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Les ombres filantes, de Christian Guay-Poliquin

Éditions la Peuplade, 2021

ISBN 9782925141006

344 p.

20 €


Dans la forêt, un homme seul marche en direction du camp de chasse où sa famille s’est réfugiée pour fuir les bouleversements provoqués par une panne électrique généralisée. Il se sait menacé et s’enfonce dans les montagnes en suivant les sentiers et les ruisseaux.
Un jour qu’il s’est égaré, un mystérieux garçon l’interpelle. Il s’appelle Olio, a une douzaine d’années, semble n’avoir peur de rien et se joint à l’homme comme s’il l’avait toujours connu…


Je me suis permis d’arranger un peu le résumé de l’éditeur et d’en supprimer la dernière phrase, qui semblait suggérer que Les ombres filantes était un roman survivaliste, une épopée sombre et violente dans la lignée de La Route, de Cormac McCarthy. En dépit de l’apparition clin d’œil, au début du livre, d’un père et de son fils poussant un caddie plein de bric-à-brac, il n’en est rien, et l’aborder de cette manière serait le meilleur moyen de passer à côté.

Un monde en chute libre

De prime abord, on peut dire qu’il s’agit d’un roman d’aventures, un périple en pleine nature dans un contexte de déréliction généralisée qui inscrit ce texte dans la veine post-apocalyptique, devenue un véritable courant littéraire ces dernières années et servie par des auteurs de grand talents et de tous horizons, pas seulement de science-fiction. Rien d’étonnant, étant donné l’enthousiasme avec lequel l’humanité s’échine à détruire sa planète et à courir à sa perte, que les écrivains s’en inquiètent et s’en emparent.
Comme nombre de ses confrères et consœurs (Deon Meyer dans L’Année du Lion, Emily St John Mandel dans Station Eleven, Jean Hegland dans Dans la forêt, Peter Heller dans La Constellation du Chien), Christian Guay-Poliquin n’use de ce motif que comme un arrière-plan, presque un prétexte à accompagner l’histoire qui l’intéresse vraiment.

Il est question de la Panne, on devine à certaines allusions fugaces que le monde est au bord du gouffre à la suite d’un effondrement énergétique, et que les humains, sortis brutalement de leur confort, dépassés par les événements, tentent de sauver leur peau par tous les moyens possibles.
C’est tout, et on n’a guère besoin d’en savoir plus. Cela suffit à modifier radicalement les priorités des humains, et à justifier la longue errance du narrateur. Tout le reste, les véritables sujets du livre, en découle.

Le retour à l’enfance

Tout dans dans le roman tourne autour de ce motif.
Si le protagoniste traverse la forêt, c’est pour rallier le camp de chasse de sa famille. Il espère y retrouver ses oncles et tantes, mais aussi une forme de bonheur liée à son passé, car il garde de ce lieu de beaux souvenirs d’enfance.
Son long périple parsemé d’embûches, son absorption presque physique par la forêt, c’est un voyage à rebours, une tentative de renouer avec l’innocence que les bois retournant à l’état sauvage incarnent à merveille.

Ce retour à l’enfance s’inscrit également dans la magnifique relation symbiotique qui unit très vite le narrateur à Olio. Dans les premiers chapitres, l’homme chemine seul, et avec peine, malhabile, craintif, souffrant d’une vieille blessure au genou qui le ralentit et le gêne dans ses mouvements.
Dès qu’il rencontre le garçon, il regagne en vitalité, en force, s’étonne lui-même que sa blessure ne le gêne presque plus – comme si une partie de l’énergie naturelle de l’enfant passait en lui, régénérant son corps, éclairant son esprit et son âme. Et tout leur parcours commun va consolider ce lien qui, très vite, transforme un compagnonnage de circonstance en amour filial, jusqu’à une ultime phrase déchirante.

Quel merveilleux personnage, cet Olio, d’ailleurs ! Christian Guay-Poliquin donne chair, âme et vie avec une folle intensité à ce garçon malicieux, vivace, obstiné, volontiers manipulateur, candide et fragile aussi, et d’une clairvoyance brutale qui l’amène parfois à commettre des actes insensés, pour la simple et bonne raison qu’il les considère comme les plus justes dans ce drôle de nouveau monde en train de se dessiner.
C’est cette manière si juste de saisir l’enfance, de la magnifier par des mots, qui éclaire le roman d’une lumière resplendissante.

Le temps retrouvé ?

