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À première vue : la rentrée Sabine Wespieser 2021


Intérêt global :


La vie est un combat perpétuel dont on n’est jamais certain de sortir vainqueur. Tel pourrait être le résumé, un peu rapide certes, de la rentrée littéraire 2021 des éditions Sabine Wespieser. Des violences dont sont encore et toujours victimes les Noirs aux États-Unis à celles qui menacent d’embraser Belfast durant l’été 2014, en passant par la difficulté d’être femme, les trois romans du programme scrutent le monde avec sérieux et placent haut la barre de l’exigence.


Milwaukee Blues, de Louis-Philippe Dalembert

La mort traumatisante de George Floyd n’en finit pas, et c’est compréhensible, de provoquer stupeur, questionnements et profondes remises en question.
Elle inspire à Louis-Philippe Dalembert ce nouveau roman, qui débute par le décès brutal d’Emmett, un jeune homme noir asphyxié sous le genou d’un policier insensible à ses appels de détresse. Mais comment raconter le cheminement qui a conduit ce garçon sans histoire à une mort aussi atroce ?
L’écrivain choisit de reconstituer le portrait d’Emmett sous forme de puzzle, en convoquant tour à tour les voix de tous ceux qui l’ont côtoyé : son institutrice, ses amis les plus proches, mais aussi son entraîneur de football, son ex-femme ou sa mère. Une manière de remettre l’humain au cœur du fait divers, pour en chasser le sensationnalisme et essayer de saisir au mieux l’humain qui continue à vibrer dans une histoire aussi dramatique.

Sages femmes, de Marie Richeux

Parcours de combattantes.
Marie, la narratrice, décide de conjurer d’étranges rêves de chevaux fous et la question obsédante que lui pose sa fille – « Elle est où, la maman ? » en remontant le fil généalogique féminin de sa famille. Elle démêle l’écheveau de son héritage familial, cherchant à en savoir plus sur ses aïeules qui, sur plusieurs générations, depuis le milieu du XIXe siècle, ont accouché de filles sans être mariées et subsisté grâce à des travaux d’aiguille.
Interrogeant ses tantes, sa mère, fouillant les archives, elle remonte le fil de sa lignée, racontant l’histoire sociale des filles-mères.

Les lanceurs de feu, de Jan Carson
(traduit de l’anglais (Irlande) par Dominique Goy-Blanquet)

Belfast, 2014. C’est l’été des Grands Feux. Bien avant les feux de joie traditionnellement élevés à l’occasion de la grande parade orangiste du 12 juillet, de gigantesques foyers illuminent la ville cette année-là, malgré l’interdiction formelle des autorités.
Dans ce climat de forte tension où la fureur n’est jamais loin de s’embraser, deux pères de famille que rien ne lie s’interrogent en miroir sur le risque de transmettre à leurs enfants le germe de la violence que chacun croit porter en lui à sa manière.

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Normal People, de Sally Rooney

Éditions de l’Olivier, 2021

ISBN 9782823615241

320 p.

22 €

Traduit de l’anglais (Irlande) par Stéphane Roques


Connell et Marianne ont grandi dans la même ville d’Irlande. Il est le garçon en vue du lycée, elle est la solitaire un peu maladroite. Pourtant, l’étincelle se produit : le fils de la femme de ménage et l’intello hautaine connaissent ensemble leur premier amour.
Un an plus tard, alors que Marianne s’épanouit au Trinity College de Dublin, Connell s’acclimate mal à la vie universitaire.
Un jour, tout est léger, irrésistible ; le lendemain, le drame pointe et les sentiments vacillent.
Entre eux, le jeu vient tout juste de commencer.


Le hasard de nos lectures fait parfois bien les choses.
J’ai lu Normal People quelque temps avant le somptueux roman de Clémentine Beauvais, Songe à la douceur. Les deux livres n’ont pas grand-chose à voir, notamment sur la forme, mais ils traitent tous deux du sentiment amoureux chez les jeunes gens d’aujourd’hui. Et je ne peux m’empêcher de les mettre en miroir, le flamboiement néo-romantique de Clémentine Beauvais répondant, pour moi en tout cas, à la froide analyse psychologique et sociologique de Sally Rooney, et à son regard entomologique sur les errements sentimentaux de la jeunesse des années 2000.

Dit comme cela, vous comprendrez de quel côté mon cœur (d’incorrigible sentimental) a le plus penché. N’allez pas croire pour autant que j’ai détesté Normal People. Au contraire.
C’est un roman brillant, qui saisit par pincées minutieuses la difficulté d’aimer, de se déclarer, de se trouver et de trouver les autres, d’avoir ou non confiance en soi, de se juger à la hauteur de ses propres attentes et de celles des autres (réelles ou imaginaires), dans un monde bousculé de toutes parts par des sollicitations de plus en plus nombreuses et lourdes à assumer. Un monde trop rapide et trop encombrant pour laisser à l’amour le temps et la place d’exister dans toute son ampleur. Un monde de paraître et de faux-semblants où la réussite tient plus au spectaculaire du maquillage dont on s’affuble pour plaire qu’à la réalité des visages et de l’âme.

Dès le titre de son roman, Sally Rooney pose la question la plus fondamentale de nos existences : dans un tel monde, qu’est-ce que c’est, être normal ? Est-ce que cela existe vraiment ? Faut-il être normal, faut-il en rêver ?
C’est pourtant ce que souhaite Connell, son protagoniste masculin :

« Tout ce qu’il voulait c’était être normal, dissimuler les aspects de sa personnalité qu’il trouvait honteux et perturbants. »

Mine de rien, je pense que nous nous sommes tous plus ou moins posé cette question. Surtout à l’adolescence ou dans la vingtaine, quand on commence à se voir dans le miroir du regard des autres, et que l’on cherche sa place dans un monde d’adultes où l’on n’a pas toujours l’impression d’être le bienvenu. S’obstiner à être normal, s’évertuer à ne pas l’être, ce sont deux facettes d’une même réalité, celle de l’être humain en quête de son rôle social.

C’est tout cela que raconte Normal People, au fil des tergiversations de Connell et Marianne qui les voient se rapprocher, se fuir, s’éviter et se retrouver, bousculés dans l’évidence de leurs sentiments par tout ce qui, autour, s’évertue à les parasiter.
Pensées noueuses, impressions tronquées, rendez-vous manqués, poids écrasant de l’opinion d’autrui, sursauts d’énergie et d’espoir succédant à des tunnels d’abattement ou de doute, la très jeune Sally Rooney a dû puiser beaucoup de sa propre expérience pour restituer avec autant de clairvoyance les secousses qui agitent ses héros.

Si elle y parvient, c’est aussi grâce à la forme qu’elle a choisie pour construire son roman. Plutôt qu’un récit linéaire, elle a opté pour des sauts de puce dans le temps. Chaque chapitre suit le précédent à la faveur d’une ellipse plus ou moins longue, ce qui permet de parcourir la vie des protagonistes durant plusieurs années en ne focalisant que sur les moments les plus essentiels de leur(s) histoire(s) et de leur(s) relation(s). Comme une série de zooms opportunément avancés sur les séquences capitales du film.
L’idée est aussi pertinente qu’efficace. Le récit y trouve une dynamique singulière, précise et pointue, en zappant des passages de transition qu’un flash-back ou une simple évocation suffisent à dessiner pour comprendre comment et pourquoi Connell et Marianne en sont arrivés à chaque nouveau début de chapitre.

