Le Dernier Roi de Brighton, de Peter Guttridge
Signé Bookfalo Kill
Le Dernier Roi de Brighton est la suite de la Trilogie de Brighton, débutée par Promenade du crime que j’avais chroniqué l’année dernière. Comme celle du premier volume, l’intrigue est complexe, riche de détails et de faits divers ou historiques qui soulignent l’énorme travail de documentation de Peter Guttridge, au-delà du cas Brighton puisqu’il est aussi question par exemple de la guerre dans les Balkans.
Pour être une suite, ce deuxième volet s’ouvre par un gigantesque flash-back de 230 pages qui nous ramène dans les années 60. Guttridge nous fait assister à l’initiation tous azimuts (criminelle, sentimentale, musicale, amicale, intellectuelle, sexuelle) de John Hathaway, avant qu’il ne devienne ce fameux Roi de Brighton – prince du crime et de l’économie souterraine de la ville, déjà croisé dans Promenade du crime. Il est alors le fils adolescent de Dennis Hathaway, qui règne lui-même en véritable parrain de la cité.
L’immersion dans l’époque est totale. S’appuyant sur une bande-son d’enfer, des Beatles aux Who en passant par Pink Floyd et Simon & Garkunfel, Peter Guttridge réanime ces années comme si on y était. Les références culturelles abondent avec naturel, ainsi que celles à la mode vestimentaire dont les jeunes héros de l’histoire suivent avec passion les soubresauts.
Comme Promenade du crime, qui s’intéressait aux « Meurtres à la malle », cette première partie du Dernier Roi de Brighton suit également en fil rouge un fait divers authentique survenu en 1963 : l’attaque du train postal Glasgow-Londres (connu en anglais sous l’appellation « The Great Train Robbery« ), auquel le romancier rattache habilement les protagonistes imaginaires de son récit.
Dans ce cadre impeccable, Peter Guttridge fait évoluer des personnages hauts en couleur et ressuscite, dans la grande tradition du roman noir et non sans fascination, l’époque des grands criminels, bandits d’honneur capables de tout mais toujours respectueux de certaines règles implicites.
Passionnante en soi, cette première partie permet de créer un contraste frappant avec la criminalité moderne, à laquelle l’auteur confronte ensuite John Hathaway et ses autres héros dans une deuxième partie brutale et chaotique. Dynamités par des petites frappes sans éducation ou des sociopathes échappés des guerres contemporaines, les codes d’honneur volent en éclat et laissent tout le monde, parrains à l’ancienne, flics ou simples citoyens, démunis et à la merci d’une violence incontrôlable et sans limite.
A partir de là, Le Dernier Roi de Brighton est la véritable suite de Promenade du crime et, en ce sens, peut-être difficile à aborder sans avoir lu la première partie. Il y est notamment fait référence au massacre de Milldean, qui se déroule au début du premier tome et conditionne ensuite le destin de la plupart des personnages.
C’est aussi le cœur d’une trilogie, qui nous laisse donc en suspens, certains mystères encore irrésolus (dont celui des meurtres à la malle, à nouveau évoqués) avant la conclusion du cycle dans le troisième tome. Que j’attends donc avec impatience !
N.B.: Promenade du crime sortira en poche en mars, dans la collection Babel Noir… Une bonne opportunité à petit prix de raccrocher les wagons de la trilogie et de pouvoir pleinement apprécier ce deuxième tome !
La Trilogie de Brighton tome 2 : Le Dernier Roi de Brighton,
de Peter Guttridge
Traduit de l’anglais par Jean-René Dastugue
Éditions du Rouergue, 2013
ISBN 978-2-8126-0453-9
406 p., 22,80€
La Guerre des Saints, de Michela Murgia
Signé Bookfalo Kill
Fils unique vivant dans un coin isolé de la campagne sarde, Maurizio est un enfant solitaire. Sauf l’été, quand il passe ses vacances chez ses grands-parents à Crabas, dont il arpente les rues, fronde à la main et des idées d’aventure plein la tête, avec ses amis Giulio et Franco Spanu. La nuit tombée, avec les autres gamins du village, il frissonne en écoutant les histoires à faire peur que racontent les vieux, rassemblés dehors pour profiter de la fraîcheur du soir. Il fait enfin l’expérience de la vie en communauté, de la solidarité implicite des gens qui vivent sur les mêmes terres et jouent dans les mêmes rues.
Mais cet esprit de partage idyllique se fissure le jour où l’évêque de la région annonce la création d’une deuxième paroisse au sein même du village. Forcés de choisir un camp, les habitants de Crabas commencent à se diviser et à se déchirer…
Il y a dans ce nouveau roman de Michela Murgia des ingrédients qui le rendent attachant et intéressant. Tout d’abord, une chronique d’enfance, pas forcément novatrice mais assez pétillante pour paraître sincère. On y voit grandir Maurizio, on le voit passer lentement de l’enfance à l’adolescence, vivre la belle amitié des jeunes années, expérimenter la vie et ses contrastes.
