Little Bird, de Craig Johnson
Chronique d’été, par Bookfalo Kill
Les éditions Gallmeister ont déjà publié les cinq premiers polars de Craig Johnson, le cowboy écrivain du Wyoming. J’ai d’ailleurs chroniqué ici même cette année le dernier en date, Dark Horse.
Mais peut-être ne connaissez-vous pas encore Walt Longmire, son shérif de héros… Auquel cas, bande de petits veinards, vous avez encore la possibilité de vous régaler à le rencontrer en vous plongeant dans Little Bird, le premier titre de la série.
Walt Longmire, donc, est le shérif du comté d’Absaroka, une région rude du Wyoming, adossée aux Bighorn Mountains, où la nature joue encore un rôle de premier plan dans la vie de ses habitants. Figure de la région, apprécié et respecté, Walt n’aspire qu’à prendre une retraite aussi proche que méritée et à se retirer dans l’espèce de chalet inachevé qui lui sert de maison.
Bien entendu, les ennuis ne tardent pas à arriver, sous la forme incontournable d’un cadavre, celui de Cody Pritchard, abattu d’un coup de fusil. L’hypothèse de l’accident de chasse est tentante, mais ce serait oublier que Pritchard a été reconnu coupable, trois ans auparavant et avec trois de ses amis, du viol de Melissa Little Bird, une jeune Indienne de la réserve cheyenne voisine. La condamnation des jeunes gens ayant été plus que clémente, ce ne sont pas les suspects qui manquent… à commencer par Henry Standing Bear, l’oncle de Melissa et le meilleur ami de Walt.
Voilà pour la trame, finalement assez classique. Même si on suit l’enquête de Walt sans que jamais ne faiblissent l’intérêt et l’envie de découvrir le fin mot de l’histoire, la force et la réussite du roman résident ailleurs. Dans les personnages tout d’abord, qui, tous autant qu’ils sont, forment une longue et réjouissante galerie de doux dingues, fiers, rudes comme la terre où ils vivent, mais par-dessus tout attachants et campés avec un art consommé du portrait.
Puis dans les dialogues, pleins de vivacité et d’humour, qui font mouche avec une précision et une régularité de sniper.
Ensuite, dans les situations, souvent cocasses, parfois surprenantes – Craig Johnson a en effet le chic pour nous prendre de court en nous présentant ses héros en pleine action, avant même de nous expliquer ce qu’ils fabriquent. Les y personnages gagnent épaisseur et crédibilité , par quelques gestes, des attitudes dans lesquelles n’importe qui peut se reconnaître, le tout relevé par une pincée d’absurde à la sauce frères Coen qui ne gâche rien.
Enfin, il y a le décor, les paysages du Wyoming, personnage à part entière du roman, comme dans tous les textes qu’aime et que défend son éditeur français Oliver Gallmeister. Johnson vit là-bas, il y est éleveur, après avoir exercé un certain nombre de métiers différents, de professeur à policier en passant par charpentier, toutes expériences dont on sent à quel point elles ont nourri sa sensibilité et son style d’écrivain.
A l’arrivée, Little Bird est un livre solide, chaleureux, rempli d’humanité, en même temps qu’un bon suspense et surtout une bonne histoire, dans laquelle on s’installe comme on rêve de se réfugier au coin d’un bon feu en plein hiver, avec l’envie de ne plus en sortir et d’en profiter le plus longtemps possible.
Little Bird, de Craig Johnson
Traduit de l’américain par Sophie Aslanides
Éditions Gallmeister, coll. Totem, 2011
ISBN 978-2-35178-509-6
422 p., 10,20€
Saga, de Tonino Benacquista
Chronique d’été, par Bookfalo Kill
Quatre scénaristes, fuis par le succès, sont embauchés par la première chaîne de télévision nationale. Leur mission : écrire une sitcom qui coûtera le moins cher possible, afin de remplir une case obligatoire de fiction audiovisuelle française manquant dans la grille.
Hormis l’impératif de budget, Louis, Mathilde, Jérôme et Marco ont carte blanche. « Faites n’importe quoi », leur lance même le directeur de la chaîne avec mépris. Un ordre que le quatuor va prendre au pied de la lettre en créant Saga, l’histoire de deux familles déglinguées vivant sur le même palier. Diffusée à quatre heures du matin, la série, festival de délire sans limite, commence par séduire les insomniaques puis, de fil en aiguille et contre toute attente, le pays tout entier…
Après cinq polars qui ont commencé à le faire connaître, Tonino Benacquista délaisse le genre en 1997 pour signer une comédie satirique sur le monde étriqué de la télévision. Festival de drôlerie et de cruauté, Saga dézingue la pauvreté culturelle du petit écran, l’obsession financière des producteurs et des patrons de chaîne, mais rend aussi hommage à la virtuosité et à l’inventivité des scénaristes, frères en écriture du romancier qui deviendra ensuite l’un d’entre eux en écrivant notamment avec Jacques Audiard (ce qui lui vaudra deux César).
Comme dans ses romans noirs, le style enlevé, plein d’humour et d’ironie de Benacquista fait merveille. Comme dans ses romans noirs, il y a du rythme et du suspense. Un sacré sens de la construction également : des extraits de la série Saga s’intercalent dans le roman Saga, emboîtant le sujet dans l’objet, mélangeant scénario et prose jusqu’au vertige. Le livre est tellement nourri d’idées qu’il y en a presque trop – mais en fait non : on n’a pas si souvent l’occasion de jubiler en lisant, hors de question de faire la fine bouche !
Saga, de Tonino Benacquista
Éditions Gallimard, coll. Folio, 1999
ISBN 978-2-07-040845-0
439 p., 8,20€
Crime, de Meyer Levin
Chronique d’été, par Bookfalo Kill
Chicago, dans les années 1920. Judd et Artie, deux jeunes gens de bonne famille décident un jour de commettre un crime – mais n’importe lequel : le crime parfait. Préparé avec minutie, sans mobile autre que celui d’exercer leurs esprits brillants. Ils passent à l’acte en enlevant et en assassinant un enfant. Leur plan est redoutable, leur organisation implacable. Ils ne laissent rien au hasard.
