de Thierry Hesse

Qu’est-ce que le souvenir ? Pour Thierry Hesse, c’est d’abord une déambulation.
Du « quartier impérial » construit par Guillaume II aux forêts de la Meuse, de la guerre de 1870 à celle de 1939-45, cette enquête généalogique a pour terme une chambre dans le quartier des Loges, à Metz : celle où Franz/François aura passé une partie de sa vie, caché et pourtant bien visible.


BILAN


Quatre vraies envies de lecture sur cinq, qui dit mieux ? Pas grand-monde cette année (à part les Forges de Vulcain, mais ce n’est pas du jeu.)

Lecture en cours :
Blizzard, de Marie Vingtras

Lecture certaine :
Memorial Drive, de Natasha Trethewey

Lectures probables :
L’Éternel fiancé, d’Agnès Desarthe
Rien à déclarer, de Richard Ford


À première vue : la rentrée Mercure de France 2021


Intérêt global :


Aussi surprenant que cela puisse paraître, c’est aussi une première dans la rubrique « à première vue » pour les éditions du Mercure de France. Là encore, c’est simplement parce que leurs choix de publication me correspondent assez rarement – ou parce que ma curiosité ne me pousse pas assez dans leur direction, allez savoir…
Pour résumer la ligne qui tient ensemble les cinq romans de leur programme de rentrée, le mot-clef semble être : féminin. D’abord parce qu’on trouve quatre femmes pour un seul homme derrière les plumes de ces livres, ensuite parce les cinq titres se focalisent sur des personnages de femme, fictives ou réelles.


L’Enfant magnifique, d’Aimee Liu
(traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Johan-Frédérik Hel-Guedj)

1942, Golfe du Bengale. Sous la menace des Japonais qui s’apprêtent à envahir les îles Adaman, les Anglais se préparent à fuir.
Ty, un petit garçon de quatre ans, est kidnappé par Naila, treize ans et native des îles, qui s’occupe de lui depuis des années. Refusant de briser le lien exceptionnel qui les unit, elle l’emmène dans la jungle, au sein d’une tribu primitive. Mais Claire, la mère de Ty, est prête à tout pour retrouver son enfant magnifique…
C’est la deuxième publication d’Aimee Liu en France après La Montagne aux nuages, paru en… 1998.


Alice et les autres, de Vinciane Moeschler
Le Split de Shyamalan revisité façon épouse modèle et mère de famille parfaite, une façade idéale dissimulant un trouble dissociatif qui impose à Alice d’adopter tour à tour différentes personnalités – des métamorphoses qu’elle ne maîtrise pas et dont elle n’a aucun souvenir après coup. Lorsque des séjours en hôpital psychiatrique s’imposent, Alice devient un objet de fascination pour son thérapeute.

Une femme remarquable, de Sophie Avon
Sophie Avon s’inspire de la vie de sa grand-mère pour raconter l’histoire de Germaine, dite Mime, mariée à Alger en 1925, mère de deux enfants dont la deuxième, Simone, meurt à cinq ans. Terrassée par le chagrin, Mime se relève pourtant et poursuit sa vie avec courage, puisant ses forces dans son métier d’institutrice, et affrontant vaille que vaille les soubresauts de l’Histoire.

Parle tout bas, d’Elsa Fottorino
Victime d’un viol à dix-neuf ans, la narratrice ne peut trouver de réconfort dans la justice car l’affaire, faute d’indices, est classée sans suite. Jusqu’à l’arrestation d’un suspect douze ans plus tard, et la promesse, enfin, d’un procès. L’occasion de faire la paix avec son passé et de poursuivre la reconstruction de son existence.

La Muse ténébreuse de Charles Baudelaire, de Raphaël Confiant
Quiconque s’est un tant soit peu intéressé à Baudelaire a forcément croisé le nom de Jeanne Duval, maîtresse et muse du poète. D’elle, on sait pourtant peu de choses. En cherchant à élucider son mystère et celui de sa passion flamboyante avec Baudelaire, Raphaël Confiant se lance dans un véritable roman d’aventures au cœur de la littérature du XIXème siècle, de Paris à Saint-Domingue, de Dumas à Nerval.


