À première vue : la rentrée Lattès 2020

Première occurrence de la maison Lattès dans la rubrique « à première vue ». Fidèle au rendez-vous de la rentrée littéraire, c’est un éditeur dont les parutions m’attirent rarement, d’où ce manque… Même s’il m’arrive d’en apprécier certaines à l’occasion – je garde notamment un souvenir passionné des Gens dans l’enveloppe, d’Isabelle Monnin.
Cette année, Lattès envoie cinq livres sur la ligne de départ. Dont deux Adrien, ce qui n’est sûrement qu’une coïncidence. À première vue, pour être honnête, je n’y vois rien de palpitant, à titre personnel en tout cas. Je vous laisse donc juge de ce programme, qui saura peut-être vous intriguer.
Intérêt global :
Les disparus de Joola, d’Adrien Absolu
Quatre ans après un récit-enquête consacré au virus Ebola, Adrien Absolu récidive dans le même registre, avec une investigation littéraire consacrée au drame du Joola, bateau parti en septembre 2002 avec deux mille personnes à son bord, et qui n’arrivera jamais à destination. Presque tous les passagers périssent lors du naufrage.
Obnubilé par ce drame dont toutes les réponses n’ont sans doute pas encore été livrées, l’auteur se rend à Casamance, et reconstitue heure et heure la journée fatale, tout en enquêtant sur certaines victimes.
Mémoire de soie, d’Adrien Borne
Lorsqu’il part faire son service militaire en juin 1936, Émile n’a aucune idée de la découverte ahurissante qu’il va faire dans le livret de famille, confié par ses parents à l’instant du départ. À côté du prénom de sa mère, le jeune homme découvre en effet celui d’un certain Baptistin. Qui n’est pas celui de son père. C’est le point de départ d’une enquête familiale.
Rien de très original sur le papier, si ce n’est le cadre de l’intrigue, une magnanerie (lieu d’élevage des vers à soie), et son moment, l’entre-deux-guerres. Pas suffisant pour me retenir plus longtemps.
Une piscine dans le désert, de Diane Mazloum
Le refuge d’enfance de Fausta, c’est un village perdu dans les montagnes, à la frontière de trois pays en guerre, dont le sien, le Liban. Dans ce village, elle a fait construire une piscine, sur un terrain qui hélas ne lui appartient pas. Lorsqu’un certain Leo débarque du Canada pour régler la vente du terrain en question, qui appartient à sa famille, tout bascule, l’espace de trois jours dans ce village fascinant, lieu de paix à la croisée des périls…
Adios Cow-Boy, d’Olja Savicevic
(traduit du croate par Chloé Billon)
De retour dans sa ville natale, Dada retrouve sa mère et sa sœur avec l’espoir de libérer sa famille du passé. Telle une cavalière solitaire, elle enfourche sa mobylette pour tenter de faire la lumière sur la mort de son jeune frère, passionné de westerns, disparu quatre ans plus tôt.
Un roman d’apprentissage qui offre le portrait d’une génération perdue, au cœur d’une banlieue croate abîmée par la guerre.
Noces de jasmin, d’Hella Feki
En janvier 2011, à l’aube du Printemps Arabe, un jeune journaliste croupit dans les geôles tunisiennes, dans l’attente de son sort. Dehors, pour tromper l’inquiétude, la femme qui l’aime part sur ses traces, remontant jusqu’à sa ville natale, dans l’espoir de le retrouver, pendant que son père se remémore l’indépendance.
À première vue : la rentrée Aux Forges de Vulcain 2020

Intérêt global :
Pour être très honnête, voilà une maison dont je regrette de ne pas avoir lu plus de titres (mais rien n’est perdu, heureusement). Leur identité graphique forte et leur nom original sont les premiers passeports des éditions Aux Forges de Vulcain, et annoncent la couleur. Ici, tout peut se passer ! David Meulemans et ses collègues ne craignent ni la littérature de genre, ni le mélange des genres, ni d’avoir mauvais genre.
Dans leur catalogue, on trouve notamment des rééditions bienvenues (les œuvres de William Morris, Le Vampyre de John Polidori, Invasion et L’Homme-Dé de Luke Rhinehart…), mais aussi des œuvres d’auteurs contemporains très variés.
Depuis 2016 et le succès (ô combien mérité) du premier roman de Gilles Marchand, Une bouche sans personne, les publications de la maison attirent de plus en plus l’attention, si j’en juge par l’écho qu’ont reçu récemment les livres de Jean-Luc A. d’Asciano (Tamanoir et Souviens-toi des monstres), Thomas Spok (Uter Pandragon), Claire Duvivier (Un long voyage) ou Alexandra Koszelyk (À crier dans les ruines).