Ou du moins le croient-ils. Car le crime parfait, c’est bien connu, n’existe pas…
L’histoire de Crime est inspirée de faits réels. Meyer Levin les a couverts en tant qu’apprenti journaliste, avec d’autant plus de fascination qu’il connaissait les meurtriers. Ce qui revient à dire que ce roman – car cela reste une fiction – est nourri de réel, d’une précision remarquable et, surtout, d’une maîtrise littéraire impressionnante.
Divisé en deux parties, « Le crime du siècle » et « le procès du siècle », le livre ne joue à aucun moment la carte du mystère. D’emblée on sait que Judd et Artie ont commis un meurtre, lequel, sur qui et comment. Pourtant Crime est une démonstration de suspense d’une rare efficacité. Avec une minutie qui rappelle la formation initiale de l’auteur et la véracité des faits, la première partie décrypte la manière dont journalistes et policiers mettent le drame au jour, puis s’acharnent à retrouver les coupables ; la deuxième, entièrement dévolue au procès, est la preuve de la supériorité des auteurs américains dans le genre du roman (ou du film) de prétoire, qu’ils sont capables de rendre aussi palpitants qu’une chasse au trésor sur une île sauvage.
Les preuves, les détails, les moindres comportements s’accumulent, sans que jamais la lecture ne se fasse ennuyeuse, car le récit est extrêmement dynamique. D’un côté Levin restitue l’urgence de la traque, de l’autre il fouille au plus profond ses personnages, non seulement les deux meurtriers, mais aussi les proches de la victime, les enquêteurs – dont Sid, narrateur occasionnel et incarnation de l’auteur dans la fiction. Le style est alerte, les dialogues enlevés, la transfiguration du réel dans le roman parfaitement menée.
Il est tentant de rapprocher l’œuvre de Meyer Levin de Crime et châtiment. Le titre français joue d’ailleurs cette carte (à la différence du titre anglais, Compulsion) ; l’auteur lui-même cite Dostoïevski parmi ses influences, et l’on trouve dans les deux livres la même acuité psychologique.
Sauf que la différence entre les deux titres indique aussi ce qui les sépare. Chez le romancier russe, le passage à l’acte relève de la pulsion, et la manière dont Raskonikov affronte la punition puis la repentance l’intéresse autant que le geste lui-même – crime ET châtiment. Meyer Levin se focalise sur le crime, car ce sont les motivations de l’acte qui le fascinent, d’autant plus qu’elles semblent à première vue, sinon inexistantes, au moins inexplicables dans leur sauvagerie gratuite.
Les choses, bien sûr, sont beaucoup plus complexes que cela, et le journaliste-romancier américain le démontre à merveille dans ce roman magistral, classique méconnu du XXème siècle dont la puissance n’a rien à envier au De sang-froid de Truman Capote.
Crime, de Meyer Levin
Traduit de l’américain par Magdeleine Paz
Éditions Phébus, coll. Libretto, 2012 (réimpression)
ISBN 978-2-7529-0673-1
387 p., 11,80€
A première vue – la rentrée polar (2) : les promesses
Suite de la rentrée polar de l’automne 2013, avec, comme annoncé précédemment, l’auteur qu’on n’attendait pas dans ce registre (en tout cas pas si vite, et pas de cette manière…), et d’autres dont on espère une confirmation ou une belle découverte.
(Rappel : l’annonce, les visuels et les dates de ces sorties, précisées entre parenthèses, s’appuient sur le programme du logiciel professionnel Electre, et peuvent donc être soumis à variation.)
L’INVITÉ(E) SURPRISE
Il nous vient d’Angleterre et se présente sous le nom de Robert Galbraith, militaire à la retraite et auteur d’un premier roman policier intitulé The Cuckoo’s Calling (qui devrait être logiquement traduit par L’Appel du coucou). Une oeuvre très bien reçue par les critiques outre-Manche, certains s’avouant même confondus par la maîtrise exceptionnelle du romancier pour ses débuts littéraires.
Et pour cause : Robert Galbraith n’est autre que… J.K. Rowling. La maman de Harry Potter a mystifié tout le monde en s’offrant le plaisir de sortir un roman sans aucune pression médiatique et de voir son travail apprécié sans arrière-pensée. Vendu modestement à 1500 exemplaires entre avril et juillet, son premier polar a exlosé les compteurs et épuisé son premier tirage en quelques heures dès la supercherie révélée. Après Une place à prendre, soufflé médiatique retombé bien vite sous le feu nourri de critiques acerbes (souvent exagérées), voici l’occasion de mesurer plus sereinement le talent de la romancière britannique, qui crée encore et toujours la sensation, qu’elle le veuille ou non.
La traduction française est attendue chez Grasset en octobre.
