À première vue : la rentrée Passage 2021
Intérêt global :
Deux titres l’année dernière, deux titres cette année : le Passage ne déroge pas à sa règle de parcimonie, conforme à la taille modeste de cette maison dont le catalogue sérieux, à défaut souvent d’être percutant ou original, réserve à l’occasion quelques jolies surprises.
Les deux invités de la rentrée 2021, déjà publiés par l’éditeur, convoquent aventure et Histoire, dans un mélange qui a fait ses preuves sous la griffe du Passage.
Là où naissent les prophètes, d’Olivier Rogez
C’est le troisième roman du journaliste Olivier Rogez qui, pour son travail, a navigué à travers le monde durant de nombreuses années, en particulier en Russie et en Afrique. Cette expérience a sans doute nourri l’intrigue de ce livre qui se déroule entre le Libéria et le Nigéria, aux côtés d’un pasteur capable de voir des anges et d’une évangéliste américaine qui l’invite à prendre place dans une caravane d’évangélisation. Ce périple entre faux dévots, fondamentalistes et criminels va amener le pasteur à se questionner en profondeur sur la foi sincère.
Le Jeune homme au bras fantôme, d’Hélène Bonafous-Murat
Paris, 1834. Orphelin à la suite de l’attaque qui a coûté la vie à son père et qui lui a valu de perdre son bras, Charles Hû n’attend pas grand chose de la vie. C’est sans compter sur l’aide d’un horloger qui l’équipe d’une prothèse. Devenu rédacteur pour un entrepreneur peu scrupuleux, il est déterminé à se faire une place, s’impliquant de plus en plus dans les affaires de son patron.
À première vue : la rentrée Gallimard 2021
Intérêt global :

Coefficient d’occupation des tables des libraires :
Oubliés, les « seulement » treize titres de la rentrée 2020. Toutes collections confondues, Gallimard bombarde cette année 22 nouveautés sur les tables des libraires entre mi-août et mi-septembre.
Le fameux effet « monde d’après », sans doute.
Bon, c’est du grand n’importe quoi, bien entendu, où surnagent pourtant auteurs incontournables et quelques promesses intéressantes, comme d’habitude – on n’est pas Gallimard par hasard, aussi horripilant et arrogant soit-on.
Mais tout de même, vingt-deux… Faut pas déconner.
Donc je ferai un effort pour les titres qui m’intéressent le plus, les autres n’auront droit qu’à une copie bête et méchante du résumé Électre (merci Électre).
LE RETOUR DU NOBEL
Klara et le soleil, de Kazuo Ishiguro
(traduit de l’anglais par Anne Rabinovitch)

C’est le premier roman du romancier britannique d’origine japonaise publié depuis qu’il a reçu le Prix Nobel. C’est aussi le premier édité chez Gallimard, après des années passées en France aux éditions des Deux Terres, disparues des écrans radar depuis 2018.
Ce retour, qui sera sûrement scruté de près, risque de décontenancer ceux de ses lecteurs qui en sont restés aux Vestiges du jour – un peu moins ceux qui, comme moi, ont adoré Auprès de moi toujours et son terrifiant sujet caché sous un vernis de bonne éducation classique.
Le résumé annonce en effet un roman futuriste, une sorte de variation sur le déjà bizarroïde (mais ô combien stimulant) A.I. : Intelligence Artificielle de Steven Spielberg. D’ailleurs, comme en clin d’œil à ce film, la Klara du titre est une A.A., une Amie Artificielle. Sa fonction : tenir compagnie et réconforter les enfants ou adolescents. Derrière une vitrine où elle se régénère à la lumière du soleil, elle observe le monde et les passants en espérant être bientôt adoptée. Lorsque l’occasion se présente, le risque est grand pourtant pour qu’elle déchante…
Rien de tel qu’un décrochage technologique pour parler avec pertinence de ce qui constitue l’essence de l’être humain. C’est un grand classique du forme de science-fiction humaniste, et l’empathie et la finesse psychologique d’Ishiguro ont tout pour faire éclore une fleur merveilleuse dans ce riche terreau.
LES DENTS DE LA MER CONTRE-ATTAQUENT
Au temps des requins et des sauveurs, de Kawai Strong Washburn
(traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles Recoursé)

C’est d’abord le titre qui a attiré mon attention, puis le pitch de ce premier roman qui campe son intrigue à Hawaii.
Un petit garçon tombe à l’eau au cours d’une balade en mer. Des requins blancs l’entourent, on le croit perdu, mais l’un des squales le ramène sain et sauf à sa mère.
Par la suite, l’enfant développe d’étonnantes capacités de guérisseur, qui fascinent tout en mettant en danger l’équilibre de sa famille.
Une histoire intime qui éclaire en ombres chinoises l’histoire de l’archipel hawaïen : un classique du roman américain, dont le cadre inhabituel est le premier point fort.
UN NOUVEL ESPOIR ?
Temps sauvages, de Mario Vargas Llosa
(traduit de l’espagnol (Pérou) par Albert Bensoussan et Daniel Lefort)

On parlait de prix Nobel de littérature un peu plus haut, voici le nouveau roman du millésime 2010.
Un roman politique, articulé autour d’un fait historique véridique : en 1954, les États-Unis organisent un coup d’État militaire au Guatemala afin de renverser le président, Jacobo Arbenz. Ce dernier est un jeune militaire aux positions libérales et progressistes qui a notamment engagé une réforme agraire pour distribuer de la terre aux Indiens et partager les bénéfices de la culture bananière. La CIA et la puissante United Fruit Company agissent dans l’ombre.