Ensuite, le roman déroule la chronique d’une campagne sarde, dont Murgia évoque avec brio et simplicité les traditions, les superstitions, et tout ce qui soude la population d’un village. Au fil de petites scènes souvent drôles, l’auteur convie son lecteur à faire partie du « nous » qu’emploie instinctivement l’habitant de Crabas pour parler de lui-même tout en s’intégrant toujours implicitement à la communauté.
Malheureusement, cette Guerre des saints est bien trop brève (115 pages) pour nous immerger totalement dans son histoire. Les différents aspects que je viens d’énoncer y sont tous traités d’une manière qui, au bout du compte, finit par paraître superficielle. L’aspect roman d’apprentissage aurait mérité plus de péripéties ; les aventures de Maurizio et ses amis y sont peu nombreuses. Et la chronique communautaire, elle aussi, laisse un goût d’inachevé, alors qu’elle offre les moments les plus originaux et intéressants du récit.
La Guerre des saints est donc un roman sympathique, bien écrit, mais trop léger et trop rapide pour laisser une empreinte indélébile dans ma mémoire de lecteur. Pour les curieux du genre.
La Guerre des saints, de Michela Murgia
Traduit de l’italien par Nathalie Bauer
Éditions du Seuil, 2013
ISBN 978-2-02-109861-7
115 p., 15€
Rébus d’art de Pierre Garcette
Bon, pas besoin d’en faire des tonnes, vous l’aurez compris, Pierre Garcette cherche à vous faire deviner des noms de peintres/sculpteurs célèbres en détournant des images. Comme le dit si bien Paul Fournel dans la préface, il faut bien mais alors bien observer les dessins. C’est farfelu, c’est souvent tiré par les cheveux et seuls les amateurs chevronnés pourront reconnaître Franz Winterhalter.
L’idée est bonne, mais trop répétitive et on sent une forte admiration de Garcette pour Francis Bacon (pas moins de six rébus) A vous de voir si vous pourrez vous frotter à l’esprit tordu de Pierre Garcette!
Rébus d’Art de Pierre Garcette
Editions de la Martinière, 2012
9782732455945
138p., 12€
Un article de Clarice Darling.
Hero Corp t.1 : Les Origines, de Simon Astier, Marco Failla & Olivier Héban
Signé Bookfalo Kill
Bon, les amis, cette fois, j’aime autant vous prévenir que c’est le fan qui va s’exprimer. De toute façon, la situation est assez simple : soit vous connaissez déjà Hero Corp, vous faites partie des irréductibles qui défendez avec acharnement le droit à l’existence de cette série, et vous êtes déjà prêt à être convaincu ; soit vous en avez entendu parler, ça vous titille depuis un moment de vous y intéresser, et alors vous n’avez plus qu’à plonger ; soit vous en ignorez tout, et alors il serait temps de s’y mettre.
Pour résumer à l’intention de tous, Hero Corp est à l’origine une série télé conçue, réalisée et interprétée par Simon Astier, connu auparavant pour son rôle d’Yvain dans Kaamelott, la série de son grand demi-frère Alexandre. On y découvre l’existence de super-héros, qui vivent reclus dans différents coins du monde – dont un village perdu en France, où se déroule la première saison -, d’autant plus soucieux de leur confidentialité que leurs pouvoirs se sont singulièrement émoussés. Le retour de The Lord, l’un de leurs plus féroces ennemis, pousse les anciens à faire appel à John, un jeune homme qui ignore tout d’eux, et encore plus qu’il est lui-même, potentiellement, un super-héros – et pas n’importe lequel : le plus important peut-être de tous…
Sur un mode comique, limite parodique, servi par des vannes et des dialogues hilarants qui portent le sceau Astier (apparemment c’est un don génétique de leur famille), Simon raconte l’apprentissage de John et le retour des forces du mal, avec une évolution remarquable en terme de rythme, d’action et d’efficacité entre une première saison cheap mais rigolote, et une deuxième beaucoup plus léchée, drôle et spectaculaire.
Je ne vais pas m’éterniser sur l’histoire de la série télé, arrêtée au bout de deux saisons puis enfin reconduite cette année (le tournage vient de débuter), grâce au soutien inconditionnel des fans. Ce n’est pas le sujet et tout est sur le Net. Parlons plutôt de la B.D. qui vient de sortir, et qui montre une autre facette du talent de Simon Astier, ici scénariste, ainsi que la manière étendue dont il maîtrise son univers.
Il nous ramène en 1985, quand les super-héros agissent encore au grand jour et protègent le monde. Une position fragilisée par l’arrestation de Captain Québec, l’un des meilleurs d’entre eux, pour corruption et abus de pouvoirs, et aussi par le chaos semé dans Montréal par Ethan Grant, un ancien super-héros qui a basculé du côté obscur. Sans compter la montée, dans l’ombre, d’un mal ancien et terrifiant, qui s’intéresse beaucoup à un enfant qui vient de naître : un certain John…
Pour lutter contre la contestation et tenter de se défendre, Neil Mac Kormack propose la création d’une agence d’Etat : Hero Corp…
Quand Simon Astier a annoncé sa volonté de raconter les origines d’Hero Corp sous forme de comics, j’ai eu très peur de voir ce que ça allait donner, je l’avoue. Je craignais un résultat à la française, soit « je copie les Américains mais sans le savoir-faire ni le talent et du coup c’est tout nul ». Alors, certes, je ne suis pas un spécialiste des comics, mais pour moi, Astier a réussi son coup.
