Archives de juillet, 2020

À première vue : bonus !


Intérêt global :

joyeux


Il y en a un peu plus, je vous le mets quand même ?
Allez, comme promis, j’ajoute une chronique à cette copieuse édition 2020 de la rubrique « à première vue », afin de mettre en lumière quelques éditeurs faisant le pari, par choix ou par contrainte économique, de ne lancer qu’un seul titre dans la rentrée littéraire.
Une parcimonie qui ne doit pas être entendue comme synonyme de pauvreté, mais au contraire comme une vraie prise de risque, et aussi la volonté de défendre coûte que coûte un texte et son auteur.
Par contraste avec le surplus parfois nonchalant de certains éditeurs, cet engagement fait du bien, et mérite d’être mis en valeur.


Laurine Roux - Le SanctuaireÉDITIONS DU SONNEUR
Le Sanctuaire, de Laurine Roux

Tiens, ben voilà, démonstration par l’exemple : voici l’une de mes plus grosses attentes de la rentrée. Car le premier roman de Laurine Roux, Une immense sensation de calme (2018), était un diamant brut, taillé dans la plus minérale des roches littéraires.
Le résumé de ce deuxième livre semble un écho troublant, et en même temps excitant, de ce premier essai. Le Sanctuaire, c’est une zone montagneuse et isolée, dans laquelle une famille s’est réfugiée pour échapper à un virus transmis par les oiseaux et qui aurait balayé la quasi-totalité des humains. Le père y fait régner sa loi, chaque jour plus brutal et imprévisible.
Munie de son arc qui fait d’elle une chasseuse hors pair, Gemma, la plus jeune des deux filles, va peu à peu transgresser les limites du lieu. Mais ce sera pour tomber entre d’autres griffes : celles d’un vieil homme sauvage et menaçant, qui vit entouré de rapaces. Parmi eux, un aigle qui va fasciner l’enfant…

choplinLA FOSSE AUX OURS
Nord-Est, d’Antoine Choplin

Très connue dans la région lyonnaise où elle est implantée, la Fosse aux Ours compte à son catalogue quelques auteurs remarquables (Marco Lodoli, Thomas Vinau, Philippe Fusaro, Jacky Schwartzmann ou Mario Rigoni Stern), qui lui valent régulièrement d’être lue partout ailleurs en France – et tant mieux ! Parmi ces écrivains précieux figure Antoine Choplin, plume dont le minimalisme poétique nous a donné les superbes Radeau, La Nuit tombée ou Une forêt d’arbres creux, entre autres exemples.
Nord-Est, son nouveau livre, nous amène dans un camp, dont des hommes et des femmes ont enfin le droit de partir. Si la plupart restent sur place, d’autres décident de partir à pied. Ils veulent rejoindre les plaines du Nord-Est pour y reconstruire une nouvelle vie. Il leur faudra franchir des plateaux, des villages dévastés et de hautes montagnes…

François Vallejo - Efface toute traceVIVIANE HAMY
Efface toute trace, de François Vallejo

Éditrice historique de Fred Vargas, qui compte aussi à son prestigieux catalogue Dominique Sylvain, Cécile Coulon, Gonçalo M. Tavares, Léon Werth, Magda Szabo et tant d’autres, Viviane Hamy est l’une des grandes figures de l’édition française. Elle a su garder sa maison debout contre vents et marées, et si cette grande dame est aussi connue pour son caractère imposant (pour ne pas dire difficile), elle pratique avec certains de ses écrivains une fidélité et une foi à toute épreuve.
François Vallejo est dans ce cas, qui figure sur la ligne de départ de la rentrée littéraire avec constance depuis des années. Il est encore au rendez-vous cette année, avec une intrigue à suspense dans le monde de l’art.
Une série de meurtres frappe de riches collectionneurs. Pris de panique, les membres de leur groupe mandatent le narrateur, un expert, pour enquêter sur ces étranges incidents. Tout converge vers les créations d’un certain Jv. Ce dernier a dissimulé une véritable toile de maître dans une série de copies parfaites de chefs-d’œuvre destinées à être détruites. Au collectionneur de la reconnaître.

Olivier Mak-Bouchard - Le dit du MistralLE TRIPODE
Le Dit du Mistral, d’Olivier Mak-Bouchard

Placer le Tripode à la suite de Viviane Hamy n’est pas tout à fait innocent de ma part, puisque son fondateur, Frédéric Martin, a fait une partie de ses classes auprès de la précédente. Une rupture professionnelle compliquée et une première tentative d’indépendance difficile (Attila) plus tard, il a imposé son Tripode parmi les maisons dotées d’une patte singulière, attachés aux écrivains virtuoses, aux univers singuliers et aux voix puissantes, parmi lesquelles Goliarda Sapienza (d’abord éditée chez Viviane Hamy, avant que l’œuvre de la fantasque romancière italienne soit regroupée sous la marque Tripode), Juan José Saer, Valérie Manteau, Pierre Cendors, Edgar Hillsenrath, Jacques Abeille, ou encore Charlotte Salomon – la publication monumentale de l’œuvre de l’artiste restant sans doute le point d’orgue du travail remarquable de l’éditeur.
Entrer dans ce catalogue est donc tout sauf innocent. C’est le pari que tente Olivier Mak-Bouchard avec son premier roman, Le Dit du Mistral. Tout commence le lendemain d’une nuit d’orage, dont la violence a emporté un vieux mur de pierres sèches au milieu d’un champ, et révélé dans les décombres et la boue de mystérieux éclats de poterie. Deux hommes, voisins vivant chacun d’un côté du champ, décident de fouiller plus avant, se lançant dans une aventure qui va dépasser de très loin tout ce qu’ils pouvaient imaginer.


BILAN


Lecture certaine :
Le Sanctuaire, de Laurine Roux

Lectures très probables :
Nord-Est, d’Antoine Choplin
Le Dit du Mistral, d’Olivier Mak-Bouchard

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À première vue : la rentrée Zulma 2020

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Intérêt global :

joyeux


Zulma ! Voici l’éditeur qui annonce la fin de cette très longue présentation de rentrée littéraire, c’est donc un soulagement d’aborder son programme. Un soulagement, mais aussi et surtout une joie, car la petite maison aux splendides couvertures manque rarement de glisser objets de curiosité littéraires et pépites gracieuses dans sa production.
Cette année, deux titres seulement sont au programme. Cependant, comme l’un d’eux est signé Jean-Marie Blas de Roblès, joie et plaisir sont d’ores et déjà annoncés (du moins j’espère !) Et l’autre pourrait bien constituer une jolie découverte.