DES HOMMES (ET DE LEURS PÈRES ET GRANDS-PÈRES…)
Le Fils de l’homme, de Jean-Baptiste Del Amo
Je n’ai jamais lu Jean-Baptiste Del Amo, et c’est sans doute un tort que je pourrais réparer avec ce nouveau livre.
Sur le papier, on dirait une variation sur Shining : après des années d’absence, un homme resurgit dans la vie de sa femme et de son fils, qu’il emmène dans une vieille maison isolée en pleine montagne. Il y assoit son emprise sur eux tout en sombrant lentement dans la folie.
La Volonté, de Marc Dugain
Grand nom et gros vendeur de la maison Gallimard, Marc Dugain délaisse les sujets historiques qu’il affectionne pour s’intéresser à son père. Un homme auquel il s’est violemment opposé durant une partie de sa vie, notamment durant l’adolescence, mais dont il a compris presque trop tard tout ce qu’il lui devait.
Un récit personnel qui, je l’avoue, n’éveille en rien ma curiosité.
Mohican, d’Eric Fottorino
Au cœur du Jura, un père et son fils s’opposent sur la manière de s’occuper de leurs terres. Parvenu au terme de sa vie, le père s’échine à gommer son passé de pollueur en imposant une forêt d’éoliennes autour d’eux, tandis que son fils rêve de rétablir le lien naturel entre l’homme, la terre, les saisons et les animaux.
Un affrontement philosophico-agricole sur fond de réflexion sur la modernité.
Les enfants de Cadillac, de François Noudelmann
Pour son premier roman, François Noudelmann met en parallèle la figure de son grand-père, combattant de la Première Guerre mondiale, lors de laquelle il est gravement blessé avant de finir sa vie en asile psychiatrique, et celle de son père, déporté lors de la Seconde Guerre mondiale, qui affronte à la libération des camps un terrible périple pour revenir à pied de Pologne jusqu’en France.
(Vous êtes toujours là ? Non, parce que c’est loin d’être terminé. Allez, on passe aux dames maintenant.)
DES FEMMES
Mon amie Natalia, de Laura Lindstedt
(traduit du finnois par Claire Saint-Germain)
De l’intérêt des contrastes : voici un roman finnois chaud comme la braise (sur le papier en tout cas).
L’histoire d’une femme qui entame une thérapie pour se débarrasser de ses obsessions sexuelles et qui, loin de se recadrer, perd peu à peu toutes ses inhibitions tout en appréciant de plus en plus ses rendez-vous atypiques avec son thérapeute.
Rien ne t’appartient, de Nathacha Appanah
A la mort de son époux, Tara sent rejaillir le souvenir de celle qu’elle était avant son mariage, une femme aimant rire et danser dont le destin a été renversé par les bouleversements politiques de son pays.
La Définition du bonheur, de Catherine Cusset
Autre nom référence de la maison Gallimard, Catherine Cusset entrelace le destin de deux femmes, l’une à Paris, l’autre à New York, liées par un lien mystérieux qui se dévoile peu à peu.
Un roman qui interroge le rapport des femmes au corps et au désir, à l’amour, à la maternité, au vieillissement et au bonheur.
Soleil amer, de Lilia Hassaine
Après L’Oeil du paon, le deuxième roman de Lilia Hassaine s’attache aux pas d’une femme, Naja, mère de trois enfants qu’elle élève seule en Algérie tandis que son mari, Saïd, travaille en France dans les usines de Renault à Boulogne-Billancourt.
Lorsqu’ils le rejoignent enfin, Naja tombe enceinte, et le couple décide de confier l’enfant à Saïd, faute d’avoir les moyens de l’élever correctement. Mais Naja accouche de faux jumeaux, et décide de garder le plus fragile des deux…
En creux, le roman évoque l’intégration des populations algériennes en France entre les années 60 et 80.
Une nuit après nous, de Delphine Arbo Pariente
Histoire de famille et passé refoulé, épisode 648412.
Une femme tombe amoureuse, ce qui l’amène à exhumer un passé qu’elle occultait jusqu’alors, une enfance chaotique à Tunis entre une mère à la dérive et un père tyrannique.
Un premier roman qui, quelles que soient ses bonnes intentions, a une bonne tête de sacrifié de la rentrée pléthorique de Gallimard.
Laissez-moi vous rejoindre, d’Amina Damerdji
Un premier roman qui donne une voix à Haydée Santamaria, une révolutionnaire proche de Fidel Castro.
DES HOMMES ET DES FEMMES ENSEMBLE
Mon maître et mon vainqueur, de François-Henri Désérable
La voix forte de ce jeune auteur, érudite et singulière, s’affirme avec constance à chaque nouvelle parution. À première vue, son quatrième livre attise toutefois un peu moins ma curiosité que les précédents.
Un écrivain est convoqué par la police suite à l’arrestation de son meilleur ami. Pour éclairer la personnalité de Vasco et essayer de comprendre les poèmes retrouvés sur lui au moment de son interpellation, il entreprend de relater la passion de Vasco pour une certaine Tina.
Son empire, de Claire Castillon
J’aurais pu créer une rubrique « intrigues jumelles » et y associer ce roman et celui de Jean-Baptiste Del Amo, tant leurs sujets semblent proches (ce qui ne sera sûrement pas le cas de leurs traitements respectifs, bien entendu).
