Dans les brumes de Capelans, d’Olivier Norek
Une île de l’Atlantique, battue par les vents, le brouillard et la neige.
Un flic qui a disparu depuis six ans et dont les nouvelles missions sont classées secret défense.
Sa résidence surveillée, forteresse imprenable protégée par des vitres pare-balles.
La jeune femme qu’il y garde enfermée… Et le monstre qui les traque.
Dans les brumes de Capelans, la nouvelle aventure du capitaine Coste se fera à l’aveugle.
Michel Lafon a dégainé le bon résumé qui claque pour le nouveau Norek. Il faut dire que sa superstar du polar n’a pas besoin de beaucoup d’arguments pour emporter l’adhésion de milliers de lecteurs totalement dévoués à sa cause depuis son apparition fracassante sur la scène du genre il y a neuf ans, marquant l’entrée en scène de son capitaine Coste devenu en trois romans (Code 93, Territoires et Surtensions) le héros emblématique de son créateur.
L’ancien policier a ensuite démontré sa capacité à prendre des risques et à varier son style avec le formidable Entre deux mondes, le percutant Impact et le rural (moins convaincant à mon sens) Surface.
Soit, mais quid de Coste ? Qu’il ait entendu les fréquents appels de ses lecteurs à le remettre en selle ou qu’il ait simplement eu envie de renouer avec lui, Olivier Norek a finalement décidé de lui consacrer un quatrième roman. Mais pas n’importe comment. Pas à n’importe quel prix. Sans oublier ce qu’il lui a fait traverser auparavant, notamment dans Surtensions (et je n’en dirai pas plus, parce que si vous n’avez pas lu la trilogie Coste originelle, ce serait criminel).
Il a donc choisi, et c’est la grande idée de ce livre, de le délocaliser et de le reconditionner, le plus loin possible de son territoire et de ses compétences. Soit à Saint-Pierre-et-Miquelon, territoire français glacial coincé entre le Canada et le Groenland. Et dans une fonction secrète et solitaire de « peseur d’âmes », très éloignée de son boulot de terrain dans le 93.
Là encore, je préfère ne pas m’étendre, pour vous laisser découvrir le scénario concocté par Olivier Norek. Tout ce que je peux dire, c’est que le romancier a formidablement réussi son coup. On est heureux de retrouver un Victor Coste qui, par certains aspects, reste familier aux lecteurs des romans précédents, tout en ayant l’étonnante sensation de découvrir un nouveau personnage, tout entier habité par ses étranges responsabilités et les fantômes de son passé.
Ça aurait pu coincer, ça passe très bien, parce que l’auteur a pris soin de soigner la transition et d’assurer le meilleur équilibre possible sans faire basculer son protagoniste dans une schizophrénie qui aurait été hors sujet.
Ça passe d’autant mieux que l’intrigue est dans l’ensemble remarquablement menée (à l’exception d’une ou deux « tricheries » sur la chronologie, volontaires sans doute pour mieux surprendre le lecteur, mais un peu limite en terme de cohérence narrative).
Norek oscille entre son cher polar d’investigation et le thriller pur et dur, avec son tueur en série redoutable, ses surprises, ses rebondissements – dont deux twists, le premier génialement amené, le deuxième plus prévisible mais efficace tout de même.
Et aussi son atmosphère singulière, liée au cadre géographique – Saint-Pierre-et-Miquelon, dont le phénomène très particulier des brumes de Capelans assure un final spécialement stressant – et enjolivée par le travail particulièrement soigné qu’apporte le romancier à son écriture. Norek prend un peu plus de temps que d’habitude pour décrire les paysages, les décors, et ose davantage jouer avec le style, convoquant des images fortes et des dialogues bien sentis, non dénués d’humour à l’occasion.
Autant d’arguments et de points forts qui font de Dans les brumes de Capelans une nouvelle belle réussite d’Olivier Norek, à la hauteur des trois opus précédents de la série Coste tout en proposant une variation neuve sur le personnage, et qui assure une lecture totalement addictive, un suspense dont l’intensité va crescendo jusqu’à un dernier tiers inexorablement jouissif.
Je ne sais pas si la police a perdu un bon flic lorsque Norek a décidé de troquer le flingue pour le stylo, mais ce dont je suis sûr, c’est que le genre policier a gagné en France un excellent auteur, désormais incontournable. En tout cas, moi, j’en redemande !
Dans les brumes de Capelans, d’Olivier Norek
Éditions Michel Lafon, 2022
ISBN 9782749942285
400 p.
20,95 €
L’Armée d’Edward, de Christophe Agnus
0h30 (heure de New York), localisation non renseignée. Au cœur d’une « war room », des jeunes gens, les yeux rivés sur leurs écrans, organisent une opération inimaginable.
8h04, Ubatuba, Brésil Fernando Pereira de Almeida, sénateur et businessman, disparaît mystérieusement alors qu’il prend son bain de mer matinal.
11h, Jupiter International Golf Course, Floride. Le président des États-Unis se volatilise sous les yeux de ses gardes du corps et d’une foule ébahie au départ du trou n°1, comme si le sol s’était ouvert sous ses pieds…
Le même jour, vingt personnalités de premier plan – politiciens, hommes et femmes d’affaires, stars du rap ou de la télé – disparaissent subitement et de manière inexpliquée.
Qui se cache derrière ces enlèvements ? Quelles sont les revendications de cette secrète « armée d’Edward » ? Et que va-t-il advenir des disparus ?
S’il n’est pas à mes yeux « l’un des meilleurs thrillers de ces dernières années », comme l’a défendu l’ami Yvan avec beaucoup d’enthousiasme, le premier roman de Christophe Agnus revendique des partis pris originaux et une efficacité redoutable qui peuvent valoir le coup d’œil.
L’Armée d’Edward a les défauts de ses qualités. À commencer par un renversement des valeurs assez sympathique : ici, les terroristes sont les « gentils » et les forces de l’ordre les « méchants ». La formule n’est peut-être pas très généreuse, car elle laisse penser que le roman est totalement manichéen. Il l’est, à vrai dire, pour partie.
Christophe Agnus défend avec sincérité les convictions de ses « héros », dont les actes indéniablement répréhensibles visent uniquement à changer le monde, ou du tout moins à l’améliorer. Leurs enlèvements ciblent des personnalités pour lesquelles aucun lecteur normalement constitué ne peut éprouver la moindre empathie : Président des États-Unis repoussant les limites du trumpisme au point de faire passer son modèle pour une licorne, grands patrons voyous, starlettes téléréelles bouffies d’arrogance… Une belle brochette de salopards qu’on déteste d’emblée et en qui il n’y a pas grand-chose à sauver – bien qu’Agnus entreprenne une rééducation du Président dont la crédibilité laisse à désirer.
La crédibilité, parlons-en.
À la différence des vrais meilleurs thrillers géopolitiques ou technothrillers de ces dernières années (Je suis Pilgrim de Terry Hayes, les romans de DOA ou de Don Winslow, J’irai tuer pour vous de Henri Loevenbruck), L’Armée d’Edward fuit les canons de l’hyperréalisme. Agnus donne tout pour le suspense, et il balance du rythme comme une vraie mécanique, comme une pile électrique.