LES PROMESSES
Ne me cherche pas, de Megan Abbott : nous avions adoré La Fin de l’innocence, bonne nouvelle : Megan Abbott revient à l’époque contemporaine – entre deux romans ancrés au début du XXème, sa spécialité – avec l’histoire d’une équipe de pom-pom girls qui tombent sous la charme de leur nouvelle coach. Fascination et plongée dans les extrêmes au programme… (Lattès, 1/11)
La Maison des chagrins, de Victor del Arbol : sur le papier, des airs de fantastique espagnol mâtiné d’Oscar Wilde… Une violoniste demande à un peintre de réaliser le portrait de l’assassin de son fils afin d’y déceler la marque de l’infamie. Deuxième roman de l’auteur de la Tristesse du samouraï, polar remarqué sur l’Espagne franquiste. (Actes Sud, 4/09)
A l’école de la nuit, de Louis Bayard : après avoir mis en scène Edgar Poe dans Un oeil bleu pâle et Vidocq dans La Tour Noire, l’auteur américain au plus français des noms s’intéresse à Thomas Harriot, mathématicien anglais du XVIe siècle, précurseur en algèbre et en astronomie, brièvement arrêté dans l’affaire de la Conspiration des poudres (rendue célèbre par la figure de Guy Fawkes) et soupçonné d’avoir participé à l’École de la nuit, un complot visant à établir l’athéisme en Angleterre… En ajoutant une deuxième intrigue contemporaine, Bayard signe un nouveau roman historique très prometteur. (Cherche-Midi, 24/10)
Écrit en lettres de sang, de Sharon Bolton : de nos jours en plein Londres, une jeune policière voit mourir dans ses bras une femme sauvagement poignardée. Nous sommes le jour anniversaire du premier meurtre avéré de Jack l’Eventreur, et les similitudes entre les crimes est frappante… Nouvelle variation sur le mythe du tueur le plus légendaire d’Angleterre, un pari toujours risqué mais qui peut donner un bon thriller s’il est bien mené. (Fleuve Noir, 12/09)
Une certaine vérité, de David Corbett : la nouvelle révélation Sonatine ? Fils d’un flic mystérieusement disparu dix ans plus tôt, un jeune homme se voit obligé d’affronter le passé qui ressurgit… (Sonatine, 14/08)
Pyromanie, de Bruce DeSilva : un journaliste de la vieille école enquête sur une épidémie d’incendies qui ravagent son quartier de Providence, Rhode Island. Un premier roman lancé dans la collection Actes Noirs, cela justifie de rester attentif. (Actes Sud, 4/09)
L’Été des jouets morts, de Toni Hill : enquête dans la haute société de Barcelone. Premier roman également, dont le titre attire l’œil. (Flammarion, 23/10)
Animaux solitaires, de Bruce Holbert : le polar de la rentrée Gallmeister s’annonce noir de chez noir. Dans le comté de l’Okanogan, Washington, en 1932, un vieux flic reprend du service pour tenter d’arrêter un tueur d’Indiens, et poursuit sa traque jusque dans les vallées sauvages de l’OUest, tandis qu’il croise de vieilles connaissances et que son passé ténébreux se dévoile peu à peu… (Gallmeister, 29/08)
Scène de crime virtuelle, de Peter May : alors, oui, j’aurais pu, j’aurais même dû classer ce polar parmi les poids lourds, Peter May étant déjà un nom plus que confirmé du genre. Mais j’avoue que sa série chinoise ne m’a jamais inspiré, et que je n’ai jamais dépassé le premier tome de sa trilogie écossaise… Avec ce thriller étonnant qui se déroule à moitié dans Second Life, l’univers virtuel parallèle au nôtre, May surprend – et pas qu’un peu, puisque je suis en train de le lire et que, pour l’instant, c’est très réussi… Coup de cœur à prévoir ! (Éditions du Rouergue, 4/09)
Reflex, de Maud Mayeras : voilà une jeune femme qui sait prendre son temps ! Son premier roman, Hématome, avait été l’une des sensations du thriller français en 2006 ; depuis, rien… Autant dire que Maud Mayeras est très attendue. Elle nous promet une confrontation effroyable entre une photographe de l’Identité Judiciaire, en deuil de son fils assassiné onze ans plus tôt, et un tueur en série qui écorche ses victimes et collectionne leurs odeurs. Cela devrait être intense ! (Anne Carrière, 3/10)
Bent Road, de Lori Roy : un pitch qui a des faux airs de Seul le silence, de R.J. Ellory, pour le premier roman de cette romancière du Kansas. Effrayée par les émeutes raciales qui agitent Detroit en 1967, la famille Scott décide de retourner à Bent Road, Kansas, où a grandi Arthur, le père. Il s’y retrouve confronté au plus sombre de ses secrets, celui entourant la mort de sa soeur lorsqu’il était enfant, alors qu’une autre fillette disparaît dans les environs… (Éditions du Masque, 21/08)
La Reine de la Baltique, de Viveca Sten : une nouvelle romancière suédoise – eh oui, tous les auteurs du Grand Nord n’ont pas encore été traduits… Avec son intrigue communautaire, son ambiance locale typique et la relative discrétion de ses meurtres, on la compare à Camilla Läckberg, grande prêtresse actuelle du polar grand public. (Albin Michel, 2/09)
Homicides multiples dans un hôtel miteux des bords de Loire, de L.C. Tyler : après Étrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage, L.C. Tyler confirme son goût des longs titres délirants, un moyen plutôt rigolo de se distinguer de la concurrence. Rigolo et différent, c’est d’ailleurs le ton attendu de ce deuxième roman, entre Agatha Christie et L’Assassin habite au 21 de Steeman : un auteur de polars en pleine crise de la quarantaine se réfugie dans un hôtel au bord de la Loire, mais son agent l’y débusque. Lorsque l’un des autres pensionnaires est assassiné, le duo décide d’enquêter… (Sonatine, 19/09)
Né sous les coups, de Martyn Waites : pour finir, un premier roman qui a l’air beaucoup moins fendard que le précédent, avec son ancienne cité minière anglaise désormais sinistrée et devenue un haut lieu de la criminalité… Les Anglais n’en ont pas fini avec cette part douloureuse de leur histoire récente. (Rivages, 21/08)
Un beau paquet de romans à découvrir et à surveiller, donc… en sachant qu’il ne s’agit que d’une sélection, et que tout n’est pas encore annoncé.
L’automne polar s’annonce en tout cas plus excitant qu’un premier semestre plutôt fade.
A l’avance, bonnes lectures à tous !
A première vue – la rentrée polar (1) : les poids lourds
A leur manière, sans compétition autre que celle de s’imposer entre les mains des lecteurs, les polars aussi font leur rentrée à partir de septembre. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a du beau monde et des promesses intéressantes parmi les parutions annoncées.
Comme il est impossible de tout présenter, sous peine de faire exploser ce blog par un surplus d’informations, nous nous contenterons des sorties principales que nous avons repérées. A charge pour vous d’en ajouter !