Ici, une petite fille de huit ans voit sa mère céder à l’emprise psychologique d’un homme pervers, paranoïaque et jaloux.
Une éclipse, de Raphaël Haroche
Enlevez Haroche, et vous avez Raphaël le chanteur. Voilà pour le côté « people », auquel il ne faudrait pas réduire les qualités du garçon, si l’on se souvient qu’il a reçu le Goncourt de la nouvelle en 2017 pour Retourner à la mer.
Son nouveau livre est encore un recueil de nouvelles, dans lequel il explore le destin de personnages au bord de la rupture. Un classique de la forme brève, particulièrement apte à saisir en quelques pages l’instant décisif lors duquel une vie peut basculer.
La Vraie vie de Cécile G., de François Caillat
Paris, dans les années 1960. Denis, le narrateur, est adolescent lorsqu’il rencontre Cécile. Ils doivent se retrouver à Plymouth mais Cécile ne vient pas. Denis construit sa vie sans elle mais ne peut s’empêcher de penser à cette femme. Il transpose ses histoires et s’imagine les vivre avec elle. Un jour, il croit la reconnaître dans un parc. Un premier roman dont je ferai joyeusement l’économie (comme beaucoup d’autres de ce programme, cela dit).
LÀ-HAUT
Sur les toits, de Frédéric Verger

Frédéric Verger continue à recourir à la Seconde Guerre mondiale comme toile de fond de ses intrigues.
Après le très remarqué Arden et Les rêveuses, son troisième roman nous entraîne à Marseille, en 1942. De peur d’être séparés pendant l’hospitalisation de leur mère, un adolescent de 14 ans et sa petite sœur se réfugient sur les toits du quartier du Panier. Ils découvrent qu’ils sont loin d’être les seuls à avoir eu la même idée : c’est toute une population marginalisée qui vit au-dessus des maisons de Marseille…
Les envolés, d’Étienne Kern

Pour son premier roman, Étienne Kern s’inspire de l’histoire vraie de Franz Reichelt, un tailleur parisien d’origine autrichienne qui rêvait de voler comme un oiseau.
En 1912, équipé d’un dispositif de son invention, sorte d’ancêtre du wingsuit, il s’élance du premier étage de la Tour Eiffel et s’écrase en direct devant les caméras.
Un récit tragique qui peut donner une belle matière romanesque, reste à voir ce que le néo-écrivain a à en dire, et comment.
EN BAS

Cave, de Thomas Clerc
(coll. l’Arbalète)
Thomas Clerc aime bien les espaces clos. Après avoir fait de son appartement (Intérieur) ou d’un arrondissement de Paris (Paris, musée du XXIe siècle : Le Dixième Arrondissement) des espaces littéraires dignes d’un entomologiste, le voici qui plonge dans les sous-sols d’un immeuble, dans cette cave aux murs délabrés qu’il explore en métaphore de sa vie sexuelle…
AILLEURS (LES AUTRES, QUOI)

La Vie d’Andrés Mora, de Claudine Desmarteau
(coll. Sygne)
Auteure réputée pour la jeunesse, Claudine Desmarteau récidive pour les « grands » (après Comme des frères, paru chez l’Iconoclaste en 2020) en concevant l’histoire d’un écrivain dont les dernières œuvres ont si peu marché que son éditeur refuse de publier son nouveau livre.
Vexé, il entreprend de se forger un double, à l’image de Romain Gary / Émile Ajar.

La Malédiction de l’Indien : Mémoires d’une catastrophe, d’Anne Terrier
(coll. Continents Noirs)
Encore un premier roman (le programme en compte six), qui prend cette fois la direction de la Martinique.
Au début des années 2000, Josepha Dancenis s’interroge sur la coïncidence entre l’éruption de la montagne Pelée en 1902 et plusieurs événements dramatiques qui ont secoué sa famille. Elle découvre que son oncle Victorin porte un lourd secret et met en évidence des failles qui ont conduit à la mort de milliers de personnes.
BILAN
Lecture certaine :
Klara et le soleil, de Kazuo Ishiguro
Lectures probables :
Au temps des requins et des sauveurs, de Kawai Strong Washburn
Le Fils de l’homme, de Jean-Baptiste Del Amo
Lectures potentielles :
Sur les toits, de Frédéric Verger
Mon maître et mon vainqueur, de François-Henri Désérable
Temps sauvages, de Mario Vargas Llosa
À travers

Tom Haugomat
Éditions Thierry Magnier, 2018
ISBN 9791035201708
184 p., 20€
Voilà un livre que je serais bien en peine de qualifier. Ce n’est pas tout à fait une bande dessinée, bien qu’il raconte une histoire par l’image – et exclusivement par l’image, car il n’y a pas de texte, pas de bulle, rien.
Ce n’est pas non plus un album pour la jeunesse, car son propos est d’une maturité et d’une profondeur qui appellent l’expérience, du genre qu’on acquiert avec l’âge.
Alors, qu’est-ce au juste ? Un exercice graphique ? Quelque chose de nouveau qui n’a pas encore de nom ?
Bon, en fait, on s’en fout. Ce n’est pas comme si, par ici, on avait envie de perdre du temps avec les étiquettes et les idées toutes faites. Or, l’idée de Tom Haugomat, merveilleuse, se suffit à elle-même.
