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À première vue : la rentrée P.O.L. 2021


Intérêt global :


Quitte ou double P.O.L., épisode 2021.
Comme je le disais l’année dernière, pour cette maison d’édition dotée d’une ligne forte et exigeante, soit le programme de rentrée me passionne, soit il me laisse indifférent ou me hérisse. L’année dernière, j’avais eu une bonne surprise grâce à Lise Charles (
La Demoiselle à cœur ouvert, qui n’a certes pas marqué les esprits), et c’était tout.
Cette année, pas de folie non plus en vue, et plutôt des motifs d’agacement prononcé – même si deux romancières habituées du catalogue pourraient m’attirer dans leurs filets.


Ce que c’est qu’une existence, de Christine Montalbetti

Raconter, en une seule journée, plusieurs existences liées entre elles de près ou de loin. Voici le défi que se lance Christine Montalbetti (qui apparaît elle-même comme personnage) dans ce roman choral dont l’ambition est de raconter comment nous vivons tous au même moment des vies si différentes les unes des autres.
Un beau projet (qui rappelle un peu sur le papier celui de Laurent Mauvignier dans Autour du monde), que la fantaisie et l’empathie de l’auteure pourraient sublimer.

Hors gel, d’Emmanuelle Salasc

Durant des années, Emmanuelle Salasc a signé ses livres sous le pseudonyme de Pagano. Elle reprend son véritable nom pour ce nouveau roman, toujours chez P.O.L., campé en 2056.
L’écologie politique a pris le pouvoir et impose un respect drastique de la nature, désormais traitée avec un respect proche de la dévotion et placée sous haute surveillance. Dans une vallée de montagne, un village se retrouve sous la menace du glacier qui le surplombe, et qu’une poche d’eau menace de rompre, ravivant le souvenir d’une tragédie similaire, 150 ans plus tôt.
Au même moment, Lucie retrouve Clémence, sa sœur jumelle disparue depuis des années, qui lui demande de la cacher car elle serait poursuivi par un redoutable réseau de prostitution et de trafiquants de drogue.

Rabalaïre, d’Alain Guiraudie

Rabalaïre, en occitan, désigne une personne qui n’est jamais chez elle, « un mec qui va à droite, à gauche, un homme qui aime bien aller chez les gens ». Ici, le rabalaïre, c’est Jacques, chômeur, passionné de vélo, solitaire mais d’une humanité à toute épreuve, et qui, entre Clermont-Ferrand, les monts d’Auvergne et l’Aveyron, va connaître, plus ou moins malgré lui, toute une série d’aventures rocambolesques, mystérieuses, voire criminelles.
Le cinéaste Alain Guiraudie balance une pavasse de 1000 pages apparemment remplies d’aventure, de folie, de drogue et de sexe (forcément, c’est Guiraudie). Le truc imbitable façon P.O.L. (il y en a, c’est une composante constante du catalogue) qui fera friser d’orgasme une poignée d’admirateurs en rut, et laissera indifférent la grande majorité des lecteurs.


Mausolée, de Louise Chennevière
La narratrice, une jeune femme indépendante et soucieuse de sa liberté, se retrouve pourtant prise au piège d’une passion ardente et d’une rupture qui la fait durement souffrir. Ressassant une nuit entière ses souvenirs de manière obsessionnelle, elle éprouve l’absence jusqu’à son point limite et prend la plume pour pallier le manque, l’accepter et enterrer cette histoire dans un mausolée de mots.
220 pages dont j’aurai le bonheur de m’épargner la lecture.

Le Premier exil, de Santiago H. Amigorena
À Buenos Aires, au milieu des années 1960, Zeide, l’arrière-grand-père maternel de l’auteur, un Juif originaire de Kiev, décède. Mais la famille du narrateur a fui l’Argentine pour l’Uruguay afin d’échapper à la dictature, après le coup d’État militaire du général Juan Carlos Ongania en 1968. Un roman qui décrit l’enfance de S.H. Amigorena tout en dressant le portrait d’un continent blessé.
L’œuvre largement autobiographique d’Amigorena, qui a ses irréductibles fans, n’a jamais réussi à m’intéresser. Je passe, donc.

Pas dormir, de Marie Darrieussecq
Marie Darrieussecq souffre d’insomnie depuis des années.
Ça explique sans doute beaucoup de choses.


BILAN


Lecture probable :
Ce que c’est qu’une existence, de Christine Montalbetti

Lecture potentielle :
Hors gel, d’Emmanuelle Salasc


L’Angoisse de la page folle, d’Alix de Saint-André

Signé Bookfalo Kill

On ne dirait pas comme ça, mais j’aime bien Alix de Saint-André. Je l’avais découverte il y a longtemps avec son premier livre, un polar joliment intitulé L’Ange et le réservoir de liquide à frein, à la fois drôle, tragique et étrangement mélancolique. D’autres livres sont passés par là depuis (Papa est au Panthéon, qui m’avait bien amusé, ou En avant, route !, récit assez hilarant de pèlerinages à Saint-Jacques de Compostelle), et ont contribué à me rendre sympathique cette journaliste écrivain fofolle et iconoclaste.

Saint-André - L'Angoisse de la page folleSi je rappelle tout ceci, c’est évidemment parce que L’Angoisse de la page folle ne m’a pas convaincu du tout. Pourtant, sur le papier, ce bouquin semblait lui aller comme un gant : elle y raconte comment un traitement au baclofène, médicament générique censé neutraliser les addictions, l’a conduite sur la voie de l’insomnie chronique, doublée d’une frénésie aussi générale qu’incontrôlable – la rendant au passage totalement hermétique au mal de l’écrivain, l’angoisse de la page blanche…
Un peu foutraque au départ, le récit se structure ensuite au fil d’emails reconstitués par Alix de Saint-André, puis d’un journal qu’elle a tenu, histoire de trouver par l’écrit la mémoire qui lui a fait défaut lorsque le traitement lui est monté au cerveau. Problème : le dispositif est longuet, plein de détails personnels et de références à des personnages que nous ne connaissons pas, parfois répétitif et au bout du compte assez inintéressant. Qu’a voulu faire la romancière finalement ? Un procès de la médication à outrance ? On ne dirait pas. Un récit personnel plein d’ironie et de sincérité ? Ouais, bon, oui, bof.
Formellement, même si le rythme est soutenu et le ton enlevé, rien d’excitant non plus…

Bref, pas d’effets secondaires pour moi à la fin de cette lecture. Ni angoisse, certes (c’est déjà ça), ni plaisir (c’est bien dommage). Un oubli quasi instantané, à la limite, ce qui n’est guère plus glorieux.

L’Angoisse de la page folle, d’Alix de Saint-André
Éditions Gallimard, 2016
ISBN 978-2-07-017988-6
320 p., 21,50€