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Esther Andersen, de Timothée de Fombelle & Irène Bonacina

« Les vacances avaient la forme d’un escargot, avec la maison au centre, et je faisais des cercles de plus en plus grands pour tenter d’arriver au bord. Et puis un jour, un été, j’y suis arrivé. C’était là et je ne l’avais jamais su. »

Comme tous les étés, un jeune garçon part seul en train passer ses vacances chez son oncle Angelo. Il y retrouve avec plaisir sa maison en vrac, son vélo rouge pour parcourir sans fin la campagne, les villages déserts, et faire s’étirer ce temps de l’enfance insouciante qui fait battre le cœur de nos vies, plus tard, quand on y repense.
Un jour, pourtant, il pousse plus loin qu’il n’est jamais allé. Et fait une découverte qui va changer à jamais le sens de cet été en particulier, et celui de sa vie sans doute…


Même si la chaleur joue les prolongations en ce moment, la rentrée s’approche à grands pas, on s’apprête à remiser les sacs de baignade ou les chaussures de rando dans les placards, et à retourner s’enfermer dans nos écoles ou nos bureaux… Bref, c’est déjà la fin des vacances, mais pour les faire durer encore un peu, il nous reste les livres. Et ce livre-là en particulier : Esther Andersen.

Timothée de Fombelle à la plume, Irène Bonacina aux crayons, encre de Chine et aquarelles, s’associent pour concocter un album émouvant et délicieux, au parfum d’enfance dorée et d’éternel été, que son grand format à l’italienne paraît étire à l’infini.
Esther Andersen, c’est l’éloge du temps suspendu où tout s’arrête sauf l’essentiel ; ce sont les paysages immobiles, ailleurs loin des villes, vastes plaines, champs de blé à perte de vue, forêts nouées sur elles-mêmes, villages immuables, où la vie semble figée et hors du temps. C’est l’océan qui surgit au détour d’une dune, vertige immense qui renverse soudain tous les possibles. C’est l’oncle doux et fantasque, poète hors du temps, dont la tendresse et la générosité resteront des refuges même bien après l’enfance.
Et puis ce sont les rencontres – ou plutôt LA rencontre, celle qui comptera plus que les autres, et qui laissera entrevoir la vie du cœur à venir…

« Enfin, un jour, c’est arrivé. La pluie commençait à tomber sur la route chaude. Ça donnait une odeur de feu d’artifice. »

Que Timothée de Fombelle sublime son texte des fulgurances dont il a forgé son style, ce n’est une surprise pour personne. Chaque phrase touche juste, même les plus simples, les plus évidentes. Le récit est ciselé, épuré, tirant de l’économie de la forme album (peu de texte par page) une force visant juste à chaque feuillet, flèche en plein milieu de la cible. Pas de facilité pour autant : à ce récit, par nature minimaliste, l’écrivain ajoute des dialogues qui, peu à peu, s’invitent dans les pages pour donner voix aux personnages. Rares au début, puis de plus en plus présents, pour ajouter à l’évocation d’enfance de la vérité, de l’humour, de l’incarnation.

On pense à Sempé, forcément. Au Petit Nicolas, notamment, même si le style est différent. On y pense d’autant plus que les illustrations d’Irène Bonacina semblent tout droit sortis de la palette du fabuleux artiste. Même trait un peu tremblé, même dessin qui se sert du blanc de la page comme d’un cadre autant que d’un espace d’évocation, même souci du tout petit détail qui donne toute sa véracité à la scène, mêmes petits personnages comme égarés dans la vastitude du dessin, même utilisation de la couleur, entre minimalisme, équilibre et rupture, pour souligner le rythme et l’intensité du récit.

La ressemblance, il faut l’avouer, est troublante. Sur la page biographique de son site Internet, Irène Bonacina assume cet héritage, mais aussi celui de Quentin Blake ou Iwamura (les aventures de la famille Souris, exquise série d’albums publiés à l’École des Loisirs), et c’est tout aussi judicieux.
Dans le cas d’Esther Andersen, on pourrait s’en offusquer, dénoncer la facilité. Mais non : ce dessin, c’est le ton juste pour cette histoire. Le mariage est idéal. Et, au contraire, on a envie de remercier Irène Bonacina d’avoir su capter cette vérité du style de Sempé pour perpétuer l’esprit d’enfance et de liberté de son dessin, car c’était exactement ce dont avaient besoin les mots si doux de Timothée de Fombelle.

Une merveille de plus dans l’œuvre indispensable du maître de l’enfance et du rêve.

Esther Andersen, de Timothée de Fombelle (texte) et Irène Bonacina (dessin et couleurs)
Éditions Gallimard-Jeunesse, 2021
ISBN 9782075147965
72 p., 24,90€

3 réponses à « Esther Andersen, de Timothée de Fombelle & Irène Bonacina »

  1. Timothée de Fombelle est mon amour d’enfance… Il n’y a qu’Alma et cet album que je n’ai pas lus et autant dire que ce que tu écris me donne furieusement envie de réparer cette erreur.

    1. Je suis tombé raide dingue de l’univers de Timothée à la sortie de Vango. Depuis, je lis tout avec ferveur, et j’ai eu la chance de le rencontrer plusieurs fois et d’échanger avec lui.
      Cet homme est tout simplement magique :)
      Et Esther Andersen est un régal que je rouvre régulièrement pour y puiser un peu de sa douceur et de son exquise nostalgie d’enfance… Fais-toi plaisir, vite !

  2. Comme toi j’ai commencé par Vango. Puis Tobbie Lolness. Puis le reste !
    Si en plus tu dis qu’il est éminemment sympathique… merci pour ce rappel qui annonce un petit bonheur 😊

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