Si je dois ajouter un bémol à la portée, il accentuera le style, que j’ai trouvé un peu trop froid peut-être, distant, me privant d’imprimer plus en profondeur un texte un peu trop concentré sur sa pertinence pour toucher mes propres émotions, et de m’attacher à des personnages qui, du reste, il faut le souligner, ne sont pas conçus pour cela. On peut les apprécier parfois, à d’autres moments les trouver insupportables ou décevants, mais difficile d’en faire d’authentiques amis imaginaires.

C’est peut-être ce qui les rend, au bout du compte, si… normaux ?


D’autres avis ? Voyez par exemple chez Pamolico, à moitié convaincue ; Analire, beaucoup plus enthousiaste ; et aussi Lettres d’Irlande et d’ailleurs ou Charlotte Parlotte à qui, comme à moi, il manque un petit quelque chose pour crier au coup de cœur.


Ce genre de petites choses, de Claire Keegan

Éditions Sabine Wespieser, 2020

ISBN 9782848053721

120 p.

15 €

Small things like this
Traduit de l’anglais (Irlande) par Jacqueline Odin


En cette fin d’année 1985 à New Ross, Bill Furlong, le marchand de bois et charbon, a fort à faire. Aujourd’hui à la tête de sa petite entreprise et père de famille, il a tracé seul sa route : élevé dans la maison où sa mère, enceinte à quinze ans, était domestique, il a eu plus de chance que d’autres enfants nés sans père.
Trois jours avant Noël, alors qu’il livre le couvent voisin, il découvre dans la réserve une très jeune femme, qui y a vraisemblablement passé la nuit. Lui reviennent alors les rumeurs entendues au sujet de ces « femmes de mauvaise vie », que les sœurs recueillent et exploitent sans vergogne…
Que faut-il faire ? Ne rien dire, comme tout le monde, par crainte du pouvoir que possèdent les religieuses dans la région ? Ou bien écouter son cœur, et tenter d’agir, surtout en cette période de Noël où interroger sa conscience sur le sens de sa vie prend encore plus de relief ?


Je découvre (enfin) Claire Keegan avec ce nouveau roman, dont la brièveté rappelle qu’elle est aussi une nouvelliste très réputée. Étant amateur de nouvelles, il faudra vite que j’aille explorer cet aspect de son œuvre, car cette première lecture me donne envie d’en lire plus.

Habituée à condenser beaucoup d’éléments en peu de pages, l’auteure irlandaise perpétue ce talent précieux lorsqu’elle allonge quelque peu le récit pour le tirer vers le roman. En dépit de leur aspect dépouillé, les 120 pages de Ce genre de petites choses sont en effet pleines d’humanité, dans toute la complexité du terme.
Générosité, partage, égoïsme, aveuglement plus ou moins opportuniste, hypocrisie, cruauté, lâcheté, altruisme, reconnaissance : autant d’attitudes, de choix et de sentiments captés avec subtilité par la romancière, dans lesquels tout lecteur peut plus ou moins se reconnaître, ou auxquels il est nécessaire de se confronter.

Pour habiller ces réflexions essentielles, Claire Keegan choisit une forme proche du conte de Noël – un conte réaliste, sans gros bonhomme barbu en rouge ni rennes et lutins, mais avec le froid, la neige, les préparatifs rituels pour le réveillon, les heures passées en famille à la cuisine…
Il se dégage de ces pages une chaleur étonnante, alors même que la plupart des personnages s’avèrent rugueux – caractères bruts de la campagne irlandaise dans les années 80 -, et que le véritable sujet du roman est d’une violence innommable.

Entre les lignes, Claire Keegan évoque en effet le scandale des institutions religieuses, tenues d’une main de fer par des sœurs n’ayant de bonnes que l’expression consacrée, et dans lesquelles des jeunes femmes considérées comme immorales étaient enfermées et réduites en esclavage.
L’acteur et cinéaste Peter Mullan l’avait notamment fait connaître de tous grâce à son film, The Magdalane Sisters (2002). Claire Keegan choisit, pour sa part, d’aborder le sujet par la bande. Elle évite le choc frontal, préférant suggérer de quoi il est question au fil d’allusions subtiles, d’images entraperçues par le protagoniste et de rumeurs évoquées.

Suggérer ne voulant pas dire édulcorer, le propos reste d’une force et d’une douleur terribles. Mais la forme littéraire choisie par la romancière, ainsi que la lumière intérieure qui guide Bill Furlong, permettent d’en saisir la cruauté tout en y opposant espoir et possibilité de rédemption.
Un texte magnifique, où il y a beaucoup à apprendre, et qui confirme que la valeur n’est pas affaire de nombre de pages. L’une des lectures hautement recommandées de cette fin d’année, largement défendue et mise en avant par les libraires.


À première vue : la rentrée Seuil 2020

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Intérêt global :

ironie


Avec onze titres au programme, les éditions du Seuil font presque jeu égal avec Gallimard en terme de quantité. Pour ce qui est de la qualité, il faudra lire, bien sûr. Cependant, à première vue, le schéma est en dents de scie. Il y aura des trucs dont on va causer, d’autres qui peuvent valoir le coup, et des bricoles sans lesquelles on vivrait tout aussi bien.
Une vraie rentrée littéraire de grosse maison, décidée à continuer comme si de rien n’était.


VIOLENCES DE L’HUMAIN


Sandra Lucbert - Personne ne sort les fusilsPersonne ne sort les fusils, de Sandra Lucbert

On devrait parler de ce livre. Il faudrait qu’on en parle. De mai à juillet 2019, Sandra Lucbert a couvert le procès France Télécom, dont sept dirigeants ont été envoyés devant le tribunal pour des faits de maltraitance, de harcèlement moral, ayant entraîné le suicide de plusieurs employés. Les débats ont permis de faire étalage de l’arrogance sans limite de Didier Lombard et de ses acolytes, de leur cynisme assumé, celui de gens parfaitement conscients qu’ils n’ont pas grand-chose à craindre de la justice, parce que la justice parle la même langue qu’eux. Que peut-on attendre d’un homme qui affirme à la barre, sans trembler : « Finalement, cette histoire de suicides, c’est terrible, ils ont gâché la fête » ?
En 156 pages, Sandra Lucbert ramasse toute la colère légitime que l’on peut (que l’on doit) éprouver à l’encontre de cette barbarie moderne qu’est l’exercice du capitalisme débridé. C’est en écrivain, et non en journaliste, qu’elle empoigne les mots comme des fusils pour tirer en rafale sur l’effroyable machinerie du libéralisme et de la logique économique, négation absolue de l’humain.

Irène Frain - Un crime sans importanceUn crime sans importance, d’Irène Frain

Le mur du silence, Irène Frain s’y heurte sans trêve depuis l’assassinat d’une vieille dame, tuée dans sa maison au fond d’une impasse, en banlieue parisienne, dont on peine à connaître les motivations et encore plus l’auteur. Cette vieille dame, c’était sa sœur. Et le mur, c’est celui de la police, de la justice, qui traitent l’affaire comme un dossier, au mépris de l’humain. C’est aussi le silence de la famille, contre lequel la romancière s’élève dans ce récit-enquête.