(Attention : l’annonce, les visuels et les dates de ces sorties, précisées entre parenthèses, s’appuient sur le programme du logiciel professionnel Electre, et peuvent donc être soumis à variation.)
LES POIDS LOURDS
Psycho Killer, d’Anonyme : l’auteur de la tétralogie jubilatoire du Bourbon Kid (Le Livre Sans Nom, ses deux suites et son préquel), revient avec une histoire de crimes en série dans une ville du nom de B. Movie Hell… Atrocités joyeuses et références cinématographiques attendues ! (Sonatine, 10/10)
Sur la tombe, de Ken Bruen : une nouvelle enquête du sombre privé Jack Taylor, confronté à une bande décidée à nettoyer Galway de ceux qu’ils considèrent comme nuisibles. (Fayard, 16/10)
Déposer glaive et bouclier, de James Lee Burke : les éditions Rivages n’en finissent plus de nous faire lire Burke, au risque de l’overdose. Paru en 1971 et jamais traduit, ce roman est le premier d’une série consacrée aux Holland, une famille du Texas, dont les titres suivants sont sortis à la fin des années 2000. Ce qui s’appelle avoir de la suite dans les idées. (Rivages, 30/10)
L’Ecorchée, de Donato Carrisi : à la différence de beaucoup de lecteurs, je n’avais pas accroché au Chuchoteur, le premier titre du romancier italien dont celui-ci est la suite. On y retrouve donc Mila Vazquez, affectée au bureau des personnes disparues, et qui voit certaines d’entre elles réapparaître pour commettre des meurtres. (Calmann-Lévy, 16/10)
Pur, d’Antoine Chainas : l’auteur du terrifiant Versus n’avait rien publié depuis 2010, et sa dernière sortie, Une histoire d’amour radioactive, avait été décevante. On attend donc d’autant plus son retour. (Gallimard, Série Noire, 12/09)
A quelques secondes près, de Harlan Coben : une nouvelle histoire de Mickey Bolitar, le neveu de Myron, qui enquête à la fois sur la mort de son père et sur un crime dans lequel est impliquée son amie Rachel. Fleuve Noir décline dans sa collection pour adultes cette série destinée aux ados. (Fleuve Noir, 5/09)
Nu dans le jardin d’Eden, de Harry Crews : le deuxième roman de l’auteur américain disparu en 2012 n’avait jamais été traduit, alors qu’il le considérait comme son meilleur livre. Il se déroule à Garden Hill, un village abandonné à une douzaine de familles depuis la fermeture de la mine de phosphate qui avait assuré sa prospérité des années auparavant. Tandis que Fat Man, le propriétaire des terres, se laisse aller, quelques habitants envisagent une résurrection singulière des lieux grâce à Dolly, belle, débauchée et prête à tout… (Sonatine, 14/11)
Mauvaise étoile, de R.J. Ellory : le nouveau roman du brillantissime Britannique s’annonce comme un thriller encore différent du magnifique Seul le silence, ou de sa trilogie « institutionnelle » (Vendetta et la Mafia, Les anonymes et la CIA, Les Anges de New York et le NYPD) : pour échapper à la peine de mort, un psychopathe prend en otage deux adolescents guère plus recommandables que lui, et le trio se lance dans une cavale sanglante à travers le Texas des années 60… (Sonatine, 17/10)
Une vérité si délicate, de John Le Carré : un nouveau roman du maître de l’espionnage littéraire est toujours un événement. Toujours en phase avec son temps, il nous emmène cette fois dans une histoire d’enlèvement de djihadiste à Gibraltar en 2008… (Seuil, 17/10)
Le Mystère Fulcanelli, de Henri Loevenbruck : après Le Rasoir d’Ockham et les Cathédrales du vide, suite des aventures d’Ari Mackenzie. Avec ses thrillers haletants et intelligents sur l’ésotérisme, Loevenbruck écrase sans peine les gloubiboulgas insipides de Dan Brown. Au public, déjà nombreux à le suivre, de continuer à lui donner raison. (Flammarion, 2/10)
Les guetteurs, de Ian Rankin : après avoir mis à la retraite John Rebus, son enquêteur emblématique, le romancier suit Malcolm Fox, membre de la police des polices écossaise. D’une banale enquête sur l’abus de pouvoir d’un détective, Fox met au jour une affaire beaucoup plus sensible, qui touche aux plus hautes sphères du pouvoir… (Éditions du Masque, 11/09)
Puzzle, de Franck Thilliez : le mister Best-Seller du Nord délaisse Sharko et Lucie Hennebelle, ses héros récurrents, pour un one shot autour d’un jeu diabolique à échelle réelle, qui enferme ses candidats dans un asile psychiatrique désaffecté. Séduisant sur le papier, hélas décevant. (Fleuve Noir, 3/10)
The Main, de Trevanian : les éditions Gallmeister poursuivent la réédition des œuvres de cet écrivain aussi immense que mystérieux, disparu en 2005. Le titre fait référence à un boulevard de Montréal où se croisent prostituées, clochards, ouvriers et nouveaux immigrés. Le lieutenant Claude La Pointe, qui y officie depuis trente ans, enquête sur un meurtre commis au fond d’une ruelle. (Gallmeister, 3/10)
Dernier verre à Manhattan, de Don Winslow : le fantasque romancier américain délaisse plages et surfeurs de ses derniers romans pour nous ramener à New York en 1958 ; Walter Whiters, un ancien de la CIA devenu détective privé, se retrouve pris au piège d’une machination impliquant un sénateur et la fille de ce dernier, assassinée alors que Whiters était son garde du corps… (Seuil, 3/10)
Voilà pour les noms confirmés que nous avons retenus, rendez-vous dans un prochain post où nous nous intéresserons à un invité surprise de cette rentrée polar, ainsi qu’à quelques jolies promesses…
A première vue : la rentrée littéraire Liana Levi 2013
Si nous surveillons surtout les polars publiés par les éditions Liana Levi, souvent de bonnes surprises, sa production littéraire mérite également d’être gardée à l’œil, car pour être économe, elle est souvent très juste. La preuve avec cette rentrée 2013 en deux romans prometteurs, qui s’emparent de deux moments de l’Histoire française du XXème siècle.