Entre août et septembre, Aux forges de Vulcain publiera trois nouveautés, toutes aussi aguichantes les unes que les autres.
COMME DES HÉROS SANS GUERRE
Requiem pour une Apache, de Gilles Marchand
Son premier roman, Une bouche sans personne, a été une authentique révélation. Un livre à la fois drôle, singulier, décalé, et terriblement bouleversant. Après un deuxième et un recueil de nouvelles, Gilles Marchand revient avec une histoire qui, encore une fois, semble résonner à sa juste place dans son drôle d’univers.
Je laisse la parole à son éditeur car son résumé me paraît intouchable :
Jolene n’est pas la plus belle, ni forcément la plus sympa. Mais lorsqu’elle arrive dans cet hôtel, elle est bien accueillie. Un hôtel ? Plutôt une pension qui aurait ouvert ses portes aux rebuts de la société : un couple d’anciens taulards qui n’a de cesse de ruminer ses exploits, un ancien catcheur qui n’a plus toute sa tête, un jeune homme simplet, une VRP qui pense que les encyclopédies sauveront le monde et un chanteur qui a glissé sur la voie savonneuse de la ringardisation.
Ce petit monde vivait des jours tranquilles jusqu’à ce que Jolene arrive. En quelques mois à peine, l’hôtel devient le centre de l’attention et le quartier général d’une révolte poétique, à l’issue incertaine.
OPÉRATION DRAGON
Chinatown, intérieur, de Charles Yu
(traduit de l’anglais (États-Unis) par Aurélie Thiria-Meulemans)
Deuxième roman après Guide de survie pour le voyageur du temps amateur. Également scénariste à Hollywood (il travaille notamment sur la série Westworld), Charles Yu nous fait suivre les traces de Willis, un Américain d’origine asiatique qui rêve de conquérir Hollywood et d’y gagner sa liberté en devenant la nouvelle référence du kung-fu. Mais est-ce vraiment s’émanciper que d’accepter d’être réduit à un cliché, surtout dans une société américaine toujours prompte à ranger ses minorités à leur petite place ?
L’éditeur annonce un roman drôle et attachant qui, là encore, pourrait résonner avec l’actualité.
LE CHANT DES SIRÈNES
Les abysses, de Rivers Solomon
(traduit de l’anglais (États-Unis) par Francis Guévremont)
Paru en 2019 en France, L’Incivilité des fantômes transposait l’histoire de la ségrégation raciale dans un vaisseau spatial traversant l’espace en quête de nouvelles colonies pour l’humanité.
Après ce tour de force largement salué, Rivers Solomon propose une échappée fantastique pour aborder, cette fois, la mémoire de la traite négrière. À l’époque, les femmes enceintes, jugées inutiles et indésirables, étaient jetées à l’eau durant le voyage. Solomon imagine qu’elles ne mouraient pas, mais qu’elles se transformaient en sirènes et oubliaient tout de leur funeste destin. L’une d’elles, Yetu, lestée du poids de ces souvenirs, va se charger de réveiller ses sœurs.
BILAN
Lecture certaine :
Requiem pour une Apache, de Gilles Marchand
Lectures hautement probables :
Chinatown, intérieur, de Charles Yu
Les abysses, de Rivers Solomon
L’Homme Craie, de C.J. Tudor

Eddie, Gros Gav, Hoppo, Mickey et Nicky partagent une amitié indéfectible comme seuls les gosses de douze ans sont capables d’en vivre. Pourtant, en cet été 1986, d’étranges événements agitent leur petite ville, dont ils sont souvent témoins, parfois acteurs. Il y a cet accident à la fête foraine, et cette jeune fille grièvement blessée qu’Eddie contribue à sauver. Il y a cet homme bizarre, pâle des cheveux aux pieds, si blafard qu’on le surnomme bien vite l’Homme Craie. Il y a aussi, justement, ce seau de craies offert à Gros Gav pour son anniversaire, dont les cinq amis vont se servir pour communiquer secrètement en dessinant des symboles connus d’eux seuls – jusqu’au jour où d’autres dessins se mêlent aux leurs, dont ils ne sont pas les auteurs… Puis il y a le meurtre. La fille éparpillée dans les bois, sans que le coupable soit jamais identifié.
