Jeux de miroirs, d’E.O. Chirovici
Signé Bookfalo Kill
Agent littéraire de son état, Peter Katz reçoit par courrier un manuscrit intitulé Jeux de miroirs, d’un certain Richard Flynn. Ce dernier, dans le courrier qui accompagne le texte, annonce qu’il va y évoquer son histoire d’amour passionnée avec Laura Baines, sa colocataire d’alors et brillante étudiante en psychologie, mais aussi et surtout sa rencontre avec le professeur Joseph Wieder, célèbre spécialiste de psychologie cognitive – dont Laura était l’élève et l’assistante -, assassiné au milieu des années 1980. L’affaire n’ayant jamais été élucidée, Katz est très vite intrigué par la lecture du manuscrit – mais s’aperçoit que ce dernier est incomplet : il manque la fin, où pourrait être évoquée la solution d’un mystère criminel qui avait tenu en haleine les États-Unis en son temps.
Peter Katz tente de prendre contact avec l’auteur pour obtenir la suite. Problème : dans l’intervalle entre l’envoi du texte et le moment où l’agent l’a lu, Richard Flynn est mort des suites d’une grave maladie. Commence alors une nouvelle enquête, sur les traces du manuscrit disparu…
Sous l’impulsion de son éditeur, les Escales, ce roman s’avance en fanfaron. Couverture argentée imitant la texture du miroir (ooooh), bandeau rouge annonçant sans ambages « LE ROMAN ÉVÉNEMENT »… Bon, autant le dire tout de suite, Jeux de miroirs ne sera pas l’événement littéraire de l’année. Ni même du mois ou de la semaine, hein. On va se calmer un peu et parler en toute simplicité, ça ne fera pas de mal.
Ceci posé, c’est un livre agréable. Fluide, prenant et bien construit. E.O. Chirovici y fait preuve d’une efficacité toute américaine, d’autant plus appréciable qu’il est roumain et qu’il s’agit de son premier roman rédigé en anglais (après une quinzaine de livres publiés dans sa langue natale, non traduits en français). La promesse annoncée par le pitch est tenue ; il n’y a pas à dire, le coup du manuscrit inachevé, quand c’est bien fait, ça tourne à plein régime.
Chirovici se montre très habile, par ailleurs, en changeant de narrateur quand nécessité s’en fait sentir : après l’agent Peter Katz, c’est un de ses amis journalistes, chargé de l’enquête sur le manuscrit, qui prend le relais, avant de le passer au policier à la retraite qui a mené les investigations sur l’assassinat de Joseph Wieder. L’alternance de points de vue, les témoignages souvent discordants que les différents narrateurs apportent sur l’affaire permettent à Chirovici d’illustrer le thème principal du roman, à savoir les tours et les détours que peuvent jouer la mémoire et les souvenirs, suivant ce que l’on veut leur faire dire…
Pour être honnête, la solution de l’intrigue ne bouleversera certes pas l’histoire du suspense littéraire, mais l’intérêt de Jeux de miroirs réside plutôt dans ses personnages, dans leur complexité, dans la manière dont E.O. Chirovici scrute le caractère souvent insaisissable des êtres, mais aussi des faits, parfois moins évidents qu’ils n’en ont l’air. Pas un événement, non, mais un bon roman. On s’en contentera largement.
Jeux de miroirs, d’E.O. Chirovici
(The Book of Mirrors, traduit de l’anglais par Isabelle Maillet)
Éditions les Escales, 2017
ISBN 978-2-365-69202-1
304 p., 21,90€
un peu sur-vendu alors ? Je l’ai noté mais je dois dire que le sujet ne m’attire pas plus que ça. A voir. Merci pour cette chronique toujours aussi instructive et agréable à lire
9 février 2017 à 06:53
A mon avis, oui. Bon, l’éditeur y croit, il fait son boulot, mais je trouve que ça manque de finesse. Je ne vois pas ce qui permet d’affirmer de but en blanc sur un bandeau : « le roman événement ». Par rapport à quoi, à qui ? Pour moi, c’est too much, et je ne suis pas sûr que ce soit efficace d’un point de vue commercial. Après, je peux me tromper…
9 février 2017 à 07:00
Tu verras bien, tu es bien placé pour le voir ;-)
9 février 2017 à 07:13
voilà ce qui m’énerve le plus dans l’édition. Cette prétention à voir dans vhaque bouquin un chef d’oeuvre, un livre » évènement » qui va revolutionner le genre, et au final on se retrouve avec un livre mainte fois déjà écrit. Quand je vois ce genre de bandeau je passe mon chemin au moins je suis sûr de pas me faire pigeonner ! et après tout, je me fie à ma propos intuition pour choisir mes romans ;) Belle chronique en tout cas !
9 février 2017 à 09:18
Merci ! Et je suis entièrement d’accord avec toi sur le manque de clairvoyance et d’honnêteté qui prévaut de plus en plus en matière littéraire, aussi bien de la part des éditeurs (de certains en tout cas) que de certains journalistes ou blogueurs.
Pour ma part, j’ai lu ce roman sur épreuves non corrigées, sans bandeau ; si ce dernier avait été en place, j’aurais peut-être laissé tomber d’entrée également… Comme quoi, ça tient à peu de choses !
En même temps, comme je ne suis pas certain qu’il me restera grand-chose de ce roman d’ici quelques semaines, je n’ai pas le sentiment que j’aurais manqué un chef d’oeuvre ;-)
16 février 2017 à 22:28
J’ai l’impression qu’à choisir entre le livre et votre billet, votre billet est le plus agréable et le plus amusant à lire. Merci, j’aime votre style
9 février 2017 à 15:58
Merci pour ce petit mot, c’est très gentil ! Et très encourageant, parce qu’il n’est pas toujours facile de se motiver pour écrire des chroniques (surtout ces derniers temps, comme vous aurez pu le constater au vu du faible nombre d’articles publiés…)
16 février 2017 à 22:26
No pressure! Écrivez quand ça vous chante, c’est le mieux
17 février 2017 à 01:44
C’est un peu l’idée en ce moment, en effet :)
17 février 2017 à 07:54
Qu’est-ce que j’ai été déçue par ce roman perso… Clairement pas bouleversant ni innovant.
16 février 2017 à 16:16
Ni bouleversant ni innovant, sans aucun doute, tu as raison !
Bon, je crois que, pour moi, c’était le bon livre au bon moment, tout simplement ;-) Mais je comprends qu’on puisse ne pas être emballé par ce roman !
16 février 2017 à 22:23
C’est pas un incontournable ça on est d’accord haha
16 février 2017 à 23:47