Xabi Molia - Des jours sauvagesDes jours sauvages, de Xabi Molia

Les hasards de l’actualité percutent parfois la littérature… Quand on connaît le temps nécessaire à la maturation et à l’écriture d’un roman, on ne pourra pas soupçonner Xabi Molia d’opportunisme avec son nouveau roman, pourtant étrangement en phase avec ce que nous vivons depuis le début de l’année. Il imagine, en effet, qu’une grippe foudroyante ravage l’Europe. Pour fuir l’épidémie, une centaine de personnes embarque à bord d’un ferry, mais une tempête fait naufrager le navire sur une île inconnue. Vient alors le temps des choix. Certains veulent repartir, d’autres profiter de l’aubaine pour construire une société nouvelle sur l’île et en garder jalousement le secret… Un dilemme digne de Sa Majesté des mouches, sauf que les enfants ont grandi.


LA VOIX DES FEMMES


Lucy Ellmann - Les lionnesLes lionnes, de Lucy Ellmann
(traduit de l’anglais (États-Unis) par Claro)

C’est une femme, mère au foyer, seule dans sa cuisine. Elle pense aux tâches ménagères qui l’attendent, mais aussi à la folie de la politique qui a conduit un Trump à la présidence du pays, aux fusillades dans les lycées qui deviennent routine, au patriarcat, à la précarité causée par des logiques économiques effarantes, à la maladie… Tous les sujets y passent, ratissant large le monde tel qu’il va, du plus intime au plus large.
Le tout en une seule phrase longue de 1152 pages.
Le bazar est traduit par Claro, qui ne sort plus de sa retraite de traducteur que pour des projets hors norme. Le précédent, c’était Jérusalem, d’Alan Moore. Ça vous donne une idée du livre de Lucy Ellmann, finaliste du Booker Prize et, évidemment, phénomène littéraire chez nos amis anglo-saxons.

Chloé Delaume - Le coeur synthétiqueLe Cœur synthétique, de Chloé Delaume

Rompre à quarante-six ans et entreprendre de refaire sa vie est, pour une femme (beaucoup plus que pour un homme), un parcours du combattant. C’est ce que découvre Adélaïde, l’héroïne du nouveau roman de Chloé Delaume, dont le regard féministe est plus acéré que jamais, en y mêlant l’humour nécessaire pour garder de la hauteur sur le sujet.

Rachid Benzine - Dans les yeux du cielDans les yeux du ciel, de Rachid Benzine

C’est le temps des révolutions. Une femme interpelle le monde. Elle incarne le corps du monde arabe. En elle sont inscrits tous les combats, toutes les mémoires douloureuses, toutes les espérances, toutes les avancées et tous les reculs des sociétés. Plongée lumineuse dans l’univers d’une prostituée qui se raconte, récit d’une femme emportée par les tourments de la grande Histoire, Dans les yeux du ciel pose une question fondamentale : toute révolution mène-t-elle à la liberté ? Et qu’est-ce finalement qu’une révolution réussie ? (résumé de l’éditeur)


EN VRAC (faute d’inspiration…)


Antonio Munoz Molina - Un promeneur solitaire dans la fouleUn promeneur solitaire dans la foule, d’Antonio Muñoz Molina
(Traduit de l’espagnol par Isabelle Gugnon)

Grand romancier espagnol, l’auteur se fait cette fois observateur des petites scènes du quotidien, ces détails infimes qui font le monde tel qu’il est. À Paris, New York, Madrid ou Lisbonne, il arpente les rues armé d’un crayon, d’un carnet, d’un enregistreur et d’une paire de ciseaux, et collecte au hasard bruits volés, bouts de papier, affiches…
Un projet original, par un très écrivain espagnol, dont la finesse d’analyse et d’observation pourrait s’épanouir dans cet exercice singulier.

Sarah Chiche - SaturneSaturne, de Sarah Chiche

La narratrice reconstitue le portrait d’un père mort si jeune, à 34 ans, qu’elle n’en garde aucun souvenir. En rencontrant une femme qui l’a connu enfant, en Algérie, elle tire un fil noueux qui découvre un homme amoureux des étoiles, exilé d’Algérie au moment de l’indépendance, contribuant à rebâtir l’empire médical que sa famille de médecins avait édifié de l’autre côté de la Méditerranée, puis cédant à une passion furieuse qui va tout faire voler en éclats…

Vinca Van Eecke - Des kilomètres à la rondeDes kilomètres à la ronde, de Vinca Van Eecke

Dans un village perdu de la campagne française, rencontre à 14 ans entre des gamins qui grandissent là tant bien que mal, et une fille qui vient juste y passer ses vacances. Elle, « la bourge », eux, « les autres ». Vient le premier amour, les amitiés brûlantes de l’adolescence, et les tragédies qui les accompagnent inévitablement.
(Voilà voilà.)

Mary Costello - La captureLa Capture, de Mary Costello
(Traduit de l’anglais (Irlande) par Madeleine Nasalik)

Un professeur de lettres spécialiste de Joyce (forcément, il est irlandais) n’arrive pas à écrire le livre dont il rêve sur son mentor littéraire. Et en plus, il est malheureux en amour. Réfugié au fin fond de la campagne (mais qu’est-ce qu’ils ont tous avec la campagne ?!?), il a un coup de foudre pour sa voisine. Hélas, lorsqu’il la présente à sa tatie, celle-ci se fâche tout rouge et lui interdit de la revoir. Ah, tiens, il y a anguille sous roche.

Stéphane Malandrin - Je suis le fils de BeethovenJe suis le fils de Beethoven, de Stéphane Malandrin

Confession épique d’un vieil homme enfermé dans sa bibliothèque, d’où il entend révéler qu’il est le fils caché d’un Ludwig qu’on a toujours cru mort sans descendance. Une fantaisie littéraire, hymne à la joie héroïque et pastoral.
(Oui, bon, on fait ce qu’on peut.)


BILAN


Lecture probable :
Personne ne sort les fusils, de Sandra Lucbert

Lecture hypothétique :
Des jours sauvages, de Xabi Molia
Un promeneur solitaire dans la foule, d’Antonio Muñoz Molina


À première vue : la rentrée Iconoclaste 2020

logoiconoclaste


Depuis que les éditions de l’Iconoclaste se mêlent à la rentrée littéraire, elles le font avec parcimonie et discernement. Trois ou quatre livres au maximum, en littérature française, tous défendus avec passion par Sophie de Sivry, Julia Pawlowitch et toute l’équipe. À leur actif, quelques pépites : Victor Hugo vient de mourir de Judith Perrignon, La Vraie vie d’Adeline Dieudonné, le sublime Neverland de Timothée de Fombelle, ou Une bête au Paradis de Cécile Coulon, pour ne citer que ceux-là.
Autant dire que j’attends toujours leur programme avec curiosité, attentif à ne pas manquer une nouvelle jolie découverte.
Cette année encore, L’Iconoclaste présente trois titres, dont un premier roman (autre tradition à laquelle la maison tient, toujours amener au moins un débutant sur le devant de la scène – et souvent avec succès).