Trente ans plus tard, Eddie et les autres ont plus ou moins bien surmonté ces épreuves et enterré ce passé funeste. Jusqu’au jour où Mickey réapparaît et affirme à Eddie qu’il connaît la vérité. Le lendemain, Mickey a disparu – et la vérité, oui, cette vérité si longtemps enfouie, pourrait bien enfin éclater au grand jour…
Encore un premier roman, encore une belle surprise ! Celle-ci vient d’Angleterre, sous la plume d’une jeune femme dont on peut déjà annoncer qu’elle se montre fort prometteuse. En digne romancière britannique, C.J. Tudor construit un thriller prenant (le prologue est redoutablement efficace, ainsi que les premiers chapitres de mise en place qui suivent et nous plongent rapidement dans l’action), tout en accordant un soin patient à ses personnages, tous extrêmement bien campés et plus subtils qu’ils ne paraissent l’être de prime abord. À commencer par Eddie, narrateur du roman, dont la voix est spécialement intéressante à suivre – impossible de vous dire pourquoi, bien entendu.
C.J. Tudor ne s’en cache pas, elle est fan de Stephen King. On pense évidemment au maître américain, notamment à ses grands textes sur l’enfance, que ce soit Stand by me (Le Corps dans sa version française, disponible dans le recueil de novellas Différentes saisons) ou Ça. Si l’influence kingienne plane ouvertement sur le début du roman, elle disparaît peu à peu, ou du moins n’écrase pas le texte, dont la romancière assume la conduite avec une maîtrise formidable et un ton propre. L’Homme Craie est parsemé de rebondissements parfaitement amenés, quand il ne s’agit pas de cliffhangers redoutables contraignant à poursuivre la lecture, encore un chapitre, puis un autre, puis un autre…
Sans jamais s’égarer ni dans la structure de plus en plus élaborée du récit, ni dans sa narration en alternance sur deux époques (1986 et 2016), C.J. Tudor guide son histoire d’une main de maître jusqu’à un final qui, sans être renversant, réserve plusieurs belles surprises et multiplie les éclairages inattendus sur les secrets et le rôle des uns et des autres dans toute cette affaire.
Joli petit coup de cœur, donc, pour cet Homme Craie superbement mené, dont je n’attendais pas autant et qui m’a donc emballé de bout en bout. Rendez-vous sans hésitation et avec de grandes espérances pour le deuxième opus de C.J. Tudor.
L’Homme Craie, de C.J. Tudor
(The Chalk Man, traduit de l’anglais par Thibaud Eliroff)
Éditions Pygmalion, 2018
ISBN 978-2-7564-2173-5
384 p., 20,90€
Jeux de miroirs, d’E.O. Chirovici
Signé Bookfalo Kill
Agent littéraire de son état, Peter Katz reçoit par courrier un manuscrit intitulé Jeux de miroirs, d’un certain Richard Flynn. Ce dernier, dans le courrier qui accompagne le texte, annonce qu’il va y évoquer son histoire d’amour passionnée avec Laura Baines, sa colocataire d’alors et brillante étudiante en psychologie, mais aussi et surtout sa rencontre avec le professeur Joseph Wieder, célèbre spécialiste de psychologie cognitive – dont Laura était l’élève et l’assistante -, assassiné au milieu des années 1980. L’affaire n’ayant jamais été élucidée, Katz est très vite intrigué par la lecture du manuscrit – mais s’aperçoit que ce dernier est incomplet : il manque la fin, où pourrait être évoquée la solution d’un mystère criminel qui avait tenu en haleine les États-Unis en son temps.
Peter Katz tente de prendre contact avec l’auteur pour obtenir la suite. Problème : dans l’intervalle entre l’envoi du texte et le moment où l’agent l’a lu, Richard Flynn est mort des suites d’une grave maladie. Commence alors une nouvelle enquête, sur les traces du manuscrit disparu…
Sous l’impulsion de son éditeur, les Escales, ce roman s’avance en fanfaron. Couverture argentée imitant la texture du miroir (ooooh), bandeau rouge annonçant sans ambages « LE ROMAN ÉVÉNEMENT »… Bon, autant le dire tout de suite, Jeux de miroirs ne sera pas l’événement littéraire de l’année. Ni même du mois ou de la semaine, hein. On va se calmer un peu et parler en toute simplicité, ça ne fera pas de mal.
Ceci posé, c’est un livre agréable. Fluide, prenant et bien construit. E.O. Chirovici y fait preuve d’une efficacité toute américaine, d’autant plus appréciable qu’il est roumain et qu’il s’agit de son premier roman rédigé en anglais (après une quinzaine de livres publiés dans sa langue natale, non traduits en français). La promesse annoncée par le pitch est tenue ; il n’y a pas à dire, le coup du manuscrit inachevé, quand c’est bien fait, ça tourne à plein régime.