Le néo-romancier lorgne clairement du côté de 24 heures chrono, référence abondamment citée par les chroniqueurs, impossible de faire autrement. Les chapitres courts s’enchaînent, jour par jour, heure par heure, parfois minute par minute, sautant d’un personnage à un autre, d’un coin du globe à un autre, saucissonnant l’intrigue pour mieux la dynamiser en permanence et ne jamais relâcher la tension. C’est efficace, ça fait défiler les pages, tout en accordant un peu de place et de temps à certains personnages mieux dessinés que d’autres.
Côté style, en revanche, on repassera, ne venez pas pour ça, vous seriez déçu. Ce n’est ni mal ni bien écrit, tout repose sur la construction et le tempo, ce qui induit d’aller à l’essentiel et d’être avant tout visuel.
Il y a du fond tout de même, une volonté de défendre des idées, et d’aborder des sujets d’actualité qui ne sont pas dans l’air du temps par hasard. Écologie, dépendance aux nouvelles technologies, dérives des politiques et des puissants : autant de questionnements qui taraudent la plupart des démocraties modernes, irritent leurs populations, et que l’on aimerait bien voir résolus comme dans le livre, façon Robin des Bois shooté au Jack Bauer.
Car c’est ainsi que se démarque L’Armée d’Edward : en propos libérateur, en soupape de sécurité pour le lecteur épuisé par tant d’inégalités et d’injustices, et qui pourra trouver dans cette fiction un soulagement, un dérivatif improbable mais dont le naïf optimisme donne envie d’y croire, ne serait-ce qu’un peu.
Et c’est déjà pas mal.
L’Armée d’Edward, de Christophe Agnus
Éditions Robert Laffont, 2022
ISBN 9782221259085
514 p.
20 €
À première vue : la rentrée Gallmeister 2021
Intérêt global :
Lors de la rentrée 2020, les éditions Gallmeister avaient tout balayé sur leur passage avec le phénomène Betty, l’une de ces révélations portées autant par la presse que par les libraires et un bouche-à-oreille démentiel, dont la maison a le secret.
Depuis, Gallmeister a élargi son célèbre catalogue jusqu’alors exclusivement anglo-saxon à d’autres langues et d’autres nationalités, tout en s’efforçant de suivre sa ligne éditoriale, où la nature joue souvent une place prépondérante. Ce qui nous vaut cette année, en plus des trois habituels titres américains, une nouvelle plume allemande.
Si le programme 2021 semble dépourvu d’une pépite aussi affolante que Betty (en même temps, un miracle pareil ne saurait se reproduire tous les ans, cela finirait par devenir suspect !), il faudra tout de même garder un œil sur le premier de la liste ci-dessous, qui a ses propres arguments à faire valoir.
True Story, de Kate Reed Petty (lu)
(traduit de l’américain par Jacques Mailhos)

Talentueuse mais solitaire, Alice Lovett prête sa plume pour écrire les histoires des autres. Pourtant elle reste hantée par la seule histoire qui lui échappe : sa propre vie. Une simple rumeur, lancée en ce lointain été 1999 par deux ados éméchés, a embrasé en un rien de temps toute la communauté. Que s’est-il réellement passé sur la banquette arrière de cette voiture alors que les garçons ramenaient Alice, ivre et endormie, chez elle ? Accusations, rejets, déni, faux-semblants… la réalité de chaque protagoniste vacille et reste marquée à tout jamais.
Pour raconter cette histoire où fiction et réalité se cognent violemment, Kate Reed Petty choisit de varier à l’envi (mais sans excès) formes et genres littéraires, alternant entre roman de campus, thriller psychologique et récit horrifique, entre narration classique, échanges de lettres ou scénarios.
Si cette créativité formelle peut faire penser à Marisha Pessl (Intérieur nuit – une comparaison évidemment flatteuse pour moi), elle permet à l’auteure de traiter avec subtilité du thème de la rumeur et de ses conséquences sur la vie de ceux qui en ont été victimes, acteurs ou témoins.
Par ailleurs, True Story s’avère une lecture hyper addictive, un page-turner doté d’une vraie force littéraire. Grâce à cet excellent livre, Gallmeister a encore une fois de quoi marquer la rentrée américaine de son empreinte.
Les dents de lait, de Helene Bukowski
(traduit de l’allemand par Sarah Raquillet et Elisa Crabeil)

Si son patronyme évoque un célèbre auteur américain, Helene Bukowski est pourtant allemande, et fait donc son entrée dans le catalogue élargi de Gallmeister avec son premier roman aux airs de dystopie.
Edith et sa fille Skalde vivent dans un village qui, après avoir fait sauter le dernier pont qui le reliait au reste du monde, reste désormais en autarcie, espérant ainsi se prémunir de l’effondrement annoncé de la civilisation.
Un jour, pourtant, Skalde découvre une fillette rousse inconnue dans une clairière et, contre toute prudence, la ramène chez elle.
L’adolescente et sa mère n’étant déjà pas en odeur de sainteté dans le village, il est à craindre que l’heure de la chasse aux sorcières ait sonné..
La Cité des marges, de William Boyle
(traduit de l’américain par Simon Baril)

Après avoir été le numéro 1000 de la collection Rivages/Noir avec Gravesend, son premier roman, William Boyle a rejoint l’écurie Gallmeister, chez qui il publie son quatrième titre de rang.
Un roman noir ancré à Brooklyn, comme les précédents, dans lequel Donnie Parascandolo, un flic corrompu, fait le sale boulot pour un truand local. Parfois, le sale boulot ne se passe pas très bien, comme avec ce type qui, finalement, ne savait pas nager – mais ce n’est pas le genre de choses qui empêche Donnie de dormir.
Pourtant, des années plus tard, un gamin que Donnie avait tabassé découvre une vérité troublante qui l’amène à changer de vie.
Le Cercueil de Job, de Lance Weller
(traduit de l’américain par François Happe)

Alors que la Guerre de Sécession fait rage, Bell Hood, jeune esclave noire en fuite, espère gagner le Nord en s’orientant grâce aux étoiles. Le périple vers la liberté est dangereux, entre chasseurs d’esclaves, militaires des deux armées et autres fugitifs affamés qui croisent sa route.
Jeremiah Hoke, quant à lui, participe à l’horrible bataille de Shiloh dans les rangs confédérés, plus par hasard que par conviction. Il en sort mutilé et entame un parcours d’errance, à la recherche d’une improbable rédemption pour les crimes dont il a été le témoin.
Deux destinées qui se révèlent liées par un drame originel commun, emblématique d’une Amérique en tumulte.
BILAN
Déjà lu :
True Story, de Kate Reed Petty
Lecture probable :
Les dents de lait, de Helene Bukowski
L’Ange rouge, de François Médéline


Éditions La Manufacture de Livres, 2020
ISBN 9782358876964
512 p.
20,90 €
À la nuit tombée, un radeau entre dans Lyon porté par les eaux noires de la Saône. Sur l’embarcation, des torches enflammées, une croix de bois, un corps mutilé et orné d’un délicat dessin d’orchidée.