Il y a quelque chose dans le rapport au temps qui interpelle également si l’on prête attention à la structure du livre et à ses titres de chapitre.
Les ombres filantes est découpé en trois parties. Dans la première, « La Forêt », les chapitres sont titrés en référence à l’heure qu’il est. Le narrateur porte une montre, à laquelle il se réfère sans arrêt, raccroché par cet objet à « l’ancien monde ». Comme un symbole, à la fin de la première partie (attention : mini-spoiler !), Olio s’empare de la montre et la jette dans une rivière, brisant l’obsession et poussant son protecteur à entrer de plain-pied dans la nouvelle ère du monde.
Ce basculement se fait pourtant en douceur dans la deuxième partie, puisque la famille du protagoniste enfin rejointe possède un calendrier qui lui permet de rythmer et d’organiser ses semaines. Voici les chapitres portant désormais le nom du jour où se déroule le récit, ouvrant la porte à un étirement du temps sans pour autant perdre les vieux repères.
Dans la troisième partie enfin, « Le ciel », plus de montre, plus de calendrier : les seuls repères sont ceux offerts par la nature, le soleil et les étoiles. « Matin », « nuit », crépuscule »… : nos héros sont rendus au stade ultime de l’effacement de la civilisation. Place est faite à l’horizon, promesse d’ouverture et donc de renouveau… ou de chute finale.

Cette évolution, subtile et brillante, est à l’image d’un roman plus souvent mélancolique que menaçant, quête primaire d’affection et de tendresse dans un monde dont les barrières tombent pour ramener ses survivants à l’essentiel.
Cela ne va pas sans violence ni souffrance, mais Christian Guay-Poliquin nous embarque en douceur dans ce périple terriblement humain au cœur d’une nature prête à reprendre le pouvoir, conjuguant sens du rythme, intelligence discrète du propos et empathie pour des personnages dont la compagnie perdurera bien au-delà des dernières pages.
Là-haut, très loin dans le ciel de notre imagination, éclairée par le sourire d’Olio et la marche obstinée vers la liberté du héros que l’enfant s’est choisi.

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À première vue : la rentrée Plon 2020

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Intérêt global :

inexpressif


Je ne vais pas vous mentir, je ne suis pas un spécialiste du catalogue des éditions Plon, ni de leur manière d’aborder la rentrée littéraire, ni de leur ligne éditoriale en littérature (pour peu qu’il y en ait une). Cette maison fait partie de celles qui n’ont jamais réussi à m’intéresser, de quelque manière que ce soit. Donc, me voilà bien embêté pour vous raconter quelque chose d’un tant soit peu captivant à son sujet.
Restons-en donc aux faits : la rentrée Plon se compose de cinq titres francophones, quatre romans et un recueil de chroniques. Et puis voilà.


Camille Pascal - La chambre des dupesLa Chambre des dupes, de Camille Pascal

Le haut fonctionnaire Camille Pascal a été l’invité surprise de la rentrée littéraire 2018. Avec L’Été des quatre rois, son premier roman récompensé du Grand Prix de l’Académie française et très large succès public, il a récolté un plébiscite auquel personne ne s’attendait vraiment, surtout pour un roman historique racontant la succession express de quatre souverains durant l’été 1830.
Pour son deuxième, il retourne au même genre, mais cette fois à la cour de Louis XV, dont il narre la passion pour Marie-Anne de Mailly-Nesle, marquise de La Tournelle. Passion si brûlante qu’il en fait sa favorite principale et la titre duchesse de Châteauroux (à l’époque, ça devait être classe). Mais le roi, en pleine campagne militaire, tombe gravement malade à Metz, et la position privilégiée de la duchesse se trouve menacée par la raison d’État…
Je ne suis pas un grand adepte de roman historique. Mais il faut reconnaître que le sujet est très bien choisi. Le style élégamment classique de Camille Pascal devrait parfaitement convenir pour raconter cette page d’histoire, et convaincre les adeptes du genre.

Faïza Guène - La discrétionLa Discrétion, de Faïza Guène

Avec Kiffe kiffe demain, son premier roman paru en 2005 alors qu’elle n’avait que dix-neuf ans, Faïza Guène a connu un succès immédiat autant que fulgurant (traduit en 26 langues quand même). Après trois romans chez Hachette et deux chez Fayard, elle arrive chez Plon avec un roman consacré à une femme de 70 ans qui vit en toute discrétion à Aubervilliers. Née en Algérie lorsque le pays était encore une colonie française, adolescente au moment de l’indépendance, elle a tenté de transmettre son goût de la liberté à ses enfants tout en réfrénant ses colères, ses souffrances et la peine née de l’exil. C’est à eux, désormais, de mettre en lumière son histoire, et de révéler la vérité de cette femme discrète.

Sophie Blandinières - La chasse aux âmesLa Chasse aux âmes, de Sophie Blandinières

Durant la Seconde Guerre mondiale, trois femmes, une Polonaise, Janina, et deux juives, Bela et Chana, organisent un réseau clandestin pour faire sortir des enfants juifs du ghetto. Ils changent alors d’identité, trouvent un nouveau foyer et deviennent des polonais catholiques afin de survivre dans la zone dite aryenne.

Thibault de Montaigu - La grâceLa Grâce, de Thibault de Montaigu

Suite à une dépression, le narrateur, athée, relate comment il a été touché par la grâce, une nuit, dans la chapelle d’un monastère. Afin de comprendre cette révélation soudaine, il renoue avec Christian, son oncle et frère franciscain, qu’il connaît peu et qui décède après leurs retrouvailles. Il découvre que cet homme a connu le même parcours spirituel que lui à l’âge de 37 ans.