Chirovici se montre très habile, par ailleurs, en changeant de narrateur quand nécessité s’en fait sentir : après l’agent Peter Katz, c’est un de ses amis journalistes, chargé de l’enquête sur le manuscrit, qui prend le relais, avant de le passer au policier à la retraite qui a mené les investigations sur l’assassinat de Joseph Wieder. L’alternance de points de vue, les témoignages souvent discordants que les différents narrateurs apportent sur l’affaire permettent à Chirovici d’illustrer le thème principal du roman, à savoir les tours et les détours que peuvent jouer la mémoire et les souvenirs, suivant ce que l’on veut leur faire dire…
Pour être honnête, la solution de l’intrigue ne bouleversera certes pas l’histoire du suspense littéraire, mais l’intérêt de Jeux de miroirs réside plutôt dans ses personnages, dans leur complexité, dans la manière dont E.O. Chirovici scrute le caractère souvent insaisissable des êtres, mais aussi des faits, parfois moins évidents qu’ils n’en ont l’air. Pas un événement, non, mais un bon roman. On s’en contentera largement.
Jeux de miroirs, d’E.O. Chirovici
(The Book of Mirrors, traduit de l’anglais par Isabelle Maillet)
Éditions les Escales, 2017
ISBN 978-2-365-69202-1
304 p., 21,90€
Judas, d’Amos Oz
Signé Bookfalo Kill
Jérusalem, décembre 1959. Shmuel Asch, jeune étudiant au physique de taureau hirsute qui dissimule un caractère hypersensible et sentimental à l’excès, décide d’abandonner ses études lorsque sa petite amie le quitte. Oublié, le mémoire sur « Jésus dans la tradition juive » ; Shmuel, que ses parents récemment ruinés ne peuvent aider, accepte un emploi étrange : cinq heures chaque soir, il devient l’homme de compagnie de Gersholm Wald, un vieil érudit infirme qui vit reclus dans sa maison sombre et biscornue, en compagnie d’Atalia Abravanel, une quarantenaire aussi mystérieuse, fuyante que séduisante.
Tandis qu’il tombe inexorablement amoureux d’Atalia, Shmuel subit plus ou moins les assauts de rhétorique intellectuelle ou politique de Wald, tout en continuant à réfléchir sur le regard des Juifs sur Jésus, mais aussi sur Judas, l’apôtre peut-être le plus méconnu et le plus injustement traité de tous…
C’est le premier roman d’Amos Oz que je lis, aussi n’aurai-je pas de point de comparaison pour déterminer si ce livre est à l’image de son œuvre ou non. En tout cas, c’est une belle découverte, tant pour le plaisir de goûter à une prose fluide que pour apprécier l’intelligence et la finesse avec lesquelles Oz entremêle différents types de récit – politique, historique, théologique et intime.
Commençons par évoquer l’art et la manière : ce n’est guère une surprise tant l’auteur est estimé depuis de nombreuses années, mais Amos Oz écrit bien, avec une clarté qui n’exclut pas l’ambition. Au fil de chapitres plutôt courts, maniant parfois un humour piquant ou plein de dérision, le romancier instaure une atmosphère poignante, légèrement étouffante, dans laquelle les névroses, blessures et obsessions de ses personnages s’épanouissent sans lourdeur. Cette construction vive et aérée lui permet en outre de passer d’un sujet à un autre avec souplesse, en évitant de farcir en une seule fois la tête de son lecteur des nombreuses informations complexes qu’il manipule avec maestria.
Car le propos de Judas est ambitieux – ou plutôt les propos. Le titre l’évoque, le sujet du mémoire de Shmuel Asch aussi, il est ici question de théologie ; miraculeusement, ce n’est jamais ennuyeux, car Amos Oz privilégie une réflexion plus historique que religieuse, nous invitant au passage à une tentative de réhabilitation audacieuse de la figure de Judas, dont le nom est synonyme de traître et que Asch s’emploie à parer des atours du héros maudit.
Oz en profite pour tirer des parallèles constructifs avec l’histoire contemporaine, interrogeant la création controversée de l’État d’Israël ; ce n’est évidemment pas un hasard si le roman se déroule entre 1959 et 1960, alors que David Ben Gourion, l’un des artisans majeurs de cette création, est Premier Ministre. Nul besoin pour autant de connaître ce pan de l’Histoire par cœur (ce n’était guère mon cas, je l’avoue), Oz le rend accessible et compréhensible à tout lecteur. Et certains passages grattouillent carrément :
« Vous avez voulu un pays, grinça [Atalia]. Vous avez voulu l’indépendance. Des drapeaux, des uniformes, des billets de banque, des tambours et des trompettes. Vous avez versé des fleuves de sang innocent. Vous avez sacrifié une génération entière. Vous avez expulsé des centaines de milliers d’Arabes. (…)
– Ne pensez-vous pas que nous nous sommes battus en 1948 parce que nous n’avions pas le choix ? objecta Shmuel, l’oreille basse. Nous étions dos au mur, non ?