À travers, c’est le titre ; c’est aussi le concept du livre. Page de gauche, une scène représentée dans son ensemble, où l’on voit le héros de l’histoire regarder quelque chose à travers un objet – des jumelles, la fenêtre d’une maison ou la vitre d’une voiture, un écran (de télévision, d’ordinateur…), un hublot, une loupe, entre les barreaux d’un lit d’enfant… Vous pouvez compter sur Tom Haugomat pour trouver, à chaque page, un nouvel angle à la fois étonnant et d’une justesse absolue.
Et page de droite, le résultat en gros plan de ce que regarde le personnage.
À quoi sert ce concept ? À raconter, tout simplement, une vie d’homme. De la naissance à la vieillesse, en passant par tous les âges et tous les états de la vie. A chaque page, une date précise d’une année de son existence. Se déroule ainsi l’histoire d’un homme ordinaire, avec ses joies et ses peines, mais aussi d’un individu hors du commun. En effet, le héros d’À travers, adulte, travaille pour la NASA, devient astronaute, ce qui l’amène à vivre des expériences exceptionnelles – qui autorisent l’auteur à multiplier les trouvailles visuelles et les points de vue.
À la fois minimaliste (servi en seulement quatre couleurs : bleu, noir, rouge, blanc, parfois nuancées) et minutieux, le dessin de Tom Haugomat se niche au creux des étendues de la page, sans en coloniser tout l’espace. Laissant aux blancs, au vide alentour, le soin d’ouvrir la porte à l’imagination et au rêve, tout en resserrant le cadre sur le point de fuite fixé par le regard du personnage.
Le résultat est follement poétique et incroyablement émouvant. On s’y retrouve, on y cueille des échos de notre propre vie ; on parcourt aussi des moments marquants de l’Histoire récente – l’explosion de Challenger en 1986 (j’avais huit ans mais je m’en souviens avec une netteté foudroyante) ou les attentats du 11 septembre, par exemple.
Une escapade sublime, signée d’un illustrateur de 35 ans qui n’a pas fini de faire parler de lui et de son trait déjà reconnaissable entre tous.
À première vue : la rentrée Rouergue 2020

Intérêt global :
Aux éditions du Rouergue, maison riche de multiples facettes, il existe une collection de littérature appelée La Brune. Ont le droit de s’y épanouir la fantaisie, l’imagination, l’humour, la tendresse, l’invention… Sous les belles couvertures de la Brune, la littérature est toujours en mouvement, et ça fait du bien.
Démonstration en deux livres lancés en cette rentrée 2020.
Loin-Confins, de Marie-Sabine Roger
Capable de dénicher l’humour et la joie de vivre dans les recoins les plus improbables, Marie-Sabine Roger s’élance cette fois vers les contrées lointaines et imaginaires où l’enfance s’épanouit. Elle se choisit pour héroïne une petite fille de neuf ans prénommée Tanah, fille du Roi de Loin-Confins, archipel perdu dans l’océan Frénétique. Mais un jour le roi est déchu, exilé, et la vie de Tanah bascule. Devenue adulte, elle se remémore ces temps anciens.
Les premières pages offertes au lecteur sur le site de l’éditeur développent la langue en apparence si simple, si aérienne de Marie-Sabine Roger, où les mots chantent d’une manière unique et réinventent le monde. Grosse envie de me glisser dans ce monde singulier…
Sept gingembres, de Christophe Perruchas
Par petites touches, Christophe Perruchas décrypte un certain homme d’aujourd’hui en le décomposant. À la fois père attentionné, mari aimant, patron toxique, prédateur sexuel… Tout ceci en un seul corps, un seul esprit, une seule âme. Une figure masculine que le présent ébranle et que l’avenir menace – voilà, en effet, une statue à déboulonner, celle du mâle blanc dominant. Et il y a encore du boulot. Un premier roman dans l’air du temps.
BILAN
Lecture très probable :
Loin-Confins, de Marie-Sabine Roger
L’Homme Craie, de C.J. Tudor

Eddie, Gros Gav, Hoppo, Mickey et Nicky partagent une amitié indéfectible comme seuls les gosses de douze ans sont capables d’en vivre. Pourtant, en cet été 1986, d’étranges événements agitent leur petite ville, dont ils sont souvent témoins, parfois acteurs. Il y a cet accident à la fête foraine, et cette jeune fille grièvement blessée qu’Eddie contribue à sauver. Il y a cet homme bizarre, pâle des cheveux aux pieds, si blafard qu’on le surnomme bien vite l’Homme Craie. Il y a aussi, justement, ce seau de craies offert à Gros Gav pour son anniversaire, dont les cinq amis vont se servir pour communiquer secrètement en dessinant des symboles connus d’eux seuls – jusqu’au jour où d’autres dessins se mêlent aux leurs, dont ils ne sont pas les auteurs… Puis il y a le meurtre. La fille éparpillée dans les bois, sans que le coupable soit jamais identifié.
Trente ans plus tard, Eddie et les autres ont plus ou moins bien surmonté ces épreuves et enterré ce passé funeste. Jusqu’au jour où Mickey réapparaît et affirme à Eddie qu’il connaît la vérité. Le lendemain, Mickey a disparu – et la vérité, oui, cette vérité si longtemps enfouie, pourrait bien enfin éclater au grand jour…
Encore un premier roman, encore une belle surprise ! Celle-ci vient d’Angleterre, sous la plume d’une jeune femme dont on peut déjà annoncer qu’elle se montre fort prometteuse. En digne romancière britannique, C.J. Tudor construit un thriller prenant (le prologue est redoutablement efficace, ainsi que les premiers chapitres de mise en place qui suivent et nous plongent rapidement dans l’action), tout en accordant un soin patient à ses personnages, tous extrêmement bien campés et plus subtils qu’ils ne paraissent l’être de prime abord. À commencer par Eddie, narrateur du roman, dont la voix est spécialement intéressante à suivre – impossible de vous dire pourquoi, bien entendu.