Jean-Marie Blas de Roblès - Ce qu'ici-bas nous sommesCe qu’ici-bas nous sommes, de Jean-Marie Blas de Roblès

Pour une fois, la couverture d’un roman Zulma se fait figurative. Et pour cause, elle est signée par l’auteur en personne. Jean-Marie Blas de Roblès ajoute à sa virtuosité littéraire le plaisir de l’illustrateur, puisque tout son nouveau livre est émaillé de dessins réalisés par ses soins. Par ailleurs, le résumé du roman nous renvoie à son univers riche, inventif et volontiers extravagant.
Parole y est en effet donnée à un certain Augustin Harbour qui, dans une clinique de luxe au Chili, évoque l’aventure extraordinaire qui lui serait arrivée dans le désert du Sud libyen, quarante ans plus tôt. Il affirme y avoir découvert une oasis mystérieuse, où on aboutit sans savoir pourquoi, et dont on ignore encore plus comment en repartir. Sur place, Augustin y fait l’expérience des moeurs et habitudes singulières des échoués de l’oasis, où l’on prétend que Dieu en personne y vit.
Dans la digne lignée de Là où les tigres sont chez eux ou L’Île du Point Némo, un nouveau roman d’aventures en perspective, plein de fantaisie, d’intelligence et de surprise.

Laurence Vilaine - La géanteLa Géante, de Laurence Vilaine

Après deux romans publiés chez Gaia, Laurence Vilain entre chez Zulma avec la montagne évoquée par la couverture. Une montagne nommée la Géante, au pied de laquelle vit Noële, en communion totale avec la nature sauvage qui l’entoure. Jusqu’à l’irruption dans sa vie de deux inconnus, qui vont l’ouvrir au désir, à l’amour, au manque et au pouvoir des mots…


BILAN


Lecture certaine :
Ce qu’ici-bas nous sommes, de Jean-Marie Blas de Roblès

Lecture potentielle :
La Géante, de Laurence Vilaine


À première vue : la rentrée Zoé 2020

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Intérêt global :

sourire léger


Je n’ai jamais parlé des éditions Zoé par ici. Et, franchement, on n’est pas loin de la faute professionnelle, tant cette maison suisse a su, ces dernières années, renouveler son catalogue et aligner quelques découvertes remarquables. Je pense notamment au romancier canadien Richard Wagamese (dont je n’ai jamais chroniqué les livres sur ce blog, ce qui est carrément honteux tant je le considère comme l’une de mes plus belles découvertes anglo-saxonnes de ces dernières années), ou à la jeune Française d’origine coréenne Elisa Shua Dusapin – qui figure d’ailleurs dans cette rentrée 2020, au côté d’une consœur française qui fait son entrée dans la maison, et d’un auteur sud-africain déjà publié par Zoé.


Elisa Shua Dusapin - Vladivostok CircusVladivostok Circus, d’Elisa Shua Dusapin

C’est un cirque, à Vladivostok. (Oui, le titre du roman a été judicieusement choisi.) À l’abandon entre deux saisons, il accueille trois athlètes qui s’entraînent à la barre russe et se préparent à un concours international, où ils ont l’ambition de réussir quatre sauts périlleux sans descendre de la barre. Le genre de performance qui nécessite un entraînement intensif, et une confiance sans faille entre Anna, la fille du trio, et les deux garçons qui la font voltiger, Nino et Anton.
Romancière pointilliste, qui exprime autant par ses mots choisis avec soin que par les silences et les non-dit qu’elle ménage entre eux, Elisa Shua Dusapin devrait surprendre encore une fois, après son superbe Hiver à Sokcho (qui se déroulait en Corée, pas loin de la frontière entre le nord et le sud) et Les billes du Pachinko, ancré à Tokyo mais encore habité par les racines coréennes de la jeune auteure.

Colombe Boncenne - Vue merVue mer, de Colombe Boncenne

Après une première brique posée chez Stock alors qu’elle avait à peine vingt ans, Colombe Boncenne a œuvré dans le monde de l’édition avant de revenir quatorze ans plus tard chez Buchet-Chastel avec un deuxième roman très remarqué, Comme neige. Il aura donc fallu attendre encore quatre ans pour la voir reprendre la plume, désormais hébergée chez Zoé, et signer Vue mer, un bref texte d’une centaine de pages. Où l’on fait connaissance avec Stefan, un chef d’entreprise décidé à annoncer une grande nouvelle qui va bouleverser la vie de son entreprise. Sauf que, en ce matin décisif, sa voiture ne démarre pas. Et voici le patron, cloîtré dans sa voiture, qui s’adresse tout de même à ses employés – lesquels, on le découvre, tiennent tous un rôle précis dans cette vaste comédie humaine qu’est le quotidien d’une entreprise…

Ivan Vladislavic - DistanceDistance, d’Ivan Vladislavic
(traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Georges Lory)

Branko sait comment on embrasse les filles, rêve de gagner le Tour de France et aime fouiller dans les affaires de son petit frère Joe. Qui, lui, joue aux billes, invente des langages farfelus et rassemble dans des albums les coupures de journaux qu’il lit sur son idole, Mohamed Ali. Même si, dans cette famille sud-africaine blanche des années 1970, leur père refuse d’appeler le mythique boxeur autrement que Cassius Clay.
Quarante ans plus tard, Joe décide de s’inspirer de ses albums pour son nouveau roman. À l’aide de Branko, il va réduire la distance qui les sépare de leur passé commun.


BILAN


Lecture probable :
Vladivostok Circus, d’Elisa Shua Dusapin

Lectures hypothétiques :
Vue mer, de Colombe Boncenne
Distance, d’Ivan Vladislavic


À première vue : la rentrée Verdier 2020

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Intérêt global :

silencieux


C’est sûrement parce que j’arrive au bout de l’interminable route traversant les innombrables paysages de la rentrée littéraire, mais je ne sais pas trop quoi vous dire au sujet du programme concocté par les éditions Verdier, sinon qu’il ne m’inspire pas du tout. Du reste, c’est une maison avec laquelle j’ai un rapport compliqué, quelques-uns de leurs livres m’ont enthousiasmé à l’occasion (ah, Antoine Wauters !), mais je suis finalement assez peu familier de leur catalogue très riche, exigeant et littéraire.
Donc, on va faire simple et neutre, et puis vous verrez bien si ça vous inspire.


Camille de Toledo - Thésée, sa vie nouvelleThésée, sa vie nouvelle, de Camille de Toledo

Fuyant le souvenir des siens, Thésée quitte sa ville de l’Ouest en embarquant dans le dernier train de nuit vers l’Est avec ses enfants. Il pense aller vers la lumière mais quelque chose qu’il ignore encore semble le poursuivre.

Eva Baltasar - PermafrostPermafrost, d’Eva Baltasar

Renfermée sur elle-même, pour se protéger de l’hypocrisie familiale entretenant l’idée de l’épouse comblée et de la mère épanouie, la narratrice cohabite avec ses pensées suicidaires. Heureusement, les chambres deviennent son refuge. Elle peut y découvrir d’autres vies par le biais de la lecture, mais aussi le plaisir des corps et des caresses.

Béatrice Commengé - Alger, rue des BananiersAlger, rue des Bananiers, de Béatrice Commengé

L’auteure se remémore son enfance, au milieu des années 1950 à Alger. Elle raconte comment elle a appris à mettre des mots sur les choses et des noms sur les visages. Elle sait par des photos qu’elle a déjà traversé la mer mais ignore que la Terre est ronde.


