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A première vue : la rentrée Zulma 2016

Il faut toujours garder un oeil sur le travail très fin des éditions Zulma, l’une des maisons les plus curieuses sur le monde, les plus cosmopolites, qui garde pourtant une ligne éditoriale volontaire et affirmée. A première vue, ses parutions de rentrée sont à cette image, oscillant entre la France, l’Afrique (continent que Zulma est l’une des rares maisons à arpenter avec autant de gourmandise) et l’Islande, avec des univers très forts sur le papier.

LeVieuxJardinAW+L’ENFANT SAUVAGE : Le Garçon, de Marcus Malte
Cela faisait longtemps que Marcus Malte, immense auteur sans doute trop méconnu, n’avait pas publié de roman (même si quelques novellas et recueils de nouvelles sont passés par là). Celui avec lequel il revient est loin de ses territoires familiers, vraiment inattendu, et éveille donc la curiosité à son maximum. Malte s’y attache aux pas d’un enfant sans nom, qui ne parle pas. Vivant en sauvage dans la forêt avec sa mère, il part à la découverte du monde après la mort de cette dernière. De quoi multiplier les expériences contrastées, surtout lorsqu’on est au début du XXème siècle et que l’ombre de la Première Guerre mondiale s’apprête à obscurcir la planète… Roman initiatique et philosophique qui affiche sans complexe ses 528 pages, Le Garçon a tout pour être l’une des curiosités de la rentrée. On le lit très vite en tout cas, et on vous en reparlera, c’est certain !

RHUBARBA CANDIDA : Le Rouge vif de la rhubarbe, d’Audur Ava Olfasdottir
Olafsdottir est l’une des grandes découvertes à mettre à l’actif de Zulma. Révélée en France par Rosa Candida, son troisième roman  mais le premier traduit chez nous, l’auteure islandaise est aujourd’hui très suivie, et les lecteurs francophones seront sans doute ravis de découvrir ce nouveau livre. Elle nous y présente Agustina, jeune fille infirme et solitaire dont la mère est une grande voyageuse toujours absente, et qui décide de préparer à son tour un périple à la hauteur de ses capacités : l’ascension de la Montagne.

Baraka Sakin - Le Messie du DarfourL’AMOUR À MORT : Le Messie du Darfour, d’Abdelaziz Baraka Sakin
Depuis quelque temps, Zulma a décidé de faire de l’Afrique l’un de ses terrains de chasse littéraires, ce qui est d’autant plus louable que peu de maisons « installées » font cette démarche. Cette fois, elle nous permet de découvrir un auteur soudanais, qui nous raconte l’histoire d’une jeune fille, terriblement marquée par la guerre, qui a été recueillie par sa tante. Elle rencontre un jour un jeune homme enrôlé de force dans l’armée. Ni une ni deux, elle l’épouse puis lui demande de la venger en tuant au moins dix des miliciens coupables de son infortune…
Voici ce que l’éditeur dit de l’auteur sur son site Internet : « Publiée en Égypte ou en Syrie, son œuvre très appréciée des lecteurs soudanais circule clandestinement au Soudan. Quand il reçoit en 2009 le prestigieux prix Tayeb Salih, remis à la Foire du livre de Khartoum, tous ses livres sont aussitôt saisis et détruits par les autorités. Il s’exile alors en Autriche où il obtient l’asile politique. » Édifiant.

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Fannie et Freddie, de Marcus Malte

Signé Bookfalo Kill

Le retour de Marcus Malte chez les éditions Zulma, qui ont publié l’essentiel de son œuvre – dont le sublime Garden of Love -, sonnait comme une bonne nouvelle, après un détour sympathique mais moyen par la Série Noire (les Harmoniques). C’en est une, même si le format court des deux textes que contient ce bref volume (150 pages au total) empêche de se réjouir sans retenue, d’autant qu’ils ne sont pas de valeur égale.

Malte - Fannie et FreddieLa première, Fannie et Freddie, donne son titre et son ton d’ensemble au livre. Fannie est une femme à l’âge indistinct. Elle porte un œil de verre, qu’elle tente de cacher derrière une mèche de cheveux et une rotation du buste un peu raide, qui lui vaut le surnom de « Minerve » mais lui permet de montrer toujours son meilleur profil. Un jour, elle se glisse dans Wall Street, incognito. Elle attend Freddie. Et sa revanche, ou sa vengeance. Qui sait la forme qu’elle prendra…
Le ton est glacial ; l’histoire, liée à la crise des subprimes aux Etats-Unis, est pesante, étouffante. Marcus Malte instaure une atmosphère inquiétante, dévoile peu à peu l’atroce vérité que cache l’étrange parcours de Fannie. Pourtant ça ne prend pas, pas tout à fait. Certains passages sont touchants, réussis, mais l’ensemble est si froid que je n’ai pas su ressentir d’empathie pour les personnages et leurs histoires tragiques.

J’ai donc largement préféré la seconde novella, au titre poétique et évocateur. Ceux qui construisent les bateaux ne les prennent pas… Tout un programme, inscrit dans un texte que caressent en douceur le rythme lent de la mer Méditerranée et le souffle du vent. Le narrateur, flic torturé, cherche en vain depuis vingt-sept ans qui a tué son meilleur ami d’enfance, Paul, ramené mort par la mer à l’âge de quatorze ans, le corps percé d’une balle.
Entre introspection et chasse aux souvenirs, Marcus Malte retrouve une atmosphère proche de certains passages de Garden of Love, et suscite une émotion discrète, contenue, relevée de jolies pointes d’humour et d’humanité, qui vient finalement se nicher dans trois dernières pages énigmatiques, où le lecteur ira chercher seul, s’il le souhaite, la vérité.
(Pour info, ceux qui suivent le romancier depuis longtemps auront peut-être eu la chance de lire cette novella aux éditions Autrement, sous le déjà beau titre Plage des Sablettes, souvenirs d’épave.)