Intérêt global :

sourire léger


Julia Kerninon - Liv MariaLiv Maria, de Julia Kerninon

Remarqué dès son premier roman, Buvard, Julia Kerninon a déjà publié quatre livres, tous aux éditions du Rouergue (en plus de deux autres publiés en jeunesse auparavant). On lui souhaite que son entrée à l’Iconoclaste soit aussi couronnée de succès que celle de Cécile Coulon (autre jeune transfuge féminine remarquable) l’année dernière.
Son nouveau roman porte le nom de son héroïne, Liv Maria, annonçant ainsi le projet d’un portrait de femme tout en contrastes et en variations. Fille d’un marin norvégien et d’une mère bretonne, Liv Maria sort d’une enfance solitaire pour découvrir l’amour, le plaisir et la passion à Berlin, à l’âge de 17 ans. S’ensuivent les tours et détours de la vie, qui l’emmèneront de l’Amérique Latine à l’Irlande, en quête de compréhension et de vérité.

Hadrien Bels - Cinq dans tes yeuxCinq dans tes yeux, de Hadrien Bels

Chronique vitale et vivifiante de plusieurs personnages, d’une adolescence en feu à une vie adulte plus rangée, le premier roman de Hadrien Bels est aussi un roman de Marseille. Dans le sillage de Stress, son personnage central, et de sa bande de potes tous venus d’ailleurs, de l’Algérie aux Comores, on arpente le vieux quartier du Panier, le temps de le voir changer, oubliant son passé de ghetto populaire pour devenir le dernier chic des bobos qui le gentrifient à tour de bras.
Évidemment originaire de Marseille, l’auteur raconte ces bouleversements dans une langue présentée comme « ultra-contemporaine ». C’est, bien entendu, le point de fixation le plus attendu du livre.

David Le Bailly - L'Autre RimbaudL’Autre Rimbaud, de David Le Bailly

Quand on dit Rimbaud, on pense évidemment Arthur. Et on croit que tout a déjà été raconté sur le jeune homme qui a changé le visage de la poésie, et dont la trajectoire fulgurante reste sans équivalent dans l’histoire littéraire. Pourtant, il existe encore à son sujet des histoires qui n’ont été racontées. Celle de son frère aîné, Frédéric, par exemple. C’est à lui, « l’autre Rimbaud », que David Le Bailly, s’intéresse ici, éclairant en creux le parcours d’Arthur, tout en questionnant la complexité des rapports familiaux. Un livre entre roman et enquête, assez emblématique du catalogue littéraire de l’Iconoclaste, qu’il faudra donc surveiller de près.


BILAN



Lecture probable :

Liv Maria, de Julia Kerninon

Lecture potentielle :
Cinq dans tes yeux, d’Hadrien Bels


Rien d’autre sur terre, de Conor O’Callaghan

O'Callaghan - Rien d'autre sur TerreUne fillette de douze ans tambourine à la porte d’un prêtre. Elle est la dernière rescapée d’une famille dont tous les membres ont mystérieusement disparu au cours des dernières semaines, sans laisser la moindre trace. Le père de l’enfant vient de s’effacer à son tour, et la jeune fille terrifiée, livrée à elle-même, vient chercher du secours.
Même si la situation est pour le moins étrange, elle n’est guère surprenante pour le prêtre comme pour les autres habitants des environs. Revenue depuis peu d’un séjour inexpliqué à l’étranger, cette famille bizarre vivait dans le pavillon témoin d’un lotissement moderne dont la construction semblait à l’abandon, faute d’habitants pour l’investir. Dans ce décor déserté et poussiéreux, sous la chaleur écrasante d’un été caniculaire, alors que les portes claquaient sans raison, que des inscriptions troublantes apparaissaient sur les carreaux sales et que l’électricité marchait quand elle pouvait, il fallait bien que quelque chose se passe. Quelque chose d’inquiétant et de terrible, fatalement…

« À quoi ressemblait-elle ? Elle ne ressemblait à rien d’autre sur terre. »

L’Irlande est décidément une magnifique terre de littérature. Ce n’est pas un scoop, certes. Mais ce n’est pas non plus Conor O’Callaghan, connu dans son pays pour sa poésie avant d’y proposer ce premier roman en 2016, qui me fera prétendre le contraire. Avec sa langue créative, son univers insidieux, son atmosphère poisseuse, Rien d’autre sur terre est un début romanesque d’une force et d’une originalité remarquables.
Tout se joue par petites touches, dans les détails. Des images saisissantes qui surgissent au moment où on s’y s’attend le moins. Des décors magnifiquement conçus – ce lotissement à l’abandon, envahi de poussière, est un formidable paysage d’angoisse. Des scènes qui étirent leur langueur moite, d’autres qui compressent le temps et extirpent l’inquiétude des ombres noires de l’esprit. Des personnages étranges, insaisissables, perturbés et perturbants.

Conor O’Callaghan fait du non-dit, de la suggestion et des rumeurs alimentées par l’imagination les armes de sa littérature. Rien d’horrifique ni de sanglant, aucun effet gore, au contraire. Depuis Poe et Lovecraft, on sait que la peur est rampante, qu’elle se dissimule derrière des rideaux lourds que rien ne sert d’agiter. La peur est inquiétude, tapie dans votre dos, prête à vous lécher l’échine de sa langue froide. La peur est en soi, c’est le monstre que l’on élève au creux de ses secrets les plus inavouables – la construction habile du roman le montre à merveille.
Rien d’autre sur terre est un livre fort, singulier, de ceux qui hantent l’imaginaire pendant un long moment et y impriment une empreinte qui met du temps à s’effacer – si elle s’efface un jour. Une réussite, et une belle découverte que je vous invite à partager.

Rien d’autre sur terre, de Conor O’Callaghan
(Nothing on Earth, traduit de l’anglais (Irlande) par Mona de Pracontal)
Éditions Sabine Wespieser, 2018
ISBN 978-2-84805-305-9
272 p., 21€


Smile, de Roddy Doyle

Doyle - SmileVictor Forde vient de se séparer de sa compagne, Rachel Carey, le grand amour de sa vie. Il retourne vivre dans le quartier dublinois de son enfance, près de la mer, où il s’installe dans un immeuble moderne abritant essentiellement des émigrés d’Europe de l’Est. Il se force à se rendre tous les soirs dans le même pub, comme «on irait à la salle de sport ou à la messe». Il y rencontre un certain Ed Fitzpatrick, qui lui assure être un ancien camarade de classe. Il ne se souvient pas de lui mais a une sensation désagréable en sa présence, sans réussir à s’expliquer pourquoi. Ils se croisent régulièrement au pub : Ed recherche une complicité, il revient sans cesse sur leur passé d’écoliers chez les frères chrétiens.
Victor se bat avec sa mémoire et refuse de toute évidence des pans entiers de son passé. Ed Fitzpatrick, suspect, voire sinistre, agit sur lui comme un révélateur et l’oblige à affronter la réalité…

J’ai aimé ce Smile, roman sobre et touchant qui recompose tel un puzzle la mémoire éparpillée d’un de ces héros du quotidien dont l’Irlande a le secret. Car Smile est un roman furieusement irlandais. Je ne saurais pas expliquer pourquoi, mais il y a quelque chose dans la littérature irlandaise qu’on ne trouve pas ailleurs. Un sens de l’atmosphère, des paysages du pays, mais aussi des caractères qui n’appartient qu’aux auteurs de l’Île Verte et à leurs personnages.