À première vue : la rentrée Sabine Wespieser 2020

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Sobre comme toujours, Sabine Wespieser aborde la rentrée 2020 avec deux titres français, un premier roman déjà retenu en tant que tel pour deux prix de la rentrée (prix Stanislas du premier roman et Prix « Envoyé par la Poste »), et l’autre signé par l’une de ses plumes les plus brillantes. Que dire d’autre ? Rien, sinon laisser parler les textes eux-mêmes.


Intérêt global :

sourire léger


Diane Meur - Sous le ciel des hommesSous le ciel des hommes, de Diane Meur

Bienvenue dans le Grand-Duché d’Éponne (toute ressemblance, etc.) Géographiquement, un tout petit lieu. À l’échelle du monde, tant de choses se décident ici, dans ce « paradis » où il est si difficile de se faire une place. Voilà pourquoi le journaliste Jean-Marc Féron a l’idée, à contre-courant, d’accueillir chez lui un migrant, et de transformer cette expérience en un livre qui, forcément, se vendra comme des petits pains, cynisme de l’époque oblige. Il est loin d’imaginer que ce projet va bouleverser son existence.
Ailleurs dans la ville, un petit groupe d’anticapitalistes acharnés se réunissent en secret pour rédiger un pamphlet – texte qui, à l’occasion, va déborder sur la fiction en cours, et éclairer le roman comme métaphore de notre société.
Talentueuse et toujours inventive, Diane Meur visite des contrées littéraires inédites dans son œuvre, tout en faisant écho à la singulière organisation de cette dernière.

Dima Abdallah - Mauvaises herbesMauvaises herbes, de Dima Abdallah

Malgré la guerre civile qui sème le danger à chaque instant dans les rues de Beyrouth, une petite fille se sent rassurée par la simple présence de son père. Cependant, lorsqu’elle a douze ans, sa famille décide de fuir à Paris, tandis que lui préfère rester au Liban. La narratrice poursuit sa vie, brillante mais exilée au milieu des autres, réfugiant son déracinement dans la nature, en particulier au cœur des mauvaises herbes qu’elle aime plus que toutes les autres. Un premier roman digne et sensible.


À première vue : la rentrée Stock 2020

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Et on repart avec un paquet de dix grâce (?) aux éditions Stock, qui font partie des maisons habituées à dégorger leur trop-plein plus ou moins intéressant à chaque rentrée littéraire. Ce n’est pas parce qu’on s’appelle Stock qu’il faut plomber celui des libraires, merci bien.
De plus, faut-il vous le cacher ? Dans tout ceci, à première vue, pas grand-chose à garder.
Bref, pour reprendre le titre d’un de ces livres, ne tardons plus et affrontons cette grande épreuve, histoire d’en finir au plus vite.


Intérêt global :

mécontent


Emmanuel Ruben - SabreSabre, d’Emmanuel Ruben

Obsédé par le souvenir d’un sabre accroché au mur chez ses grands-parents, le narrateur part en quête de l’arme disparue, qui l’amène à remonter le temps et les branches de l’arbre de la famille Vidouble, dans un grand tourbillon mêlant explorations géographiques, éloge de l’imaginaire contre les déceptions du réel, plongées historiques et passions picaresques.

Florent Marchet - Le monde du vivantLe Monde du vivant, de Florent Marchet

Et nous revoilà à la campagne. Depuis que la prise de conscience écologique s’accélère dans la société, il semblerait que certains romanciers décident de replonger en nombre dans les racines de la terre… Sinon, on peut presque reprendre le pitch du prochain roman de Marie Nimier à paraître chez Gallimard, et l’adapter jusque ce qu’il faut. Soit l’histoire d’une famille, installée à la campagne pour réaliser le fantasme fermier du père. Au grand dam de Solène, sa fille de 13 ans, qui du coup le déteste. Pendant ce temps, Madame, qui entend mettre la main à la paille, se blesse avec une machine agricole. Un jeune woofeur vole à leur secours. Il est jeune, il a du charme, et des idées radicales. Ca va swinguer chez les apprentis laboureurs.
C’est ce qui s’appelle creuser un sillon.

Hervé Bel - Erika SattlerErika Sattler, d’Hervé Bel

Il ne lui faut qu’un discours, l’un de ces fameux discours enflammés qui ont fait sa réputation et contribué, pour une bonne part, à mener l’Allemagne sur la route du désastre. En écoutant Hitler, une adolescente se prend de passion pour la cause nazie. Au point d’y croire jusqu’au bout car, même lorsque la débâcle menace début 1945, Erika croit encore pouvoir vivre son idéal national-socialiste. Un portrait de femme dérangeant, cliché des dérives de l’Histoire.

Tobie Nathan - La société des belles personnesLa Société des belles personnes, de Tobie Nathan

« Les Nazis. Je hais ces gars-là. » (Indiana Jones)
Les revoilà dans le nouveau roman de Tobie Nathan, en train d’infiltrer l’armée égyptienne – sans parler de l’ombre maléfique de leurs actes inhumains, encore prégnants en cette année 1952 où commence le roman. Un jeune homme nommé Zohar Zohar arrive en France, fuyant l’Égypte à feu et à sang. Avec Aaron, Lucien et Paulette, il fonde la Société des Belles personnes, communauté unie par le désir de vengeance et par les démons de leur histoire personnelle, décidée à riposter par l’action contre les bourreaux du passé. Plus tard, son fils François découvre cette histoire, et décide de la poursuivre.

Nazanine Hozar - AriaAria, de Nazanine Hozar
(traduit de l’anglais (Canada) par Marc Amfreville)

Téhéran, 1953. Une nuit, Behrouz, humble chauffeur de l’armée, découvre dans une ruelle une petite fille qu’il ramène chez lui et nomme Aria. Alors que l’Iran sombre dans les divisions sociales et religieuses, l’enfant grandit dans l’ombre de trois figures maternelles. Quand la révolution éclate, la vie d’Aria, alors étudiante, comme celle de tout le pays, est bouleversée à jamais.

Olivia Elkaim - Le Tailleur de RelizaneLe Tailleur de Relizane, d’Olivia Elkaim

La romancière sonde ses origines familiales, remontant à l’histoire de ses grands-parents, Marcel et Viviane, forcés de quitter l’Algérie pendant la guerre et de s’exiler en France, où on les accueille par la force des choses, sans sympathie ni la moindre aide. L’occasion pour l’auteure d’explorer sa part juive et algérienne.

Etienne de Montéty - La grande épreuveLa Grande épreuve, d’Étienne de Montety

L’auteur s’empare d’un fait divers sordide dont vous vous souvenez sans doute, hélas : le meurtre, dans son église de Saint-Etienne du Rouvray, d’un prêtre, tué par un extrémiste islamiste. Par la fiction, Montety entend comprendre le caractère inéluctable des faits.
Attention, terrain miné.