Le crucifié de la Sâone, macabre et fantasmatique mise en scène, devient le défi du commandant Alain Dubak et de son équipe de la police criminelle. Six enquêteurs face à l’affaire la plus spectaculaire qu’ait connu la ville, soumis à l’excitation des médias, acculés par leur hiérarchie à trouver des réponses. Vite.
S’engage alors une course contre la montre pour stopper un tueur qui les contraindra à aller à l’encontre de toutes les règles et de leurs convictions les plus profondes.
Quand je lis ici et là qu’on compare François Médéline à James Ellroy ou Dennis Lehane, je tombe des nues. Surtout le deuxième, dont j’adule la finesse, l’intelligence, la maîtrise des personnages et le style puissant – autant de qualités absentes de L’Ange rouge.
Je n’en attendais pas moins avant de commencer ma lecture, mais j’en espérais un peu plus. Surtout que le roman se déroule à Lyon, mon chez-moi depuis cinq ans.
Espoirs déçus.
The French Connection
L’Ange rouge, c’est le fantasme du polar à la française, largement daubé par trop de visionnages de films plus ou moins merdiques. Ça pue l’inspiration mal digérée, le recyclage sans génie.
Le flic solitaire bien qu’il dirige une équipe (dont tous les membres sont aussi déglingués que lui, ça va de soi). Ancien cocaïnomane, toujours sur le fil. Méthodes de voyou, aucun respect pour les procédures, intellect douteux, hanté par le souvenir de son ex et le cerveau perpétuellement tiraillé par le sexe.
Apparemment, selon Médéline en tout cas, pour faire viril, faut coller des « pédés » et des « fellations » partout. C’est un genre. Pas le mien.
On est quelque part entre Jean Reno, Olivier Marchal et Gérard Lanvin. La part mélancolique du premier, le désespoir ombrageux du deuxième et la classe animale du troisième en moins.
Et vas-y que je balance des clichés à tour de bras. Les flics vulgaires et bas du front, qui voient des « homos » partout (et dans leur bouche, ça sonne tout de suite suspect, limite dérangeant).
On sort à la campagne, c’est forcément pour tomber sur des fins de race limite consanguins, qui t’accueillent à coups de fusil quand ils ne bavent pas à chaque mot qu’ils éructent.
Au chapitre 12, l’irruption d’une psychiatre remet soudain tout d’aplomb – pour mieux mitrailler de nouveaux poncifs à peine plus relevés que les précédents.
On découvre le profil d’un tueur en série tellement vu et revu que même les scénaristes hollywoodiens en mal d’inspiration refuseraient de s’abaisser à un truc pareil – même pour ébaucher une fausse piste. Et on ajoute des symboles religieux bien lourdingues, déjà vus déjà lus qui plus est.
Bon, je me dis qu’on est seulement dans le premier tiers du bouquin.
Et ça s’arrange, après ?
Pas vraiment. Disons qu’on s’habitue. On renonce au réalisme, à la logique, à la cohérence, et on se laisse porter par les pulsions auto-destructrices des protagonistes, en espérant trouver un peu de sens au bout du chemin.
Ellroy pour les nuls
Pour faire polar, Médéline recourt au style élusif. Phrases très courtes, grammaire minimaliste, reprises martelées des pronoms personnels (« elle fait ci. Elle dit ça. Elle sort. Elle revient. »)
Ça peut faire écriture, à condition d’avoir le sens du rythme. Médéline en manque. Au lieu d’être percutant, c’est lancinant, limite chiant. Au moins c’est rapide à lire. Mais pour le plaisir du verbe, on repassera.
Sans parler des tics, des expressions reprises jusqu’à écœurement (« j’ai calibré » pour dire « j’ai regardé » ou « j’ai jaugé », je n’en pouvais plus de lire cette phrase !) Et des répétitions qui, là encore, sont censées faire style, mais qui ne sont que de vagues copies sans âme de tournures et de choix lus chez d’autres.
Ellroy sait faire ça, oui. Ou, chez nous, Jérôme Leroy, par exemple. Ici, ça sonne faux, fabriqué.
Des raisons d’espérer ?
Du côté positif, je retiendrai tout de même la manière dont Médéline assume jusqu’au bout la spirale sombre de son histoire, lui offrant un dénouement violent et explosif, et un final tout en contraste émotionnel, assez réussi.
Je retiendrai également le formidable personnage de Mamy, capitaine et bras droit de Dubak, grande carcasse qui se goinfre de sucreries et est capable de passer de l’inertie totale à la brutalité la plus sauvage en une seconde. Pour reprendre le petit jeu de la comparaison avec les comédiens, l’ombre de Corinne Masiero n’est pas loin, et ça fait du bien.
À souligner aussi, l’excellente utilisation du paysage urbain, de son décor et de son histoire. Jusqu’à présent, Lyon n’avait pas de représentant digne de ce nom parmi les plumes de polar – à la manière d’un Izzo pour Marseille, Léo Malet ou Simenon pour Paris. De sacrées références, auxquelles je ne me risquerais pas à comparer François Médéline, vous l’aurez compris.
Néanmoins, en tant qu’auteur du cru, il se lance avec L’Ange rouge dans une série littéraire dont Lyon devrait être l’héroïne récurrente, et c’est une belle pierre à placer dans son jardin.
Étant donné mes souffrances à la lecture de ce roman, je ne suis pas sûr d’être au rendez-vous du suivant. Pas mon style, pas mon trip.
Néanmoins, je suis peut-être passé à côté de quelque chose, car L’Ange rouge a ses fervents supporters. Pour vous faire une idée, je vous invite donc à parcourir les avis élogieux des blogueurs ci-dessous… et de vous faire votre propre opinion en le lisant !
J’irai tuer pour vous
1985, Paris est frappé par des attentats comme le pays en a rarement connu.
Dans ce contexte, Marc Masson, un déserteur parti à l’aventure en Amérique du Sud, est soudain rattrapé par la France. Recruté par la DGSE, il est officiellement agent externe mais, officieusement, il va devenir assassin pour le compte de l’État.
Alors que tous les Services sont mobilisés sur le dossier libanais, les avancées les plus sensibles sont parfois entre les mains d’une seule personne… Jusqu’à quel point ces serviteurs, qui endossent seuls la face obscure de la raison d’État, sont-ils prêts à se dévouer ? Et jusqu’à quel point la République est-elle prête à les défendre ?
En un mot :
létal
Je vous ai laissé dernièrement sur la petite déception causée par Le Loup des Cordeliers, le dernier roman en date d’Henri Loevenbruck. Il me semble donc indispensable de rééquilibrer la balance en évoquant son livre précédent, J’irai tuer pour vous. Peut-être son meilleur à ce jour, pour moi ; en tout cas, c’est sûrement mon préféré du romancier.
Si je devais marquer la partition de J’irai tuer pour vous d’un léger bémol, ce serait en raison de son titre, qui peut paraître soit facile, soit voyeur, soit un peu putassier dans le genre Michel Bussi. À première vue en tout cas. Ce titre, pourtant, a le mérite de résumer parfaitement le propos du livre : c’est l’histoire d’un homme qui va apprendre à tuer pour nous. Oui, nous, le peuple de France. Nous, les citoyens aux vies ordinaires, loin des arcanes complexes de la politique, inconscients des enjeux monumentaux auxquels sont parfois confrontés les tenants du pouvoir, et surtout leurs serviteurs de l’ombre.