Alain Mabanckou - Rumeurs d'AmériqueRumeurs d’Amérique, d’Alain Mabanckou

Un recueil de chroniques par l’auteur franco-congolais, qui vit aux USA depuis une quinzaine d’années. Il évoque l’opulence de Santa Monica, les conditions de vie des minorités de Los Angeles, le désespoir des agglomérations environnantes, le rêve américain, la guerre des gangs, la musique, les habitudes politiques, entre autres.


BILAN


Aucune lecture en vue dans ce programme en ce qui me concerne. À vous de voir !


À première vue : la rentrée Rivages 2020

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Intérêt global :

sourire léger


Rarement prolifique, la rentrée des éditions Rivages fait cette année dans le minimalisme. Deux titres, un français et un étranger. Et plutôt deux solides références de la maison. C’est propre, c’est net, c’est équilibré : rien à dire !


Miguel Bonnefoy - HéritageHéritage, de Miguel Bonnefoy

Sucre noir, son précédent roman, était brillant, surprenant et magnifiquement sensoriel. Son nouvel opus s’annonce dans une veine similaire. Héritage est une saga familiale qui met en scène plusieurs générations de la famille Lonsonier au cours du XXe siècle. Des coteaux du Jura jusqu’aux prisons chiliennes en passant par les tranchées de la Somme, Lazare le Poilu, Thérèse l’amoureuse des êtres ailés, Margot l’aviatrice et son fils révolté Ilario Da volent vers leur destinée, liés par la légende mystérieuse d’un oncle disparu.

Barbara Kingsolver - Des vies à découvertDes vies à découvert, de Barbara Kingsolver
(traduit de l’anglais (États-Unis) par Martine Aubert)

Au XXIe siècle, Willa Knox, une journaliste indépendante, aide son fils à traverser une crise existentielle. Au XIXe siècle, Mary Treat est une scientifique émérite oubliée malgré sa proximité intellectuelle avec Darwin. Des années les séparent mais toutes deux sont liées par un intense besoin de liberté ainsi que par une maison.
Mine de rien, cela faisait sept ans, depuis Dans la lumière, que nous n’avions aucune nouvelle de Barbara Kingsolver, belle voix de la littérature américaine contemporaine, auteure saluée notamment de L’Arbre aux haricots et des Yeux dans les arbres.


BILAN



Lecture très probable :

Héritage, de Miguel Bonnefoy


À première vue : la rentrée Actes Sud 2020

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Intérêt global :

neutrre


Choix de l’ordre alphabétique oblige, honneur donc à la petite maison arlésienne devenue très grande. J’ai dénombré neuf nouveautés à paraître dans cette rentrée, ce qui est encore beaucoup mais plus modéré que les années précédentes (treize en 2018, par exemple).
Du côté des petits événements du monde éditorial, Actes Sud enregistre l’arrivée de Muriel Barbery, auteure de L’Élégance du hérisson et transfuge de Gallimard.
Pour le reste, pas de bouleversement à première vue, puisque le programme aligne essentiellement des noms connus de la maison. À tel point qu’on retrouve trois noms déjà présents ensemble lors de la rentrée 2017 (Lafon, Ducrozet, Ferney). On peut déjà dire que cette si particulière rentrée 2020 ne sera pas celle des prises de risque pour Actes Sud.
À suivre tout de même, un premier roman américain particulièrement dans l’air du temps, et qui devrait faire parler de lui.


LA TÊTE D’AFFICHE


Chavirer, de Lola Lafon

Lola Lafon - ChavirerDepuis La Petite communiste qui ne souriait jamais, revisitation romanesque de l’histoire de Nadia Comaneci, Lola Lafon est devenue une valeur sûre d’Actes Sud. Dans ce nouveau roman, elle choisit à nouveau une danseuse comme héroïne – mais une danseuse, non pas de compétition, mais de plateau télé, une artiste qui, par le prisme de la télévision, fait beaucoup pour rendre la danse accessible et populaire auprès du grand public.
Cléo, cependant, cache un terrible secret, ancré dans son adolescence. À l’âge de 13 ans, elle est recrutée par une certaine Fondation de la vocation, qui dissimule une organisation de prédation sexuelle. Victime, elle devient complice et coupable, en convainquant d’autres filles de la suivre dans le piège. Lorsque l’affaire resurgit trente ans plus tard, Cléo doit affronter son passé…
L’écriture précise et exigeante de Lola Lafon, sa finesse et son engagement ont tout pour transcender le sujet et faire de ce livre un jalon de la rentrée.