Alexandra Dezzi - La colèreLa colère, d’Alexandra Dezzi

Un roman consacré à la domination à travers la relation qu’entretient la narratrice à son propre corps, des coups qu’elle reçoit lors de ses entraînements de boxe à la question du désir et des relations sexuelles, entre agression et jouissance.

Caroline de Bodinat - Dernière cartoucheDernière cartouche, de Caroline de Bodinat

Un aristocrate de province, dont la vie semble taillée dans le marbre des convenances (une femme, trois enfants, une maîtresse, un labrador, une entreprise), échappe de plus en plus à la réalité, sous la pression des attentes des autres. Jusqu’à décider d’en finir avec tout ça.
(Oh oui, finissons-en.)

Simon Libérati - Les démonsLes démons, de Simon Liberati

« Un roman d’une ambition rare, mêlant l’intrigue balzacienne à l’hymne pop », dixit l’éditeur. Je vous laisse là-dessus ?


BILAN


Sans surprise, aucune envie pour moi dans ce programme. Hormis, peut-être, Sabre, mais ce sera loin d’être une priorité.


À première vue : la rentrée Seuil 2020

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Intérêt global :

ironie


Avec onze titres au programme, les éditions du Seuil font presque jeu égal avec Gallimard en terme de quantité. Pour ce qui est de la qualité, il faudra lire, bien sûr. Cependant, à première vue, le schéma est en dents de scie. Il y aura des trucs dont on va causer, d’autres qui peuvent valoir le coup, et des bricoles sans lesquelles on vivrait tout aussi bien.
Une vraie rentrée littéraire de grosse maison, décidée à continuer comme si de rien n’était.


VIOLENCES DE L’HUMAIN


Sandra Lucbert - Personne ne sort les fusilsPersonne ne sort les fusils, de Sandra Lucbert

On devrait parler de ce livre. Il faudrait qu’on en parle. De mai à juillet 2019, Sandra Lucbert a couvert le procès France Télécom, dont sept dirigeants ont été envoyés devant le tribunal pour des faits de maltraitance, de harcèlement moral, ayant entraîné le suicide de plusieurs employés. Les débats ont permis de faire étalage de l’arrogance sans limite de Didier Lombard et de ses acolytes, de leur cynisme assumé, celui de gens parfaitement conscients qu’ils n’ont pas grand-chose à craindre de la justice, parce que la justice parle la même langue qu’eux. Que peut-on attendre d’un homme qui affirme à la barre, sans trembler : « Finalement, cette histoire de suicides, c’est terrible, ils ont gâché la fête » ?
En 156 pages, Sandra Lucbert ramasse toute la colère légitime que l’on peut (que l’on doit) éprouver à l’encontre de cette barbarie moderne qu’est l’exercice du capitalisme débridé. C’est en écrivain, et non en journaliste, qu’elle empoigne les mots comme des fusils pour tirer en rafale sur l’effroyable machinerie du libéralisme et de la logique économique, négation absolue de l’humain.

Irène Frain - Un crime sans importanceUn crime sans importance, d’Irène Frain

Le mur du silence, Irène Frain s’y heurte sans trêve depuis l’assassinat d’une vieille dame, tuée dans sa maison au fond d’une impasse, en banlieue parisienne, dont on peine à connaître les motivations et encore plus l’auteur. Cette vieille dame, c’était sa sœur. Et le mur, c’est celui de la police, de la justice, qui traitent l’affaire comme un dossier, au mépris de l’humain. C’est aussi le silence de la famille, contre lequel la romancière s’élève dans ce récit-enquête.

Xabi Molia - Des jours sauvagesDes jours sauvages, de Xabi Molia

Les hasards de l’actualité percutent parfois la littérature… Quand on connaît le temps nécessaire à la maturation et à l’écriture d’un roman, on ne pourra pas soupçonner Xabi Molia d’opportunisme avec son nouveau roman, pourtant étrangement en phase avec ce que nous vivons depuis le début de l’année. Il imagine, en effet, qu’une grippe foudroyante ravage l’Europe. Pour fuir l’épidémie, une centaine de personnes embarque à bord d’un ferry, mais une tempête fait naufrager le navire sur une île inconnue. Vient alors le temps des choix. Certains veulent repartir, d’autres profiter de l’aubaine pour construire une société nouvelle sur l’île et en garder jalousement le secret… Un dilemme digne de Sa Majesté des mouches, sauf que les enfants ont grandi.


LA VOIX DES FEMMES


Lucy Ellmann - Les lionnesLes lionnes, de Lucy Ellmann
(traduit de l’anglais (États-Unis) par Claro)

C’est une femme, mère au foyer, seule dans sa cuisine. Elle pense aux tâches ménagères qui l’attendent, mais aussi à la folie de la politique qui a conduit un Trump à la présidence du pays, aux fusillades dans les lycées qui deviennent routine, au patriarcat, à la précarité causée par des logiques économiques effarantes, à la maladie… Tous les sujets y passent, ratissant large le monde tel qu’il va, du plus intime au plus large.
Le tout en une seule phrase longue de 1152 pages.
Le bazar est traduit par Claro, qui ne sort plus de sa retraite de traducteur que pour des projets hors norme. Le précédent, c’était Jérusalem, d’Alan Moore. Ça vous donne une idée du livre de Lucy Ellmann, finaliste du Booker Prize et, évidemment, phénomène littéraire chez nos amis anglo-saxons.

Chloé Delaume - Le coeur synthétiqueLe Cœur synthétique, de Chloé Delaume

Rompre à quarante-six ans et entreprendre de refaire sa vie est, pour une femme (beaucoup plus que pour un homme), un parcours du combattant. C’est ce que découvre Adélaïde, l’héroïne du nouveau roman de Chloé Delaume, dont le regard féministe est plus acéré que jamais, en y mêlant l’humour nécessaire pour garder de la hauteur sur le sujet.

Rachid Benzine - Dans les yeux du cielDans les yeux du ciel, de Rachid Benzine

C’est le temps des révolutions. Une femme interpelle le monde. Elle incarne le corps du monde arabe. En elle sont inscrits tous les combats, toutes les mémoires douloureuses, toutes les espérances, toutes les avancées et tous les reculs des sociétés. Plongée lumineuse dans l’univers d’une prostituée qui se raconte, récit d’une femme emportée par les tourments de la grande Histoire, Dans les yeux du ciel pose une question fondamentale : toute révolution mène-t-elle à la liberté ? Et qu’est-ce finalement qu’une révolution réussie ? (résumé de l’éditeur)


EN VRAC (faute d’inspiration…)


Antonio Munoz Molina - Un promeneur solitaire dans la fouleUn promeneur solitaire dans la foule, d’Antonio Muñoz Molina
(Traduit de l’espagnol par Isabelle Gugnon)

Grand romancier espagnol, l’auteur se fait cette fois observateur des petites scènes du quotidien, ces détails infimes qui font le monde tel qu’il est. À Paris, New York, Madrid ou Lisbonne, il arpente les rues armé d’un crayon, d’un carnet, d’un enregistreur et d’une paire de ciseaux, et collecte au hasard bruits volés, bouts de papier, affiches…
Un projet original, par un très écrivain espagnol, dont la finesse d’analyse et d’observation pourrait s’épanouir dans cet exercice singulier.