BILAN


Lecture potentielle :
L’Enfant magnifique, d’Aimee Liu


À première vue : la rentrée Manufacture de Livres 2021


Intérêt global :


Longtemps cantonnée à la littérature noire – qui, déjà, tendait à se jouer des codes et des frontières du genre -, la Manufacture de Livres s’affirme de plus en plus comme un éditeur tous terrains. Et avec succès, si l’on en croit le succès l’année dernière du livre de Laurent Petitmangin, Ce qu’il faut de nuit, ou encore la démonstration éprouvante mais magistrale proposée par Carine Joaquim début 2021 avec Nos corps étrangers.
De ces réussites probantes, la Manuf’ gagne une assise qui lui vaut une place légitime dans la rentrée d’automne – place offerte cette année à trois romans, dont deux premiers.


Villebasse, d’Anna de Sandre

Auteure de poésie et de nouvelles, Anna de Sandre s’essaie pour la première fois au roman, et avec une certaine audace sur le papier, puisqu’elle emprunte au réalisme magique, un genre toujours risqué car susceptible de décontenancer le lecteur trop cartésien.
Nous sommes donc à Villebasse, entrelacs de vieilles bâtisses et de rues ancestrales qu’éclaire une étrange lune bleue et que les habitants ne quittent jamais. Un jour d’hiver débarque le Chien, qui va traverser la vie des uns et des autres et, peut-être, tout changer…
Pour en savoir plus, il faudra lire !

Le Fils du professeur, de Luc Chomarat

Ces derniers temps, le nom de Luc Chomarat était plutôt synonyme d’amusement et de folie douce, au fil de polars parodiques plutôt réjouissants (Le Dernier thriller norvégien, Le Polar de l’été), ou de polar tout court (Un trou dans la Toile, Grand Prix de Littérature Policière 2016).
Ce nouveau livre, d’inspiration autobiographique, prend le contre-pied total de ces veines, en racontant une enfance dans la France des années 1960-70. Des batailles de cowboys dans la cour de l’école à la découverte fascinée des femmes, c’est toute une jeunesse qui se dévoile.
Pas très original à première vue, mais voir Chomarat tenter ce pas de côté est intrigant, surtout quand on apprécie sa plume piquante et sa verve. Donc, pourquoi pas.

Poudre blanche, sable d’or, de Matthieu Luzak

Premier roman également, qui suit deux amis, un journaliste de seconde zone englué dans une vie de famille compliquée et un voyou tout juste sorti de prison, partant pour quelques jours entre hommes à Malaga. Le cadre ne fait pas rêver mais c’est justement là que le second, Farid, a monté un coup il y a quelques années.
Au fil de leur virée, s’expriment les rêves et les drames des désillusionnés du XXIe siècle.


BILAN


Lecture probable :
Villebasse, d’Anna de Sandre

Lecture potentielle :
Le Fils du professeur, de Luc Chomarat


À première vue : deuxième bilan provisoire

La deuxième semaine de la rubrique « à première vue » version 2021 vient étoffer le bilan relativement famélique de la première semaine et allonger ma liste de curiosités. Sans passion démesurée pour autant, et le tableau qui commence à se dessiner semble être celui d’une rentrée sans passion incontrôlable ni fulgurances éblouissantes.
Une rentrée sage, presque convenue, dont il va falloir faire l’effort de dégager les pépites dont on a besoin pour rêver, réfléchir et s’enthousiasmer.

En préparant mes chroniques jusqu’à présent, il ne m’est que très rarement arrivé de ressentir ce délicieux picotement de curiosité mêlée d’excitation, qui donne envie de se précipiter sans attendre sur le livre en question (cela viendra un peu plus chez certains éditeurs de la semaine prochaine). C’est peut-être que je vieillis.
Ou peut-être, tout simplement, parce que les éditeurs se montrent frileux – à moins que leurs auteurs peinent, eux aussi, à sortir des sentiers battus et à proposer autre chose que ce que l’on a déjà lu (voire relu).