TSIGANES : N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures, de Paola Pigani
Le titre de ce premier roman suffit à donner envie de s’y intéresser. Son sujet également, qui raconte l’internement inhumain des Tsiganes dans un camp à côté d’Angoulême durant la Seconde Guerre mondiale, à travers le destin d’une adolescente et sa famille, acteurs de théâtre ambulants que les lois de Vichy contraignent à l’immobilité, puis à l’enfermement. Une page d’histoire peu glorieuse et méconnue, dont on peut espérer un beau livre.
GUERRE D’ALGÉRIE : Bel-Air, de Lionel Salaün
Bel-Air, c’est la cité populaire d’une petite ville de province, et c’est aussi le nom du bistrot où se retrouvent ses habitants. Nous sommes à la fin des années 50 et la France s’enlise dans la guerre d’Algérie. Deux amis adolescents ont fait du Bel-Air leur quartier général. L’un rêve de partir défendre son pays exagérément bleu-blanc-rouge, l’autre s’oppose au conflit. Cruel, le destin les envoie l’un et l’autre dans de mauvaises directions… Sur fond d’Histoire honteuse, un récit de fraternité et de trahison.
A première vue : la rentrée littéraire Julliard 2013
Un petit tour rapide chez Julliard, qui se joint à la rentrée 2013 avec trois noms connus de son catalogue. Pas de surprise, mais au moins un projet excitant sur les trois.
GENTLEMAN-CAMBRIOLEUR : Sulak, de Philippe Jaenada
Connu pour ses romans drolatiques et plus ou moins autobiographiques, Philippe Jaenada surprend en s’intéressant à Bruno Sulak, un émule de Spaggiari qui braquait des banques sans arme ni violence, et fascinait les foules au début des années 80 par son charme et son culot. Annoncée comme un roman patchwork, voici la seule curiosité de la rentrée Julliard.
ALGÉRIE : Les anges meurent de nos blessures, de Yasmina Khadra
Le destin d’un homme né dans l’Algérie des années 20, entre son ascension fulgurante dans le monde de la boxe et sa passion des femmes. Du Khadra en mode grande fresque sentimentale, qui devrait trouver son public, comme à son habitude.
LOVE, LOVE, LOVE : Vertiges, de Lionel Duroy
Le narrateur réfléchit à ses échecs sentimentaux, ce qui le fait repenser à son enfance.
Sans commentaire.
Six femmes au foot, de Luigi Carletti
Signé Bookfalo Kill
C’est jour de match à haute tension à Milan. Les deux prestigieuses équipes de la ville s’affrontent, le Milan AC d’un côté, l’Inter Milan de l’autre. En plus de l’honneur à chaque fois engagé lorsque survient le derby, cette fois le titre est en jeu. L’ambiance dans l’énorme paquebot du stade San Siro est plus électrique que jamais, et les 80 000 spectateurs prêts à en découdre.
Dans le public largement masculin, comme toujours, six femmes sont présentes. Certaines sont là pour le spectacle, d’autres non. Le temps des deux heures de la rencontre, chacune va jouer sa partition et dénouer des problèmes bien supérieurs au simple enjeu d’un match de football…
Je sais, je sais : sur le papier, ce roman part avec des handicaps quasi insurmontables. La couverture est assez moche, le titre peu engageant, et il est question de football, sport qui véhicule trop de messages négatifs (excès d’argent, sportifs portés au pinacle alors qu’ils sont souvent bêtes comme leurs crampons, attitudes déplorables et mauvais exemples souvent donnés dans les stades ou autour, que ce soit par les dirigeants, les staffs ou certains « supporters » encore plus stupides que les crampons des joueurs susmentionnés…)
Justement, et si tous ces arguments faisaient du stade un cadre parfait pour un bon roman ? Luigi Carletti l’a bien compris, qui offre avec Six femmes au foot un roman très complet en exploitant à fond le microcosme du lieu et de ses acteurs.
Pour commencer, voilà un suspense conduit à la perfection, qui n’aurait d’ailleurs pas dépareillé dans une collection policière. Unité de temps (la durée d’un match), de lieu (le stade), multiplicité des points de vue (les six femmes et les personnages qui gravitent autour) et des enjeux (chacune des femmes a un rôle bien différent à jouer) : autant d’éléments qui, combinés avec art par l’auteur, assurent un rythme élevé à un récit nerveux, et une envie irrésistible de tourner les pages.
Pas besoin d’être amateur de foot non plus pour apprécier la manière dont Carletti restitue l’atmosphère très particulière d’un stade : arène des temps modernes, conglomérat d’individus très différents mais qui, le temps d’un match, se créent de nouvelles affinités ou de nouveaux antagonismes, se métamorphosent. Un peu comme un homme doux et affable dans la vie, qui devient fou furieux lorsqu’il se met au volant de sa voiture. Là, c’est la même chose, sauf qu’ils sont 80 000 à conduire.
Le romancier raconte superbement le bruit, les couleurs, les chants, les passions, nous immerge dans le chaudron. Et en même temps il ne cache rien des violences qui s’y déroulent. Il évoque le racisme latent, la brutalité des commentaires et des mentalités, le machisme ordinaire, dans des scènes qui font grincer des dents de colère. Par les détours que prend son récit, il parle aussi de la corruption omniprésente, des arrangements mafieux qui gangrènent l’Italie, dessinant un tableau global qui dépasse largement le cadre du football.
Roman haletant au(x) dénouement(s) habile(s), Six femmes au foot s’inscrit finalement dans la veine sociale et critique de la littérature italienne contemporaine, avec un sens du tragique mais aussi un humour diffus qui font penser à Niccolo Ammaniti, l’un des auteurs transalpins les plus importants d’aujourd’hui.