Sarah Chiche - SaturneSaturne, de Sarah Chiche

La narratrice reconstitue le portrait d’un père mort si jeune, à 34 ans, qu’elle n’en garde aucun souvenir. En rencontrant une femme qui l’a connu enfant, en Algérie, elle tire un fil noueux qui découvre un homme amoureux des étoiles, exilé d’Algérie au moment de l’indépendance, contribuant à rebâtir l’empire médical que sa famille de médecins avait édifié de l’autre côté de la Méditerranée, puis cédant à une passion furieuse qui va tout faire voler en éclats…

Vinca Van Eecke - Des kilomètres à la rondeDes kilomètres à la ronde, de Vinca Van Eecke

Dans un village perdu de la campagne française, rencontre à 14 ans entre des gamins qui grandissent là tant bien que mal, et une fille qui vient juste y passer ses vacances. Elle, « la bourge », eux, « les autres ». Vient le premier amour, les amitiés brûlantes de l’adolescence, et les tragédies qui les accompagnent inévitablement.
(Voilà voilà.)

Mary Costello - La captureLa Capture, de Mary Costello
(Traduit de l’anglais (Irlande) par Madeleine Nasalik)

Un professeur de lettres spécialiste de Joyce (forcément, il est irlandais) n’arrive pas à écrire le livre dont il rêve sur son mentor littéraire. Et en plus, il est malheureux en amour. Réfugié au fin fond de la campagne (mais qu’est-ce qu’ils ont tous avec la campagne ?!?), il a un coup de foudre pour sa voisine. Hélas, lorsqu’il la présente à sa tatie, celle-ci se fâche tout rouge et lui interdit de la revoir. Ah, tiens, il y a anguille sous roche.

Stéphane Malandrin - Je suis le fils de BeethovenJe suis le fils de Beethoven, de Stéphane Malandrin

Confession épique d’un vieil homme enfermé dans sa bibliothèque, d’où il entend révéler qu’il est le fils caché d’un Ludwig qu’on a toujours cru mort sans descendance. Une fantaisie littéraire, hymne à la joie héroïque et pastoral.
(Oui, bon, on fait ce qu’on peut.)


BILAN


Lecture probable :
Personne ne sort les fusils, de Sandra Lucbert

Lecture hypothétique :
Des jours sauvages, de Xabi Molia
Un promeneur solitaire dans la foule, d’Antonio Muñoz Molina


À première vue : semaine 5, le programme

Bon, voilà, ça y est, on arrive au bout !
Il nous reste encore à évoquer le programme de six derniers éditeurs :

Ensuite, j’essaierai d’ajouter un article avec certains éditeurs qui ne présentent qu’un seul roman, mais avec lesquels il faudra également compter.
Par ailleurs, à mesure que je publiais, j’ai réalisé que j’en avais oublié d’autres qui auraient mérité d’être évoqués ici. Je pense notamment à Buchet-Chastel, à Verticales, à Belfond, au Cherche-Midi, aux éditions de l’Observatoire… Pour être sincère, je ne sais pas si j’aurai le courage de réaliser une session de rattrapage pour eux. Leur absence n’est évidemment pas une marque de mépris ou d’indifférence, mais une simple omission. Rien n’empêchera de les retrouver à la rentrée, voire d’en évoquer certains ici, pourquoi pas !

Bon dimanche à tous, et à demain pour la dernière ligne droite !


À première vue : récapitulatif 2020

Je vous propose un petit outil qui pourrait s’avérer fort utile, si jamais vous cherchez à découvrir le programme d’un éditeur en particulier en cette rentrée littéraire 2020.

Vous trouverez donc ci-dessous la liste, dans l’ordre alphabétique, des éditeurs abordés cette année dans la rubrique « à première vue ». Pour en savoir plus sur leurs publications, il vous suffit de cliquer sur le nom qui vous intéresse.

Pour vous faciliter encore un peu plus la vie, je laisserai cet article épinglé en haut du blog durant quelque temps.

Actes Sud
Agullo
Albin Michel
Autrement
Aux Forges de Vulcain
Christian Bourgois
Delcourt
Fayard
Finitude
Flammarion
Gallimard
Gallmeister
Éditions du Globe
Grasset
Éditions de l’Iconoclaste
Julliard
Lattès
Liana Levi
Métailié
Éditions de Minuit
Éditions de l’Olivier
Le Passage
Philippe Rey
Plon
P.O.L.
Rivages
Éditions du Rouergue (la Brune)
Robert Laffont
Seuil
Stock
Sabine Wespieser
Verdier
Zoé
Zulma
Bonus :
Sonneur, Fosse aux Ours, Viviane Hamy, Tripode


À première vue : la rentrée Robert Laffont 2020

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Intérêt global :

ironie


À l’instar de Plon ou Fayard, Robert Laffont figure très rarement parmi les éditeurs susceptibles de retenir mon attention. J’ai donc abordé son programme avec retenue, par politesse. Et suis finalement assez surpris d’y découvrir une ou deux promesses plutôt sympathiques. Comme quoi, on n’est pas obligé de rester borné toute sa vie. Restera à voir, bien sûr, ce que cela vaut d’un point de vue littéraire.
Bon, sur les six titres annoncés, il y en a aussi des dispensables, à mon avis en tout cas. Mais je vous laisse juge, bien entendu.
Et je vous en rajoute un petit septième que vous trouverez en fin d’article. Plus pour la blague qu’autre chose – mais on a le droit d’abord.


Héloïse Guay de Bélissen - Le dernier inventeurLe Dernier inventeur, d’Héloïse Guay de Belissen

Voilà un beau sujet. Le protagoniste de ce roman est bien réel. Il s’appelle Simon Coencas, et est devenu mondialement célèbre à treize ans pour avoir découvert, avec trois amis, la grotte de Lascaux. Un « inventeur », selon le terme consacré qui sert à désigner les gens mettant au jour un trésor. Au moment où Héloïse Guay de Belissen écrivait ce livre, il était encore en vie, le dernier des quatre. Il est mort le 2 février 2020, à l’âge respectable de 93 ans. De son enfance bouleversée par l’événement, des conséquences de ce dernier, l’auteure fait le cœur de son roman, également réflexion sur les mystères de l’art préhistorique et sur l’Histoire.

