COUP DE CŒUR : Les huit montagnes, de Paolo Cognetti

À Milan où il vit avec sa femme et son fils Pietro, Giovanni Guasti est un homme ombrageux, râleur, absorbé par son travail, pas très doué pour le rôle de père. Mais l’été, c’est différent. La petite famille grimpe dans les montagnes et là, Giovanni se métamorphose. Marcheur acharné, amoureux fou des hauts sommets, il devient aux yeux de Pietro un véritable père, avec qui il partage de longues balades, la découverte de fabuleux paysages sauvages et des vrais moments de complicité.
Puis ils découvrent le Val d’Aoste et le village de Grana, où ils finissent par revenir chaque été. Pietro s’y lie d’amitié avec Bruno, un petit paysan de son âge, qui l’initie aux secrets de son coin de montagne ; les deux garçons sont très vite inséparables, au point que Bruno, délaissé par un père absent et une mère taiseuse, se fait une petite place chez les Guasti. Mais le temps passe, chacun change… Vingt ans après le temps béni de l’enfance, Pietro revient à Grana, retrouve Bruno et entreprend de se réconcilier avec les moments obscurs de son passé – pour mieux tenter de dompter son avenir.

Cognetti - Les huit montagnesEn lisant ce résumé, vous aurez peut-être l’impression de connaître cette histoire, de l’avoir déjà lue ou vue sous des formes approchantes. C’est vrai que ses éléments et ses lignes directrices sont familiers. Mais ce qui fait la différence – ce qui fait toujours la différence en littérature, finalement -, c’est la manière dont l’auteur s’en empare. L’investissement de Paolo Cognetti dans ce livre est total. Les huit montagnes est un bonheur fulgurant, un écrin d’humanité et de douceur dans lequel on se love et que l’on quitte à regret.

Très remarqué l’année dernière pour Le Garçon sauvage, récit autobiographique d’un retour à la montagne pour fuir la frénésie des villes (tiens, déjà), Cognetti exprime dans ce premier roman tout son amour des grands espaces et des hauts sommets, dont il évoque les changements, les altérations, mais aussi le vertige enivrant et l’aspect immuable avec beaucoup de poésie. Les amateurs de montagne se plairont sans nul doute à marcher dans ses pas, retrouvant sous ses mots les sensations uniques que l’on éprouve à traverser une forêt silencieuse, à déboucher sans crier gare sur un lac niché dans une combe invisible, à simplement sentir la pierre et la terre des sentiers sous ses pieds.

Pas besoin pour autant d’être un mordu du Vieux Campeur pour apprécier pleinement ce roman. Car Les huit montagnes est avant tout un récit d’hommes et de femmes, une histoire de vies que Paolo Cognetti saisit avec finesse et une infinie tendresse. Il y a l’amitié de Pietro et Bruno, fil rouge du livre, solide, farouche, indéfectible, exaltante ; il y a aussi les relations familiales, notamment celle de Pietro et de son père, si joliment cernée – mais il y a aussi la figure de la mère, extraordinairement attachante, puis celle de Lara qui entrera à l’âge adulte dans la vie des deux garçons… Autant de moments dans lesquels on peut se reconnaître, autant d’échanges dont la portée universelle, profondément humaine, trouve des échos dans le vécu du lecteur.

Servi par une langue pure, fluide et inspirée, Les huit montagnes est un roman émouvant, généreux, doux et intense, qui confirme sans coup férir le talent naissant de Paolo Cognetti. Signe qui ne trompe pas, il vient de recevoir le Strega Giovani (l’équivalent italien du Goncourt des Lycéens). En tout cas, c’est un gros coup de cœur pour moi, et j’espère que vous serez nombreux à le partager.

Les huit montagnes, de Paolo Cognetti
(Le Otto Montagne, traduit de l’italien par Anita Rochedy)
Éditions Stock, 2017
ISBN 978-2-234-08319-6
299 p., 21,50€

Signé Bookfalo Kill

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10 Réponses

  1. À la fin, je vais me retrouver avec 40 livres à lire de la rentrée littéraire et ma pile ne va pas descendre à cause de toi ! Mais je ne t’en veux même pas, tiens… jour de bonté :lol:

    26 août 2017 à 06:45

    • Mamzelle Belette Cannibale est trop bonne, je rougis de sa générosité :p
      Non mais t’inquiète, à un moment je vais ressortir les griffes et publier des chroniques moins élogieuses. C’est une bonne rentrée, une très bonne rentrée même, mais qui réserve pour moi son lot de déceptions (normal), tu pourras donc souffler de temps en temps et rassurer ton banquier !

      26 août 2017 à 07:30

      • Il serait impossible que tout les livres que nous lisons soient des perles, on sait que de temps en temps, on tombera sur un os, ou sur de la daube de classe mondiale ! mdr

        Mon banquier s’est suicidé depuis longtemps, je pense ! :D

        26 août 2017 à 21:52

      • Un banquier qui disparaît, c’est une fleur qui pousse sur un tas de fumier. (Jean-René Confucius)
        Bon, allez, en attendant le prochain réveil fiévreux de ma fille, je retourne bouquiner, tiens, ce sera mieux :D

        30 août 2017 à 06:39

      • JOLI !!

        Bisous à la cannibalette en devenir !

        30 août 2017 à 20:38

      • Le bisou de belette a été transmis et la fièvre est partie. Magique ! :)

        1 septembre 2017 à 07:51

      • Tous mes bisous sont magiques ! :lol:

        2 septembre 2017 à 22:05

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