Avec Marco Failla au dessin et Olivier Héban à la colorisation, il nous offre un nouvel objet hybride, tout à fait dans son style, qui respecte les codes des comics en terme de traits, de couleurs et de mise en page (disposition irrégulière des cases, petites cases intégrées à des grandes planches, etc.) Et en même temps, loin de se prendre au sérieux, Simon Astier a su garder le ton Hero Corp d’origine, mélange de bonnes vannes – cf. le prologue, très marrant -, de personnages foutraques et d’héroïsme.
Comment le tout fonctionne, cela reste un mystère. Mais ce qui est sûr, c’est que Simon Astier est largement au niveau de l’attente des fans. En ce qui me concerne, je l’espérais mais n’imaginais pas me régaler autant. On apprend plein de choses qui éclairent la série (ce qui est arrivé à Théodore, comment Neil Mac Kormack est devenu directeur de l’Agence), tout en préservant encore beaucoup de zones d’ombre, et pour la suite du comics et pour celle de la série.
Mieux, ce premier tome de la B.D. est, je pense, une excellente porte d’entrée à l’univers Hero Corp pour qui ne connaît rien de la série. Tout en semant des références et des clins d’œil (l’apparition de Doug… qwwwouik !!!) qui réjouiront les connaisseurs, Astier raconte une histoire qui existe à part entière et peut embarquer un néophyte dans son univers.
Bref, c’est du bon, du très bon, à lire et à relire en attendant la diffusion de la saison 3 !
Hero Corp t.1 : Les Origines
Scénario : Simon Astier / Dessin : Marco Failla / Couleurs : Olivier Héban
Illustration de couverture : Olivier Péru
Éditions Soleil, collection French Comics, 2013
ISBN 978-2-302-02346-8
95 p., 17,95€
Vous voulez en savoir plus sur l’univers Hero Corp ? Allez voir par ici : http://www.herocorpfrance.com
Des noeuds d’acier, de Sandrine Collette
Signé Bookfalo Kill
Après dix-neuf mois en prison pour avoir démoli son frère Max, coupable d’avoir couché avec Lil, sa femme adorée, Théo Béranger prend le large. Il atterrit dans un coin reculé de France, entre campagne et montagne, où il se ressource pendant quelques jours dans une chambre d’hôtes miteuse mais paisible.
Jusqu’au jour où, au terme d’une longue balade, il tombe sur une ferme encore plus décatie et loin de tout. En surgit Joshua, un vieil homme qui lui propose de prendre un café. Quelques heures après avoir été assommé par surprise, Théo se réveille dans la cave de la maison, en compagnie de Luc, reclus là depuis huit ans. C’est le début d’un calvaire insensé, à la merci de deux vieillards complètement dingues…
Pour son premier roman, Sandrine Collette frappe très fort ! Et ce, d’entrée de jeu : Théo Béranger est un type déplaisant, qui sort de prison entouré d’une aura de violence inquiétante. Il ne tarde d’ailleurs pas à l’exercer d’une manière aussi absurde qu’inutile (je vous laisse découvrir comment), qu’on peut à la fois comprendre et désapprouver parce que c’est stupide dans sa situation.
Et pourtant, on finit par s’attacher à Théo. D’abord parce qu’il n’est pas manichéen, parce que sa violence même a des racines, qui ne l’excusent pas mais l’expliquent. Le décor du puzzle se met en place au fil des pages. On comprend, peu à peu.
Ensuite parce qu’il se retrouve confronté à une violence encore plus effroyable. Là où d’autres avant elle sont tombés dans le piège du trop explicatif, Sandrine Collette se contente de raconter la folie quotidienne de Basile et Joshua, les deux vieillards qui séquestrent Théo et le réduisent en esclavage, le traitant – littéralement – comme un chien. Pourquoi font-ils ça ? On n’en sait rien, on n’a pas besoin de le savoir et ça, l’auteur l’a très bien compris.
C’est le véritable tour de force de Des nœuds d’acier. On éprouve de l’empathie pour Théo, personnage pourtant antipathique de prime abord, parce qu’on partage sa déchéance sans plus la comprendre que lui, avec la même impuissance.
Pour qu’une telle histoire fonctionne, pour faire la différence sur un tel sujet, il faut aussi une plume et du style. Sandrine Collette est largement au niveau. Constamment sur le fil, elle fait évoluer l’histoire avec un souci constant de puissance et de rage qui passe par un choix très sûr et économe des mots, des sentiments et des sensations. Ancré dans le corps en déchéance et dans l’esprit bouillonnant de Théo, elle en saisit les variations, les réflexions, les dérives avec une finesse psychologique et une précision qui ne la font jamais dévier de son sujet.