Ken Follett - Le crépuscule et l'aubeLe Crépuscule et l’aube, de Ken Follett
(traduit de l’anglais)

Exceptionnellement, je ne cite pas le nom du traducteur, car, pour l’instant, le site Internet en mentionne… cinq. Sans préciser s’ils ont œuvré tous les cinq à parts égales – ce qui se fait parfois pour accélérer la traduction des gros best-sellers et donc leur parution, mais donne souvent des résultats plutôt sales en terme de cohérence et d’élégance stylistique -, ou si l’un d’entre eux a mené le travail en particulier, avec l’aide ponctuelle des autres… Bref.
Pour le reste, Ken Follett continue à tourner autour de Kingsbridge, la ville imaginaire au cœur des Piliers de la Terre, son grand œuvre, apparue depuis dans des suites ou des préquelles. Ce qui est le cas de ce nouveau roman, puisqu’il se déroule en 997. Comme d’habitude, grande saga romanesque, gros pavé, reconstitution historique soignée…

Gwenaële Robert - Never mindNever Mind, de Gwenaële Robert

Ce roman historique reconstitue l’attentat de la rue Saint-Nicaise, commis le 24 décembre 1800 et visant le Premier Consul Bonaparte. Ce dernier en réchappe, à la différence d’une vingtaine de personnes tuées par l’explosion de la charrette piégée par des conspirateurs chouans, sans parler de la centaine de blessés et des maisons détruites. Tandis que Bonaparte en profite pour décimer les Jacobins, qu’il soupçonne d’être responsables de l’attaque, Fouché, le redoutable chef de la police secrète, n’a de cesse de traquer les véritables coupables, dont Joseph de Limoëlan, rongé de remords par le désastre, en particulier par la mort d’une jeune fille payée pour surveiller la charrette…

Kiran Milwood Hargrave - Les graciéesLes graciées, de Kiran Milwood Hargrave
(traduit de l’anglais par Sarah Tardy)

En 1617, le village norvégien de Vardø perd tous ses hommes en une seule nuit de tempête. Par la force des choses, les femmes prennent le relais pour assurer leur survie. Trois ans plus tard, un certain Absalom Cornet débarque d’Écosse, en compagnie de sa femme norvégienne, et découvre ce village hors du commun. Qui, pour lui dont la mission est de traquer et de brûler les sorcières, ressemble peu ou prou à un Enfer où il convient de rétablir l’ordre de Dieu. Pendant ce temps, son épouse découvre avec stupeur que les femmes peuvent être indépendantes…
Premier roman pour adultes de cette jeune auteure, dramaturge et poétesse anglaise âgée de 30 ans.

David Fortems - Louis veut partirLouis veut partir, de David Fortems

Louis, garçon sans histoire, amoureux de littérature, fait la fierté de son père Pascal, un ouvrier qui s’émerveille de voir son fils s’affranchir de son milieu modeste avec calme et sagesse. Mais tout s’écroule le jour où Louis se jette dans la rivière et s’y noie, volontairement. Pascal, effondré, découvre que son fils n’était pas du tout le garçon qu’il croyait.
Un premier roman qui a des airs de déjà-vu, déjà-lu. Je passe.

Alain Teulié - Stella FinziStella Finzi, d’Alain Teulié

Stella est riche, Stella est brillante, Stella est mystérieuse. Stella a tout pour fasciner. Y compris son étonnante laideur. Vincent, venu à Rome pour y mettre fin à ses jours, la rencontre dans un bar et renonce à ses plans funestes pour céder à un jeu de séduction troublant.
Je ne suis encore jamais allé à Rome, ce n’est pas avec ce roman que ça va changer.

Marc Lévy - C'est arrivé la nuit9 T.1 : C’est arrivé la nuit, de Marc Levy

Si on m’avait dit qu’un jour, je mentionnerais un roman de Marc Levy dans une présentation de rentrée littéraire… Ce fait étonnant est sans doute plus dû aux circonstances exceptionnelles de 2020 qu’à une volonté d’intégrer l’un des plus gros vendeurs de France au grand cirque de la rentrée, ce qui n’aurait en fin de compte aucun intérêt pour lui. Du reste, son nouveau roman paraît fin septembre, au moment où ce que l’on considère comme la rentrée littéraire est déjà terminée.
Ce petit clin d’œil me permet néanmoins de signaler que Marc Levy se lance dans une grande entreprise, puisque C’est arrivé la nuit est le début d’une série, sobrement intitulée 9. Où l’on suivra, non plus deux personnages, un homme/une femme, comme il le reconnaît lui-même, mais une équipe de neuf héros. Neuf amis faussaires, manipulateurs ou assassins en col blanc, qui ont pour point commun d’agir dans le plus grand secret pour la justice et le bien afin de faire éclater la vérité au grand jour.
Cela ressemble à une tentative d’hommage, volontaire ou non, au roman-feuilleton populaire, avec ses héros rebelles œuvrant dans l’ombre pour le bien, et sa morale aimable… Après tout, pourquoi pas ?


BILAN


Lectures potentielles :
Le Dernier inventeur, d’Héloïse Guay de Belissen
Les graciées, de Kiran Milwood Hargrave

Lecture hypothétique :
Never Mind, de Gwenaële Robert


À première vue : la rentrée Rouergue 2020

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Intérêt global :

sourire léger


Aux éditions du Rouergue, maison riche de multiples facettes, il existe une collection de littérature appelée La Brune. Ont le droit de s’y épanouir la fantaisie, l’imagination, l’humour, la tendresse, l’invention… Sous les belles couvertures de la Brune, la littérature est toujours en mouvement, et ça fait du bien.
Démonstration en deux livres lancés en cette rentrée 2020.


Marie-Sabine Roger - Loin-ConfinsLoin-Confins, de Marie-Sabine Roger

Capable de dénicher l’humour et la joie de vivre dans les recoins les plus improbables, Marie-Sabine Roger s’élance cette fois vers les contrées lointaines et imaginaires où l’enfance s’épanouit. Elle se choisit pour héroïne une petite fille de neuf ans prénommée Tanah, fille du Roi de Loin-Confins, archipel perdu dans l’océan Frénétique. Mais un jour le roi est déchu, exilé, et la vie de Tanah bascule. Devenue adulte, elle se remémore ces temps anciens.
Les premières pages offertes au lecteur sur le site de l’éditeur développent la langue en apparence si simple, si aérienne de Marie-Sabine Roger, où les mots chantent d’une manière unique et réinventent le monde. Grosse envie de me glisser dans ce monde singulier…

Christophe Perruchas - Sept gingembresSept gingembres, de Christophe Perruchas

Par petites touches, Christophe Perruchas décrypte un certain homme d’aujourd’hui en le décomposant. À la fois père attentionné, mari aimant, patron toxique, prédateur sexuel… Tout ceci en un seul corps, un seul esprit, une seule âme. Une figure masculine que le présent ébranle et que l’avenir menace – voilà, en effet, une statue à déboulonner, celle du mâle blanc dominant. Et il y a encore du boulot. Un premier roman dans l’air du temps.


BILAN


Lecture très probable :
Loin-Confins, de Marie-Sabine Roger


À première vue : la rentrée Plon 2020

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Intérêt global :

inexpressif


Je ne vais pas vous mentir, je ne suis pas un spécialiste du catalogue des éditions Plon, ni de leur manière d’aborder la rentrée littéraire, ni de leur ligne éditoriale en littérature (pour peu qu’il y en ait une). Cette maison fait partie de celles qui n’ont jamais réussi à m’intéresser, de quelque manière que ce soit. Donc, me voilà bien embêté pour vous raconter quelque chose d’un tant soit peu captivant à son sujet.
Restons-en donc aux faits : la rentrée Plon se compose de cinq titres francophones, quatre romans et un recueil de chroniques. Et puis voilà.