Un compliment pour Luigi Carletti, qui m’avait déjà enchanté l’année dernière avec Prison avec piscine, et qui me surprend d’autant plus agréablement ici que je croyais moins à cette histoire. Bellissimo !
Six femmes au foot, de Luigi Carletti
Traduit de l’italien par Marianne Faurobert
Éditions Liana Levi, 2013
ISBN 978-2-86746-677-9
276 p., 18€
Ils sont nombreux à s’enthousiasmer pour Six femmes au foot : Le monde de Mirontaine, Seren Dipity, Moi, Clara et les mots, Lepetitjournal.com (rien à voir avec Yann Barthès)…
A première vue : la rentrée Seuil 2013
Parmi les « gros » éditeurs, ceux qui trustent les pages des critiques littéraires et prétendent aux grands prix d’automne, je n’ai pas encore parlé du Seuil. Normal, car s’il y a du potentiel dans les six romans – largement dévolus à l’Histoire – que cette maison propose à partir de la fin août, aucun ne suscite ni excitation ni curiosité fondamentale en nous. La place pour de bonnes surprises ? A voir…
BANLIEUE : Les saisons de Louveplaine, de Cloé Korman
C’est le roman Seuil dont on pourrait parler le plus. L’histoire d’une jeune femme algérienne, sans nouvelles de son mari depuis que celui-ci a rallié la France pour y trouver du travail. Elle décide de se rendre à Louveplaine, la banlieue où il s’est installé, pour essayer de le retrouver. Elle y découvre autant le quotidien contrasté de la cité qu’un visage inattendu de son mari…
OBSESSION : Le Produit, de Kévin Orr (coll. Fiction & Cie)
Trentenaire parisien, le narrateur est si obsédé par le Produit qu’il en perd tout sens commun. Après un passage chez des amis new-yorkais, il tente de s’exorciser par l’écriture.
Une curiosité sur le papier, par laquelle nous ferons sûrement un détour.
ROYAL : L’Échange des princesses, de Chantal Thomas (coll. Fiction & Cie)
Révélée par un autre roman historique, Les adieux à la Reine (prix Fémina 2002), Chantal Thomas nous ramène au XVIIIème siècle, autour d’une sordide histoire d’échanges de princesses royales orchestrée par le régent Philippe d’Orléans, ayant dans l’idée de profiter de la minorité de Louis XV (11 ans à l’époque) pour s’installer durablement au pouvoir… Le savoir-faire de l’auteur en la matière n’étant plus à prouver, les amateurs de bons romans historiques devraient être comblés.
LIBAN : Le Dernier seigneur de Marsad, de Charif Majdalani
Là où Sorj Chalandon raconte la terrible guerre du Liban au début des années 80 (Le Quatrième mur), le Libanais Charif Majdalani évoque les vingt années précédant le conflit, à travers l’histoire d’un riche chrétien négociant en marbre, de sa fille et de son associé.
TUNISIE : Je suis né huit fois, de Saber Mansouri
Autour de la Montagne Blanche, le destin de Massyre, huitième enfant venant après sept filles, homme aux huit métiers, qui se passionne pour l’Histoire et part à la recherche d’un manuscrit irakien dans une quête initiatique personnelle.
PETIT PÈRE DES PEUPLES : Le Divan de Staline, de Jean-Daniel Baltassat
En compagnie de sa maîtresse et d’un jeune peintre, Staline se retire quelques jours dans sa Géorgie natale. Allongé sur un divan, il songe à son passé et à son histoire.
A première vue : la rentrée littéraire de l’Olivier 2013
A part quand elle publie des pointures internationales comme Jonathan Franzen ou Jonathan Safran Foer, ce n’est pas forcément la maison la plus médiatique en France ; pourtant les éditions de l’Olivier dénichent régulièrement d’excellents auteurs, publient de très bons livres et ont les faveurs des libraires pour leur travail authentique et constant. Ils se joignent à la rentrée 2013 avec une sélection réduite de quatre romans français et trois étrangers (parmi lesquels Canada, de Richard Ford, devrait attirer l’attention de la presse).
LA PLUS ATTENDUE : La Grâce des brigands, de Véronique Ovaldé
Les livres singuliers de Véronique Ovaldé ont rencontré leur public depuis longtemps. Elle revient avec un roman « américain » centré sur Maria Cristina Väätonen, une jeune femme qui a fui sa famille et son grand Nord originel pour s’installer à Los Angeles. Elle s’y impose comme écrivain à succès et devenir l’amante de Rafael Claramund, gloire des lettres et dandy ombrageux en attente de Prix Nobel. Mais le passé la rattrape après un coup de fil de sa mère…
Un beau portrait de femme, une histoire de famille ténébreuse et un livre sur la littérature. Entre autres.
INSULAIRE : Les eaux territoriales, d’Eugène Nicole
Natif de Saint-Pierre-et-Miquelon, Eugène Nicole a déjà placé ce minuscule archipel français perdu dans l’Atlantique au coeur de son immense fresque autobiographique, L’œuvre des mers (950 pages !) Il y retourne à la suite d’un arbitrage judiciaire international qui restreint les eaux territoriales et le droit de pêche de Saint-Pierre au profit du Canada, et poursuit sa réflexion personnelle et romanesque.
BLABLA SENTIMENTAL : L’Accomplissement de l’amour, d’Eva Almassy
Femme mariée qui s’ennuie dans son couple, Béatrice aime d’un amour virtuel un homme mystérieux. Elle décide de le rencontrer.
Elle ira sans nous.
NOUVELLES : On a eu du mal, de Jérémie Gindre
Cinq textes courts qui mettent en scène des personnages à un moment délicat de leur vie, confrontés à la force des émotions qui en découlent.
Par curiosité peut-être, pourquoi pas.