Bon, déjà, on passe beaucoup de temps au pub. Cela semble un cliché, mais Roddy Doyle s’attache ici à montrer à quel point cette tradition de convivialité est essentielle à l’identité d’un Dublinois – ou d’une Dublinoise, car les femmes ne sont pas en reste. Le pub est un point d’ancrage, un repère fiable auquel Victor vient s’accrocher pour ne pas tout perdre définitivement. C’est de là qu’il a l’intention de reconstruire sa vie en morceaux. De là, aussi, que surgit cette sinistre incarnation de son passé qu’est Ed Fitzpatrick, mauvais génie encombrant et vulgaire qui agit en révélateur des souvenirs douloureux et des consciences torturées dont l’Irlande est tristement riche.
Smile sonde le sombre, mais pas seulement. Dans un balancement narratif de haute volée, le cœur du roman s’illumine d’une histoire d’amour pétillante et sensuelle, grâce à ce merveilleux personnage de Rachel, incarnation de la réussite féminine, du savoir-faire et de la grâce. Porte d’espoir ouverte sur l’avenir pour le héros, elle fait souffler une bouffée d’air frais salvatrice.

En nouant ensemble les brins de ses différents récits – l’enfance rugueuse de Victor, sa jeunesse éruptive, sa vie de couple miraculeuse (trop sans doute) jusqu’à sa chute et à sa tentative de relèvement -, Roddy Doyle habille son roman de couleurs ordinaires, par petites touches, pour mieux tout faire exploser au final dans un éclaboussement douloureux à la Jackson Pollock. Énigmatiques et cruelles, les dernières pages risquent de vous secouer – mais c’est une agitation salutaire, nécessaire même.
La composition de Smile est parfaite, l’engagement et la colère de l’auteur bousculent et concernent. Depuis The Commitments, The Van ou The Snapper, on connaissait Doyle peintre minutieux et tendre des tableaux humains. Avec l’âge et la maturité, le voici plus dur et plus poignant. D’autant plus juste, courageux et admirable : oui, j’ai aimé ce Smile.

Smile, de Roddy Doyle
(traduit de l’anglais (Irlande) par Christophe Mercier)
Éditions Joëlle Losfeld, 2018
ISBN 9782072758522
256 p., 19,50€


A première vue : la rentrée Sabine Wespieser 2018

Comme souvent, la rentrée littéraire est minimaliste chez Sabine Wespieser, éditrice précieuse dont la rareté des productions est souvent synonyme de livres de grande qualité. Cette année, on s’en tiendra à deux titres seulement : un français fin août, un étranger en septembre (trois si on pousse jusqu’en octobre avec un nouveau roman de Vincent Borel, mais comme par principe je m’arrête à la fin septembre, nous n’en parlerons pas davantage ici). Et, du coup, on a un peu envie de s’intéresser aux deux.

O'Callaghan - Rien d'autre sur TerrePOLTERGEIST : Rien d’autre sur Terre, de Conor O’Callaghan (lu)
(traduit de l’irlandais par Mona de Pracontal)
Quand il ouvre à la gamine terrifiée par la disparition de son père, le prêtre et narrateur de ce troublant premier roman en sait déjà long sur elle. Le village entier se perd en conjectures sur cette famille pas comme les autres, revenue depuis peu en Irlande et installée dans le pavillon-témoin du lotissement en construction. Mais personne ne les connaît vraiment. Les bribes de confidences livrées par la petite fille, dans son anglais aux intonations bizarres, n’en révéleront pas beaucoup plus sur l’atmosphère inquiétante de la maison : les portes y claquent sans raison, l’électricité est subitement coupée, des objets se volatilisent, avant les habitants eux-mêmes… Tout cela sous une chaleur caniculaire, où le temps s’étire en d’insolites séances de bronzage, où des mots apparaissent, écrits sur la poussière des fenêtres, et où l’irrespirable air nocturne est empli de bruits étranges.
Ce bref roman tient les promesses de son résumé : une atmosphère pesante, beaucoup de questions et peu de réponses, des personnages étranges, un sens inouï des décors et une manière forte de les mettre en scène… Quelque part entre une histoire de zombies (mais des zombies bien vivants), un roman d’angoisse et une étude de moeurs, Rien d’autre sur Terre marque la mémoire du lecteur de son empreinte poisseuse. Très réussi !

Tavernier - RoissyTHE TERMINAL : Roissy, de Tiffany Tavernier
Une femme arpente les terminaux de Roissy, tirant sa valise derrière elle. On dirait une voyageuse parmi d’autres, pourtant jamais elle n’embarque. Sans domicile fixe, ni mémoire, elle a fait du gigantesque aéroport son refuge, le creux de son anonymat à protéger. Pourtant, ce confort fabriqué avec tant de soin s’effrite lorsqu’un homme, qui tous les jours vient attendre l’arrivée du Rio-Paris, tente de l’aborder, et ouvre la porte à une nouvelle histoire…
Riche en récits en tous genres et en décors fascinants, le microcosme de l’aéroport est un cadre romanesque séduisant. On est curieux de voir ce que Tiffany Tavernier (fille de, oui oui), déjà auteure de plusieurs livres, y a puisé comme matière.


On a lu (et beaucoup aimé) :
Rien d’autre sur Terre, de Conor O’Callaghan

On lira sûrement :
Roissy, de Tiffany Tavernier



Vera, de Karl Geary

Tu t’appelles Sonny. Tu as 16 ans, tu vis en Irlande mais tu rêves d’ailleurs. Parce que c’est de ton âge, bien sûr. Mais aussi parce que ta vie est loin d’être idéale, il faut bien le reconnaître. Fâché avec l’école où tu traînes surtout pour piquer du matériel de vélo, tu fais l’apprenti boucher chaque soir en sortant du lycée, mais c’est tout sauf une vocation. Ton père claque sa paie dans des paris minables, ta mère se fane dans sa cuisine, tu cohabites de loin avec tes frères. Ça, une vie ? L’horreur, l’ennui, ouais. Mais comment faire pour s’en sortir ?
Geary - VeraUn jour, alors que tu accompagnes ton père sur un chantier, tu rencontres Vera. Impossible de lui donner un âge, d’ailleurs elle ne l’avoue jamais. Mais ce dont tu es sûr, c’est que tu la trouves belle, renversante, d’autant plus séduisante qu’elle est mystérieuse. Tu tombes amoureux, et tu penses que cet amour-là, c’est la vie, justement. Tu te trompes, bien sûr, mais grâce à Vera, le cours de ton existence va prendre un virage décisif et c’est tout ce qui compte.

Tu te demandes sûrement, lecteur Cannibale, ce qu’il me prend soudain de t’interpeller avec tant de familiarité. Je ne veux pas balancer mais ce n’est pas moi qui ai commencé, c’est Karl Geary qui, pour son premier roman, n’a pas choisi de faire dans la facilité. Pour mieux te glisser dans la peau de Sonny, il a décidé d’écrire à la deuxième personne du singulier. Et c’est une superbe idée, qui te force la main, t’oblige à suivre Sonny, bien que ce ne soit pas le genre de gamin que tu voudrais être, ou simplement côtoyer. Il n’est pas très aimable, Sonny ; c’est un peu un voyou, pas un méchant, non, mais il n’est pas bien parti et pourrait carrément glisser sur la pente savonneuse de la délinquance. Tu n’as pas vraiment envie de lui faire confiance, au début.