Bref, on verra, il y a encore pas mal de boulot. Donc, en attendant, bilan d’étape en images !

Déjà lus
(avec une note sur cinq) :

En cours :

ATTENDUS
(dans un ordre d’impatience approximatif et potentiellement soumis à bouleversement) :


Pour finir, voici un aperçu du programme de la troisième semaine… avec de très belles choses à venir parmi ces programmes !


À première vue : la rentrée Lattès 2021


Intérêt global :


À première vue, ce n’est pas encore cette année que les éditions Lattès vont me faire faire des claquettes d’enthousiasme. Ce qui n’empêche sûrement pas leur programme 2021 de compter des arguments valables, dont un nouveau roman de Nina Bouraoui, auteure très suivie à chaque parution.
On saluera, en outre, la présence de quatre premiers romans (sur sept, pas mal !) – enfin, trois et demi (cf. Renaud Dély). Une prime à la jeunesse qui transparaît aussi dans le sujet de plusieurs titres de cette rentrée.


LES HABITUÉES


Satisfaction, de Nina Bouraoui
Après l’indépendance, madame Akli s’est installée à Alger par amour pour Ibrahim, son mari. Des années plus tard, dans leur maison sur les hauteurs de la ville, madame Akli passe ses journées à s’occuper de son jardin en guettant le retour de son époux de l’usine de papier qu’il dirige et de son fils, scolarisé à Hydra. Dans son carnet intime, elle confie ses doutes sur son existence.

La Femme et l’oiseau, d’Isabelle Sorrente
Une adolescente est exclue du lycée pour avoir menacé l’un de ses camarades. Sa mère décide alors de l’emmener chez son grand-oncle, en Alsace. Patiemment, la jeune fille tisse un lien singulier avec le vieil homme, ancien enrôlé de force dans l’armée allemande durant la guerre, puis emprisonné dans un camp. C’est là qu’il a développé de curieux dons : il sait communiquer avec les oiseaux et semble lire dans les pensées…

Un tesson d’éternité, de Valérie Tong Cuong
Décidément, la jeunesse a des problèmes chez Lattès cette année. Cette fois, c’est Léo, un lycéen sans histoire, qui se retrouve du jour au lendemain aux prises avec la justice. Sa mère, pharmacienne établie, propriétaire d’une belle villa surplombant la mer et à la tête d’une vie paisible et maîtrisée, voit soudain son univers se désagréger.


PREMIERS ROMANS


Quand la ville s’éteint, de Julia Pialat
Encore un jeune homme, mais décidé, celui-ci, à empoigner sa vie. C’est l’histoire de Cobra, gamin du quartier Strasbourg Saint-Denis à Paris, qui vivote entre l’épicerie de son père à qui il donne des coups de main, et le bar Chez Jeanette qui sert de quartier général à sa bande. Il a vingt ans, la musique est sa passion. Il décide de se donner un an pour percer dans le monde du rap. Tout bascule le jour où il rencontre un ancien producteur de raï qui accepte de lui prêter son studio.
Portraits croisés d’un quartier et d’un jeune homme en pleine mutation, dans un premier roman dont la réussite dépendra de l’énergie du style. À voir, pourquoi pas.

Le Grand saut, de Renaud Dély
Un livre présenté également comme un premier roman, ce qui n’est pas tout à fait exact puisque Renaud Dély avait publié un Poulpe en 2011. Du reste, l’auteur est un journaliste plutôt connu, passé entre autres par Libération, Le Nouvel Observateur et Marianne, et dont le nom a déjà orné la couverture de plus d’une dizaine d’essais en tous genres.
Pour cette première incursion en littérature « blanche », il s’intéresse à la figure de Pierre Quinon, médaillé d’or à la perche aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 1984, qui finit par se donner la mort en se défenestrant en 2011. En parallèle, il esquisse le portrait d’un enfant, fasciné par la victoire de l’athlète, qui apprend à se construire en dépit d’une jeunesse difficile.