C.J. Tudor ne s’en cache pas, elle est fan de Stephen King. On pense évidemment au maître américain, notamment à ses grands textes sur l’enfance, que ce soit Stand by me (Le Corps dans sa version française, disponible dans le recueil de novellas Différentes saisons) ou Ça. Si l’influence kingienne plane ouvertement sur le début du roman, elle disparaît peu à peu, ou du moins n’écrase pas le texte, dont la romancière assume la conduite avec une maîtrise formidable et un ton propre. L’Homme Craie est parsemé de rebondissements parfaitement amenés, quand il ne s’agit pas de cliffhangers redoutables contraignant à poursuivre la lecture, encore un chapitre, puis un autre, puis un autre…
Sans jamais s’égarer ni dans la structure de plus en plus élaborée du récit, ni dans sa narration en alternance sur deux époques (1986 et 2016), C.J. Tudor guide son histoire d’une main de maître jusqu’à un final qui, sans être renversant, réserve plusieurs belles surprises et multiplie les éclairages inattendus sur les secrets et le rôle des uns et des autres dans toute cette affaire.
Joli petit coup de cœur, donc, pour cet Homme Craie superbement mené, dont je n’attendais pas autant et qui m’a donc emballé de bout en bout. Rendez-vous sans hésitation et avec de grandes espérances pour le deuxième opus de C.J. Tudor.
L’Homme Craie, de C.J. Tudor
(The Chalk Man, traduit de l’anglais par Thibaud Eliroff)
Éditions Pygmalion, 2018
ISBN 978-2-7564-2173-5
384 p., 20,90€
A première vue : la rentrée Sabine Wespieser 2017

Comme l’année dernière, Sabine Wespieser aligne trois auteurs sur la ligne de départ, deux Françaises (oui, que des dames) et un Indonésien. Trois écrivains déjà publiés par cette formidable petite maison, qui confirme sa solidité, sa régularité et son sens de la prise de risque littéraire. Même si cela peut malheureusement déboucher sur un échec…
DÉBOUSSOLÉ : Point cardinal, de Léonor de Récondo (lu)
La jeune romancière poursuit son travail d’exploration en matière d’identité sexuelle et personnelle. Après Amours, où elle narrait la passion au début du XXème siècle entre une femme de la bourgeoisie provinciale et sa servante, voici qu’elle aborde la question de la transsexualité. Après avoir mené des années de vie tranquille avec son épouse et leurs deux enfants, Laurent se travestit et découvre qu’il se sent mieux dans ces atours féminins. Commence alors le long chemin de la révélation et de l’acceptation…
Léonor de Récondo est sûrement sincère et pleine de bonnes intentions, mais son traitement de ce sujet paraît au final trop enthousiaste et angélique pour être crédible. Une relative déception.
PILIERS DE LA TERRE : Climats de France, de Marie Richeux
Climat de France, c’est le nom d’un bâtiment construit par Fernand Pouillon à Alger. En le découvrant en 2009, Marie est saisie d’un bouleversement qui la renvoie à son enfance, incarnée par l’immeuble où elle grandi à Meudon-la-Forêt, conçu par le même architecte. Entre ces deux lieux, entre ces différentes époques, elle se met alors à tisser des liens au fil de différentes histoires qui se répondent. C’est l’un des nombreux romans où il sera question d’Algérie en cette rentrée, par un effet de concomitance qui, pour une fois, ne répond à aucune célébration particulière.
WALKING DEAD : Les Belles de Halimunda, d’Eka Kurniawan
(traduit de l’indonésien par Étienne Naveau)
Une femme sort de sa tombe 21 ans après sa mort, et traverse la ville d’Halimunda, où elle exerça le plus vieux métier du monde, pour retrouver la dernière de ses quatre filles. Après avoir mis au monde les trois premières, dont la beauté sidérante leur avait valu de nombreuses souffrances, Dewi Ayu avait émis le vœu que sa dernière-née fût laide. Elle avait été exaucée, mais cela n’empêche pas la jeune femme d’être courtisée par un homme mystérieux – et c’est cet événement qui convainc Dewi de revenir d’entre les morts.
En remontant le temps, c’est l’occasion de parcourir un siècle d’histoire indonésienne, de la domination néerlandaise à l’indépendance en passant par la terrible dictature de Soeharto. Deuxième roman de Kurniawan à paraître en France, après L’Homme-Tigre, mais son premier dans l’ordre d’écriture.
A première vue : la rentrée Grasset 2016
Chez Grasset, en général, je trouve matière à prendre du plaisir de lecture tous les deux ans. En 2015, il y avait Sorj Chalandon (Profession du père) et Laurent Binet (La Septième fonction du langage) ; en 2013, Chalandon encore (Le Quatrième mur) et Léonora Miano (La Saison de l’ombre). Vous l’aurez compris, 2016 et ses douze parutions (c’est trop !!!) ne semblent pas parties pour être un grand cru – mais il y a tout de même des raisons d’espérer, des chances d’être surpris. Alors ne partons pas battus d’avance, et croisons les doigts pour dénicher des pépites dans ce programme !