Camille Pascal - La chambre des dupesLa Chambre des dupes, de Camille Pascal

Le haut fonctionnaire Camille Pascal a été l’invité surprise de la rentrée littéraire 2018. Avec L’Été des quatre rois, son premier roman récompensé du Grand Prix de l’Académie française et très large succès public, il a récolté un plébiscite auquel personne ne s’attendait vraiment, surtout pour un roman historique racontant la succession express de quatre souverains durant l’été 1830.
Pour son deuxième, il retourne au même genre, mais cette fois à la cour de Louis XV, dont il narre la passion pour Marie-Anne de Mailly-Nesle, marquise de La Tournelle. Passion si brûlante qu’il en fait sa favorite principale et la titre duchesse de Châteauroux (à l’époque, ça devait être classe). Mais le roi, en pleine campagne militaire, tombe gravement malade à Metz, et la position privilégiée de la duchesse se trouve menacée par la raison d’État…
Je ne suis pas un grand adepte de roman historique. Mais il faut reconnaître que le sujet est très bien choisi. Le style élégamment classique de Camille Pascal devrait parfaitement convenir pour raconter cette page d’histoire, et convaincre les adeptes du genre.

Faïza Guène - La discrétionLa Discrétion, de Faïza Guène

Avec Kiffe kiffe demain, son premier roman paru en 2005 alors qu’elle n’avait que dix-neuf ans, Faïza Guène a connu un succès immédiat autant que fulgurant (traduit en 26 langues quand même). Après trois romans chez Hachette et deux chez Fayard, elle arrive chez Plon avec un roman consacré à une femme de 70 ans qui vit en toute discrétion à Aubervilliers. Née en Algérie lorsque le pays était encore une colonie française, adolescente au moment de l’indépendance, elle a tenté de transmettre son goût de la liberté à ses enfants tout en réfrénant ses colères, ses souffrances et la peine née de l’exil. C’est à eux, désormais, de mettre en lumière son histoire, et de révéler la vérité de cette femme discrète.

Sophie Blandinières - La chasse aux âmesLa Chasse aux âmes, de Sophie Blandinières

Durant la Seconde Guerre mondiale, trois femmes, une Polonaise, Janina, et deux juives, Bela et Chana, organisent un réseau clandestin pour faire sortir des enfants juifs du ghetto. Ils changent alors d’identité, trouvent un nouveau foyer et deviennent des polonais catholiques afin de survivre dans la zone dite aryenne.

Thibault de Montaigu - La grâceLa Grâce, de Thibault de Montaigu

Suite à une dépression, le narrateur, athée, relate comment il a été touché par la grâce, une nuit, dans la chapelle d’un monastère. Afin de comprendre cette révélation soudaine, il renoue avec Christian, son oncle et frère franciscain, qu’il connaît peu et qui décède après leurs retrouvailles. Il découvre que cet homme a connu le même parcours spirituel que lui à l’âge de 37 ans.

Alain Mabanckou - Rumeurs d'AmériqueRumeurs d’Amérique, d’Alain Mabanckou

Un recueil de chroniques par l’auteur franco-congolais, qui vit aux USA depuis une quinzaine d’années. Il évoque l’opulence de Santa Monica, les conditions de vie des minorités de Los Angeles, le désespoir des agglomérations environnantes, le rêve américain, la guerre des gangs, la musique, les habitudes politiques, entre autres.


BILAN


Aucune lecture en vue dans ce programme en ce qui me concerne. À vous de voir !


À première vue : la rentrée Rivages 2020

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Intérêt global :

sourire léger


Rarement prolifique, la rentrée des éditions Rivages fait cette année dans le minimalisme. Deux titres, un français et un étranger. Et plutôt deux solides références de la maison. C’est propre, c’est net, c’est équilibré : rien à dire !


Miguel Bonnefoy - HéritageHéritage, de Miguel Bonnefoy

Sucre noir, son précédent roman, était brillant, surprenant et magnifiquement sensoriel. Son nouvel opus s’annonce dans une veine similaire. Héritage est une saga familiale qui met en scène plusieurs générations de la famille Lonsonier au cours du XXe siècle. Des coteaux du Jura jusqu’aux prisons chiliennes en passant par les tranchées de la Somme, Lazare le Poilu, Thérèse l’amoureuse des êtres ailés, Margot l’aviatrice et son fils révolté Ilario Da volent vers leur destinée, liés par la légende mystérieuse d’un oncle disparu.

Barbara Kingsolver - Des vies à découvertDes vies à découvert, de Barbara Kingsolver
(traduit de l’anglais (États-Unis) par Martine Aubert)

Au XXIe siècle, Willa Knox, une journaliste indépendante, aide son fils à traverser une crise existentielle. Au XIXe siècle, Mary Treat est une scientifique émérite oubliée malgré sa proximité intellectuelle avec Darwin. Des années les séparent mais toutes deux sont liées par un intense besoin de liberté ainsi que par une maison.
Mine de rien, cela faisait sept ans, depuis Dans la lumière, que nous n’avions aucune nouvelle de Barbara Kingsolver, belle voix de la littérature américaine contemporaine, auteure saluée notamment de L’Arbre aux haricots et des Yeux dans les arbres.


BILAN



Lecture très probable :

Héritage, de Miguel Bonnefoy


À première vue : la rentrée P.O.L.

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Intérêt global :

sceptique
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La rentrée littéraire des éditions P.O.L., c’est souvent quitte ou double en ce qui me concerne. Soit la plupart des titres m’intéresse, soit je reste indifférent. Cette année, j’ai bien peur d’être dans le deuxième cas de figure, en dépit du retour d’Emmanuel Carrère six ans après Le Royaume (qui m’était tombé des mains, cela dit). Un retour qui sera synonyme de large couverture médiatique pour ce livre, sans doute beaucoup moins pour les autres.
(Oui, ça y est, je commence à m’énerver. Mais c’est un peu de la faute de Iegor Gran. Rendez-vous en fin d’article pour comprendre.)