Et puis, petit à petit, tu acceptes de devenir Sonny. Tu acceptes, à travers ses yeux butés mais encore voilés par la naïveté de l’enfance, de tomber amoureux d’une femme au moins deux fois plus âgée que toi. Tu te laisses envoûter par ce récit rugueux, âpre mais intensément pudique, d’une justesse confondante. Tu admires la traduction au cordeau de Céline Leroy, qui retranscrit à merveille l’atmosphère loachienne du roman, mais aussi sa poésie cachée entre les briques. Poésie qui éclot peu à peu tandis que toi, Sonny, tu découvres grâce à Vera la littérature, le plaisir de la lecture que tu pratiques en solitaire, coupable, parce que tes parents ne comprendraient pas que tu perdes ton temps ainsi.

Et tu achèves ta lecture bouleversé, la gorge serrée par une fin aussi surprenante qu’impeccable. Surpris d’être aussi touché par un livre dont tu n’imaginais pas en le commençant qu’il t’accorderait tant de douceur et d’émotion. Tu refermes Vera en remerciant Karl Geary de faire une entrée en littérature aussi impressionnante, et en lui donnant rendez-vous pour le prochain, avec impatience.

Vera, de Karl Geary
(traduit de l’anglais (Irlande) par Céline Leroy)
Éditions Rivages, 2017
ISBN 978-2-7436-4055-2
276 p., 21,50€


A première vue : la rentrée Rivages 2017

Lentement mais sûrement, les éditions Rivages – qui ont construit leur réputation sur un catalogue de polar et de littérature étrangère incontournable – ont installé les couvertures bleu foncé de leurs romans français sur les tables des librairies. Cette année, ils présentent deux de leurs jeunes auteurs phares, ainsi qu’un seul roman étranger, le premier d’un auteur irlandais auquel ils croient beaucoup – et de leur part, ça veut dire beaucoup !

Geary - VeraSWEET SIXTEEN : Vera, de Karl Geary (lu)
(traduit de l’anglais (Irlande) par Céline Leroy)
Acteur, scénariste, Karl Geary signe donc ce premier roman irlandais dont les éditions Rivages font leur fer de lance pour cette rentrée. L’histoire d’une rencontre décisive entre Sonny, apprenti boucher de 16 ans au quotidien morne et à l’avenir bouché, et Vera, trentenaire solitaire qui va lui faire découvrir l’univers des livres et de la culture.
Pour ce roman traduit par l’excellente Céline Leroy, on commence par penser à l’inévitable Ken Loach, avant d’oublier toute référence pour se laisser happer par ce livre âpre, rugueux, douloureux et pourtant lumineux. Un récit d’apprentissage de la vie, une histoire d’amour(s), sans pathos ni misérabilisme, avec lequel il faudra compter sans hésiter. Superbe !

*****

Bonnefoy - Sucre noirPIRATES DES CARAÏBES : Sucre noir, de Miguel Bonnefoy (lu)
Un navire de pirates s’échoue sur la cime des arbres, dans les Caraïbes. A son bord, des hommes hagards, un trésor prodigieux et, veillant jalousement sur lui, le capitaine Henry Morgan, grand flibustier devant l’Éternel.
Trois siècles plus tard, la légende du trésor de Henry Morgan attire sur ces terres pauvres le jeune et ambitieux Severo Bracamonte, prêt à tout pour exhumer cette fortune extraordinaire de sa cachette secrète. A défaut d’or et de bijoux, il trouve l’amour en la personne de Serena Otero, héritière d’une plantation de cannes à sucre fondée par son père Ezequiel… Roman d’aventures et d’amours déçues, qui parfois sont les mêmes, Sucre noir fait souffler un vent d’originalité et d’exotisme bienvenu au coeur d’une littérature française parfois trop stéréotypée.

Ruben - Sous les serpents du cielTHE KITE RUNNER : Sous les serpents du ciel, d’Emmanuel Ruben
Au milieu du XXIe siècle, les pans du grand barrage de l’Ile du Levant se fissurent. Dans une vieille ville anonyme, quatre hommes prennent alors la parole pour imaginer le futur. Ils se souviennent ensuite de la mort de Walid, un adolescent qui a été tué vingt ans auparavant alors qu’il faisait voler un cerf-volant au-dessus de la frontière (résumé Electre). Deuxième roman d’Emmanuel Ruben après la remarquée Ligne des glaces (2014).

 


A première vue : la rentrée Sabine Wespieser 2016

Pour cette rentrée littéraire d’automne, Sabine Wespieser propose une voix irlandaise incontournable et deux francophones aux univers aussi barrés qu’ambitieux. Aucune facilité en vue donc, ce qui n’est pas une surprise pour qui connaît l’exigence et la singularité d’une des éditrices les plus attachantes de France.

O'Brien - Les petites chaises rougesLE CHANT DU BOURREAU : Les petites chaises rouges, d’Edna O’Brien
La vénérable romancière irlandaise (85 ans) revient avec un roman très attendu – et déjà très apprécié par ses premiers lecteurs en avant-première. Dans un petit village d’Irlande, Fidelma tombe amoureuse d’un étranger en provenance du Monténégro, ténébreux et fascinant, qui vient de s’y installer comme guérisseur. Mais l’idylle coupable (Fidelma est mariée) tourne court après l’arrestation de Vladimir Dragan, qui était recherché pour crime contre l’humanité… Dragan est inspiré du terrifiant Slobodan Milosevic, maître d’œuvre des massacres pendant la guerre en Yougoslavie.

Borel - FraternelsTOUS AZIMUTS : Fraternels, de Vincent Borel
Difficile de résumer ce gros roman (560 pages) sans l’avoir lu (et peut-être même après ?), le pitch proposé par l’éditrice étant trop long, bavard et touffu pour espérer en tirer une ligne claire. A première vue, on dirait un roman choral dont tous les personnages entreprennent une course à l’utopie, dans l’espoir de contrecarrer la marche en avant absurde de notre monde vers les injustices et les désastres. Un objet de curiosité, sans aucun doute ; à voir si nous aurons le courage et le temps de nous y plonger…

Mavrikakis - Oscar de ProfundisIL ÉTAIT UNE VILLE : Oscar de Profundis, de Catherine Mavrikakis
La fin du monde est proche. Une pluie glacée s’abat sur les hordes de sans-abri à qui les nantis ont abandonné le centre-ville de Montréal. En cette nuit du 14 au 15 novembre, règne pourtant une effervescence inhabituelle : la rock-star Oscar de Profundis revient dans sa ville natale pour deux concerts exceptionnels. Tandis que le chanteur s’enferme dans une immense villa en attendant l’heure de se produire, une pandémie abat les miséreux et des bandes rivales mettent la vile à sac… La romancière montréalaise s’aventure sur le terrain du post-apocalyptique, décidément en vogue – probablement parce que l’état actuel du monde et sa violence le justifient ?