J’irai tuer pour vous, c’est donc l’histoire d’un de ces hommes d’action, bras armés de l’État qui ne sont tout simplement pas censés exister. C’est surtout une histoire vraie. Marc Masson a véritablement existé, et vécu cette vie invraisemblable que nous rapporte Henri Loevenbruck avec une empathie et une profondeur qui invitent à admirer cet homme, pour son courage, sa capacité à agir, mais également pour sa capacité à s’interroger sur le sens de sa mission, ou encore ses zones d’ombre et fêlures, nombreuses – il en faut pour accepter de vivre une existence pareille.
Si Loevenbruck rend aussi bien justice à Marc Masson (dont ce n’est évidemment pas le véritable nom), c’est qu’il l’a connu. Il fut l’un de ses amis, avant même de connaître ce pan caché de sa vie. C’est donc avec sincérité qu’il s’empare de son parcours, et avec un luxe de détails et d’informations qu’il nous propose de plonger dans les méandres des années 1985-88. Les otages français au Liban, la guerre, les attentats en France, les manœuvres politiques insensées, la cohabitation Mitterrand-Chirac : tout y est, et plus encore.
Les acteurs réels de l’époque y jouent leur propre rôle avec conviction. Les politiques redoublent de rouerie, n’oubliant jamais leurs propres intérêts – dans ce registre, Charles Pasqua est évidemment inimitable ; personnage romanesque dans la vie, il adopte avec naturel son habit de fiction sous la plume d’un Loevenbruck qui a dû
se régaler avec un tel caractère. Plus risqué, le romancier se glisse également au côté des otages : Jean-Paul Kauffmann, Marcel Carton, Marcel Fontaine, Michel Seurat, puis l’équipe d’Antenne 2 (Philippe Rochot, Jean-Louis Normandin, Georges Hansen et Aurel Cornéa). Avec dignité et empathie, il donne à voir leur quotidien, fait résonner leurs angoisses, leurs interrogations, leurs espoirs aussi. Sans jamais aucune fausse note.
On sent que son expérience a permis à Henri Loevenbruck de maîtriser à la perfection cette histoire complexe, et de s’y investir corps et âme. Formellement, J’irai tuer pour vous est un thriller implacable, enchaînement de chapitres courts qui varient les points de vue, passant de Marc Masson – colonne vertébrale du récit – à la sphère politique ou au cachot des otages avec une fluidité éblouissante. Surtout, le roman vibre de justesse, et joue d’une vaste gamme d’émotions en évitant les pièges du pathos, du jugement politique ou du manichéisme.
Grand polar politique et humain, qui brise les frontières du genre en s’emparant du monde dans toute sa complexité, J’irai tuer pour vous est l’un des thrillers français incontournables de ces dernières années. Il est paru en poche en fin d’année dernière : raison de plus pour ne pas le manquer.
Nombreux ont été ceux qui ont dit tout le bien qu’ils pensaient de ce roman formidable ! En vrac : Émotions – Blog Littéraire de l’ami Yvan, Livres à profusion, Mon féérique blog littéraire de Stelphique, Un bouquin sinon rien…
L’Appât

Meurtre sensationnel à New York : un cadavre atrocement mutilé est suspendu entre les piles du pont de Brooklyn.
Plus incroyable encore, le corps de son meurtrier gît à ses pieds.
Sur le corps de la victime, un mot : « APPÂT ».
Sur le corps du meurtrier, un mot : « MARIONNETTE ».
Un dernier détail, et non des moindres : la victime s’appelle William Fawkes.
Il n’en faut pas plus aux agents du F.B.I. Eliot Curtis et Damien Rouche, chargés de l’enquête, pour prendre contact avec Emily Baxter, devenue inspectrice principale à New Scotland Yard après l’affaire Ragdoll.
Et découvrir que tout ceci n’est que le début d’une nouvelle longue série…
Comme je le disais dans mon article précédent, L’Appât est la suite directe de Ragdoll. Les deux romans sont étroitement liés, interdépendants, tout comme l’est le troisième, Les Loups. Impossible donc de ne pas avoir lu le premier opus, auquel sont faits de nombreux renvois, avant d’attaquer celui-ci.
Ceci mis à part, encore une fois, quel pied !
Pourtant, je m’attendais à être déçu, ou au moins pas convaincu par cette suite. Avoir adoré Ragdoll m’avait tant surpris que j’imaginais mal reprendre un plaisir similaire. Pour moi, aimer Ragdoll était une aberration personnelle, étant donné le mal que j’ai maintenant à apprécier les thrillers purs et durs.
Mais quand c’est bien fait, comment résister ? C’est exactement le petit miracle que Daniel Cole est parvenu à reproduire avec L’Appât. Le scénario est pourtant encore plus aberrant que celui de Ragdoll, le tempo encore plus échevelé, l’esprit criminel à la manœuvre encore plus dingue – à un point, évidemment, où l’on quitte allègrement les rives du vraisemblable en plusieurs moments du roman.
Hé bien, malgré cette restriction qui aurait dû constituer un défaut majeur pour moi, je crois que j’ai encore plus aimé L’Appât que Ragdoll. Aberrant, je vous dis !
Mais Daniel Cole est follement doué, tout simplement. Maître du rythme, distillateur de rebondissements insoutenables, concepteur de scènes hallucinantes, extrêmement visuelles, le jeune romancier m’a baladé dans tous les coins de son intrigue sans que je trouve seulement le temps de me poser pour protester.
Du côté des personnages, William Fawkes ayant disparu de la circulation depuis la fin de Ragdoll, j’ai aimé suivre la redoutable Emily Baxter en première ligne, ambivalente, parfois exaspérante, et pourtant follement attachante. Edmunds, toujours aussi juste, mériterait davantage d’espace. Quant aux petits nouveaux, notamment les Américains, ils apportent leur mélodie personnelle sans fausse note – avec une mention spéciale pour Damien Rouche, dont le côté décalé et lunaire apporte un contrepoint efficace à Baxter.
Bref, j’ai encore couru comme un lapin, j’ai adoré ça, et je persiste à recommander l’ami Daniel Cole avec le plus grand enthousiasme. En attendant de lire Les Loups, dont je n’ai fait que commencer les premières pages par manque de temps jusqu’à présent… Verdict final dans quelque temps, donc !
Ragdoll

Un cadavre, six morts.
Non content d’avoir assassiné six personnes non identifiées, un psychopathe particulièrement allumé s’est donné la peine de coudre ensemble différentes parties de leurs corps pour n’en former qu’un seul. Une macabre poupée de chair qu’il a ensuite suspendue derrière la baie vitrée d’un appartement, le doigt tendu vers l’immeuble d’en face.
Ou, pour être plus précis, vers l’appartement de l’inspecteur William « Wolf » Fawkes.
« Wolf » n’en demandait pas tant. Il reprend tout juste du service au Metropolitan Police Service de Londres, après avoir sévèrement pété les plombs quelques mois plus tôt à la fin d’une autre affaire effroyable, craquage en règle qui lui a valu un bref enfermement en hôpital psychiatrique. Autant dire qu’il n’avait pas besoin de replonger aussi vite dans le sordide intégral.