– Vous n’étiez pas le dos au mur. Vous étiez le mur. » (pp.212-213)
De même que cet extrait sur les religions, qui paraît presque naïf d’évidence mais fait toujours du bien à lire :
« Le judaïsme, le christianisme – et n’oublions pas l’islam – dégoulinent de bons sentiments, de charité et de compassion, tant qu’on ne parle pas de menottes, de barreaux, de pouvoir, de chambres de torture ou d’échafauds. Ces religions, en particulier celles nées au cours des siècles derniers et qui continuent à séduire les croyants, étaient censées nous apporter le salut, mais elles se sont empressées de verser notre sang. » (pp.84-85)
Pourvu d’une humanité réconfortante et d’une petite dose d’humour salvatrice, Judas est un roman attachant, qui invite à la réflexion, et dont la hauteur de vue s’avère plus que nécessaire en ces temps troublés que nous affrontons.
Judas, d’Amos Oz
(Ha-Besora Al-Pi Yehuda, traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen)
Éditions Gallimard, 2016
ISBN 978-2-07-017776-9
348 p., 21€
A première vue : la rentrée Gallimard 2016
Bon, cette année, promis, je ne vous refais pas le topo sur les éditions Gallimard et leurs rentrées littéraires pléthoriques dont la moitié au moins est à chaque fois sans intérêt ; je pense qu’à force, vous connaissez le refrain, et il ne change guère cette année : 13 romans français, 4 étrangers, c’est à peine moins que l’année dernière – et on n’en parle que des romans qui paraissent fin août, il y en a beaucoup d’autres en septembre (dont un Jean d’Ormesson, mais je saurai vous épargner).
Je vais sans doute m’attacher à être plus elliptique cette année que les précédentes, car cette rentrée 2016 me paraît à première vue dépourvue d’attraits majeurs. Comme je n’ai pas pour objectif de vous faire perdre votre temps, on va trancher dans le vif ! Et commencer par les étrangers, ça ira plus vite (façon de parler)…
JE CHANTE UN BAISER : Judas, d’Amos Oz (lu)
A court d’argent et le coeur en berne après que sa petite amie l’a quitté, Shmuel décide d’abandonner son mémoire sur « Jésus dans la tradition juive ». Il accepte à la place une offre d’emploi atypique : homme de compagnie pour un vieil érudit infirme qui vit reclus dans sa maison, sous la houlette d’une femme aussi mystérieuse que séduisante… Mêlant avec art récit intime de personnages étranges et attachants, réflexions sur l’histoire d’Israël et un discours théologique passionnant, Amos Oz emballe un roman de facture parfaite et sert l’intelligence sur un plateau.
PORTRAIT DE L’ARTISTE EN TUEUR : Tabou, de Ferdinand von Schirach
Un célèbre photographe avoue un crime pour lequel on n’a ni corps, ni même d’identité formelle de la victime. Qu’est-ce qui l’a mené là ? Y a-t-il un rapport avec ses expérimentations artistiques audacieuses ? Dans la lignée de ses livres précédents, le romancier allemand élabore une réflexion sur la violence et le doute, le rapport entre vérité et réalité.
À LA FOLIE : Beckomberga – Ode à ma famille, de Sara Stridsberg
Ouvert en 1932 près de Stockholm, Beckomberga a été conçu pour être un nouveau genre d’hôpital psychiatrique fondé sur l’idée de prendre soin de tous et de permettre aux fous d’être enfin libérés. Jackie y rend de nombreuses visites à son père Jim qui, tout au long de sa vie, n’a cessé d’exprimer son mal de vivre. Famille et folie, le thème de l’année 2016 ? Après En attendant Bojangles, mais dans un genre très différent, Sara Stridsberg propose en tout cas une nouvelle variation sur le sujet.
ON THE ROAD : Et toi, tu as eu une famille ?, de Bill Clegg
Famille encore ! Cette fois, tout commence par un incendie dans lequel périssent plusieurs proches de June, dont sa fille Lolly qui devait se marier le lendemain du drame. Dévastée, June quitte la ville et erre à travers les Etats-Unis, sur les traces de ce qui la lie encore à sa fille, par-delà la mort. Dans le même temps, le roman se fait choral en laissant la parole à d’autres personnes affectées par l’incendie, dans une tentative de transcender l’horreur par l’espoir et le pardon.
*****
VOYAGE AU BOUT DE L’ENFER : Tropique de la violence, de Nathacha Appanah
A quinze ans, Moïse découvre que Marie, la femme qui l’a élevé, n’est pas sa mère. Révolté, il tombe sous la coupe d’une bande extrêmement dangereuse qui va faire de son quotidien un enfer… Nous sommes à Mayotte, minuscule département français perdu dans l’océan Indien, au large de Madagascar. Un bout de France ignoré, méprisé, étouffé par une immigration incontrôlable en provenance des Comores voisines, et où la violence et la misère vont de pair. La Mauricienne Nathacha Appanah en tire un roman qui devrait remuer les tripes.