A première vue : la rentrée Albin Michel 2015

Ils sont dix cette année à se présenter sous les couleurs des éditions Albin Michel : sept romans français et trois étrangers. A première vue, pas forcément de quoi bouleverser la rentrée littéraire (comme chez l’ensemble des éditeurs), mais quelques rendez-vous intéressants sont à espérer néanmoins, entre arrivées de transfuges prestigieux, incontournables (coucou Amélie !), projets inattendus et gros morceaux, avec une nette prédominance de sujets de société.

Nothomb - Le Crime du comte NevilleAMÉLIE WILDE : Le Crime du comte Neville, d’Amélie Nothomb (lu)
Vieil aristocrate belge sur le point de vendre son château familial, le comte Neville apprend qu’il va tuer l’un de ses invités au cours de la fête qu’il s’apprête à y donner. Sa fille adolescente, prénommée Sérieuse, lui propose une solution aussi audacieuse que terrible… Inspirée par le Crime de Lord Arthur Savile d’Oscar Wilde, Amélie Nothomb signe une fantaisie pétillante, bien dans son style quoique assez sage au final.

Rutés & Hernandez Luna - MonarquesQUATRE-MAINS TRANS-MARITIME : Monarques, de Sébastien Rutés & Juan Hernandez Luna
En 1935, Augusto, un affichiste mexicain, entame une correspondance involontaire avec Jules Daumier, jeune Français coursier à L’Humanité. Le second entreprend alors de rechercher Loreleï, jeune femme dont le premier est éperdument amoureux, et qui semble avoir disparu. Quelques dizaines d’années plus tard, les petits-fils d’Augusto et Jules poursuivent l’échange… Après la mort précoce en 2010 de Juan Hernandez Luna, Sébastien Rutés a poursuivi et achevé seul ce projet original de roman épistolaire à quatre mains.

Viguier - Ressources inhumainesVIOLENCE DES ÉCHANGES EN MILIEU TEMPÉRÉ : Ressources inhumaines, de Frédéric Viguier
Ce premier roman d’un auteur de théâtre suit le parcours d’une jeune femme quelconque au sein d’un hypermarché, qui gravit les échelons de simple stagiaire à chef de secteur, donnant ainsi un sens à sa vie. Jusqu’au jour où son statut est menacé par l’arrivée d’une nouvelle stagiaire…

Mordillat - La Brigade du rireVIVE LA SOCIALE : La Brigade du rire, de Gérard Mordillat
Une petite bande de chômeurs kidnappe un journaliste de Valeurs françaises pour le forcer à travailler selon ses propres idées extrémistes (semaine de 48h, smic en berne, travail le dimanche…) Transfuge de Calmann-Lévy, Mordillat propose une comédie sociale féroce et engagée, bien dans son style.

PETIT POUCET CHINOIS : Discours d’un arbre sur la fragilité des hommes, d’Olivier Bleys
En Chine, un homme économise assez d’argent pour racheter la maison familiale, dans le jardin de laquelle sont enterrés ses parents. Mais une compagnie minière essaie de les expulser pour exploiter la richesse du sous-sol.

LIGHT MY FIRE : L’Envers du feu, d’Anne Dufourmontelle
Premier roman d’une psychanalyste réputée, qui met en scène… une psychanalyste (on ne se refait pas). Cette dernière écoute le récit d’un Américain d’origine russe, qui tente de retrouver une femme disparue, tout en luttant contre un rêve obsédant de feu qui parasite ses souvenirs.

NICOLE GARCIA : Méfiez-vous des femmes exceptionnelles, de Claire Delannoy
En découvrant à la mort de son mari que ce dernier avait une fille cachée, une femme s’entoure de ses amies proches pour questionner leurs amitiés et leurs amours. Vous le voyez venir, le film choral avec toutes les actrices françaises qu’on voit toujours à l’affiche dans ce genre d’histoire ?

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Mari - Les folles espérancesDICKENS ITALIEN : Les folles espérances, d’Alessandro Mari
(traduit de l’italien par Anna Colao)
Pour son premier roman, Mari balance un pavé de 1000 pages qui suit quatre personnages, parmi lesquels Garibaldi, dans une quête de liberté et d’amour dans l’Italie du XIXème siècle. On l’attend comme l’une des révélations étrangères de cette rentrée.

Mengestu - Tous nos nomsTEARS FOR FEARS : Tous nos noms, de Dinaw Mengestu
(traduit de l’américain par Michèle Albaret-Maatsch)
Un jeune Africain fuit l’Ouganda en proie à la guerre civile, y abandonnant son meilleur ami, pour rallier l’Amérique des années 70, où il trouve l’amour. Entre Afrique et Amérique, un roman du déchirement et de la quête d’identité dans des pays qui se cherchent.

INISHOWEN : La Neige noire, de Paul Lynch
(traduit de l’anglais (Irlande) par Marina Boraso)
Après avoir vécu aux États-Unis, un Irlandais revient s’installer en 1945 dans une ferme de son pays avec femme et enfant. La mort accidentelle d’un ouvrier dans l’incendie de son étable le confronte à l’hostilité des autochtones, qui se confond avec la rudesse de la région.


Danse noire, de Nancy Huston

Signé Bookfalo Kill

Le scénariste Milo Noirlac est mourant, cloué sur son lit d’hôpital. A son chevet, son ami et amant, le réalisateur Paul Schwartz, se prend alors à imaginer un dernier projet commun : écrire une vaste fresque qui retracerait la vie de Milo, mais également celle de ses ancêtres sur les deux générations précédentes, en suivant en particulier la vie misérable de sa mère Awinita, une prostituée indienne, et celle de Neil Kerrigan, fabuleux grand-père quasi chassé de son Irlande natale où il avait rêvé trop fort d’indépendance – un crime contre les Anglais tout-puissants au début du XXème siècle.
L’espace d’une nuit fiévreuse, au rythme de la capoeira que Milo dansait si bien, le rêve d’un grand film se dessine peu à peu…

Il y a certains livres que l’on commence à lire par plaisir et que l’on termine par devoir. Je ne prétendrai pas être un spécialiste de l’œuvre foisonnante de Nancy Huston, mais les trois romans que j’avais lus d’elle auparavant m’avaient plu, voire totalement emballé (Lignes de faille et Instruments des ténèbres). C’est donc avec peine que j’ai dû lutter pour achever la lecture de Danse noire, en ayant à chaque page vaincue la même pensée : « ce livre n’est pas mauvais, c’est juste qu’il me résiste et que je le trouve ennuyeux. »

Huston - Danse noireIl y a plusieurs raisons à cela, la première est formelle et bizarrement paradoxale : la plupart des dialogues des chapitres consacrés à Awinita, ainsi que certains de Neil et Milo, sont écrits en anglais. Le procédé fait totalement sens, dans la mesure où le roman aborde la question de l’identité, à la fois personnelle, historique et nationale, une problématique fondamentale au Québec et au Canada ; le choix de la langue est dans cette perspective un enjeu très important, ainsi que le fait de devoir lutter pour s’approprier une existence linguistique que l’on n’a pas forcément envie d’adopter.
Puis Danse Noire est en partie sous l’influence de James Joyce, dont le monstre littéraire Finnegans Wake mélange lui aussi les langues (mais à un niveau beaucoup plus complexe).
Néanmoins, ce jonglage permanent entre français et anglais est difficile à soutenir, en tout cas mon cerveau n’a jamais pu s’y habituer – et ce ne sont pas les traductions en québécois rustique (!), livrées par Nancy Huston elle-même en note de bas de page, qui peuvent vraiment aider… Du coup, la lecture est souvent laborieuse, hachée, alors même que l’on sent toute l’importance de ce qui se joue à travers ce choix narratif osé.