Elle accorde aussi une place importante aux descriptions des paysages et des décors, personnages à part entière de l’intrigue par leur dureté, leur naturalité implacable. Et maîtrise enfin l’art délicat de l’ellipse, passant sous silence les scènes les plus sordides, parce qu’il est inutile de dire ce que l’imagination suffit à concevoir à partir du peu qui est exprimé auparavant. Une option gagnante, alors que trop d’auteurs choisissent plutôt la surenchère, parce que le voyeurisme est vendeur, ou pour le simple frisson du glauque à bon marché.
Des nœuds d’acier est indéniablement la première grosse claque polar de 2013. Pas difficile puisque l’année commence, certes, mais ce roman devrait marquer durablement les esprits et rester dans les incontournables du millésime. Ce ne serait que justice pour une œuvre aussi aboutie, jusqu’à une fin très réussie, à la fois touchante et cruelle.
Quoi qu’il en soit, les éditions Denoël relancent d’une manière remarquable leur collection « Sueurs froides », en permettant à Sandrine Collette de se faire un nom au passage. Coup double gagnant !
Des nœuds d’acier, de Sandrine Collette
Éditions Denoël, collection Sueurs Froides, 2013
ISBN 978-2-207-11390-5
265 p., 17€
La Colère de Fantômas t.1 : les bois de justice, de Bocquet & Rocheleau
Signé Bookfalo Kill
Août 1911. Seize ans après avoir fait parler de lui – et rencontré l’inspecteur Juve – pour la première fois, Fantômas est enfin arrêté et traduit en justice. Meurtrier, terroriste, anarchiste activiste, c’est le criminel le plus effroyable de France, et son sort ne fait aucun doute. Le fait qu’il assassine un témoin en plein procès accélère le processus : il est rapidement condamné à mort, et exécuté dans la foulée devant une foule nombreuse et soulagée.
Le lendemain soir, à l’occasion de la première d’une pièce en théâtre mettant en scène ses méfaits, Fantômas surgit pourtant sur scène, la tête solidement arrimé sur ses épaules et plus en colère que jamais…
Vous pensez sûrement que Fantômas est un méchant guignol dissimulé derrière un masque bleu, poursuivi par un inspecteur Juve d’opérette, hystérique et maladroit. Ce n’est pas de votre faute, ce cliché provient bien sûr des trois films réalisés par André Hunebelle dans les années 60, avec Jean Marais et Louis de Funès. On est pourtant loin, très loin du personnage d’origine, terrifiant extrémiste sans autre limite que celles apparemment infinies de son imagination, créé en 1910 par Pierre Souvestre et Marcel Allain.
C’est à cette source, presque oubliée mais d’une richesse exceptionnelle, que le scénariste Olivier Bocquet est allé puiser. Voici donc un Fantômas cruel, sanguinaire, brillant et charismatique à sa terrible manière, qui ne cesse de porter la violence et la mort partout, aussi imprévisible et amoral que le Joker de Batman.
Face à lui, le placide inspecteur Juve et le journaliste Fandor font un peu pâle figure, en tout cas dans ce premier tome, où l’accent est porté sur le personnage-titre, histoire de redonner son vrai visage à un « héros » défiguré par sa dérive cinématographique.
Pour donner sa pleine mesure à ce Fantômas ressuscité (dans tous les sens du terme), Dargaud a associé à Bocquet la dessinatrice Julie Rocheleau, dont les partis pris graphiques très forts – atmosphère expressionniste, dominantes de rouge et d’orange, traits anguleux, ombres prédominantes – redonnent toute sa puissance horrifique au personnage. Fidèle à sa réputation d’insaisissable, le visage de Fantômas reste indistinct, et c’est souvent sous la forme d’une silhouette obscure, hérissée d’une arme quelconque (couteau ou revolver), que se montre l’assassin.
Si je dois faire un seul « reproche » à cet album, c’est d’être un premier tome, qui pose les bases d’une histoire prévue en trois parties. Même si les péripéties y sont déjà nombreuses, il ne se dégage pas encore l’impression d’une véritable intrigue, hormis celle d’un retour aux affaires spectaculaires de Fantômas. Etant donné la qualité de cette entrée en matière, on attend donc la suite avec impatience.
La Colère de Fantômas t.1 : les bois de justice
Dessin : Julie Rocheleau / Scénario : Olivier Bocquet
Éditions Dargaud, 2013
ISBN 978-2-205-07019-4
56 p., 13,99€
Le Guide du mauvais père t.1, de Guy Delisle
Signé Bookfalo Kill
Alors que vient de s’achever la série de six volumes tirés du blog de Bastien Vivès, les éditions Delcourt, soucieuses de ne pas tarir cet excellent filon, proposent dans le même petit format de leur collection Shampooing le premier opus du Guide du mauvais père. Le nom du dessinateur vous est peut-être familier : Guy Delisle s’est en effet fait remarquer ces dernières années pour les sérieuses et très réussies Chroniques birmanes et Chroniques de Jérusalem.