Et encore moins besoin que le tueur, fin manipulateur, envoie à son ex-femme, journaliste de son état, une liste de six noms escortés de six dates annonçant le jour de leur mort. Surtout qu’il connaît très bien le dernier nom de la liste.
C’est le sien…
Je serais tenté de m’exclamer « Quelle tuerie ! » au sujet de ce premier roman spectaculaire, mais étant donné le nombre de cadavres qui s’y accumulent, j’ai peur de tomber dans la mauvaise blague.
Néanmoins, cela faisait longtemps qu’un thriller ne m’avait pas embarqué avec autant de conviction, d’énergie et de savoir-faire. Pourtant, le résumé pourrait effrayer. Pas parce que l’histoire fait peur, mais parce que cette accumulation de violence, de folie et de vice semble un poil exagérée.
De fait, elle l’est. Ragdoll n’est pas le genre de polar que l’on lit pour son réalisme. C’est un thriller « hénaurme », conçu pour être haletant, inlâchable, étourdissant. Plus c’est dingue, mieux c’est. Il faut garder en tête cette règle du jeu – parce que c’est un jeu, un jeu littéraire – et l’accepter sans condition, sous peine de ne pas adhérer à la mécanique du livre.
La comparaison avec le film Seven, de David Fincher, est un peu facile ; je me dois pourtant de la faire, car Ragdoll chasse sur ces terres-là. Atmosphère lourde, crimes terrifiants, esprit criminel virtuose, indices et fausses pistes se mêlant à l’envi, flics tenaces : tous les ingrédients sont réunis. Et drôlement bien agencés, au rythme d’un thriller qui ne laisse aucun répit au lecteur, tout en le soulageant grâce à une savante distillation d’humour (souvent noir), et à des personnages formidablement campés.
Autour de Wolf, archétype de flic fracassé de partout, forcément divorcé, les acteurs de ce drame sous haute tension ont le temps de creuser leur sillon. De Baxter, l’adjointe bravache et douée, à Edmunds, l’intello parachuté à la Criminelle, en passant par Andrea, la fameuse ex journaliste de Wolf, tous ont de l’épaisseur, et donnent envie de les suivre. Règle sine qua non de ce genre de livre : si on ne croit pas aux personnages, à leur humanité, tout le reste devient ridicule. Ce sont eux qui composent l’architecture invisible du thriller. Eux, qui nous font accepter l’improbable, et suivre l’enquête jusqu’au bout sans tergiverser.
En fait de comparaison, tiens, j’y pense : on pourrait plutôt citer l’excellente série de la BBC Luther (au moins les deux premières saisons), qui se rapproche plus encore de Ragdoll que Seven. Le Luther incarné par Idriss Elba constituerait une équipe de choc (mais totalement ingérable) avec Wolf. Et Londres, dans la série comme dans le roman, s’avère un formidable terrain de jeu (hé oui, le jeu, encore) pour un thriller à l’ambiance crépusculaire.
Seul petit bémol, si l’on doit en mentionner un : la fin de Ragdoll annonce une suite, car c’est ainsi, en trilogie, que Daniel Cole a conçu son œuvre. Pour ne pas finir frustré, il faut donc se ruer sur L’Appât puis sur Les Loups, deuxième et troisième volets de cette histoire.
Évidemment, on en recause très vite.
Une douce lueur de malveillance, de Dan Chaon

Le choix du titre figure parmi les étapes les plus importantes et les plus délicates dans l’écriture d’un livre. Parfois il peine à se dégager, à sortir du lot ou à épouser le contenu du récit. En d’autres occasions il s’impose en toute évidence. C’est le cas pour le nouveau roman de Dan Chaon, que ce soit en anglais (Ill Will, qui signifie à la fois « mauvaise volonté » et, dans un emploi plus rare, « malveillance ») ou en français, où il exprime à merveille, par son oxymore subtil, le caractère insidieux, presque délicat, du mal tel qu’il est cerné par l’écrivain américain.
Nous voici avec Dustin Tillman, psychologue de son état du côté de Cleveland. Un métier qui devrait assurer une certaine assise au monsieur – mais que nenni. D’abord parce que Dustin a vécu dans son enfance l’un des drames les plus terribles qui soient : alors qu’il avait treize ans, il a découvert un matin d’été les cadavres de ses parents et de ses oncle et tante, massacrés dans leur maison pendant la nuit alors que lui-même et ses cousines adolescentes dormaient dans une caravane dans le jardin. Le genre de bagage mental qui reste lourd à porter durant toute sa vie, surtout quand on a accusé Rusty, son frère adoptif, du quadruple meurtre.
Trente ans ont passé et Dustin semble pourtant bien dans ses baskets. Marié à une femme qu’il adore, deux garçons grands ados qui mènent leur vie tranquillement, et un métier qui le passionne. Sauf qu’un jour, Kate, la cousine de Dustin, l’appelle pour lui apprendre que Rusty va sortir de prison. Innocenté par des tests ADN – la technologie d’aujourd’hui permet enfin de pallier la fragilité des seuls témoignages fournis alors par trois adolescents traumatisés.
Premier ébranlement. Que va faire Rusty ? Chercher à se venger ? Et si oui, quand ?
Dans le même temps, Dustin se laisse peu à peu contaminer par la force de conviction d’un de ses patients, Aqil, un policier suspendu de ses fonctions pour une raison qu’il ignore. Aqil prétend qu’un tueur en série particulièrement retors sévit en Ohio depuis des années, visant des étudiants ivres à la sortie des bars pour les kidnapper, leur faire subir Dieu sait quoi avant de les jeter dans la rivière la plus proche pour simuler une mort accidentelle par noyade. Si le propos de l’ancien policier semble d’abord l’œuvre d’un homme perturbé, son approche obsessionnelle des faits finit par intriguer Dustin, qui se lance dans une enquête nébuleuse avec son patient…
Ce résumé est très long, je m’en excuse. Il ne contient pourtant que les éléments de compréhension initiaux, essentiels à la mise en place de ce gros roman, dense, touffu, et terriblement envoûtant. D’emblée, en quelques chapitres percutants dont la brièveté harponne le lecteur, Dan Chaon campe le décor bleu nuit d’un drame à plusieurs strates qui va nous entraîner très loin dans la pénombre des âmes et des secrets morbides que recèlent les êtres humains.
Conçu comme un thriller, avec une montée en tension implacable, Une douce lueur de malveillance ne s’appuie sur une succession de faits remarquablement enchaînés que pour mieux plonger dans la psyché torturé de personnages qui ont tous quelque chose à cacher, à avouer ou à se faire pardonner ; tous, un poids terrible qui les entraîne par le fond pour les étouffer et les noyer dans leur malveillance ou dans celle des autres, même quand ils essaient de bien faire.
Multipliant les allers et retours dans le temps, les enchâssements vertigineux, les points de vue aussi, le roman s’appuie en outre sur un travail formel tout aussi insidieux que son propos pour perturber son lecteur. Dan Chaon glisse çà et là des blancs dans le texte, des espaces plus ou moins longs, escamote des mots, inachève des phrases. Une manière d’exprimer le chaos qui s’empare peu à peu de ses personnages, la difficulté qu’ils éprouvent à affronter leurs peurs, leurs inquiétudes ou leurs tourments, en étant incapables de les verbaliser.