Puis la construction du livre manque d’évidence, de transparence, alors même que la narration est linéaire pour chacun des trois personnages. Le mélange des trois histoires a cette fois quelque chose d’artificiel, brouille l’ensemble du récit et ne lui apporte pas grand-chose. Surtout que Danse Noire est censé suivre l’écriture sur le vif du scénario, comme l’indiquent les fréquents « ON COUPE » à la fin des scènes, où certaines parenthèses où Paul Schwartz envisage la réalisation ou discute la pertinence de telle ou telle séquence) : le déroulé du film s’avère énigmatique, et j’aurais franchement peur de m’endormir au cinéma si je devais aller voir le résultat final sur grand écran.

Sans parler du fait que certaines histoires sont plus intéressantes que d’autres : celle d’Awinita tourne ainsi très vite en rond, répétant les scènes où la prostituée couche avec ses clients et celle où elle se dispute avec son amant Declan, futur père de Milo, sans que cela nourrisse l’intrigue. Comme ce sont les passages où il y a le plus de jonglage entre l’anglais et le français, cela n’aide pas… Et une fois de plus, j’ai eu l’impression de passer à côté de quelque chose, puisque avec ce personnage, Huston évoque la situation particulière des « Natives », les Indiens du continent nord-américain, privés de tout droit et de tout respect aussi bien aux Etats-Unis qu’au Canada. Encore un sujet essentiel, pourtant pas assez explicité.

Enfin, si l’enfance et la jeunesse de Milo font partie des plus beaux passages du livre, le personnage perd de sa force en grandissant, réduit à une caricature droguée et baisant à tout-va qui méritait mieux que cela – d’autant que l’auteur esquisse quelque chose avec sa découverte du Brésil et de la capoeira, dont les mouvements sont censés rythmer l’ensemble du récit, mais finit par bâcler cet aspect, dans une conclusion expéditive, assortie d’une surprise, certes, mais qui manque de crédibilité et de force.

Bref, si les sujets sont présents dans le roman, palpables mais pas totalement saisissables, si certaines idées ou certains passages parviennent à emporter le lecteur, Danse Noire a quelque chose d’inachevé qui m’a laissé sur ma faim et plus ennuyé qu’autre chose. Une demie-déception.

Danse Noire, de Nancy Huston
Éditions Actes Sud, 2013
ISBN 978-2-330-02265-5
348 p., 21€


Retour à Killybegs, de Sorj Chalandon

Signé Bookfalo Kill

Dans Mon traître, son troisième roman paru en 2008 (Grasset), Sorj Chalandon racontait l’histoire d’Antoine, un jeune luthier français qui, dans les années 70, découvrait l’Irlande du Nord, alors en résistance active contre la domination britannique. Tombé amoureux de la terre, de la langue, des hommes, il s’identifiait à leur lutte, se mettait à leur service et se faisait une petite place auprès des combattants de l’IRA. Il s’attirait notamment l’amitié de Tyrone Meehan, leader charismatique du mouvement nationaliste, devenu son mentor. Jusqu’à ce jour funeste de décembre 2006 où il apprenait, comme tout le monde, que Meehan travaillait pour les Britanniques depuis vingt-cinq ans.
L’histoire était largement autobiographique. Sous les traits modestes du “petit Français” se cachait Chalandon lui-même, alors journaliste à Libération et lauréat en 1989 du prix Albert-Londres pour ses reportages consacrés à l’Irlande du Nord. Quant à Tyrone Meehan, c’était Denis Donaldson, ami du romancier et traître révélé en 2005.

Sorj Chalandon n’en avait donc pas terminé avec cette histoire. Après avoir entrepris d’exorciser la blessure de son amitié trahie, il donne cette fois la parole à Meehan lui-même. L’occasion de dire que résumer sa vie à sa traîtrise est une injustice occultant l’intensité d’une existence offerte avec bravoure à la résistance armée.
En le nommant narrateur, l’écrivain permet à Meehan de se raconter, depuis son enfance misérable jusqu’au renoncement, en passant par son initiation au combat à l’adolescence, les premières armes, les premières actions, les victoires, les morts parmi les compagnons de lutte, les premières arrestations, et la prison. Les pages consacrées à ses longs mois d’internement, dans des conditions indignes, figurent parmi les plus marquantes du livre.
Il lui accorde également la chance de s’expliquer, de se justifier, d’éclairer les conditions d’un choix impossible autant qu’incontournable. Une opportunité purement littéraire, puisque dans la réalité, il n’a jamais pu reparler à Donaldson entre les aveux de ce dernier et son assassinat cinq mois plus tard.

Chalandon laisse ainsi le romancier prendre totalement le pas sur le journaliste, et son style lui-même est là pour le rappeler à chaque page. Dans la masse indigeste de scribouilleurs sans relief que nos chers éditeurs se croient obligés de nous infliger à chaque rentrée littéraire, voici enfin un auteur français, un vrai, au sens noble du terme. Doté d’une plume, d’une patte, d’une âme d’écrivain.
Ses phrases courtes et dépourvues de graisse, ses mots choisis pour aller à l’essentiel des idées, sont la chair de ses sensations et de ses sentiments. Ce qui n’empêche pas son écriture d’être empreinte d’un certain lyrisme, ses métaphores pleines d’intuition de frapper l’imaginaire et le cœur du lecteur. Juste et attachante, la voix de Meehan fait chanter l’Irlande qu’aime Chalandon, autant que la rage désespérée animant ceux qui se battaient pour elle.

“L’IRA. Soudain, je l’ai vue partout. Dans ce fumeur de pipe chargé de couvertures. Ces femmes en châle, qui nous entouraient de leur silence. Ce vieil homme, accroupi sur le trottoir, qui réparait notre lampe à huile. Je l’ai vue dans les gamins qui aidaient à notre exil. (…) Je l’ai vue dans l’air épais de la tourbe. Dans le jour qui se levait. Je l’ai sentie en moi. En moi, Tyrone Meehan, seize ans, fils de Patraig et de la terre d’Irlande. Chassé de mon village par la misère, banni de mon quartier par l’ennemi. L’IRA, moi.” (p.59)

Le Retour à Killybegs, c’est le retour aux sources. Celles de la vie de Meehan, bien sûr, mais aussi le retour, pour l’écrivain, aux sources de sa passion et de son admiration pour l’Irlande du Nord et ceux qui se sont battus pour elle. Lorsqu’un livre vibre d’une telle sincérité, comment ne pas l’aimer ?

Retour à Killybegs, de Sorj Chalandon
Éditions Grasset, 2011
ISBN 978-2-246-78569-9
334 p., 20€

On en parle aussi ici : Rue89, Tournezlespages’s Blog, A lire au pays des merveilles