Si le ton change radicalement et s’allège, Delisle s’avère également très à l’aise avec le format strip inhérent à la collection. Le dessin reste simple, mais tout de même beaucoup plus élaboré que celui de Vivès, qui pratiquait le copier-coller sans parcimonie. Ici, les situations, le cadre, le décor et les attitudes des personnages changent à chaque « case ».
Côté humour, Delisle se démarque aussi. Loin de la méchanceté et des outrances assumées (et souvent hilarantes) de Vivès, il choisit de coller au quotidien en mettant en scène les relations père-enfants : petits mensonges, blagues douteuses, éducation revue et corrigée… Le tout au fil de situations familières et bien restituées : au hasard, comment gérer les histoires de petite souris ou de lapin de Pâques, comment recevoir les jolis dessins de ses enfants, comment apprendre le bricolage à son fils ou comment avoir réponse à tout grâce à Internet.
Le résultat est moins disparate que son collègue, l’humour plus cohérent, et chaque strip s’avère amusant, d’une manière légère mais toujours bien vue. Car le père version Delisle n’est pas si mauvais que ça, allez ! Souvent de mauvaise foi et pas toujours de bon conseil, mais très humain – et très proche de ce que sont bien des hommes. Bref, ça sent le vécu.
Avec une approche plus classique que celle de Vivès, sur le fond comme sur la forme, Guy Delisle réussit un premier tome parsemé de clins d’oeil réalistes qui feront rire les mamans… et les papas aussi, sans nul doute !
Le Guide du mauvais père t.1, de Guy Delisle
Éditions Delcourt, collection Shampooing, 2013
ISBN 978-2-7560-3873-5
191 p., 9,95€
L’apiculture selon Samuel Beckett de Martin Page
Il y a longtemps, dans une galaxie lointaine… très lointaine… j’avais lu Comment je suis devenu stupide, du même auteur. Le titre m’avait interpellée. Certes, il n’y avait pas de quoi s’en relever la nuit, mais le roman était somme toute plaisant. J’avais poursuivi mes lectures avec On s’habitue aux fins du monde. Et voici que me tombe dans les mains L’apiculture selon Samuel Beckett.
Ce qui est dommage chez Martin Page, c’est que ses ouvrages ont l’immense désavantage d’être rapidement oubliés. L’auteur livre ici un récit fictif d’un jeune homme, assistant de Samuel Beckett le temps d’un été. Cet étudiant en lettres va découvrir l’écrivain de Molloy sous un autre jour, contraire à ce que les photographies de Beckett peuvent amener à croire. Beckett est ici un homme relativement souriant, aimant les déguisements, et aux multiples manies, ce qu’on appellerait aujourd’hui des TOC.
Martin Page ne va malheureusement pas plus en détail. On n’en saura pas plus de ses personnages pourtant singuliers. Rédigé sous forme de journal intime, le roman peine à trouver un souffle. Cette impression était déjà là avec mes deux précédentes lectures de Martin Page. Ca m’attriste car c’est un écrivain fort sympathique et proche de son public, qui trouve son lectorat à chaque roman mais dont j’aimerais voir un jour paraître un ouvrage plus… percutant? On verra bien avec son prochain roman!
L’Apiculture selon Samuel Beckett de Martin Page
Editions de l’Olivier, 2013
978282360007
87p., 12€
Un article de Clarice Darling.
Bérénice 34-44 d’Isabelle Stibbe
En voilà un premier roman lumineux, malgré les heures sombres décrites dans ses pages! Pour un premier livre, Isabelle Stibbe nous envoie un bon crochet du droit et j’ai hâte de lire ses prochaines oeuvres! C’est mon collègue préféré qui m’a conseillé le livre sans l’avoir lu. Il avait vu sur le bandeau publicitaire, deux expressions qui font mouche chez moi : « Comédie-Française » et « Occupation ». Un roman sur la Comédie-Française pendant l’Occupation… tiens tiens tiens… (J’avoue, sans cela, je serai sûrement passée à côté!)
Bérénice 34-44 raconte l’histoire d’une jeune fille qui donnera tout pour le théâtre. Incomprise par sa famille, des fourreurs juifs venus de Russie, elle les abandonne sans arrière pensée quand elle apprend qu’elle est reçue première au concours d’entrée du Conservatoire, en 1934. Elle côtoie alors les plus grands. Jouvet, Baty, Gabin, Barrault… En 1937, elle intègre le Français, dont elle est alors la plus jeune pensionnaire. Bérénice devient une comédienne réputée. Mais la guerre va la rattraper.
Cet ouvrage mène habilement fiction et réalité et me fait penser au dernier roman de Nicolas d’Estienne d’Orves, que j’avais grandement apprécié. En plus d’être un cri d’amour à son père miraculé, Isabelle Stibbe écrit très bien, s’est extrêmement documentée et on en vient à regretter que Bérénice n’ait jamais existé.