A première vue : la rentrée littéraire Rivages 2013
Les éditions Rivages, plus connues pour leur formidable collection de polars dirigée par François Guérif, s’invitent dans la rentrée 2013 avec deux romans français. Anecdotique ? Sûrement pas, étant donnée la réputation de la première romancière, et la promesse offerte par le résumé du deuxième…
WESTERN : Faillir être flingué, de Céline Minard
Femme de caractère, auteure aussi exigeante qu’inventive, Céline Minard a déjà joué avec les codes de la science-fiction (Le Dernier Monde), mélangé ceux du roman médiéval avec ceux des samouraïs (Bastard Battle). Cette fois, elle s’intéresse à la conquête de l’Ouest américain, en adoptant le point de vue d’une jeune Indienne… Excitant, forcément.
AVENTURE ET HISTOIRE : Les voyages de Daniel Ascher, de Déborah Lévy-Bertherat
En rencontrant son grand-oncle, Daniel Roche – que les amateurs de littérature d’aventure connaissent sous le pseudonyme de H.R. Sanders, auteur de la série à succès La Marque Noire -, une jeune femme découvre autant un personnage hors du commun que son histoire, beaucoup plus trouble… Jouant avec la littérature comme avec l’Histoire récente, un premier roman très prometteur.
Angela Sloan, de James Whorton Jr.
Signé Bookfalo Kill
Tiens, il faut que je vous parle de ce roman avant d’en avoir totalement occulté l’existence – parce que, pour tout dire, il n’a rien d’inoubliable.
Dommage, car sur le papier, le livre de James Whorton Jr. était prometteur. Son héroïne, l’Angela Sloan du titre, est la fille adoptive de Ray, un agent de la C.I.A. qui l’a sauvée et recueillie après le massacre de ses parents pendant les révoltes Simbas au Congo en 1964. Huit ans plus tard, Angela a 14 ans et Ray noie sa retraite dans l’alcool, jusqu’au jour où un homme le contacte et lui demande de reprendre du service. Ray accepte – mauvaise idée, car l’affaire tourne mal : c’est le scandale du Watergate.
Ray est obligé de prendre le large et laisse Angela, dûment formée par ses soins, tenter de s’en sortir seule en attendant qu’il la retrouve…
Il y avait donc de tout pour faire un bon polar : un contexte historique intéressant (le Watergate et les Etats-Unis des années 70), une bonne intrigue d’espionnage, des personnages bien taillés, la promesse d’un périple initiatique et d’un road trip, genre américain par excellence…
Malheureusement, si tous ces éléments constituent l’ossature d’Angela Sloan, ils n’y sont que saupoudrés. Rien n’est suffisamment fouillé pour donner une impression de profondeur au roman. Le Watergate est à peine évoqué, Ray Sloan disparaît rapidement et, privée de son appui, Angela tourne vite en rond. Ses rencontres avec des personnages plus ou moins loufoques n’apportent pas grand-chose à l’affaire, et l’intrigue se dévide lentement, sans passion ni palpitation, jusqu’à une fin douce-amère un peu prévisible.
Pas la peine d’encombrer votre valise estivale avec cette première traduction de James Whorton Jr., hélas trop faible pour susciter une quelconque empathie et emporter l’adhésion.
Angela Sloan, de James Whorton Jr.
Traduit de l’américain par Claire Breton
Éditions du Masque, 2013
ISBN 978-2-7024-3799-5
279 p., 19,50€
A première vue : la rentrée littéraire Stock 2013
Stock arrive cette année en portant le deuil de son éditeur historique, Jean-Marc Roberts, décédé en mars dernier. Remplacé par Manuel Carcassonne (ex-Grasset), qui s’est déjà distingué en refusant le nouveau roman de Pierre Mérot pourtant accepté par son prédécesseur – et qui sortira finalement chez Flammarion, on en reparlera sûrement -, la maison à la couverture bleue présente ses habituels titres intimistes, quelques curiosités inhabituelles et trois premiers romans dont un exceptionnel.
UN FABULEUX PREMIER ROMAN : Monde sans oiseaux, de Karin Serres
Le titre le plus fort de la rentrée Stock n’aura pas une couverture bleue mais verte, celle de la collection « la Forêt ». La dramaturge Karin Serres nous y offre un premier roman onirique d’une grande justesse, plein d’invention et d’émotion. L’histoire de Petite Boîte d’Os, fille du pasteur d’un petit village qui vit à l’écart du monde, sur les berges d’un lac dont les eaux montent inexorablement… Difficile à raconter, mais incontournable !
SUITE FAMILIALE : La Servante du Seigneur, de Jean-Louis Fournier
De Jean-Louis Fournier, vous connaissez peut-être Où on va Papa ? ou Veuf, deux petits livres drôles, courageux et déchirants consacrés respectivement à ses deux fils handicapés et à la disparition de sa compagne Sylvie.
Avec le même sens de la formule qui frappe et le même équilibre savant entre des émotions contradictoires, l’auteur raconte cette fois sa fille, métamorphosée en bigote rigoriste après sa rencontre avec Monseigneur, austère théologien des temps modernes.
AMÉRICAIN : Les faibles et les forts, de Judith Perrignon
Inspiré d’un fait divers réel, ce roman situé en Louisiane raconte la mort tragique de plusieurs enfants d’une même famille noire, qui se noient tous le même jour dans la Red River. « Pourquoi les Noirs ne savent-ils pas nager ? » s’interroge la presse le lendemain… Nouvel exemple d’auteur francophone investissant l’atmosphère et la culture américaines, Judith Perrignon fera-t-elle aussi bien que Joël Dicker ou Cécile Coulon ?
PHYSIQUE : Avoir un corps, de Brigitte Giraud
La réponse féminine au Journal d’un corps de Daniel Pennac, dont ce roman reprend le même postulat : la vie d’une femme racontée par son corps.
POLITIQUE : Une matière inflammable, de Marc Weitzmann
A travers le destin de trois personnages des années 90 à nos jours, ce roman scanne des vies d’aujourd’hui sur un fond social et politique, qui évoque notamment la figure de Strauss-Kahn… Weitzmann + DSK = sulfureux et polémique ?