LA SAISON DES MACHETTES : Petit Pays, de Gaël Faye (lu)
La guerre civile au Burundi, voisine et contemporaine de celle au Rwanda, vue par les yeux d’un enfant. Ce premier roman de Gaël Faye buzze à tout va – buzz quelque peu orchestré par son éditeur, qui met en avant les ventes faramineuses des droits du livre à l’étranger, dans des proportions supérieures à celles qui avaient accueilli la parution d’un autre premier roman événement chez Grasset, HHhH de Laurent Binet… Pour ma part, je n’ai été saisi par ce livre que dans son dernier tiers, lorsque la violence se déchaîne et que Faye nous la fait voir avec force et retenue. Tout ce qui précède, chronique d’enfance et de famille, m’a paru plutôt anodin et longuet.
FEMINA PLURIEL : Crépuscule du tourment, de Léonora Miano
Ce roman choral donne la parole à quatre femmes liées au même homme : sa mère, sa soeur, son ex qu’il aimait trop et mal, et sa compagne avec qui il vit parce qu’il ne l’aime pas. En s’adressant à lui, elles dévoilent leurs tourments, leurs secrets, leurs quêtes de vie, mettant en écho leurs histoires personnelles et la grande Histoire, au cœur d’un pays d’Afrique subsaharienne qui pourrait être le Cameroun cher à l’auteure. On peut compter sur l’intelligence, la sensibilité et la sensualité de Léonora Miano pour donner du sens à ce texte.
L.511-1 : POLICE, de Hugo Boris (lu)
Trois gardiens de la paix sont chargés d’escorter à l’aéroport un étranger en situation irrégulière, dans le cadre d’une procédure de reconduite à la frontière. Mais les secousses de leurs vies personnelles finissent par entrer en conflit avec cette mission… Dans un registre très différent, Hugo Boris s’était montré très convaincant avec Trois grands fauves, publié chez Belfond. Ce qui permettait d’espérer quelque chose de ce roman placé à la hauteur du policier en tenue, le flic anonyme que l’on croise tous les jours dans la rue. Ambitieux comme Tavernier (L.627) ou Maïwenn (Polisse) ?
Après lecture, pas vraiment, le récit balançant entre une volonté de décrire le métier des flics de manière réaliste et les choix de la fiction, qui finissent par prendre le dessus au point de faire perdre de sa force au livre. Pas mal, mais pas aussi ambitieux ni réussi que Trois grands fauves.
NIEBELUNGEN : Fils du feu, de Guy Boley
C’est l’autre premier roman de la rentrée Grasset, et ce pourrait être une vraie curiosité. Enfants de forgeron, deux frères sont les Fils du Feu, promis à un destin brillant. Mais l’un des deux meurt subitement, semant le chaos dans le destin familial. Tandis que le père se perd dans l’alcool, la mère nie la réalité et ignore la disparition de son enfant. L’autre frère trace néanmoins son chemin et devient un peintre confirmé, trouvant la paix dans ses tableaux. Abordé à la manière d’une légende, ce récit devra compter sur une langue singulière et une atmosphère étrange pour se démarquer.
MANSON ON THE HILL : California Girls, de Simon Liberati
Liberati fait son fond de commerce des personnages sulfureux (à commencer par sa femme, héroïne de son précédent roman paru l’année dernière, Eva) et/ou tragiques (Jayne Mansfield 1967, férocement détesté par Clarice il y a cinq ans). Autant dire qu’en le voyant s’emparer du terrible Charles Manson et de l’assassinat sordide de Sharon Tate, on peut craindre le pire en matière de vulgarité et de voyeurisme. Mais on n’ira pas vérifier, ce n’est pas comme si on avait du temps à perdre non plus.
Pour le reste, vous m’excuserez mais je vais abréger, sinon on y sera encore demain.
MUNCH : Le Cri, de Thierry Vila
Femme médecin sur des bateaux d’exploration pétrolière, Lil Servinsky souffre d’un trouble qui lui fait pousser de temps à autre des cris qu’elle ne peut contrôler. Sa nouvelle embauche la confronte à l’hostilité du commandant. Un huis clos en pleine mer, une femme au milieu des hommes… Pourquoi pas.
NIOUYORQUE, NIOUYORQUE : Le Dernier des nôtres, d’Adélaïde de Clermont-Tonnerre
De Dresde en 1945 à Manhattan en 1969, une saga foisonnante avec ses rivalités, ses secrets, ses amours impossibles, ses amitiés flamboyantes et ses noms célèbres pour attirer le chaland (Patti Smith, Warhol, Dylan…)
DOUBLE DÉCIMÈTRE : L’Enfant qui mesurait le monde, de Metin Arditi
Sur une île grecque plombée par la crise, un projet d’hôtel met la population en émoi. Une agitation qui bouleverse le quotidien morne de trois personnages, un enfant autiste, sa mère accaparée par le travail et un vieil architecte rongé de chagrin après la mort de sa fille.
ET MOI, ET MOI, ET MOI : L’Innocent, de Christophe Donner
Entre 13 et 15 ans, Christophe découvre qu’il a une quéquette. Cela valait bien le coup d’en faire un livre.
QUI PEUT ACCAPARER DES OBJETS SANS RESURGIR SUR AUTRUI : L’Incandescente, de Claudie Hunzinger
Une histoire de jeunes filles, des adolescentes qui s’écrivent… non, en fait, j’ai rien compris au résumé.