Bérénice 34-44 d’Isabelle Stibbe
Editions Serge Safran Editeur, 2012
9791090175075
316p., 18€
Un article de Clarice Darling.
Ravages, d’Anne Rambach
Signé Bookfalo Kill
Il y a dans ce polar un tueur en série d’une violence inouïe, l’un des plus effroyables que le XXe siècle ait connu. Rendez-vous compte : 35 000 morts rien qu’en France, et sans doute des centaines de milliers dans le monde entier – car, oui, cet assassin est partout. Et le pire, c’est qu’il n’a pas encore fini de sévir, alors qu’on l’a clairement identifié et qu’on le traque désormais dans ses moindres cachettes.
Ce serial killer, c’est l’amiante. Et ses crimes – ainsi que ceux qui lui ont permis de faire des ravages, bien longtemps après qu’on a découvert son atroce capacité de nuisance – sont au coeur de Ravages, le nouveau roman d’Anne Rambach.
Un mot sur l’intrigue : Dominique André, grande figure du journalisme d’investigation, solitaire et acharné, s’est suicidé. En tout cas, on s’est donné beaucoup de mal pour le faire croire, estime Elsa Delos, chroniqueuse judiciaire au Parisien, qui découvre le corps.
Elle convainc son amie et collègue Diane Harpmann de l’aider à prouver qu’il s’agit d’un meurtre et, avec l’aide de Richard Jancourt, qui éditait les livres d’André, les deux femmes découvrent que ce dernier enquêtait sur le scandale de l’amiante. En reprenant le flambeau, Diane et Elsa ne tardent pas à découvrir que le terrain est hautement dangereux…
Anne Rambach est journaliste et cela se sent. D’abord parce que le roman contient d’excellents passages sur le métier de journaliste aujourd’hui. Ensuite et surtout, parce qu’elle a accompli des recherches minutieuses sur son sujet, qu’elle retranscrit fidèlement au fil des investigations de ses héroïnes. La matière est d’ailleurs si riche et si complexe qu’il ne faut pas s’attendre à un thriller échevelé : chaque rencontre, chaque interview de Diane et Elsa est le prétexte à de longs développements, qui permettent de retracer l’historique de l’exploitation de l’amiante, la manière dont les industriels du secteur, soutenus par des lobbys puissants, ont trop longtemps dissimulé l’extrême dangerosité de leur produit…
En prenant le temps qui lui est nécessaire, mais sans pour autant ennuyer son lecteur, Anne Rambach livre un polar brûlot, instructif et effrayant. Elle balance les noms connus, met en accusation les entreprises responsables, y compris les plus prestigieuses (Saint-Gobain). A moins d’avoir suivi de très près ce scandale sanitaire qui défraye la chronique depuis longtemps, et qui n’a sans doute pas fini de faire la une (on attend toujours le grand procès de l’amiante en France), vous découvrirez l’étendue d’une affaire honteuse, dont les ramifications internationales ont laissé des milliers de gens sur le carreau dans le monde.
Léger revers de la médaille, l’aspect purement policier du roman n’est pas totalement réussi, en ce sens que la résolution de l’enquête est très décevante, voire improbable d’un strict point de vue narratif ; en tout cas, elle n’est pas à la hauteur de l’ambition du sujet. Heureusement, une fin à double détente, intransigeante et tout en noirceur, vient rattraper cette déception.
Par ailleurs, il faut souligner le soin qu’apporte Anne Rambach à son écriture, notamment dans ses descriptions des personnages et surtout des décors. C’est parfois boursouflé, certaines métaphores sont un peu indigestes, mais il serait injuste de reprocher à un auteur de polar son envie de ne pas rabaisser son livre avec un style à l’emporte-pièce, sous prétexte que ce ne serait qu’un polar…
Et puis, certains passages sont époustouflants, en particulier ceux au Mont Saint-Michel, que j’ai rarement lu aussi bien décrit.
S’il faut lire Ravages, c’est donc avant tout comme un roman engagé, hyper documenté. Une excellente approche sur un sujet, l’amiante, dont on ne parle sans doute pas assez.
Ravages, d’Anne Rambach
Éditions Rivages, collection Thriller, 2013
ISBN 978-2-7436-2436-1
387 p., 21,50€
Un notaire peu ordinaire, d’Yves Ravey
Signé Bookfalo Kill
Marthe Rebernak est veuve et mère de deux grands enfants qui vivent encore chez elles. Lorsqu’elle apprend que son cousin Freddy sort de prison et revient en ville après quinze ans de réclusion pour un crime abominable, elle refuse de le voir, et surtout de le laisser approcher des siens.
Mais peut-elle l’en empêcher tant qu’il ne fait rien de mal ? Et est-ce que le notaire, maître Montussaint, qui a déjà bien aidé Marthe par le passé, pourrait à nouveau lui porter secours ?
