Lecture en cours : « Le Monde n’existe pas »

Ethan et Clara sont de bons personnages : un bon Américain, au parcours exemplaire, se révèle le meurtrier d’une belle jeune fille à l’innocence saccagée, le tout dans une petite ville de province dont on aime imaginer la paix et la sécurité. Il s’agit maintenant de susciter la tempête des passions par la construction d’une intrigue simple, ressassée à chaque instant du jour et de la nuit, enrichie de temps en temps d’un minuscule démenti et soutenue par deux ou trois scoops qui viendront relancer la pitié et la terreur. (…)

J’ai regardé la télé, j’ai écouté la radio, j’ai lu les journaux et je suis allé sur les sites. J’ai lu, entendu, amassé des informations. J’ai été frappé par la vacuité des propos et des images, comme je l’avais été dès la première nuit devant la télé : à l’évidence, s’il fallait bien nourrir l’immense tube à déverser l’information, il n’y avait en réalité aucun fait nouveau. Dans ces cas-là, d’ordinaire, la nouvelle se tarit d’elle-même, non parce qu’elle aurait perdu en importance mais que le tube n’a pas assez de substance pour se perpétuer. C’est une sorte de ver énorme, presque hideux dans sa voracité monotone et robotique, à toute heure du jour et de la nuit. S’il est vrai que la curiosité est une des passions humaines, le ver en est l’exact opposé : il n’est pas là pour renseigner mais pour se régénérer dans le mouvement infini de sa dévoration. Sur les plateaux se sont succédé sociologues, psychiatres, criminologues, bavards, les bouches à tout faire du ver universel. Maquillés, rajeunis, bien habillés, la parole confiante et assurée, contents d’eux-mêmes, ils n’ont rien dit : ils ont nourri le ver. (…)

Même le Président des États-Unis a écrit un tweet : « Pitié et miséricorde pour Clara Montes, fureur et châtiment pour le meurtrier qui souille notre communauté. »
Et aussitôt le tweet a été commenté par des millions d’autres tweets, analysé à la radio et à la télé, répercuté par l’immense et folle caisse de résonance du monde. L’épuisante société du bavardage. »

humbert monde

 

Le Monde n’existe pas
Fabrice Humbert
Éditions Gallimard, 2020

Chronique à suivre de cette lecture stimulante

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9 Réponses

  1. je ne sais plus

    Quel plaisir que de retrouver un cannibale aux dents affutées. Je m’en réjouis d’avance.

    A bientôt.

    19 janvier 2020 à 20:56

  2. Coucou ! Tiens, c’est bizarre, je suis toujours abonnée à ton blog et pourtant, je ne reçois plus les notifications lorsque tu publies un article… WP ferait-il de l’ostracisme cannibalesque ?? :lol:

    Cela mérite une enquête approfondie mais pas ce soir, car c’est dodo et pas demain, car c’est boulot…. Monde ingrat :D

    19 janvier 2020 à 22:35

    • Ah, oui, étrange ! Peut-être parce que je n’avais pas publié depuis plus d’un an ?
      Bon, je sais qu’entre Cannibales, on se serre les coudes, je ne suis pas inquiet du coup ;-)

      20 janvier 2020 à 10:10

      • Ben il suffisait que je pousse une gueulante envers WP pour que je te retrouve dans mon fil… Une malédiction ? Un complot ? De la sorcellerie ? En tout cas, j’ai foutu la trouille aux lutins de WP… :P

        Mais sans doute que le fait que tu n’aies plus publié depuis autant de temps a sans doute fait que les lutins se sont endormis… :)

        20 janvier 2020 à 21:48

      • Sûrement ! Pfff, de toute façon, les lutins, c’est comme les fonctionnaires, tous des feignants !!!
        (Attention, deuxième degré intégré à cette remarque… (Je ne précise pas pour toi, Camarade Belette, je sais que tu l’auras saisi, toi ;-) )

        20 janvier 2020 à 22:38

      • Il est dommageable que nous devions préciser maintenant que nous plaisantons… Que ce que nous disons dans la chronique est ce que pense un personnage…

        Putain, plus personne n’a de second, de troisième, de 36ème degré ?? Heureusement que mes abonnés ont le sens de l’humour et ne se choquent pas vite.

        C’est souvent le fait d’un couillon qui passait devait, qui a vu de la lumière, qui a poussé la porte et qui a joué sa vierge effarouchée :lol:

        Les lutins WP sont des fonctionnaires qui ne fonctionnent plus :lol:

        23 janvier 2020 à 21:20

      • Depuis le temps, tes abonnés te connaissent. S’ils n’appréciaient pas le trente-sixième degré, ils ne viendraient pas chez toi (et ce serait dommage pour eux !)
        Mais c’est vrai, j’ai tendance parfois à me montrer plus prudent que je ne le devrais… alors même que, sincèrement, je me fous globalement de l’opinion de ceux qui pensent que leur avis est plus important que celui des autres.
        Mais enfin, il faut faire avec, c’est notre époque…

        29 janvier 2020 à 16:28

      • Les habitués, ils me connaissent, ils s’attendent tous et toutes à mon traditionnel « tiens, ça me rappelle une blague, ça » mais de temps en temps, tu en as des qui n’ont jamais moufté et là, subitement, en lisant mal, de travers, en sautant des mots, en lisant ce qu’ils veulent lire, ils se choquent, s’insurgent, marquent leur mécontentement et claquent la porte avant même que tu aies pu répondre qu’ils ont mal lu, mal compris, que tu parlais de ce que les personnages pensaient et que ce n’est pas le reflet de ta pensée, bordel de cul.

        Ces personnes-là, je les emmerde aussi et s’ils vont aussi vite que je les emmerde, ils seront en avance sur l’horaire ! :lol:

        Les vierges effarouchées, on passe son chemin :p

        29 janvier 2020 à 22:50

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