PREMIER ROMAN (BIS) : Palladium, de Boris Razon
Inspiré, si j’ai bien compris, de l’expérience de l’auteur, le récit par le narrateur de son voyage intérieur, alors qu’il est soudain privé de ses sens et réduit à une paralysie intégrale. Univers halluciné et inventif en perspective.
PREMIER ROMAN (TER) : Il Babbo, d’Ivan Macaux
Un road trip de la Côte d’Azur à Paris entre un père et son fils qui cherchent à renouer le fil entre eux.
INTIMISTE : Le Don du Passeur, de Belinda Cannone
L’auteur raconte son père, un homme forcément singulier. Pour ceux qui aiment ce genre…
A première vue : la rentrée littéraire Gallimard 2013
Dans la catégorie « poids super lourds » de la rentrée littéraire, je demande cette fois Gallimard. L’éditeur historique de la rue Sébastien-Bottin envahissant les tables des librairies avec pas loin d’une vingtaine nouveautés, toutes collections confondues, vous nous autoriserez à faire un peu de ménage et à ne pas parler que des titres qui nous semblent les plus intéressants. Du coup, on va gagner du temps…
LE CHOC : Les Renards pâles, de Yannick Haenel (coll. L’Infini)
Le narrateur du roman décide de renoncer à la vie commune. Il habite dans sa voiture et erre dans les rues du XXème arrondissement de Paris. Un symbole peint sur un mur attire un jour son attention et le met sur la piste des Renards Pâles, un groupe de sans-papiers masqués qui attend la nouvelle Révolution. Un livre étonnant, dont la deuxième partie, brûlot social et politique, va forcément faire parler d’elle.
Et peut-être dans le même esprit (mais pas encore lu) : Faber le destructeur, de Tristan Garcia
Trois amis, inséparables durant leur enfance dans les années 80, se retrouvent en 2011. L’un est professeur, l’autre pharmacienne ; le troisième, Faber, est devenu clochard, incarnant les espoirs déçus d’une génération que finit par tenter la radicalité.
YOUGOSLAVES :
– Robert Mitchum ne revient pas, de Jean Hatzfeld : encensé pour ses livres terribles sur le Rwanda, le romancier s’intéresse cette fois à une autre guerre, celle qui a déchiré l’ex-Yougoslavie dans les années 90. L’histoire de deux athlètes, un homme et une femme, de l’équipe de tir yougoslave, qui s’entraînent ensemble à Sarajevo lorsque le conflit éclate. L’un est musulman, l’autre pas. Chacun pour son camp devient sniper…
– La Route du salut, d’Étienne de Montety : deux fils d’immigrés, l’un de Polonais communistes, l’autre de Yougoslaves, se rencontrent alors qu’ils s’engagent tous les deux dans la guerre, l’un dans les rangs bosniaques, l’autre dans la Légion Etrangère.
PROVOCATEUR ? : La Première pierre, de Pierre Jourde
En 2005 paraît Pays perdu, un roman où l’auteur raconte le village de son enfance, en Auvergne, la rudesse de la vie mais aussi la force brute des relations entre ses habitants. Le livre y est très mal reçu, au point que Jourde et sa famille y manquent d’être lynchés. Le romancier revient sur ses événements pour essayer de les comprendre.
COMÉDIE : Rome en un jour, de Maria Pourchet
Marguerite tente de convaincre son mari, pour qui elle a organisé un anniversaire surprise, de sortir, sans évidemment lui dire où et pourquoi ; Paul n’a pas envie, une dispute éclate. Pendant ce temps, les convives attendent à l’autre bout de la ville – jusqu’au moment où, tentés par le buffet et ne voyant pas le couple arriver, ils décident de se laisser aller…
PREMIERS ROMANS :
– Arden, de Frédéric Verger : dans les années 1940, en Marsovie. Alexandre, directeur du palace d’Arden, et son ami Salomon, un tailleur juif, écrivent des opérettes qu’ils n’achèvent jamais, faute de trouver une fin harmonieuse. La menace nazie les pousse à composer une dernière oeuvre, et cette fois jusqu’au bout, en espérant conjurer le péril qui pèse sur Salomon et sur sa fille Esther, dont Alexandre tombe amoureux… (Le plus tentant des deux premiers romans, alors pourquoi pas.)
– Comme Baptiste, de Patrick Laurent : un homme apprend que son père n’est pas son géniteur. Il part sur les traces du Bio, son père génétique. (Sans nous.)
APOCALYPTIQUE : American Landing, de Benjamin Hoffmann
Sur fond de gigantesque attaque terroriste contre les Etats-Unis, Colin part à la recherche de son frère, en compagnie de Marc, un écrivain décidé à décrire les événements. En chemin, ils sont enlevés par un groupe terroriste qui entend prendre le contrôle du pays… Après un premier livre intimiste sur la mort de son père, Hoffmann change radicalement de registre avec ce gros roman ambitieux. A voir.
Ne pouvant être partout dans une rentrée aussi indigeste, nous vous faisons grâce pour l’instant des nouveaux romans de Christophe Ono-Dit-Biot (Plonger), Nelly Alard (Moment d’un couple), Laura Alcoba (Le Bleu des abeilles), Pierre Péju (L’État du ciel), Antonia Kerr (Le Désamour), François Sureau (Le Chemin des morts), David Di Nota (Ta femme me trompe) et Thomas Clerc (Intérieur).
On notera quand même que, dans une rentrée affichant globalement cent parutions de moins que l’année dernière – un recul marquant et bienvenu, même si cela fait encore 555 nouveautés à paraître en un gros mois -, Gallimard est l’un des rares éditeurs à ne pas avoir encore compris que quantité rime rarement avec qualité…
Une politique de surplus irréaliste par les temps qui courent, et qui sera préjudiciable avant tout à ses auteurs, dont peu émergeront – et vendront – au final.