D’ACTUALITÉ


Margaret Wilkerson Sexton - Un soupçon de libertéUn soupçon de liberté, de Margaret Wilkerson Sexton
(traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Laure Mistral)

La saga d’une famille noire de la Nouvelle-Orléans sur trois générations. Les existences d’Evelyn, Jackie et T.C. s’entremêlent et montrent comment, dans une nation en mutation, les maux de la communauté noire américaine restent, eux, les mêmes.
Comme ses personnages, Margaret Wilkerson Sexton est née et a grandi à la Nouvelle-Orléans. Si son premier roman, remarqué aux Etats-Unis lors de sa parution, est de qualité, il devrait occuper l’avancée des tables des libraires et la une de la presse spécialisée en raison de son sujet, évidemment brûlant.


DOMAINE ÉTRANGER


Salman Rushdie - Quichotte (couv FR)Quichotte, de Salman Rushdie
(traduit de l’anglais par Gérard Meudal)

S’il est un romancier contemporain qui a le picaresque dans le sang, c’est bien Salman Rushdie. Rien d’étonnant, donc, à le voir réinventer l’un des personnages les plus emblématiques de la littérature, fleuron de la littérature picaresque né de l’imagination de Cervantes. Histoire de s’amuser un peu, il fait de Quichotte un vieux représentant de commerce qui tombe raide amoureux d’une vedette de la télévision. Il se lance dans une quête épique et amoureuse à travers les États-Unis, accompagné de son fils imaginaire, Sancho.

Enrique Vila-Matas - Cette brume insenséeCette brume insensée, d’Enrique Vila-Matas
(traduit de l’espagnol par André Gabastou)

Deux frères. L’un, Simon, est traducteur de « premiers jets » et fournisseur officiel de citations pour écrivains. L’autre, Rainer, qui vit retiré à New York depuis vingt ans, est devenu un auteur culte, notamment grâce au travail occulte de Simon.
À la mort de leur père, ils se retrouvent pour la première fois à Barcelone, le jour même où la Catalogne proclame son indépendance. Dans une ambiance étrange, tandis que des hélicoptères quadrillent le ciel de la ville, les deux frères se mettent à régler leurs comptes…
Connaissant l’auteur, il faut s’attendre à une réflexion pointue et ludique sur la littérature. Et puis la vie, la mort, tout ça.

Sara Omar - La Laveuse de mortLa Laveuse de mort, de Sara Omar
(traduit du danois par Frédéric Fourreau)

Parce qu’elle est née fille et non garçon, Frmesk est en butte à la violence de son père. Pour la sauver, sa mère décide de la confier à ses propres parents. Lui, colonel à la retraite, est un érudit, éclairé sur tous les sujets, à commencer par l’Islam. Elle est laveuse de mort, qui s’occupe des corps des femmes laissées pour compte. Il faudra toute leur générosité et leur amour pour préserver au mieux la petite fille de la violence et de l’intolérance qui règnent dans leur pays, le Kurdistan…


LA TRANSFUGE


Muriel Barbery - Une rose seuleUne seule rose, de Muriel Barbery

Après quatre romans publiés chez Gallimard, dont son deuxième, L’Élégance du hérisson, fut un triomphe aussi énorme qu’inattendu, Muriel Barbery arrive donc chez Actes Sud.
Dans son nouveau livre, elle raconte l’histoire d’une femme n’ayant jamais connu son père, qui apprend à quarante ans la disparition de ce dernier, et l’existence d’un testament qui la concerne. Elle part au Japon, où vivait ce père inconnu contre lequel elle a élevé un mur de colère. Sur place, guidé par Paul, l’assistant de son père, elle entame un long chemin vers la réconciliation, qui passe aussi par la découverte d’une culture japonaise dont elle va apprendre à se nourrir.


DOMAINE FRANCOPHONE


Alice Ferney - L'intimitéL’Intimité, d’Alice Ferney

Après le beau succès des Bourgeois (2017), une grande saga familiale, Alice Ferney revient avec un roman polyphonique qui suit trois personnages en quête d’amour, de vie de famille, de paternité ou de maternité (ou non). Une réflexion sociétale et éthique, mêlée de considérations philosophiques, qui ausculte notre manière de concevoir la vie intime.

Christian Garcin - Le Bon, la Brute et le RenardLe Bon, la Brute et le Renard, de Christian Garcin

Un « road-trip taoïste », selon son éditeur. On y suit trois Chinois perdus dans le désert californien, qui cherchent la fille de l’un d’entre eux ; deux policiers américains qui, au même endroit, cherchent un autre disparu ; et un journaliste chinois, auteur de romans noirs, qui enquête à Paris sur la disparition de la fille de son patron. Trois intrigues en miroir, au service d’une comédie existentielle. Deuxième roman de Garcin chez Actes Sud, après des passages chez Gallimard, Verdier et Stock.

Magyd Cherfi - La part du SarrasinLa Part du Sarrasin, de Magyd Cherfi

Suite de Ma part de Gaulois, gros succès de 2016, où l’auteur relatait comment il était devenu le premier bachelier de sa cité. Magyd Cherfi, figure du groupe Zebda, poursuit ici son récit autobiographique en racontant l’après-Bac, sa quête d’identité musicale et d’identité tout court, face à la violence et au racisme, dans la nécessité d’inventer de nouvelles voix, de nouvelles manières de chanter la rage et l’espoir.