Plus fort encore, le texte se scinde parfois, se fragmente en deux, trois, quatre colonnes simultanées. Les propos alors se percutent, se renvoient des échos troublants, mêlent plusieurs réflexions en formalisant le brouillard d’esprits incapables d’affronter de face ce qui les menace.
On pourrait croire que lire un roman aussi tordu pourrait constituer une épreuve. En dépit de sa dureté, de la douleur qui en irradie, il n’en est rien. Dan Chaon fait briller sa douce lueur de malveillance de mille feux fascinants, captant son lecteur pour ne le relâcher qu’à la fin, secoué mais conquis par ce voyage en eaux troubles qui, au bout du compte, pose autant de questions que de réponses.
Un grand roman américain qui sort du lot par son ambition formelle, son exigence et l’étendue de son propos. Pour moi, une révélation.
Une douce lueur de malveillance, de Dan Chaon
(Ill Will, traduit de l’américain par Hélène Fournier)
Éditions Albin Michel, 2018
ISBN 9782226398963
544 p., 24,50€
Monster, de Patrick Bauwen

Heureux mari et père d’un garçon, le docteur Paul Becker dirige un cabinet de soins d’urgence en Floride, auquel il consacre une grande partie de son temps. Un soir, son ami d’enfance Cameron Cole, par ailleurs policier, lui amène un patient menotté et lui demande de lui administrer quelques soins. Après une consultation houleuse et le départ des deux visiteurs tardifs, Becker se rend compte que le blessé a laissé derrière lui un téléphone portable.
Qui sonne.
Et Paul répond.
Il n’aurait pas dû.
Car, dès cet instant, sa vie va devenir une interminable descente aux enfers.
Le cap du deuxième roman est parfois difficile à passer, surtout lorsque le premier a été remarqué et que l’attente est élevée. Patrick Bauwen ne semble pas s’en apercevoir, puisqu’il propose avec Monster un deuxième opus très réussi, plus nerveux et rapide à démarrer que L’Œil de Caine, et mené à un tempo infernal au rythme des mésaventures catastrophiques de son héros.
L’intrigue – dont je ne révélerai rien, bien entendu – est sans doute moins originale, plus attendue ; cela permet à Bauwen de se lâcher davantage en matière de tension nerveuse et de suspense insoutenable, jusqu’à frôler de temps à autre les limites du crédible. Mais dans ce genre du thriller qui privilégie les sensations fortes, certaines latitudes sont laissées à l’auteur de jouer avec le vraisemblable, du moment qu’il nous embarque au plus près de ses personnages.
Ce qui est le cas ici. On n’a pas du tout envie d’être à la place de Paul Becker – et encore moins de répondre à un téléphone inconnu, croyez-moi… Mais on est prêt à le suivre jusqu’au bout de ses ennuis, en priant à chaque page tournée de plus en plus vite pour qu’il s’en sorte, d’une manière ou d’une autre.
Pour le reste, Bauwen inscrit à nouveau son histoire aux États-Unis, du côté cette fois de la Floride, dont les paysages singuliers offrent un cadre poisseux et inquiétant, tout à fait idéal au sujet de l’intrigue. A la fois fascinant, luxuriant et morbide, le cadre choisi par le romancier (et totalement maîtrisé par ailleurs, car Bauwen connaît bien les lieux pour y avoir vécu) sert de révélateur aux secrets sordides que le malheureux Paul Becker va devoir affronter.
Avec Monster, Patrick Bauwen prouve qu’il a parfaitement intégré les codes du thriller américain, dont il s’inspire à l’évidence (il ne se cache d’être fan d’un Harlan Coben par exemple), et signe un page-turner à l’efficacité redoutable. Il lui reste désormais à s’affranchir de ses modèles, et à s’investir de manière plus profonde et sensible dans ses histoires. Ce ne sera pas le cas dans le roman suivant, Seul à savoir, dont je garde un souvenir très mitigé et que je n’évoquerai donc pas ici. En revanche, dans les Fantômes d’Eden…
On en cause demain !
Monster, de Patrick Bauwen
Éditions Livre de Poche, 2010
ISBN 9782253128625
605 p., 8,10€
Première édition : Albin Michel, 2009
ISBN 9782226190604
574 p., 22,80€
L’œil de Caine, de Patrick Bauwen

L’Œil de Caine, c’est la nouvelle émission de télé-réalité de la reine du genre aux États-Unis, Hazel Caine. Le pitch du programme est très simple : dix candidats, chacun porteur d’un secret, vont être emmenés dans un lieu protégé, où ils devront identifier et dévoiler les cachotteries les uns des autres ; le vainqueur sera le dernier à garder son secret.
Problème : un invité mystère s’invite à la fête en détournant le bus et en l’échouant en plein milieu du désert du Nevada, dans un ancien village minier. Là, les dix candidats comprennent qu’ils vont autant devoir s’entraider que se méfier les uns des autres, car le but du jeu devient beaucoup plus clair, et plus terrifiant en même temps : c’est à la promesse d’un véritable jeu de massacre qu’ils vont devoir échapper…
J’ai découvert Patrick Bauwen dès ce premier roman. A l’époque, je traînais régulièrement sur l’excellent site-forum Polars Pourpres, et Nico, webmaster et créateur des lieux, avait beaucoup fait pour soutenir la sortie de ce livre. Ayant confiance dans le goût très sûr du garçon en matière de thriller, je n’avais pas tardé à embarquer – et ne l’avais pas regretté.
(Donc, publiquement, merci Nico !)
Si L’Œil de Caine commence lentement, c’est pour mieux t’embarquer, mon enfant. Je me rappelle pourtant avoir été dubitatif à la lecture du début (disons les trente ou quarante premières pages) ; le style de Bauwen n’avait rien de transcendant, et la mise en place était fastidieuse. Introduire une bonne dizaine de personnages principaux induisait ce côté laborieux – rien à voir avec l’entrée en matière virtuose des Dix petits nègres d’Agatha Christie, référence absolue pour qui adopte ce genre de schéma narratif : un lieu clos ou réduit dont il est impossible de s’échapper, un groupe réduit de caractères, un secret pour chacun, et un tueur caché au milieu.
Dix petits nègres est du reste l’une des références assumées par un Bauwen sans complexe, tout comme la série Lost ou le film Identity. Aucune présomption de sa part, le romancier est tout simplement joueur, et reconnaissant envers toute œuvre susceptible de piquer son imagination.
Une fois les éléments de l’intrigue mis en place, L’Œil de Caine se transforme en feu d’artifice. Suspense et tension ne faiblissent pas jusqu’au bout, conduisant le roman à un bouquet final qui en laissera plus d’un pantois. Je n’en dis évidemment pas plus…
Paru en 2007 chez Albin Michel, le premier livre de Patrick Bauwen propose aussi une réflexion prenante sur la télé-réalité, dont il dévoile les artifices et les excès, en imaginant certains bien avant que ces derniers deviennent la norme d’un genre télévisuel dont la seule solution pour se maintenir à l’antenne est de toujours repousser les limites du mauvais goût et de l’abrutissement intellectuel.