HER : Ada, d’Antoine Bello
Un policier de la Silicon Valley est chargé de retrouver une évadée d’un genre très particulier : il s’agit d’Ada, une intelligence artificielle révolutionnaire, dont la fonction est d’écrire en toute autonomie des romans à l’eau de rose. En menant son enquête, Frank Logan découvre pourtant que sa cible développe une sensibilité et des capacités si exceptionnelles qu’il en vient à douter du bien-fondé de sa mission…
BONNIE & CLYDE : Romanesque, de Tonino Benacquista
Un couple de Français en cavale à travers les États-Unis se réfugie dans un théâtre. La pièce à laquelle ils assistent, Les mariés malgré eux, se déroule au Moyen Age et raconte l’exil forcé d’un couple refusant de se soumettre aux lois de la communauté. Le destin des deux Français dans la salle et des personnages sur scène se répondent et se confondent, les lançant dans une vaste ronde dans le temps et l’espace, une quête épique où ils s’efforceront de vivre leur amour au grand jour…
PORCO ROSSO : Règne animal, de Jean-Baptiste Del Amo
Au cours du XXe siècle, l’histoire d’une exploitation familiale vouée à devenir un élevage porcin. En deux époques, cinq générations traversent les grands bouleversements historiques, économiques et industriels. C’est déjà le quatrième roman du jeune Jean-Baptiste Del Amo (34 ans), qui revient ici avec un sujet sérieux et ambitieux – du genre qui doit mener à un prix littéraire…
LA MAIN SUR LE BERCEAU : Chanson douce, de Leïla Slimani
Dans le jardin de l’ogre, le premier roman de Leïla Slimani – histoire d’une jeune femme, mariée et mère de famille, rongée par son addiction au sexe -, n’était pas passé inaperçu, loin de là. Son deuxième, qui relate l’emprise grandissante d’une nourrice dans la vie d’une famille, pourrait constituer une confirmation de son talent pour poser une situation de malaise et provoquer une réflexion sociétale stimulante.
POST COITUM ANIMAL TRISTE : L’Insouciance, de Karine Tuil
En 2009, le lieutenant Romain Roller rentre d’Afghanistan après avoir vécu une liaison passionnée avec la journaliste et romancière Marion Decker. Comme il souffre d’un syndrome post-traumatique, son retour en France auprès de sa femme et de son fils se révèle difficile. Il continue à voir Marion, jusqu’à ce qu’il découvre qu’elle est l’épouse du grand patron de presse François Vély… Il y a de l’ambition chez Karine Tuil, à voir si le résultat est à la hauteur.
*****
ÇA FAIT PAS UN PLI : Monsieur Origami, de Jean-Marc Ceci
Un jeune Japonais tombe amoureux d’une femme à peine entrevue, et quitte tout pour la retrouver. Il finit par échouer en Toscane, où il s’adonne en ermite à l’art du pliage japonais. Pour tous, il devient Monsieur Origami…
UNSUCCESS STORY : L’Autre qu’on adorait, de Catherine Cusset
A vingt ans, Thomas a tout pour réussir. Il mène des études brillantes, séduit les femmes et vit au rythme frénétique de Paris. Mais après avoir échoué à un concours que réussit son meilleur ami, et s’être fait larguer par sa petite amie, sa vie entame une trajectoire descendante que rien n’arrêtera… Think positive à la française.
ROMAN PAS X : Livre pour adultes, de Benoît Duteurtre
Inspiré par la mort de sa mère, Duteurtre annonce un livre à la croisée de l’autobiographie, de l’essai et de la fiction. Il ira croiser sans moi, son Ordinateur du Paradis m’ayant dissuadé de perdre à nouveau mon temps avec cet auteur.
NAISSANCE DES FANTÔMES : Crue, de Philippe Forest
Un homme marqué par le deuil revient dans la ville où il est né, où les constructions nouvelles chassent peu à peu les anciennes. Il rencontre un couple, s’envoie Madame et papote avec Monsieur qui affirme que des milliers de gens disparaissent. D’ailleurs, Monsieur et Madame disparaissent à leur tour. Puis la ville est envahie par les flots…
À L’EST D’EDEN : Nouvelle Jeunesse, de Nicolas Idier
Dans le Pékin contemporain, des jeunes vivent d’excès. Ils sont poètes, rockers ou amoureux, et incarnent la nouvelle jeunesse de cette ville en mutation.