Pierre Ducrozet - Le grand vertigeLe Grand vertige, de Pierre Ducrozet

Ce pourrait être un roman purement opportuniste sur un autre sujet d’actualité primordial, l’écologie. Le pitch m’intéresse pourtant et donne envie d’espérer. Adam Thobias, pionnier sincère et iconoclaste de la pensée environnementale, se voit proposer la direction très officielle et très politiquement correcte d’une “Commission Internationale sur le Changement Climatique et pour un Nouveau Contrat Naturel”. Loin d’avoir l’intention de se couler dans le moule, il y voit l’occasion d’imposer sa patte sur le sujet et de secouer les immobilismes…

Ilan Duran Cohen - Le petit polémisteLe Petit polémiste, d’Ilan Duran Cohen

Alain Conlang est polémiste professionnelle, passé maître dans l’art des saillies et autres provocations médiatiques qui le rendent populaire, notamment auprès des jeunes, plus qu’ils ne le font détester. Jusqu’au jour où il dérape en laissant échapper, dans un dîner mondain terrassant d’ennui, une remarque sexiste. Une limite est franchie, qui précipite le provocateur de l’autre côté de la barrière, le mauvais côté, où l’on devient le sujet des polémiques, et d’où il semble impossible de sortir par le haut…


BILAN


Lectures potentielles :
Chavirer, de Lola Lafon
Le Grand vertige, de Pierre Ducrozet

Et :
Un soupçon de liberté, de Margaret Wilkerson Sexton


A première vue : la rentrée Actes Sud 2017

La fin des présentations de rentrée littéraire approche, et…

En attendant, causons des éditions Actes Sud, qui abordent leur première rentrée avec leur patronne à la tête du Ministère de la Culture – ce qui n’a aucun rapport, certes. A vrai dire, je glose et tournicote parce que je ne sais pas bien dans quel sens prendre le programme de la maison arlésienne, gros plateau qui fait la part belle à la littérature étrangère (sept titres) et avance quelques auteurs importants – dont deux retours attendus, ceux de Don DeLillo et Kamel Daoud. Bref, l’assiette est bien remplie et présente joliment, reste à savoir si les mets seront de qualité.

Daoud - Zabor ou les psaumesSHÉHÉRAZADE : Zabor ou les Psaumes, de Kamel Daoud
Après un recueil de nouvelles salué d’un succès d’estime, Kamel Daoud a fracassé la porte de la littérature francophone avec Meursault, contre-enquête, premier roman choc en forme de réécriture de L’Étranger de Camus du point de vue arabe. Connu pour l’exigence de sa pensée, le journaliste algérien est forcément très attendu avec ce deuxième roman racontant l’histoire d’un homme qui, orphelin de mère et négligé par son père, se réfugie dans les livres et y trouve un sens à sa vie. Depuis, le seul sens qu’il donne à son existence est le geste d’écriture. Jusqu’au jour où son demi-frère, qu’il déteste, l’appelle au chevet de son père mourant…

Lafon - Mercy, Mary, PattySTARMANIA : Mercy, Mary, Patty, de Lola Lafon
Révélée elle aussi grâce à son précédent roman, La Petite communiste qui ne souriait jamais, Lola Lafon s’empare d’un fait divers américain qui a défrayé la chronique dans les années 1970 : l’enlèvement de Patricia Hearst, petite-fille du magnat de la presse William Randolph Hearst (qui avait en son temps inspiré Orson Welles pour son Citizen Kane), par un groupuscule révolutionnaire ; à la surprise générale, la jeune femme a fini par épouser la cause de ses ravisseurs et été arrêtée avec eux. Une professeure américaine, assistée d’une de ses étudiantes, se voit chargée par l’avocat de Patricia de réaliser un dossier sur cette affaire, pour tenter de comprendre le revirement inattendu de l’héritière.

Ferney - Les bourgeoisC’EST COMME LES COCHONS : Les Bourgeois, d’Alice Ferney
Les Bourgeois, ce sont dix frères et sœurs nés à Paris entre les deux guerres mondiales. À leur place dans les hautes sphères, ils impriment le cours de l’Histoire de leurs convictions et de leurs actes. En suivant les trajectoires de cette fratrie, Alice Ferney retrace les énormes bouleversements du XXème siècle, des gigantesques conflits planétaires à l’avènement des nouvelles technologies en passant par mai 68 et les décolonisations.

Ducrozet - L'Invention des corpsTHE CIRCLE : L’Invention des corps, de Pierre Ducrozet
En septembre 2014, une quarantaine d’étudiants mexicains sont enlevés et massacrés par la police. Rescapé du carnage, Alvaro fuit aux États-Unis, où il met ses compétences d’informaticien au service d’un gourou du Net fasciné par le transhumanisme. Une réflexion pointue sur les risques et dérives de notre monde ultra-connecté et amoralisé.