Perfectible sur le plan littéraire et narratif, mais d’une efficacité redoutable une fois la mise en place achevée, L’Œil de Caine lançait il y a un peu plus de dix ans la promesse Patrick Bauwen. Promesse tenue deux ans plus tard par Monster – on en parle demain !
L’Œil de Caine, de Patrick Bauwen
Éditions Livre de Poche, 2008
ISBN 9782253123118
477 p., 8,10€
Première édition : Albin Michel, 2007
ISBN 9782226173737
485 p., 22,30€
La Nuit de l’Ogre, de Patrick Bauwen

Tout commence au petit matin suivant une nuit de garde aux urgences – une nuit sans urgences, précisément, ce qui contrarie beaucoup le docteur Chris Kovak, toujours prêt pour un rodéo d’adrénaline. En même temps, il suffit parfois de demander : alors qu’il s’apprête à quitter l’hôpital pour rentrer chez lui, une jeune femme monte dans sa voiture, tient quelques propos décousus le temps d’une brève balade dans les rues de Paris, puis quitte le véhicule aussi vite qu’elle est y montée… en oubliant derrière elle un sac. Et son contenu aussi inattendu que morbide.
Tu en voulais, de l’adrénaline, Kovak ? Hé ben voilà, tu es servi !
Franchement, je ne sais pas comment j’ai fait pour ne jamais vous parler sur ce blog de Patrick Bauwen. Non, vraiment, je ne comprends pas, alors que j’ai lu tous les livres de cet auteur et que, pour la plupart (exception faite sans doute de Seul à savoir), je les ai beaucoup aimés. Le summum à ce jour restant pour moi Les fantômes d’Eden, authentique pépite de suspense, de justesse et d’émotion qui…
Oui, bon, j’y reviendrai peut-être une autre fois, parce qu’on est là pour causer de La Nuit de l’Ogre, dernier paru de ce médecin urgentiste devenu au fil des années un patron du thriller français. Moins connu, mais pas moins talentueux (voire plus !) que ses illustres confrères Grangé, Chattam ou Thilliez.
La Nuit de l’Ogre fait donc indirectement suite au Jour du Chien, sorti l’année dernière. Indirectement, parce qu’il s’agit d’une nouvelle intrigue autonome, tout en y retrouvant son héros, le docteur Chris Kovak, ainsi que certains autres personnages – et, toujours à l’œuvre dans l’ombre, le terrible Chien déjà à la manœuvre dans le précédent opus. Bauwen étant aussi habile que malin, on peut lire les deux romans indépendamment, même s’il est recommandé, au moins pour le plaisir, de commencer par le Jour du Chien.
Ce qui lie aussi les deux romans, mais également tous les livres de Bauwen, c’est leur indéniable efficacité. Le thriller, Bauwen sait faire, et bien faire. Chapitres courts, style énergique, rebondissements et cliffhangers bien placés, sens du rythme, ruptures d’intrigue : tout y est pour les amateurs du genre. Avec en plus quelques pincées d’humour bienvenues, petit détail qui, à mon sens, fait se démarquer le garçon de ses pairs. Bauwen est là pour vous filer les chocottes, mais il le fait sans se prendre trop au sérieux ni plomber l’ambiance démesurément, en sachant relâcher la pression de temps à autre pour détendre le lecteur, et ajouter de précieux petits morceaux d’humanité dans des histoires par ailleurs bien glauques comme il faut.
Dans La Nuit de l’Ogre, Patrick Bauwen ajoute en outre un nouvel ingrédient qui pimente ce polar largement urbain et contemporain, à savoir un hommage à la littérature populaire, aux feuilletons à suspense tels que Les Mystères de Paris d’Eugène Sue ou les aventures de Fantômas de Souvestre & Allain. Sans rien vous dévoiler de l’intrigue, la figure de l’Ogre, avec son chapeau melon et sa redingote tout droit sortis de l’imagerie du XIXème siècle, hante littéralement les pages du roman, y laissant traîner une ombre dont on redoute (à raison) chaque apparition.
Bref, si vous êtes amateur de bons thrillers, notamment français, et que vous ne connaissez pas encore Patrick Bauwen, précipitez-vous, c’est du tout bon. Et si vous le connaissez déjà, n’hésitez pas. C’est du tout bon, on vous dit !
La Nuit de l’Ogre, de Patrick Bauwen
Éditions Albin Michel, 2018
ISBN 9782226436375
496 p., 22€
Zone 52, de Suzanne Stock
Signé Bookfalo Kill
Partie étudier à Chicago, loin de chez ses parents, Melissa Stacker travaille comme serveuse pour subvenir à ses besoins. Une nuit en sortant du boulot, elle est agressée par deux hommes dans un couloir glauque de la gare. En tentant de s’échapper, elle tombe sous les rails – et voit le train engagé sur la voie dérailler brutalement juste devant elle, alors qu’elle s’attend horrifiée à mourir écrasée.
Un miracle ? Si l’on croit les hommes, apparemment mandatés par le gouvernement, qui surgissent soudain dans sa vie et tentent de l’enlever, ce qui s’est passé ne doit rien au hasard. Sans le savoir, Melissa est porteuse d’un secret extraordinaire – le genre de secret pour lequel des individus déterminés seraient prêts à tuer n’importe qui…
En dépit de quelques fragilités stylistiques, le deuxième polar de Suzanne Stock, déjà remarquée pour Ne meurs pas sans moi, est un roman qui vaut le coup d’œil. La romancière a le sens du rythme et sait parfaitement emballer le tempo pour empêcher son lecteur de lâcher prise dès les premières lignes lues.
L’efficacité est le maître-mot de Zone 52, qui s’appuie par ailleurs sur une intrigue bien conçue (dont je n’ai pas dévoilé plus à dessein), pas forcément d’une originalité folle, mais dont Suzanne Stock a le bon sens de doser les effets et d’éviter les lourdeurs ou les démonstrations trop appuyées. Les rebondissements s’enchaînent avec fluidité, les révélations surgissent au compte-gouttes, et les personnages bien campés dans l’ensemble (même si certains, comme l’agent du FBI Jessie O’Malley, auraient mérité plus d’épaisseur) achèvent de dynamiser le récit.
Sans pouvoir vous en dire plus, et pour cause, j’ai surtout apprécié que Suzanne Stock aille au bout de son histoire sans facilité ni concession au polardement correct. Elle fait preuve en l’occurrence d’une audace à saluer – qui me pousse en outre à lui « pardonner » des dialogues parfois naïfs (elle use et abuse des points de suspension) et quelques séquences d’émotion à bon marché, notamment avec le personnage de Jay, petit garçon très mignon et un peu trop superficiellement tire-larmes à mon goût.
Avec Zone 52, Suzanne Stock démontre en tout cas un savoir-faire remarquable en matière de suspense, de construction et d’efficacité, qui me donne envie de revenir sur son premier roman à côté duquel j’étais passé. Un thriller prenant et de bonne facture !