*****
Et on finit (ouf !!!) par les deux romans étrangers qui, dans deux styles différents, devraient sérieusement nous dépayser…
SEULS : Anna, de Niccolo Ammaniti
L’un de mes auteurs italiens préférés revient là où on ne l’attendait pas du tout, sur le terrain de la fiction post-apocalyptique (décidément à la mode en ce moment). Nous sommes en 2020, un virus décime depuis quatre ans la population adulte, n’épargnant les enfants que jusqu’à la puberté. Anna survit avec Astor, son petit frère de quatre ans. Lorsque le petit garçon disparaît, elle met tout en oeuvre pour le retrouver, affrontant seule les bandes d’enfants sauvages, les chiens errants et la pestilence d’un monde qui s’effondre. En Italie, le roman avait été classé dans la catégorie « young adult » ; Grasset – qui récupère au passage cet auteur parti quelque temps chez Robert Laffont – décide de le publier en adulte. A voir si ce pari bizarre permettra de faire mieux connaître Ammaniti en France, où il peine depuis toujours à trouver son public.
π² : Les hautes montagnes du Portugal, de Yann Martel
Un village perdu au pied des Hautes Montagnes du Portugal est le théâtre au fil des années de curieux événements. En 1904, un jeune homme frappé par le deuil décide de tourner le dos au monde – littéralement, puisqu’il ne marche plus qu’à reculons. Il se lance ainsi dans la quête éperdue d’un mystérieux objet confectionné par un prêtre. En 1939, un médecin reçoit la visite d’une vieille femme qui lui demande d’autopsier son mari, qu’elle apporte dans sa valise. Enfin, en 1981, un sénateur canadien en deuil s’installe au village, en quête de ses racines – et en compagnie d’un chimpanzé…
Depuis L’Histoire de Pi, succès mondial surprise, le romancier canadien Yann Martel peine à trouver son second souffle. En renouant avec une intrigue pleine de merveilleux, ce sera peut-être le cas.
A première vue : la rentrée Flammarion 2016
Le chiffre est tombé récemment, il n’y aura « que » 560 romans publiés durant la rentrée littéraire de l’automne 2016, un chiffre en baisse qui confirme une tendance des éditeurs à maîtriser leur rythme de publication, espérant ainsi privilégier la qualité à la quantité. On distingue même une tendance régulière de cinq ou six romans français ou francophones, pour deux ou trois romans étrangers – mouvement que l’on retrouve chez Flammarion, avec pas mal de noms connus en tête d’affiche. Pas de quoi devenir hystérique, mais disons qu’à première vue, le programme paraît correct…
Y’EN A MÊME QUI DISENT QU’ILS L’ONT VU VOLER : Soyez imprudents les enfants, de Véronique Ovaldé
Dans la famille Bartolome, un seul précepte est adressé aux adolescents : « soyez imprudents les enfants ». A 13 ans, Atanase, la petite dernière, n’a pourtant encore rien entendu de tel et piaffe d’impatience. La découverte d’un tableau et le mystère entourant son peintre rencontrent le désir d’aventure de la jeune fille, qui part à la recherche de l’artiste pour essayer de comprendre avec lui pourquoi son œuvre l’a bousculée à ce point…
LES OISEAUX : Repose-toi sur moi, de Serge Joncour
Des corbeaux colonisent la cour d’un immeuble parisien. Terrorisée par leur présence, une jeune styliste sollicite l’aide de son voisin, ex-agriculteur reconverti dans le recouvrement de dettes. Ce curieux événement va évidemment les rapprocher et faire basculer leurs vies… Un roman d’amour sur fond de choc des cultures entre ville et campagne : avec Joncour, bon conteur doué pour l’ironie, tout est possible.
POLYPHONIE SUISSE : Vivre près des tilleuls, de l’AJAR
Ce roman est avant tout un projet singulier, car il est l’œuvre de 18 auteurs, Suisses romands (AJAR étant l’acronyme de « Association de Jeunes Auteur-e-s Romandes et romands), tâchant de faire voix commune pour raconter une seule et même histoire, celle d’une écrivaine suisse dont on découvre par hasard un journal intime dans lequel elle relate l’impossible deuil de sa fille. Forcément un objet de curiosité formelle, quant au fond…
366 : L’Année la plus longue, de Daniel Grenier
Ce petit pavé (432 pages) a franchi l’Atlantique depuis son Québec natal pour venir nous conter en toute simplicité trois siècles d’histoire en Amérique du Nord, à travers les destins croisés de deux hommes nés un 29 février – l’un des deux en profitant pour ne vieillir que tous les quatre ans… Sur le papier, une grande fresque romanesque dont le les Québécois ont le secret, par un auteur de 36 ans dont c’est le premier roman.
*****
JE EST UN AUTRE : Le Vieux saltimbanque, de Jim Harrison
La rentrée littéraire étrangère sera marquée par plusieurs publications posthumes (Henning Mankell, Umberto Eco), dont le dernier roman de Jim Harrison, paru aux USA un mois avant sa mort. Pour ce livre, Harrison fait le choix d’une autobiographie masquée, puisqu’il prête à un narrateur, écrivain en mal d’inspiration, les moments marquants de sa propre vie. L’une des sorties importantes de la rentrée, par la force des choses.