Dion - ImagoRELAX, DON’T DO IT : Imago, de Cyril Dion
Un jeune Palestinien pacifiste quitte son pays et traverse l’Europe à la poursuite de son frère, parti commettre l’irréparable à Paris, dans l’espoir de l’empêcher de passer à l’acte. Un premier roman qui tutoie l’actualité. Risqué ?

Gallay - La Beauté des joursLA VIE PAR PROCURATION : La Beauté des jours, de Claudie Gallay
Heureuse en mariage, mère comblée de deux filles jumelles désormais étudiantes, Jeanne mène une existence paisible. La découverte de l’œuvre de l’artiste Marina Abramovic lui ouvre la porte d’autres possibles où l’imprévu est roi.

*****

Delillo - Zéro KPROMETHEUS : Zéro K, de Don DeLillo
(traduit de l’américain par Francis Kerline)
Le dernier roman de Don DeLillo, Cosmopolis (adapté au cinéma par Cronenberg avec Robert Pattinson), date en France de 2012. C’est donc le retour attendu d’un auteur américain exigeant, très soucieux de la forme et porteur d’une vision ténébreuse des États-Unis en particulier et du monde en général.
Pas d’exception avec ce nouveau livre : Zéro K y est le nom d’un centre de recherches secret qui propose à ceux qui le souhaitent de s’éteindre provisoirement, de mettre leur vie en stand by en attendant que les progrès de la science permettent de prolonger l’existence et d’éradiquer les maladies. Un homme richissime, actionnaire du centre, décide d’y faire entrer son épouse, condamnée à court terme par la science, et convoque son fils pour qu’il assiste à l’extinction programmée de la jeune femme…
Un sujet déjà abordé en littérature ou au cinéma, mais dont on espère que DeLillo le poussera dans ses derniers retranchements philosophiques.

Zeh - BrandebourgDU VENT DU BLUFF DES MOTS : Brandebourg, de Julie Zeh
(traduit de l’allemand par Rose Labourie)
Des Berlinois portés par une vision romantique de la campagne débarquent dans un village du Brandebourg, État de l’ex-R.D.A., avec sous le bras un projet de parc éolien qui n’enthousiasme guère les paysans du coin. Une lutte féroce débute entre les deux clans, attisée par une femme qui manipule volontiers les sentiments des uns et des autres pour en tirer profit… La plume mordante et le regard acéré de Julie Zeh devraient s’épanouir au fil des 500 pages de ce concentré d'(in)humanité dans toute sa splendeur.

Clemot - PolarisALIEN 28 : Polaris, de Fernando Clemot
(traduit de l’espagnol par Claude Bleton)
Océan Arctique, 1960. Dans un vieux rafiot au mouillage devant l’île de Jan Mayen, dans un paysage fermé, glacial et désertique, le médecin de bord est confronté à la folie inexplicable qui a gagné l’équipage (résumé Électre). La mer, le froid, un huis clos flippant sur un bateau… Pitch court, tentation forte !

Trevi - Le Peuple de boisGOOD MORNING ITALIA : Le Peuple de bois, d’Emanuele Trevi
(traduit de l’italien par Marguerite Pozzoli)
En Calabre, un prêtre défroqué anime une émission de radio où son esprit satirique s’en donne à cœur joie. Si les auditeurs suivent et se réjouissent de sa liberté de ton, les puissants grincent des dents…

Affinity K - MischlingL’ANGE DE LA MORT : Mischling, d’Affinity K
(traduit de l’américain par Patrice Repusseau)
Le terme « Mischling » en allemand désigne les sang-mêlé. C’est parce qu’elles en sont que deux sœurs jumelles sont envoyées à Auschwitz et choisies par le docteur Mengele pour mener sur elles ses terrifiantes expériences. Pour résister à l’horreur, les fillettes de douze ans se réfugient dans leur complicité et leur imagination. Peu avant l’arrivée de l’armée russe, l’une des deux disparaît ; une fois libérée, sa sœur part à sa recherche… Terrain très très glissant pour ce roman, tant il est risqué de « jouer » avec certains sujets. Auschwitz et les expériences de Mengele en font partie.

El-Thouky - Les femmes de KarantinaOÙ TOUT COMMENCE ET TOUT FINIT : Les femmes de Karantina, de Nael al-Toukhy
(traduit de l’arabe (Égypte) par Khaled Osman)
Saga familiale sur trois générations dans une Alexandrie parallèle et secrète, ce roman offre une galerie de personnages truculents tous plus en délicatesse avec la loi les uns que les autres (résumé éditeur).

CRIME ET CHÂTIMENT : Solovki, de Zakhar Prilepine
(traduit du russe par Joëlle Dublanchet)
Attention, pavé ! L’écrivain russe déploie sur 830 pages une vaste histoire d’amour entre un détenu et sa gardienne, et une intrigue puissamment romanesque pour évoquer l’enfer des îles Solovki, archipel situé dans la Mer Blanche au nord-ouest de la Russie où un camp de prisonniers servit de base et de « laboratoire » pour fonder le système du Goulag.