Plus on avance dans la lecture d’Un notaire peu ordinaire, plus on se prend à imaginer ce que Claude Chabrol aurait pu en faire s’il l’avait adapté au cinéma. Il s’y trouve nombre d’ingrédients qui auraient pu le séduire : une petite ville de province (non nommée), un notable influent, des gendarmes dépassés, des caractères plus ou moins médiocres, des secrets et des obsessions sordides…
On pourrait presque croire à un roman noir, d’autant qu’il règne dans le roman une tension permanente, de plus en plus forte au fur et à mesure qu’on approche du dénouement.
C’est cela, mais c’est aussi autre chose. Car il y a l’écriture d’Yves Ravey, à la fois concise – l’auteur va à l’essentiel, factuel avant tout, sans s’étendre sur la psychologie de ses personnages qui ne manquent pourtant ni d’épaisseur ni de complexité – et littéraire. Il suffit d’étudier le mécanisme du récit pour s’en convaincre : le narrateur est le fils de Marthe et, alors qu’il n’est directement témoin que de la première et de la dernière scène du roman, c’est tout de même lui qui en rapporte tous les événements. Acteur du début de l’histoire, il en devient un membre implicite ; mais en s’effaçant, il laisse la première place, celle du voyeur, au lecteur.
Un dispositif roublard qui nous ramène au roman noir, puisqu’on croirait lire un témoignage – et c’est peut-être ce que c’est, allez savoir… -, mais qui permet aussi à Ravey un travail saisissant sur l’écriture, notamment sur les dialogues, intégrés au récit.
Un notaire peu ordinaire est le premier livre d’Yves Ravey que je lis, et ce ne sera sûrement pas le dernier. En ce qui me concerne, c’est une vraie découverte, que je vous invite chaleureusement à partager !
Un notaire peu ordinaire, d’Yves Ravey
Éditions de Minuit, 2013
ISBN 978-2-7073-2259-3
108 p., 12€
06h41 de Jean-Philippe Blondel
Jean-Philippe Blondel nous livre ici un nouveau roman comme il les affectionne. L’histoire d’une femme et d’un homme, qui furent amants dans leur jeunesse et qui se retrouvent tout à fait par hasard, dans le train Troyes-Paris.
Ils ne se parlent pratiquement pas, mais on suit leurs cheminements respectifs. On replonge dans leurs passés. Un chapitre pour la femme, un chapitre pour l’homme.
Si ce roman reste dans l’anecdotique, l’ouvrage présente en subtilité l’histoire de ces deux ex-amants adolescents, devenus adultes et parents. Que sont devenues leurs vies? Est-ce ainsi qu’ils souhaitaient vivre? Quels sont les rêves d’adolescent qu’on finit par réaliser vraiment?
Blondel met en scène Cécile et Philippe, quasi cinquantenaires perdus de vue depuis trente ans et qu’un drame relie. L’écriture est simple, fluide mais on reste tout de même dans l’expectative, on aurait aimé en savoir plus, connaître le fin mot de l’histoire. Blondel n’est pas de ces auteurs-là, pour découvrir la fin, il faut traquer entre les lignes et savoir lire à demi-mot.
06h41 de Jean-Philippe Blondel
Editions Buchet-Chastel, 2013
9782283026052
232p., 15€
Un article de Clarice Darling.
La Bande dessinée, de Bastien Vivès
Signé Bookfalo Kill
Bon, maintenant, vous connaissez le principe, je ne vais donc pas m’étendre pendant des heures sur ce sixième et dernier opus de la série tirée du blog de Bastien Vivès. Sinon pour dire que je l’ai trouvée beaucoup plus sympathique et plus cohérent que le précédent sur La Guerre, constituant une conclusion logique et amusante à cette suite de publications.
Évidemment, le sujet est davantage fait pour lui également, même si je craignais de le voir tomber trop souvent dans la private joke. Dans l’ensemble, il n’en est rien, et le premier strip donne d’ailleurs le ton : une mère consulte un médecin car elle craint que son fils soit retardé ; le praticien la rassure plus ou moins en lui apprenant que sa maladie consiste à faire de la B.D., activité sans danger même si elle peut avoir de sérieuses conséquences sociales…
On est bien dans le ton Vivès, sarcastique et distancié, mais accessible à tous, y compris aux gens qui ne sont pas familiers avec les codes du petit monde de la bande dessinée. Les connaisseurs seront peut-être plus sensibles que les autres aux parodies de séances de dédicaces (« Dédicace 20 ans », « Belgique »), et encore, cela reste drôle sans connaître le contexte.
La Bande dessinée contient en outre plusieurs strips qui caricaturent joyeusement certains aspects du Neuvième Art. Ainsi des comics, dans les conseils d’écriture de Brad (« Comics » et « Le gag »), qui trouvent un écho irrésistible à la dernière page du livre (« Festiblog »), ou dans les aventures délirantes de Flashman. Même chose avec les obsessions thématiques de certains auteurs (« Guerre mondiale ») et la maniaquerie forcenée des collectionneurs (« Astérix »).