CE N’EST PAS CE QUE VOUS CROYEZ (BANDE DE GROS DÉGOÛTANTS) : I love Dick, de Chris Kraus
Une femme mariée tombe follement amoureuse d’un homme prénommé Dick, à qui elle se met à écrire ; par jeu ou par défi, le mari de cette femme entame lui aussi une correspondance avec Dick… Publié en 1997 aux Etats-Unis, I love Dick est un livre culte aux États-Unis, considéré par une journaliste du Guardian comme « le livre le plus important sur les relations homme-femme qui ait été écrit au XXème siècle ». Rien que ça. On demande à voir, même si le pitch ne nous fait pas plus rêver que cela.
*****
BONUS / LE ROMAN FANTÔME : Babylone, de Yasmina Reza
Je vous aurais bien dit un mot également du nouveau roman de Yasmina Reza, surtout que j’avais aimé son précédent, Heureux les heureux. Mais faute de savoir de quoi il est question (aucun résumé digne de ce nom n’est disponible), nous devrons attendre la sortie du livre.
L’Homme posthume, de Jake Hinkson
Signé Bookfalo Kill
Elliot Stilling avait presque réussi sa tentative de suicide. Il a même été considéré comme mort durant trois minutes. Mais les médecins l’ont ramené à la vie malgré lui – les médecins, et aussi la vision d’une belle infirmière au poignet tatoué d’une étoile…
Amoureux, Elliot ? Pas si simple. En suivant Felicia le lendemain, il semblerait qu’il ait une autre idée en tête, celle de la protéger. Il ignore qu’elle en a peut-être vraiment besoin, lorsque surgissent dans son entourage deux frères aussi costauds qu’abrutis et dangereux, ainsi qu’un certain Stan The Man, truand vénéneux qui entraîne tout ce petit monde dans un étrange projet de braquage…
L’année dernière, Jake Hinkson m’avait emballé avec son premier titre, L’Enfer de Church Street, qui inaugurait NéoNoir, la nouvelle collection de romans noirs contemporains des éditions Gallmeister. L’attente et l’espoir étaient donc au rendez-vous, forcément ; trop, sans doute.
En dépit d’un départ canon, et d’un rythme soutenu qui entraîne rapidement le lecteur vers la conclusion du livre, cet Homme posthume n’est ni aussi convaincant, ni aussi enthousiasmant que le précédent. L’intrigue ne tient qu’à un fil, tandis que les motivations et la construction des personnages manquent d’épaisseur.
Hinkson nous aspire dans une tranche de vie tragique, avec beaucoup d’énergie et sans rien céder à la noirceur des situations. Il revient aussi sur le terrain de la religion, mais sans l’esprit corrosif qui présidait au ton réjouissant, délicieusement sarcastique de L’Enfer de Church Street. L’Homme posthume est, en résumé, un peu trop superficiel pour marquer les esprits.
Dommage, mais j’attendrai le prochain Hinkson avec autant d’intérêt, car le garçon a vraiment un beau talent de conteur et une plume habile – joliment mise en valeur par la traduction toujours aussi inspirée de Sophie Aslanidès.
L’Homme posthume, de Jake Hinkson
(The Posthumous Man, traduit de l’américain par Sophie Aslanidès)
Editions Gallmeister, coll. NéoNoir, 2016
ISBN 978-2-35178-102-9
165 p., 15,50€
A première vue : la rentrée Sabine Wespieser 2015
L’éditrice Sabine Wespieser a pris l’habitude de publier peu mais bien – une coutume qui lui a valu ces derniers mois un prix Fémina pour Yanick Lahens, et le Prix des Libraires pour les formidables Amours de Léonor de Récondo. Elle aborde cette rentrée 2015 avec un seul roman français, à paraître en août, et deux étrangers très dépaysants, l’un pour septembre, l’autre pour octobre. Qui dit mieux ?
CARTOGRAPHIE FAMILIALE : La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur
Dans la famille Mendelssohn, on connaît Moses, le philosophe, et Félix, le compositeur. Mais quid de l’homme né entre eux, fils du premier et père du second, que l’Histoire a laissé dans l’ombre ? En s’intéressant à Abraham Mendelssohn, Diane Meur ne se doutait pas qu’elle allait dérouler un arbre généalogique de plus en plus vaste, découvrant des ramifications insoupçonnées qui finissent par faire du roman des Mendelssohn le roman d’une enquête – infinie, comme la vie.
Sur le papier, l’un des livres les plus ambitieux de la rentrée française.
GROAR : L’Homme-Tigre, d’Eka Kurniawan
(traduit de l’indonésien par Etienne Naveau)
Si vous avez envie de lire un roman indonésien (ce n’est pas si courant), en voici l’occasion. L’histoire d’un homme, Margio, coupable du meurtre d’un notable inoffensif dénommé Anwar Sadat, et qui prétend être possédé par un tigre. Entre tragédie sociale et conte animiste, une curiosité, sans aucun doute.
ÉTOILE DES NEIGES : Une vie entière, de Robert Seethaler
(traduit de l’autrichien par Elisabeth Landes)
Remarqué l’année dernière avec Le Tabac Tresniek, l’Autrichien Robert Seethaler revient avec le roman d’un homme ordinaire, Andreas Egger, menant sa vie en regardant toujours vers l’avant, qu’il s’agisse de combattre sur le Front de l’Est pendant la Seconde Guerre mondiale, d’échapper à la coupe d’un homme brutal l’ayant élevé à la dure enfant, ou d’accompagner le développement des téléphériques dans les montagnes où il vit. Un livre qui sera sûrement plus gratifiant à lire qu’à résumer (surtout sans l’avoir lu !)