UNE BELLE HISTOIRE : Les deux pigeons, d’Alexandre Postel
Théodore a pour anagramme Dorothée. Ça tombe bien, ce sont les prénoms des héros du troisième livre d’Alexandre Postel (intéressant mais imparfait dans L’Ascendant et Un homme effacé). Ils sont jeunes, ils sont amoureux, et se demandent comment mener leurs vies… C’est une romance d’aujourd’hui.
ENGAGEZ-VOUS RENGAGEZ-VOUS QU’ILS DISAIENT : Nos lieux communs, de Chloé Thomas
Sur les pas des étudiants d’extrême gauche, Bernard et Marie sont partis travailler en usine dans les années 1970. Bien des années plus tard, Jeanne recueille leurs témoignages et celui de leur fils, Pierre, pour tenter de comprendre leurs parcours. Premier roman.
Sur la scène intérieure, de Marcel Cohen
Impossible de savoir dans quelle catégorie ranger cet ouvrage. Il ne s’agit ni d’un roman, ni d’une biographie. Je l’ai classé dans la catégorie « histoire », en espérant ne pas froisser l’auteur.
Marcel Cohen a 5 ans et demi en 1943 lorsqu’il voit sa famille se faire emporter dans une rafle. Il doit la vie sauve au simple fait qu’il était au parc avec l’employée de maison. Mais il gardera gravé à jamais dans sa mémoire le départ de ses parents, de sa petite soeur de 3 mois, de ses grand-parents et de son oncle dans la camionnette. D’eux, il ne lui reste plus que des images, quelques objets qui ont survécu soixante-dix ans, et des souvenirs, que ce soient les siens ou d’autres souvenirs, arrachés à la mémoire d’oncles et de tantes, témoins silencieux d’une époque sombre.
Ce livre présente ce que Marcel Cohen a pu apprendre. Peu à peu, ses parents reprennent vie, toute sa famille est là, sous nos yeux. Cette famille dont il a été privée par l’horreur de la nature humaine. Il tente de reconstituer avec une précision d’orfèvre, les odeurs, les parfums, les repas, les rires et les angoisses. Il nous livre tout ce qu’il sait de ses proches. Et c’est dérangeant de se dire qu’on en sait autant que lui. Il n’appelle ses parents que par leurs prénoms, peut-être pour marquer une distance avec des gens qu’il a très peu connus ou pour se distinguer d’eux pour ne pas sombrer dans la tristesse.
Jamais l’auteur ne s’apitoie sur son sort. Il relate ces événements, son histoire, avec une froideur relative. Il est écrivain avant d’être fils ou petit-fils. J’admire son écriture. Cette volonté de ne pas céder à la facilité du pathos. C’est un ouvrage poignant et très important pour les générations futures. Pour garder en mémoire les défunts de la Shoah, pour expliquer l’horreur de l’Holocauste et que, pour rien au monde, cela ne recommence.
Sur la scène intérieure de Marcel Cohen
Editions Gallimard, 2013
9782070139293
149p., 17€90
Un article de Clarice Darling
Envies d’enfance, de Stéphanie Rigogne-Lafranque
Signé Bookfalo Kill
Une fois n’est pas coutume sur ce blog, je vais aujourd’hui vous parler cuisine. Ne vous inquiétez pas, cela ne devrait pas se reproduire très souvent, d’abord parce qu’en général, j’ai du mal à distinguer une casserole et un fait-tout ; ensuite parce qu’un blog à dominante littéraire n’est sûrement pas le lieu le plus approprié pour chanter les louanges d’une recette, aussi appétissante soit-elle, ni pour encenser tel ou tel livre de cuisine, même s’il en existe beaucoup qui sont magnifiques, bien conçus, superbement mis en page, etc.
Envies d’enfance sort donc de l’ordinaire, précisément parce qu’il joint le littéraire au culinaire, ainsi qu’à l’artistique, de la plus jolie des manières. Entre les 55 recettes, originales ou non, qu’elle a imaginées, recréées, remaniées, Stéphanie Rigogne-Lafranque a choisi de glisser des petits textes, très bien tournés, souvent drôles ou émouvants ; des encarts qui tirent de beaux souvenirs de la mémoire du temps, jouant sur la nostalgie à petites touches, dans des évocations personnelles qui touchent pourtant tout le monde, tant il est facile de partager ces instants d’enfance que l’on peut tous avoir connus.