Le plus frappant dans ce volume, c’est le sens de l’auto-parodie dont fait preuve Bastien Vivès. Il se met régulièrement en scène, et souvent en horrible personnage, arrogant et méprisant (« Lausanne », « Littérature », « Interview blog »), quand il ne se moque pas carrément de son œuvre (« Dédicace 20 ans », « Ciné »). Il joue ainsi de son image de sale gosse, ce qui ne manquera pas d’exacerber l’agacement de ceux qui le détestent déjà, autant que le soutien de ses fans de plus en plus nombreux.
Bref, le garçon est malin !
La Bande dessinée, de Bastien Vivès
Éditions Delcourt, collection Shampooing, 2013
ISBN 978-2-7560-2992-4
188 p., 9,95€
L’Etrange destin de Katherine Carr, de Thomas H. Cook
Signé Bookfalo Kill
George Gates vit à la surface du chagrin depuis l’enlèvement et l’assassinat de son fils Teddy, sept ans plus tôt, crime atroce dont on n’a jamais retrouvé l’auteur. Veuf – sa femme Celeste était morte en couches -, il écrit des portraits sur des personnalités du cru pour le journal local de Winthrop.
Deux rencontres vont subtilement réorienter le cours de sa vie : Alice, une fillette de douze ans atteinte de progéria dont la mort précoce approche à grands pas ; Arlo McBride, un flic à la retraite qui lui parle de Katherine Carr, une poétesse de Winthrop qui s’est évaporée vingt ans plus tôt, en laissant derrière elle un étrange manuscrit où elle met en scène sa propre vie d’une manière ambiguë. Tout en lisant chaque soir ce texte avec Alice, George se met à enquêter sur le mystère de la disparition de Katherine Carr…
J’ai pour Thomas H. Cook une affection particulière. Voilà un écrivain pour qui le genre policier n’est pas un pis aller, et auquel il apporte toute l’élégance de sa plume et la finesse psychologique d’un esprit affûté. Loin du cliché de l’auteur américain efficace, hyper cadré et limite bourrin (il n’y a heureusement pas que ça outre-Atlantique), Cook signe des romans noirs raffinés, extrêmement bien écrits, plutôt lents, atmosphériques, traversés de thématiques obsessionnelles : le doute, la culpabilité, le soupçon…
On retrouve tout cela dans L’Etrange destin de Katherine Carr, assorti d’une réflexion sur l’écriture : où commence et où s’arrête la fiction, à quoi sert d’écrire (et de lire)… Le motif est omniprésent dans le livre, qui fonctionne comme une poupée russe. Tout commence en effet sur un bateau, qui avance lentement sur un fleuve au milieu d’une jungle (clin d’œil à Au cœur des ténèbres, de Conrad ?) ; le narrateur se met à raconter une histoire à un compagnon de traversée. C’est cette histoire qui constitue le récit central du roman, dans lequel viennent s’enchâsser les chapitres successifs du texte écrit par Katherine Carr, qui raconte sa propre histoire sans que l’on sache jamais clairement ce qui est vrai ou non…
Extrêmement lent, triste et mélancolique, L’Étrange destin… est un livre qui ne s’offre pas facilement, d’abord parce qu’il manie des sujets (les meurtres d’enfants, les grands tueurs en série) par nature étouffants – même si le romancier ne cède jamais à la facilité du sordide, ce n’est pas son genre. Ensuite et surtout, parce que Cook, loin d’asséner des vérités toutes faites, joue plutôt sur le non-dit, le « Non-Visible » (notion essentielle souvent évoquée dans le roman), et laisse à son lecteur une bonne marge d’interprétation et d’imagination.
De plus, l’éclatement du texte de Katherine Carr à l’intérieur du récit le rend parfois complexe à appréhender, surtout qu’il est écrit d’une manière mystérieuse, bourré d’allusions et de références qui ne sont pas toujours décryptées de suite. Difficile à affirmer sans comparaison, mais la traduction m’a d’ailleurs paru parfois un peu lourde, présentant des tournures maladroites qui semblent résulter d’une transcription un peu trop littérale pour sonner français. D’un autre côté, la langue de Cook est d’une exigence et d’une sophistication qui ne doivent pas simplifier le travail.
Néanmoins, il se dégage de L’Étrange destin… une atmosphère bien particulière, avec des images si marquantes qu’elles me reviendront sûrement en mémoire dès que je penserai à ce roman – l’une des grandes forces de Thomas H. Cook. Pour résumer, ce n’est pas le meilleur livre pour découvrir cet auteur, mais si vous connaissez et appréciez déjà son œuvre, vous pouvez y aller sans crainte.
L’Étrange destin de Katherine Carr, de Thomas H. Cook
Traduit de l’anglais (USA) par Philipe Loubat-Delranc
Éditions Seuil Policiers, 2013
ISBN 978-2-02-103017-4
296 p., 19,80€
Ils ont déjà lu et apprécié ce roman : Action Suspense, Le Vent Sombre