L’Enfer de Church Street, de Jake Hinkson

Signé Bookfalo Kill

Je venais de terminer la lecture du nouveau roman de Kazuo Ishiguro, Le Géant enfoui, et me demandais comment diable j’allais bien pouvoir le chroniquer (on en reparlera), quand j’ai ouvert ce bouquin. Et hop ! j’ai été aspiré. Impossible de faire autre chose que de le lire d’une traite, et de revenir aussitôt vers vous à présent pour vous le présenter, car c’est un pur régal.

Hinkson - L'Enfer de Church StreetAvec deux autres titres sortis simultanément, L’Enfer de Church Street inaugure en fanfare une nouvelle collection des excellentes éditions Gallmeister. L’objectif de Néonoir est en effet de remettre le plus pur roman noir américain au goût du jour, en publiant les oeuvres d’auteurs contemporains considérés comme de dignes héritiers de leurs prestigieux aînés (souvent parus chez Rivages ou dans la Série Noire période mythique), de Dashiell Hammett à Jim Thompson en passant par Ross MacDonald, Charles Willeford et j’en passe.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Jake Hinkson est à la hauteur de la mission. Son premier roman est un concentré de noir, égayé néanmoins d’un ton souvent humoristique du meilleur effet.
Résumons, autant que faire se peut. Un homme pas vraiment recommandable, en fuite après avoir démonté la tronche de son contremaître, se retrouve vite aux abois. Planqué aux abords d’un restaurant, il repère un gros type près de sa voiture, proie facile qu’il décide de braquer. Sauf que le gros type, un dénommé Geoffrey Webb, s’avère un drôle de pèlerin que la vue d’un flingue braqué sur lui ne bouleverse pas plus que ça. Embarquant son agresseur dans sa voiture, il se met alors à lui raconter sa vie, une sale histoire plantée sur Church Street à Little Rock, Arkansas…

Pour ne pas trop en dire, ce serait dommage, je vais faire vite. La scène d’ouverture, ce braquage qui tourne court, est à l’image de l’ensemble du roman. Jake Hinkson pratique l’art du rebondissement inattendu avec une facilité d’autant plus réjouissante qu’il n’en rajoute jamais ; le récit prend des virages serrés sans jamais crisser des pneus, comme si tout y était parfaitement naturel (ce qui n’est pas souvent le cas). L’impact n’en est à chaque fois que plus fort.
Geoffrey Webb est un formidable anti-héros, dont le ton, mélange d’autodérision, d’hypocrisie flamboyante et de cynisme absolu, fait beaucoup pour la réussite du livre. Quant à l’histoire, encore une fois sans rien dévoiler, elle offre une plongée sournoise dans les secrets peu glorieux d’une petite ville et de ses familles, ainsi qu’un mitraillage à boulets rouges sur les impostures de la religion quand elle ne devient plus qu’une mascarade vide de sens. Quand on sait que Jake Hinkson a grandi dans un milieu religieux strict (et s’en est sorti, la preuve), on comprend mieux qu’il ait la dent dure à ce sujet, mais il le fait avec maîtrise, voire avec retenue, ce qui donne d’autant plus de densité à son propos.

L’Enfer de Church Street est donc un petit bijou de roman noir d’aujourd’hui, cruel et réjouissant, qui se dévore sans trêve, et fait honneur au nouveau projet éditorial d’Oliver Gallmeister. Un must, superbement traduit par Sophie Aslanides (magnifique traductrice de Craig Johnson, entre autres), à ne pas manquer !

L’Enfer de Church Street, de Jake Hinkson
Traduit de l’américain par Sophie Aslanides
  Éditions Gallmeister, 2015
ISBN 978-2-35178-087-9
236 p., 15€

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9 Réponses

  1. ah mais pas d’autre choix que de le noter maintenant ! ;-)
    Merci de nous présenter ce livre et cette nouvelle collection à suivre de près

    7 mars 2015 à 16:50

    • My pleasure, Sir ;-)
      Je suis en train de lire « Pike », autre titre publié en Néonoir – en fait, réédition dans ce format semi-poche d’un roman déjà paru en grand format chez Gallmeister. Très différent, beaucoup plus noir, crasseux, mais bien aussi à sa façon – en tout cas sur les 60 premières pages… Avis complet à suivre !

      9 mars 2015 à 22:23

      • wollanup

        Ah,oui,Pike,un monument,ouais!

        9 mars 2015 à 22:28

      • Je viens de lire l’interview de Whitmer sur Unwalkers. Génial ! Ca me donne envie d’y retourner, tiens ;-)

        9 mars 2015 à 22:45

  2. wollanup

    Bien tentant!

    9 mars 2015 à 10:05

    • Je pense que ça pourrait te plaire, en effet ! Laisse-toi tenter, c’est un bouquin qui se dévore, une fois commencé, impossible de s’arrêter !

      9 mars 2015 à 22:21

  3. alexmotamots

    Aspiré par une lecture, le bonheur !

    9 mars 2015 à 14:34

  4. J’ai adoré tout ça, Whitmer, ses deux romans ( géant Pike, talonné par Cry Father, superbe) et voici Jake Hinkson, réjouissant, voire jouissif. Pari gagné pour Neonoir, oui, de beaux objets, déjà et quels textes ! Gallmeister est un grand éditeur. J’opine aussi sur Sophie Aslanides, qui a un talent certain pour traduire l’humour – de Craoig Johnson et ici celui de Hinkson – et le reste, et qui en plus est très sympa.

    20 avril 2015 à 07:31

  5. Pingback: L’enfer de Church Street – Jake Hinkson | EmOtionS – Blog littéraire et musical

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