Zone 52, de Suzanne Stock
Éditions le Passage, 2016
ISBN 978-2-84742-342-6
245 p., 18€
Mon Nom est N., de Robert Karjel
Signé Bookfalo Kill
Ancien agent de la Sûreté suédoise devenu garde du corps de la famille royale, Ernst Grip est expédié par son ancien chef aux États-Unis, où sa présence est requise en particulier. Pourquoi, par qui ? Baladé sans qu’on lui demande son avis jusque sur une île perdue en plein Océan Indien, Grip finit par avoir un élément de réponse : il doit déterminer si un homme détenu ici est ou non suédois. Ce qui n’explique pas pourquoi on l’a désigné, lui, pour cette mission.
Coincé entre Shauna Friedman, l’agente du FBI qui l’a amené là et semble jouer un drôle de jeu du chat et de la souris avec lui, et les geôliers taciturnes qui gardent le prisonnier, Grip comprend que le problème est bien plus vaste, et qu’il pourrait bien y jouer un rôle déterminant…
En voilà un thriller qu’il est bon !!! Et qui sort opportunément juste avant l’été, où il pourrait faire merveille dans les sacs de voyage. Le romancier suédois Robert Karjel, dont c’est la première traduction en France, y démontre un art de la construction du récit tout simplement époustouflant. Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas aussi bien fait balader dans une intrigue pourtant complexe et tortueuse à souhait, qui masque son jeu tout du long et oscille entre plusieurs registres avec talent : thriller géopolitique, histoire de gang, espionnage, suspense psychologique…
Pour tout vous dire, Mon Nom est N. m’a rapidement fait penser au film Usual Suspects. Parce qu’il raconte notamment l’histoire aussi tordue que jubilatoire d’une bande très organisée, montant un plan invraisemblable pour atteindre plusieurs objectifs en même temps – je ne vous en dis pas plus, ce serait criminel ! Parce qu’il y a un peu de Keyser Söze aussi – oui, mais qui ? Ah ah, à vous de lire… Et parce que, surtout, Karjel a su élaborer un récit à multiples ramifications dont l’atmosphère sombre, quoique non dénuée de malice à l’occasion, évoque souvent le film de Bryan Singer, avec ses personnages systématiquement ambigus, ses malfrats inquiétants, ses stratagèmes machiavéliques et ses retournements de situation inattendus.
Pour autant, que je ne vous induise pas en erreur, le romancier n’a pas cherché à produire un twist final renversant. C’est plutôt petit à petit que les masques tombent et que les surprises se produisent, sans estomaquer autant que l’identité de Keyser Söze (ce n’est pas le but recherché), mais avec un réel talent pour produire les bonnes révélations au bon moment.
Robert Karjel est un auteur patient qui sait ne pas rendre son lecteur impatient. S’il prend le temps de poser ses personnages, dont Ernst Grip, superbement construit, et de faire durer certaines séquences (notamment au début, en Thaïlande), c’est toujours par nécessité dramatique, certains éléments disséminés ici ou là prenant toute leur importance deux ou trois cents pages plus loin, sans que jamais le lecteur n’en ait perdu la trace.
Le roman monte ainsi en puissance sans en avoir l’air, et c’est de manière insidieuse qu’il devient addictif et haletant. Quatrième livre de Robert Karjel, paru en 2010 en Suède, Mon Nom est N. donne vraiment envie d’en découvrir davantage sur cet auteur habile, malin et intelligent, par ailleurs pilote d’hélicoptère dans l’Armée de l’Air suédoise. On espère qu’il se posera vite pour nous donner de ses nouvelles littéraires !
Mon Nom est N., de Robert Karjel
(De Redan Döda, traduit du suédois par Lucas Messmer)
Éditions Denoël, coll. Sueurs Froides, 2016
ISBN 978-2-207-12474-1
425 p., 20,90€
L’Archange du chaos, de Dominique Sylvain
Signé Bookfalo Kill
Je n’ai eu qu’une fois l’occasion de vous parler de Dominique Sylvain (l’année dernière, lors de la parution d’Ombres et soleil) ; mais d’une manière générale, c’est une romancière que j’apprécie depuis longtemps, pour son ton décalé, souvent plein d’humour, et ses univers singuliers, développés dans ses deux séries majeures, avec la détective Louise Morvan d’un côté, avec l’improbable duo Lola Jost-Ingrid Diesel d’un autre.
Avec l’Archange du chaos, son opus 2015, la voici qui change radicalement de registre et de genre et, autant le dire tout de suite, c’est une bonne nouvelle. Pourtant, avec ce thriller sombre et nerveux, elle opte pour un schéma narratif plus classique, peut-être moins original, mais elle le maîtrise à merveille, faisant de ce nouveau polar un authentique page-turner que l’on ne peut s’empêcher de dévorer, de plus en plus vite, pour s’enfoncer dans les mystères sanglants d’une intrigue où se mêlent références historiques et mystiques.
Tout commence sur une scène de crime sordide, la cave d’un immeuble en construction en plein Paris où l’on retrouve le corps nu et atrocement torturé d’une jeune femme. La mise en scène laisse craindre, à raison, un tueur en série. Le commandant Bastien Carat est chargé de l’enquête, tandis qu’il doit composer avec une équipe fragilisée par la mise à pied récente d’un collègue brillant, mais coupable d’un dérapage alcoolique de trop, et l’arrivée en remplacement d’une jeune transfuge de la brigade financière, Franka Kehlmann…
Les personnages ont toujours été le point fort de Dominique Sylvain. On ne change pas une méthode gagnante, c’est encore le cas ici. Tandis que le récit file à un rythme soutenu, porté par un style asséché, puissant et rugueux, dans un Paris dont le décor est formidablement exploité, la romancière plante ses héros en quelques traits vifs, qu’elle arrondit de zones d’ombre judicieusement dévoilées au fil des pages. Carat, physique colossal aux failles inattendues, et Franka, tiraillée entre son frère photographe génial mais fantasque, son père ombrageux et envahissant, et le spectre du suicide de sa mère, forment le duo central du roman, où Dominique Sylvain, optant pour le réalisme, sonde avec talent les relations tortueuses entre les policiers et les juges, les rapports de hiérarchie compliqués, les jalousies et les trahisons, les espoirs et les chagrins d’une vie de flic de terrain.
S’il fallait évoquer un auteur en comparaison, je citerais volontiers Pierre Lemaitre et sa série des enquêtes de Camille Verhoeven. Comme lui, la romancière tient le choc de la noirceur jusqu’à la fin (qui laisse présager des suites douloureuses), sait surprendre le lecteur au moment où il s’y attend le moins, distille aussi des échappées plus légères, quelques touches d’humour pour ne pas nous asphyxier. Si le roman est rude et les meurtres cruels, jamais Dominique Sylvain n’en rajoute, ne cède à la surenchère gratuite, appuyant son intrigue sur des recherches impeccables dont elle dévoile les secrets avec un art consommé du suspense.
Bref, sous un titre peut-être anodin pour le genre, un peu trop « thriller français » à la Chattam ou Grangé (même s’il se justifie), ce changement de cap est une très belle réussite. A découvrir sans hésitation, en attendant une suite déjà prometteuse.
L’Archange du chaos, de Dominique Sylvain
Éditions Viviane Hamy, 2015
ISBN 978-2-87858-599-5
330 p., 18€