Dernière donne, de Jean-Michel Guenassia
Signé Bookfalo Kill
En 1986, les éditions Liana Levi (qui ont souvent du flair, notamment en polar) faisaient paraître Pour cent millions, le premier roman de Jean-Michel Guenassia. Couronné par le prix Michel-Lebrun, distinction prestigieuse pour un auteur de roman policier, l’apprenti écrivain avait pourtant disparu ensuite de la circulation littéraire pour se consacrer discrètement au cinéma et au théâtre – avant de réapparaître en 2009, à 59 ans, avec le Club des incorrigibles optimistes, énorme fresque publiée par les éditions Albin Michel, couronnée par le Prix Goncourt des Lycéens et par un large succès public.
Sans doute motivées par les excellents chiffres de vente en poche du club… puis du roman suivant de Guenassia, La Vie rêvée d’Ernesto G., les éditions Livre de Poche font opportunément reparaître ce premier opus. Et, ma foi, toute considération commerciale mise à part, c’est plutôt une bonne idée, car ce polar désormais intitulé Dernière donne, apparemment retravaillé par son auteur, est une belle mécanique de suspense, à peine fragilisée par quelques dialogues un peu trop naïfs – infime faiblesse de jeunesse, guère préjudiciable à l’ensemble.
L’histoire en quelques mots : d’un côté, Baptiste Dupré, jeune avocat brillant, heureux marié et redoutable joueur – à tel point qu’il applique à toute sa vie le goût du risque et la science du bluff qu’il maîtrise à la perfection lorsqu’il s’assied à une table de poker. De l’autre côté, Pierre Delaunay, héritier des boîtes de nuit de son père et piégé par un associé filou, à tel point qu’il se retrouve en prison, accusé de forfaits allant de malversations financières à une complicité de meurtre.
Entre les deux, Moreno, ami indéfectible de Delaunay, qui rencontre Dupré lorsque celui-ci se présente au cercle de jeu huppé qu’il dirige. Frappé par la ressemblance physique entre les deux hommes, Moreno imagine alors un plan diabolique pour tenter de prouver l’innocence de son ami…
Au fil de premiers longs chapitres, Guenassia campe ses personnages à la perfection. Caractère, habitudes, mentalité, relations, il dessine autour ses protagonistes une toile serrée, dont les fils reliés presque sans que l’on s’en aperçoive nouent les drames inattendus qui éclatent dans un final machiavélique.
Stylistiquement, la première partie, davantage tournée vers la psychologie des personnages, est beaucoup plus maîtrisée, alors que la seconde souffre parfois de ces dialogues approximatifs évoqués plus haut, ou d’un abus de monologues intérieurs guère plus réussis ; comme si le romancier avait cherché des expédients narratifs pour accélérer le dénouement, par ailleurs remarquable et intraitable.
En dépit de ses petits défauts, Dernière donne est un premier roman d’une maîtrise remarquable, habile et prenant de bout en bout, grâce à ses personnages très aboutis et une écriture agréable et fluide. Un polar assez classique dans sa trame, mais vraiment réussi. Bonne pioche !
Dernière donne, de Jean-Michel Guenassia
Éditions Albin Michel / Livre de Poche, 2014
(1e édition : Liana Levi, 1986)
ISBN 978-2-253-00460-8
187 p., 6,10€
J’avais beaucoup aimé « Le club des incorrigibles optimistes ». Mais j’avoue que celui-ci ne me tente pas.
16 juin 2014 à 09:05
En même temps, il est très différent, il vaut peut-être mieux que tu restes sur ta bonne impression du « Club ».
16 juin 2014 à 21:27
Encore un inconnu !! Mais j’en ai tellement à lire que je ne vais pas le noter… :(
16 juin 2014 à 20:40
Ah, triste sort que celui de nous autres, lecteurs compulsifs, incapables de faire baisser nos PAL de manière significative ! :-D
Ce n’est pas non plus le polar de l’année, loin s’en faut, tu ne rates pas l’immanquable ;-)
16 juin 2014 à 21:29
Ouf, j’ai eu peur, déjà que je n’arrive pas à faire diminuer ma foutue PAL, hormis en y foutant le feu, mais ce serait un crime de lèse-majesté !! ;)
16 juin 2014 à 22:34
Ah non, ça, c’est interdit !!! Mieux vaut être fort, comme tu l’es, et ne pas l’alimenter inutilement, c’est beaucoup mieux comme ça.
Bonne(s) lecture(s) alors !
17 juin 2014 à 10:22
Je vais rester forte et courageuse et m’attaquer à bras-raccourcis à cette maudite PAL !!!
La potion magique peut-elle m’aider ?? ;)
17 juin 2014 à 12:29
Si tu étais Hermione, tu n’aurais pas besoin de potion magique, tu aurais déjà tout lu depuis longtemps :D
J’aimerais bien savoir comment elle faisait, d’ailleurs… Ca pourrait servir !
18 juin 2014 à 08:23
Et le retourneur de temps de Harry !! Pas mal non plus ce truc… c’est vrai que Hermione avait lu toute la biblio de Poudlard et que je l’enviais pour cela !! :D
18 juin 2014 à 16:59