Anna, de Niccolo Ammaniti
Signé Bookfalo Kill
Sicile, 2020. Depuis quatre ans, un virus implacable surnommé « La Rouge » (car le corps de ses victimes se couvre de plaques rouges, signes avant-coureurs de la mort inéluctable qui s’approche) fauche tous les adultes. Seuls les enfants survivent, jusqu’à la puberté. Après la mort de sa mère, Anna, âgée d’une douzaine d’années, se retrouve seule responsable de son petit frère Astor, qui n’a que quatre ans. Quand ce dernier disparaît, elle se lance non seulement à sa recherche, mais aussi en quête d’un moyen d’échapper au virus…
En France, Niccolo Ammaniti cherche toujours son public – qu’il mérite, tant son œuvre, largement reconnue en Italie (il a notamment reçu le Strega, équivalent du Goncourt, pour l’extraordinaire Comme Dieu le veut), est riche et passionnante. Malheureusement, ce n’est sans doute pas avec Anna qu’il va le trouver. Bien que fan de son travail depuis des années, je suis obligé d’admettre que ce roman post-apocalyptique n’est pas une franche réussite ; il n’apporte en tout cas rien au genre, ni par l’évolution de son intrigue, ni par ses personnages, ni par son style.
Le post-apocalyptique est à la mode en ce moment. Il faut croire que l’état de notre planète inquiète de plus en plus de romanciers, et c’est assez légitime qu’ils soient nombreux à s’emparer du genre pour partager leur préoccupation. Revers de la médaille, il faut désormais s’employer pour rivaliser d’originalité – qualité dont Ammaniti manque hélas dans Anna. Si on ne peut lui reprocher l’histoire du virus, classique et efficace, le romancier ne fait pas grand-chose de neuf du climat délétère qui en résulte.
Oh, ça tient la route – mais pas la comparaison avec, par exemple… la Route de Cormac McCarthy, chef d’œuvre marquant du post-apo ces dernières années. En dépit de la violence qui préside au moindre acte des personnages, Anna manque d’intensité, de souffle, de profondeur, et ressemble surtout à un roman d’aventure dans lequel il ne se passe pas grand-chose – le comble, surtout qu’il tire en longueur ses plus de 300 pages.
Et puis surtout, à quoi bon cette histoire ? Quand on s’attaque au post-apocalyptique, c’est qu’on a quelque chose à raconter. Dans cette même rentrée littéraire, Emily St John Mandel en fait la démonstration avec son superbe Station Eleven (éditions Rivages, j’essaie de vous en parler bientôt). Là, difficile de voir ce qu’Ammaniti avait en tête. La Rouge, punition immanente pour la façon dont les hommes se comportent ? Ouais, bon…
Même si l’on avance qu’il entreprend d’analyser la violence naturelle des enfants en situation extrême, le roman souffre alors de la comparaison avec Sa Majesté des mouches, terrible référence auquel on est obligé de penser ici. Les personnages d’Anna sont affreux, sales et méchants, certes, mais dépourvus de l’atroce « grandeur » qu’avait réussi à conférer Golding à ses héros. Même Anna, protagoniste courageuse et intelligente, a peiné à susciter mon empathie, tant le romancier rame à donner de la chair et de puissance à l’enjeu (protéger et sauver son petit frère) qu’il impose à son héroïne.
Bref, vous l’aurez compris, Anna est pour moi une grande déception, surtout de la part d’un auteur qui avait si bien su combiner enfance et violence dans son magnifique Je n’ai pas peur. J’espère retrouver bien vite mon Ammaniti favori, qui m’avait déjà laissé sur ma faim avec son précédent livre, Moi et toi. Croisons les doigts pour que ce ne soit qu’une mauvaise passe…
Anna, de Niccolo Ammaniti
(Anna, traduit de l’italien par Myriem Bouzaher)
Éditions Grasset, 2016
ISBN 978-2-246-86164-5
320 p., 20€
Dommage! bonne journée!
7 octobre 2016 à 09:10
grand amateur de ce romancier, tu me refroidis !!! mais bon, j’ai aussi lu d’autres avis très enthousiasmants. Je vais tâcher de le lire pour me faire ma propre opinion !
7 octobre 2016 à 11:54
Oui, c’est encore le mieux ;-)
Je ne l’ai peut-être pas lu dans les meilleures dispositions d’esprit, je ne sais pas… mais je n’ai pas retrouvé ce que j’aime d’instinct chez Ammaniti, même dans des livres aussi différents que « Je n’ai pas peur » ou « La Fête du Siècle ». Peut-être seras-tu plus réceptif ?
20 octobre 2016 à 07:31
J’en suis à la moitié et même s’il démarre bien je trouve que ça s’essouffle 😕
8 octobre 2016 à 09:19
Alors, au bout du compte (si tu l’as fini), tu en penses quoi ? La fin t’a sauvé le livre ou pas ?
20 octobre 2016 à 07:29
Bein bof!!!! Je l’ai terminé il y a un moment et mis mon avis sur mon blog ;)
20 octobre 2016 à 08:09
Ah ben je vais vite aller lire ta prose alors ! J’avais un peu délaissé ce blog et celui des copains ces derniers jours, il est temps de rattraper le temps perdu ;-)
20 octobre 2016 à 09:25
Ah oui c’est sympa de revenir ;)car toujours un plaisir de découvrir des avis autres que les siens :)
20 octobre 2016 à 09:32
Même s’il y a une lueur d’espoir elle est du domaine de l’utopie ! J’ai trouvé que ça manquait de profondeur! J’aurai préféré que l’auteur pousse plus loin son sujet 😕
20 octobre 2016 à 08:11
Bon, on est donc (malheureusement) d’accord…
20 octobre 2016 à 09:25
oui :)
20 octobre 2016 à 09:27