Avis partagé donc, au final, le texte mis en avant s’avérant pour moi moins fort que le second bizarrement caché dans son ombre. Cela m’a permis de quitter le livre sur la meilleure note, tout en restant un peu frustré. Et dans l’attente d’un prochain roman, car si Marcus Malte s’illustre souvent dans les formes courtes qu’il affectionne (voir le magnifique Mon frère est parti ce matin…), j’espère forcément le voir nous offrir un jour prochain un nouveau livre aussi éblouissant que Garden of Love.

Fannie et Freddie, de Marcus Malte
  Éditions Zulma, 2014
ISBN 978-2-84304-726-8
158 p., 15,50€


A première vue : la rentrée Zulma 2014

Impossible de louper une publication des éditions Zulma sur une table de librairie ! Avec ses magnifiques couvertures graphiques, oeuvres de David Pearson depuis 2006, cette petite maison au rythme de parution maîtrisé a révélé des auteurs de tous les pays (l’Iranienne Zoya Pirad, l’Islandaise Audur Ava Olafsdottir, l’Indien R.K. Narayan…) comme de France, parmi lesquels Marcus Malte (et son sublime Garden of Love), Hubert Haddad, Chantal Creusot ou Jean-Marie Blas de Roblès.
Et justement – attention, transition de haut vol -, le voyez-vous venir, notre méga gros coup de cœur de la rentrée littéraire 2014 ?

Blas de Roblès - L'Île du Point NémoJULES H.P. VERNOCRAFT DE RABELDOYLE : L’Île du Point Némo, de Jean-Marie Blas de Roblès (lu)
L’auteur de Là où les tigres sont chez eux, prix Médicis mérité et triomphe public en 2008, revient avec un roman d’aventures époustouflant, génialement écrit et construit, d’une érudition réjouissante qui rend hommage à une palanquée de grands écrivains populaires (Verne, Lovecraft, Conan Doyle…) – bref, tout simplement jubilatoire du début à la fin. Ne passez pas à côté de cette ode à l’imagination et à la littérature qui ne se refuse rien, c’est pour nous LE grand roman à paraître fin août !

Wood - Le Complexe d'Eden BellwetherLE MAITRE DES ILLUSIONS : Le Complexe d’Eden Bellwether, de Benjamin Wood
Gros potentiel aussi dans ce premier roman d’un auteur anglais de 33 ans, qui interroge les limites entre génie et folie. Au cœur de son livre, il y a Eden Bellwether, un brillant organiste qui accompagne son talent de conceptions étranges sur la musique. Attiré par sa virtuosité autant que par sa sœur Iris, un jeune homme, Oscar, entre dans le cercle des Bellwether et y découvre des pratiques si perturbantes qu’il fait appel à un grand spécialiste des troubles de la personnalité…

Malte - Fannie et FreddieGARDEN OF REVENGE : Fannie et Freddie, de Marcus Malte
L’auteur de l’inoubliable Garden of Love de retour chez Zulma (après un passage moyen par la Série Noire), quelle excellente nouvelle ! Il nous emmène cette fois de l’autre côté de l’Atlantique, dans l’Amérique plongée dans la crise des subprimes qui a ruiné des milliers de ménages modestes. Fille de l’un de ces couples, Fannie rallie un jour Manhattan, se glisse dans Wall Street et prépare sa vengeance… A paraître le 2 octobre, et très attendu également !


Mon frère est parti ce matin…, de Marcus Malte

Signé Bookfalo Kill

Un jour, Charles B. décide de s’enfermer dans sa maison et de ne plus en sortir. Sa seule activité : collecter les faits divers du journal local, que ses voisins lui font passer en même temps que sa nourriture quotidienne.
Tout le monde ignore que sa réclusion est partie pour durer des années. De quoi faire beaucoup causer et émouvoir bien des gens, depuis les habitants de son village jusqu’au pays tout entier…

A livre court (62 pages en « grand format », 83 en poche), chronique courte ! Non qu’il n’y eût que peu à en dire, mais parce que se lancer dans de trop longs développements risquerait de rapidement ruiner l’intérêt du récit.
Et de l’intérêt, il y en a beaucoup, à commencer par la plume de Marcus Malte, élégante, littéraire, évocatrice et piquée de pointes d’ironie aussi classes que drôles et pertinentes.
Ensuite, il y a l’idée de départ, toute simple, et la manière dont Malte l’utilise pour livrer une démonstration tout en finesse de son sens de l’observation de l’espèce humaine. Sa réflexion sur la notion de fait divers, habilement mise en abyme dans le roman, est particulièrement splendide…

En somme, point n’est obligé de faire long quand on peut faire court et brillant (je parle pour Marcus, pas pour moi, hélas). Et en plus, à 2 euros, c’est donné, non ?

Mon frère est parti ce matin…, de Marcus Malte
Editions Folio 2 euros, 2012
(édition originale : Zulma, 2003)
ISBN 978-2-07-044473-1
83 p., 2€

P.S.: Et sinon, pour faire simple, lisez Marcus Malte. Bien que (trop ?) discret, c’est l’un de nos plus talentueux auteurs français contemporains. Si vous ne le connaissez pas, ce petit texte est une excellente entrée en matière. Et ensuite : Garden of Love (Folio Policier), histoire de vous réconcilier avec la notion de chef d’oeuvre. A bon entendeur !

P.S.2 : On en parle aussi fort bien, et de manière un peu plus détaillé, sur cet excellent blog : Là où les livres sont chez eux.