Cave 72, de Fann Attiki
Et encore un premier roman ! Il est l’œuvre d’un jeune auteur congolais, et la Cave 72 du titre est le nom d’un bar où aiment à se retrouver trois jeunes gens pour discuter, boire et parler littérature. Mais leur refuge doit fermer du jour au lendemain, accusé d’être l’épicentre d’un complot d’État dont ils seraient les artisans.

Les conversations, de Miranda Popkey
(traduit de l’américain par Julia Kerninon)

Et de quatre ! Le dernier premier roman du programme vient des États-Unis. Presque exclusivement composé de conversations entre femmes ou de monologues, sur des sujets allant de l’amour à l’infidélité, en passant par la désir, la maternité, l’art ou encore le féminisme, ce livre parcourt vingt ans de la vie d’une jeune fille devenue mère et avide d’expériences, qui se montre déterminée à bouleverser son existence.


BILAN


Lecture potentielle :
Quand la ville s’éteint, de Julia Pialat

Lecture hypothétique :
La Femme et l’oiseau, d’Isabelle Sorrente


À première vue : la rentrée Liana Levi 2021


Intérêt global :


Liana Levi fait partie de ces éditrices qui développent une belle relation de confiance et de fidélité avec ses auteurs. Ceux-ci la suivent et l’accompagnent durant de longues années, à l’image de Iain Levison ou Milena Agus, par exemple, et enrichissent son catalogue d’œuvres consistantes, solides et souvent éclairantes sur le monde.
Déjà tous publiés au moins une fois par Dame Liana, les deux Françaises et l’Américain qui constituent son programme de rentrée 2021 sont à l’image de cette collaboration fructueuse et d’une grande diversité.


Les étoiles les plus filantes, d’Estelle-Sarah Bulle

Son premier roman, Là où les chiens aboient par la queue, avait rencontré un franc succès en 2018. Estelle-Sarah Bulle était donc attendue, et elle a choisi de prendre une direction très différente de ses débuts largement autobiographiques en s’inspirant d’Orfeu Negro, film de Marcel Camus qui transposait le drame d’Eurydice et Orphée dans les favelas brésiliennes.
Elle imagine donc le débarquement de l’équipe de tournage dirigée par Aurèle Marquant dans une favela de Rio de Janeiro, qui entame une aventure autant humaine qu’artistique, sur fond de bossa nova, de passions débridées et d’intérêts contradictoires – car l’argent et la politique ne sont jamais très loin…

Le Mississippi dans la peau, d’Eddy L. Harris
(traduit de l’anglais (États-Unis) par Pascale-Marie Deschamps)

En présentant l’année dernière Mississippi Solo, récit d’une descente solitaire du grand fleuve en canoë, je faisais le parallèle entre le projet de ce livre et certaines œuvres du gallmeisterien Pete Fromm.
Je ne croyais pas si bien comparer puisque, à l’instar de son collègue du Montana rééditant la même expérience à vingt ans d’intervalle (surveiller la croissance d’œufs de poisson) et les relatant dans deux livres miroirs (Indian Creek et Le Nom des étoiles), Eddy L. Harris décide de refaire trente ans après le voyage qui a changé sa vie.
C’est l’occasion, bien sûr, d’une réflexion sur lui-même, sur le temps qui passe, mais aussi sur le fleuve et la nature, et sur les États-Unis, ses mutations et ses tensions raciales plus fortes que jamais.

Et ils dansaient le dimanche, de Paola Pigani

Remarquée dès son premier roman, N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures (2013), l’auteure lyonnaise publie son quatrième en cette rentrée. Et nous ramène presque un siècle en arrière, aux côtés de Szonja, une émigrée hongroise qui arrive à Lyon et se trouve embauchée dans une usine de production de viscose. Postée plus de dix heures par jour à l’atelier, elle résiste grâce à Elsa, qui l’introduit dans un groupe d’Italiens actifs. La petite troupe fait la fête le dimanche, parle politique et participe aux manifestations, tandis que le Front populaire se renforce.


BILAN


Lecture probable :
Les étoiles les plus filantes, d’Estelle-Sarah Bulle

Lecture potentielle :
Le Mississippi dans la peau, d’Eddy L. Harris