Emmanuel Carrère - YogaYoga, d’Emmanuel Carrère

Commençons par la machine à faire tourner les rotatives, ce sera fait. Emmanuel Carrère, objectivement l’un des écrivains français contemporains les plus imposants, est d’autant plus suivi par la presse qu’il est relativement rare. Il y a six ans, le Royaume, énorme pavé qui revisitait les débuts de la chrétienté et en particulier la figure de Saint-Paul, avait trusté à lui tout seul la une de tous les journaux, spécialisés ou non. Un véritable raz-de-marée, d’autant plus intraitable qu’il se mêlait de polémique sur le traitement de la chose religieuse, qui avait inondé tout le reste de la rentrée.
Par souci d’équité médiatique, espérons que ce ne sera pas le cas cette année. (On peut toujours rêver.) Cela dit, à première vue, le sujet a cette fois moins d’ampleur puisque, comme le titre l’indique, il va être ici question de yoga. Mais pas seulement, sinon ce serait trop simple. Voici ce qu’en dit le résumé concocté par l’éditeur : « C’est l’histoire d’un livre sur le yoga et la dépression. La méditation et le terrorisme. L’aspiration à l’unité et le trouble bipolaire. Des choses qui n’ont pas l’air d’aller ensemble, et pourtant : elles vont ensemble. »
Par curiosité, je l’ai commencé. Composé de brefs chapitres parfois sans lien apparent, le texte est bizarrement accrocheur. Je ne suis pas certain pour autant de garder mon intérêt en éveil sur presque 400 pages, d’autant que la manière souvent affligée dont Carrère se met en scène a une propension très nette à m’horripiler. Il serait malhonnête, cependant, de ne pas reconnaître la pertinence et le talent d’écrivain du monsieur.

Jean Rolin - Le Pont de BezonsLe Pont de Bezons, de Jean Rolin

De Mantes à Melun, dans un « désordre voulu » selon les propres mots de l’auteur, une déambulation le long des berges de la Seine, qui tourne à observation attentive de ce monde devenu quasi invisible dont les moindres événements, grossis par la loupe de la curiosité, prennent alors des proportions extraordinaires. Une exploration urbaine, sociologique, mais aussi éthologique, le monde animal se réservant un rôle d’importance dans le projet.

Lise Charles - La demoiselle à coeur ouvertLa Demoiselle à cœur ouvert, de Lise Charles

Troisième roman de Lise Charles chez P.O.L., inspiré par son séjour à la Villa Médicis. Elle imagine un écrivain quarantenaire, pensionnaire comme elle le fut de la célèbre institution, qui use et abuse de sa notoriété pour extorquer des confidences à des femmes, aveux qu’il recycle dans ses écrits. Jusqu’au jour où il franchit une limite fatale…
Dans la veine des Liaisons dangereuses, un roman épistolaire moderne sous forme d’échanges de mails, enrichi d’autres formes textuels pour donner épaisseur et variété à cette histoire de manipulation, doublée d’une réflexion sur les enjeux et les pouvoirs de la littérature.

Patrick Lapeyre - Paula ou personnePaula ou personne, de Patrick Lapeyre

L’histoire d’une passion amoureuse érotique et enflammée entre un postier philosophe et une amie de jeunesse, désormais mariée, bourgeoise et catholique, sur fond de passion pour la pensée de Martin Heidegger.
Je ne sais pas ce que ça m’inspire. Pas grand-chose, à vrai dire. En tout cas, sûrement pas l’envie de m’embarquer dans plus de 400 pages sur ce genre de navire. Et vous ?

Laure Gouraige - La fille du pèreLa Fille du père, de Laure Gouraige

À l’occasion de ses trente ans, une fille s’adresse durement à son père, dans l’espoir de s’affranchir de lui, du poids de la douleur et du silence, et de trouver sa liberté, entre entre règlement de comptes et déclaration d’amour. Premier roman d’une jeune diplômée de philosophie dont la thèse portait sur Guillaume d’Ockham. Détail qui, bizarrement, me paraît plus intéressant que sa première tentative littéraire.

Iegor Gran - Ces casseroles qui applaudissent aux fenêtresCes casseroles qui applaudissent aux fenêtres, de Iegor Gran

En partant du phénomène des applaudissements adressés au personnel soignant chaque soir à 20 heures, Iegor Gran dénonce la soumission dont ont fait preuve les Français en acceptant le confinement. Dans la série « c’est facile d’ouvrir sa grande gueule dans un livre six mois après la bataille », voici le premier des nombreux livres dispensables qui paraîtront sur le sujet. Décevant, et exaspérant.
(Je précise que je n’applaudissais pas au balcon, hein, pour ceux qui croiraient que l’attaque me vexe personnellement. Mais je n’ai pas l’intention d’écrire un livre pour expliquer pourquoi, rassurez-vous.)


BILAN


Lecture potentielle (commencée et à poursuivre au moins un peu) :
Yoga, d’Emmanuel Carrère

Lecture hypothétique :
La Demoiselle à cœur ouvert, de Lise Charles


À première vue : la rentrée Philippe Rey 2020

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Intérêt global :

neutrre


De la saleté, des cafards et la mort : si on la résume à ses titres, la rentrée Philippe Rey semble un condensé de joie et d’optimisme. Vous vous attendez à ce que je démente ? Ben… à première vue, je peux difficilement prétendre le contraire. Ce qui n’empêche pas ce programme d’avancer éventuellement de solides pions littéraires. On ne peut pas rigoler tout le temps, non plus. Surtout pas dans le monde qui est le nôtre.


Joyce Carol Oates - Ma vie de cafardMa vie de cafard, de Joyce Carol Oates
(traduit de l’anglais (États-Unis) par Claude Seban)

La plus prolifique des auteures américaines est à nouveau au rendez-vous de la rentrée littéraire, avec un roman certes moins gros que l’année dernière, mais qui affiche tout de même ses 500 pages et son ambition de scruter la cellule familiale dans ses moindres recoins, même (surtout ?) les plus sordides. Soit l’histoire de Violette, l’une des sept enfants de la famille Kerrigan, qui se retrouve honnie et bannie par les siens et par sa communauté après avoir dénoncé à 12 ans ses frères, auteurs d’un crime raciste. Un exil qui l’oblige à s’émanciper et à tracer sa propre voie.
Pas forcément de lien direct avec le phénomène « Black Lives Matter », mais un roman qui entre tout de même en résonance avec l’actualité, et sonde plus que jamais la société américaine.

Jeanine Cummins - American DirtAmerican Dirt, de Jeanine Cummins
(traduit de l’anglais (États-Unis) par Françoise Adelstain et Christine Auché)

Première traduction pour Jeanine Cummins, qui a déjà publié trois livres aux USA. Celui-ci s’ouvre au Mexique, à Acapulco, où Lydia exerce le métier de libraire et mène une vie paisible avec son mari journaliste et son fils de 8 ans. Tout se dérègle, hélas, le jour où Sebastian dévoile dans un article l’identité du chef d’un cartel, qui n’est autre qu’un excellent client de la librairie de Lydia. Cette dernière est contrainte de prendre la fuite avec son fils, et prend la route du nord, dans l’espoir de se mettre à l’abri aux États-Unis…
Plus de 500 pages pour ce périple en quête de survie, animé par l’amour qui lie inextricablement une mère et son enfant.

David Goudreault - Ta mort à moiTa mort à moi, de David Goudreault

C’est le troisième roman du Québécois David Goudreault que publie Philippe Rey en France. Celui qui a remporté la Coupe du Monde de poésie en 2011 imagine le parcours hors norme d’une poétesse, auteure d’un seul recueil devenu culte, et femme dont la vie est parsemée de mystères et de zones d’ombre, capable de jouer les trafiquantes d’armes comme de venir en aide aux marginaux.