Les soeurs Brelan, de François Vallejo

Signé Bookfalo Kill

Elles sont trois. Trois sœurs, dont deux encore mineures, mais qui parlent d’une seule voix. Et cette voix, déterminée, surprend tout le monde à la mort de leur père, lorsqu’elles exigent, au juge qui les reçoit pour décider de leur sort, de les laisser libres ; de ne pas les soumettre à la tutelle de leur tante et de leur oncle, qui veulent, plus que leur bonheur, mettre la main sur la petite fortune familiale.
Obtenant satisfaction, c’est donc sous la charge de Marthe, l’aînée à peine majeure, que les trois filles se lancent dans la vie, la vraie. Avec ses surprises, ses rencontres, sa cascade de vie et de douleur – et la puissance de l’amour qui les unit, envers et contre tous…

Vallejo - Les soeurs BrelanIl y a du Zola dans ce très beau roman de François Vallejo. Oui, carrément ! Certes, il ne s’agit pas de comparer de pied en cap l’auteur du génial Ouest (Prix Millepages 2006, Livre Inter 2007) à l’illustre défenseur du capitaine Dreyfus et père des Rougon-Macquart.
L’analogie cependant s’impose en deux points. L’écriture, tout d’abord : comme Zola aimait à le faire, Vallejo use avec brio dans ce roman du style indirect libre, procédé qui nous immerge conjointement dans les pensées et les propos des personnages, tout en dotant le récit d’un dynamisme percutant et d’une énergie très particulière.

Ensuite, Vallejo excelle ici à saisir des personnages, une époque, et des personnages dans leur époque. En l’occurrence, la seconde partie du XXème siècle, au cours duquel le statut des femmes était encore extrêmement codifié, encadré, et tout manquement à ces us considéré comme une indécence. Un état d’esprit archaïque que les trois sœurs Brelan vont s’acharner à dynamiter, par leur volonté de vivre leurs vies en toute indépendance, seules à trois, chacune avec leur caractère propre, mais solidaires quoi qu’il arrive.

Formidable ode à la liberté, à la résistance morale, à la volonté d’échapper aux carcans, à la vie tout simplement, Les Sœurs Brelan forment un tourbillon littéraire enthousiasmant, marquant aussi une forme de révélation pour un auteur adepte jusqu’alors du huis-clos et des environnements sombres, et qui livre son roman le plus lumineux.

Les soeurs Brelan, de François Vallejo
  Éditions Points, 2013
(première édition : Viviane Hamy, 2010)
ISBN 978-2-7578-3348-3
284 p., 7,20€


La Promo 49, de Don Carpenter

Signé Bookfalo Kill

Clyde Marriman n’a pas d’ambitions particulières, mais le fait de mettre accidentellement Nancy Farr enceinte décide de sa vie pour lui. Janet Satterlee ne rêve que d’une chose : devenir la Reine du Festival de la Rose. Blaze Cooney décide de consacrer son été à écrire le grand roman qui mettra tout le monde d’accord. Tommy German tente de séduire toutes les filles qui se présentent, ce qui lui vaut entre autres choses de se faire démolir la mâchoire par un amant jaloux.
Ces jeunes gens, et bien d’autres de leurs camarades, viennent de quitter le lycée. Nous sommes en 1949, ils sont jeunes, ils ont la vie devant eux, et déjà des raisons de passer à côté de leur existence – ou pas…

Carpenter - La Promo 49Après avoir exhumé Sale temps pour les braves du regrettable oubli où la France l’avait abandonné depuis sa parution en 1966, les éditions Cambourakis poursuivent avec bonheur la publication des œuvres de Don Carpenter. Sortie en 1985, soit presque vingt ans après son superbe premier roman, La Promo 49 nous offre une autre vision de son talent. Beaucoup plus bref, ce livre est constitué de courts chapitres qui sautent d’un personnage à un autre, le plus souvent sans continuité particulière, sinon celle du temps qui s’écoule au fil de l’année 1949.

Avec cette galerie de caractères hétéroclites et très réussis, Carpenter joue sur deux tableaux. Le premier, au sens large, dépeint l’Amérique de l’après-guerre, tiraillée entre son habituel rigorisme moral et une envie folle d’insouciance et de liberté. Les chapitres consacrés aux virées à Seaside, où « les filles ne manquaient pas et toutes venaient pour coucher », sont ainsi particulièrement éloquentes. Tandis que la respectabilité impose le mariage en cas de grossesse intempestive, les adolescents traquent les expériences sexuelles et/ou l’amour avec la ferveur du chasseur sur la piste du gros gibier. Ce qui donne beaucoup de scènes drôles, touchantes ou pathétiques selon les cas de figure.

