Fannie et Freddie, de Marcus Malte
Signé Bookfalo Kill
Le retour de Marcus Malte chez les éditions Zulma, qui ont publié l’essentiel de son œuvre – dont le sublime Garden of Love -, sonnait comme une bonne nouvelle, après un détour sympathique mais moyen par la Série Noire (les Harmoniques). C’en est une, même si le format court des deux textes que contient ce bref volume (150 pages au total) empêche de se réjouir sans retenue, d’autant qu’ils ne sont pas de valeur égale.
La première, Fannie et Freddie, donne son titre et son ton d’ensemble au livre. Fannie est une femme à l’âge indistinct. Elle porte un œil de verre, qu’elle tente de cacher derrière une mèche de cheveux et une rotation du buste un peu raide, qui lui vaut le surnom de « Minerve » mais lui permet de montrer toujours son meilleur profil. Un jour, elle se glisse dans Wall Street, incognito. Elle attend Freddie. Et sa revanche, ou sa vengeance. Qui sait la forme qu’elle prendra…
Le ton est glacial ; l’histoire, liée à la crise des subprimes aux Etats-Unis, est pesante, étouffante. Marcus Malte instaure une atmosphère inquiétante, dévoile peu à peu l’atroce vérité que cache l’étrange parcours de Fannie. Pourtant ça ne prend pas, pas tout à fait. Certains passages sont touchants, réussis, mais l’ensemble est si froid que je n’ai pas su ressentir d’empathie pour les personnages et leurs histoires tragiques.
J’ai donc largement préféré la seconde novella, au titre poétique et évocateur. Ceux qui construisent les bateaux ne les prennent pas… Tout un programme, inscrit dans un texte que caressent en douceur le rythme lent de la mer Méditerranée et le souffle du vent. Le narrateur, flic torturé, cherche en vain depuis vingt-sept ans qui a tué son meilleur ami d’enfance, Paul, ramené mort par la mer à l’âge de quatorze ans, le corps percé d’une balle.
Entre introspection et chasse aux souvenirs, Marcus Malte retrouve une atmosphère proche de certains passages de Garden of Love, et suscite une émotion discrète, contenue, relevée de jolies pointes d’humour et d’humanité, qui vient finalement se nicher dans trois dernières pages énigmatiques, où le lecteur ira chercher seul, s’il le souhaite, la vérité.
(Pour info, ceux qui suivent le romancier depuis longtemps auront peut-être eu la chance de lire cette novella aux éditions Autrement, sous le déjà beau titre Plage des Sablettes, souvenirs d’épave.)
Avis partagé donc, au final, le texte mis en avant s’avérant pour moi moins fort que le second bizarrement caché dans son ombre. Cela m’a permis de quitter le livre sur la meilleure note, tout en restant un peu frustré. Et dans l’attente d’un prochain roman, car si Marcus Malte s’illustre souvent dans les formes courtes qu’il affectionne (voir le magnifique Mon frère est parti ce matin…), j’espère forcément le voir nous offrir un jour prochain un nouveau livre aussi éblouissant que Garden of Love.
Fannie et Freddie, de Marcus Malte
Éditions Zulma, 2014
ISBN 978-2-84304-726-8
158 p., 15,50€
J’ai une immense admiration pour cet auteur. Je viens d’acheter ce recueil, il me reste à le lire, mais j’ai donc lu ton avis avec un très grand intérêt ! (bon je te lis toujours avec grand intérêt, mon gars) ;-)
Oui, Malte a un talent immense, qu’il met admirablement en forme dans les titres courts. Mais moi aussi je préfère le lire en version longue, comme dans l’admirable Les harmoniques
14 octobre 2014 à 17:23
Les Harmoniques m’avaient un peu laissé sur ma faim… Bon, c’est très relatif, « laissé sur ma faim pour un Marcus Malte » serait plus juste ;-) Des bons passages, mais j’avais trouvé le rythme d’ensemble un peu irrégulier.
Un sacré auteur, oui, l’une des plumes plumes françaises contemporaines pour moi !
Bonne lecture, mon cher Yvan, j’attends de tes nouvelles ;-)
15 octobre 2014 à 20:50
Faire aussi bien, voire mieux que Garden of love, sacré challenge.
15 octobre 2014 à 18:19
C’est pas faux ;-)
15 octobre 2014 à 20:50