Le second plan est plus personnel puisque, comme ses personnages, Don Carpenter avait dix-huit ans en 1949. Avec une intimité que le recul créé par le moment de l’écriture teinte de réactions diverses – tendresse, sagesse, tristesse… -, le romancier dépeint une adolescence américaine à l’aube des années 50 et ses obsessions : les voitures, les filles (ou les garçons), la peur aveugle du communisme, l’alcool comme tabou à briser, l’insouciance de la jeunesse qui se heurte au grand vide des lendemains adultes, l’engagement dans l’armée… Il ne cède jamais à la nostalgie facile, grâce à son écriture précise et économe, qui va toujours à l’essentiel, et donc au plus juste.
Paradoxalement, c’est en touchant à l’intime que Carpenter élargit son propos jusqu’à le rendre intelligible et sensible à tous. Nul besoin d’être américain pour se retrouver dans les atermoiements, les doutes, les ivresses incontrôlables d’une adolescence qui fut autant la leur qu’elle peut être celle de notre temps ; entre les lignes, le sujet est universel et intemporel, et il vibre aujourd’hui avec la même force qu’alors.

La Promo 49 traverse l’époque qu’elle dépeint comme elle traverse des sentiments contrastés, que la traduction une nouvelle fois inspirée de Céline Leroy saisit à merveille. Entre humour, ironie, inquiétude et mélancolie, ce roman patchwork prouve la singularité d’un romancier qui, même dans le cadre balisé du roman d’apprentissage, parvenait à sortir des sentiers battus. Une œuvre à découvrir, définitivement.

La Promo 49, de Don Carpenter
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy
Éditions Cambourakis, 2013
ISBN 978-2-36624-032-0  
135 p., 17,50€


Méto t.1 : la Maison, d’Yves Grevet

Signé Bookfalo Kill

64 enfants vivent dans la Maison, une gigantesque bâtisse dont ils ne sortent jamais. Placés sous la surveillance d’adultes tous semblables, les César, ils y sont nourris, vêtus, éduqués, punis lorsqu’ils manquent aux règles. Ce sont tous des garçons. Ils n’ont aucun souvenir ou presque de leur passé. Ils ignorent de quoi sera fait leur avenir, une fois qu’ils seront jugés trop grands pour rester dans la Maison.
Méto est un Rouge, c’est-à-dire l’un des pensionnaires les plus âgés de la Maison. Tandis qu’il est nommé tuteur de Crassus, un petit nouveau qui doit tout apprendre du mode de vie local, il commence à s’interroger sur ce qui l’attend – et à fouiner pour en savoir plus sur les mystères de la Maison et de l’Île sur laquelle elle se trouve. Ce qu’il découvre dépasse largement son imagination et pourrait bien tout changer…

Grevet - Méto t.1, la MaisonÉvacuons tout de suite la question qui fâche – ou du moins qui pourrait fâcher, parce qu’en fait il n’y a pas lieu de le faire : celle du style. C’est très simple, il n’y en a pas. L’écriture d’Yves Grevet est purement factuelle, dénuée de tout lyrisme, évacuant la tentation de la métaphore ; c’est presque une écriture blanche tant elle est dépouillée. Sujet, verbe, complément, phrases courtes et sèches, allant à l’essentiel.
Lors de certaines scènes, j’aurais aimé plus d’engagement, plus de sentiment, pouvoir m’inquiéter davantage, être beaucoup plus ému, effrayé ou passionné. Ce que d’autres grands auteurs français contemporains pour la jeunesse – Timothée de Fombelle, Jean-Claude Mourlevat, Marie-Aude Murail, pour ne citer que les plus éminents – savent si bien susciter, par la grâce d’une écriture ambitieuse, pleine de souffle et de caractère.

C’est le choix de l’auteur et il est respectable. Car en-dehors de ça, quelle efficacité ! Grevet mène son histoire tambour battant, avec un souci de clarté qui se met toujours au service de l’intelligence du récit et de ses thématiques.
D’abord, le romancier nous balance illico dans le mystère, sans explication préalable. L’immersion dans l’intrigue est immédiate, l’addiction assurée. On veut comprendre, découvrir qui sont ces enfants reclus dans la Maison, à quoi ils sont destinés, qui sont les César, pourquoi il n’y a pas de filles…
De Méto le narrateur à ses amis, les personnages trouvent tous leur personnalité – détail capital d’autant plus à souligner que Grevet ne leur accorde pratiquement aucune description physique et se limite à quelques traits prédominants de caractère. Bien placés, ils sont largement suffisants pour camper des héros auxquels on s’attache sans problème.

Avec ces ingrédients, Yves Grevet traite pêle-mêle d’éducation, de politique, de manipulation (physique et psychologique), de résistance, de respect, de libre arbitre… Le propos est ambitieux, et nul doute que la limpidité du récit contribue largement à confronter les jeunes lecteurs à ces problématiques fondatrices.
Reste à lire les tomes 2 (L’Île) et 3 (Le Monde), pour découvrir le fin mot de l’histoire… C’est en cours, à suivre donc !

A partir de 11 ans.

Méto t.1 : La Maison, d’Yves Grevet
Éditions Syros, 2008
ISBN 978-2-74-850688-4
247 p., 16€