Cerise sur le gâteau (celle-ci était facile mais je ne pouvais pas m’en priver), Stéphanie Rigogne-Lafranque s’est associée à Junko Nakamura pour le graphisme du livre. Au lieu des traditionnelles photos qui présentent le plat terminé – dont l’image élégante et attrayante n’a en général pas grand-chose à voir avec ce que vous avez vous-même réalisé… -, l’illustratrice japonaise a imaginé des dessins pastel, poétiques et délicats, réalisés par « empreintes de papiers découpés » (dixit l’éditeur). Des petits cailloux visuels comme autant de doux clichés échappés de l’enfance : un chat qui dort près d’un vieux poële, une chasse aux coquillages sur la plage, un tricot abandonné, des jeux dans le jardin…
Quant aux recettes, dont les saveurs et les ingrédients jouent bien sûr sur le contexte enfantin voulu par leur auteur – gâteau au citron, croquettes de fromage, pancakes aux herbes, madeleines miel-amande, flans au saumon ou riz au lait… -, elles sont nombreuses à mettre l’eau à la bouche et, pour la plupart, paraissent faisables – même pour quelqu’un qui a du mal à distinguer une petite cuillère d’une fourchette à escargot.
Alors, faites-vous plaisir, plongez dans ce très beau petit livre plein de douceur et de tendresse… et régalez-vous !
Envies d’enfance, de Stéphanie Rigogne-Lafranque
Illustrations de Junko Nakamura
Éditions du Rouergue, 2013
ISBN 978-2-8126-0477-5
79 p., 18€
Suivez les aventures de ce livre sur le blog qui l’accompagne : Ma ligne de chance.
Retrouvez-le également sur le site de l’éditeur : Le Rouergue, ou sur sa page Facebook.
Paysages de la Métropole de la Mort d’Otto Dov Kulka
Otto Dov Kulka est un rescapé des camps de concentration. Pendant des années, il s’est enregistré sur des cassettes audio. Il racontait ainsi ses souvenirs. Quelques photos sont présentes dans le livre et participe du témoignage de l’horreur qu’à subi Kulka enfant. Dit comme ça, ça semble intéressant, accessible à tous. Détrompez-vous.
La première partie de l’ouvrage est intéressante, il y évoque ses souvenirs, son voyage vers Auschwitz, des années après son passage dans les camps de la mort. Il évoque les personnes qu’il y a rencontrées, les faisant en quelque sorte revivre l’espace de quelques lignes, entrecoupe ses souvenirs de dessins d’enfants qui ne sont jamais revenus des camps. Il parle de sa mère, de son père, de la survie quotidienne. Et puis, à partir de la page 137… il part dans des récits de rêves, des extraits de journaux, des réflexions assez tordues et il faut être bien concentré pour comprendre. J’ai vraiment décroché avec cette deuxième partie qui se veut historico-philosophico-réaliste et qui m’a assommée.
Dommage!
Paysages de la Métropole de la Mort d’Otto Dov Kulka
Editions Albin Michel, 2013
9782226245205
201 p., 16€50
Un article de Clarice Darling.
La Cité t.2 : la bataille des Confins, de Karim Ressouni-Demigneux
Signé Bookfalo Kill
AVERTISSEMENT
comme il s’agit d’une véritable série, je suis obligé de dévoiler dans cette chronique certains éléments de l’épisode précédent. Si vous n’avez pas encore lu le premier volume, je vous conseille avant tout d’aller lire ce que j’en disais ici : La Cité t.1 : la lumière blanche – et d’aviser ensuite !
*****
Je l’attendais depuis novembre dernier, histoire de vérifier si Karim Ressouni-Demigneux allait confirmer l’essai du premier tome de la Cité et m’embarquer aussi bien, et un peu plus loin, dans son univers.
Verdict : oui, mais…
Après le jeune parisien Thomas (alias Harry) dans la Lumière Blanche, c’est son amie Liza – Polly dans la vie réelle – qui prend la parole. Polly vit seule avec sa mère sur l’île de Sark, petit bout de terre presque coupé de tout, au large de Guernesey, le célèbre lieu de retraite de Victor Hugo en exil pendant le règne de Napoléon III. Le détail a, bien sûr, son importance…
Est-ce le changement de narrateur ? J’ai eu un peu plus de mal à entrer dans l’histoire. Sûrement parce que KRD prend le temps de présenter son nouveau personnage – qu’on connaissait seulement sous son visage virtuel jusqu’à présent – puis de relater comment Polly est devenue Liza dans la Cité, comment elle a rencontré ses amis, Arthur d’abord, puis Harry et JC. Des informations indispensables, mais qui retardent d’autant le récit de la suite des aventures de nos héros dans le jeu.
Il faut donc patienter une cinquantaine de pages avant de reprendre le fil de l’histoire, rompu à la fin du tome 1 par le vol de la Mémoire de la Cité (un ordinateur primordial du jeu) et l’enlèvement d’Arthur, deux événements orchestrés par un autre Harry virtuel – dans la vraie vie, Jonathan, l’ex-meilleur ami de Thomas.
Mais une fois qu’on y est, ça repart ! Et ce deuxième volume se dévore aussi vite que le premier. Comme attendu, l’auteur élargit la découverte de son univers, sans hésiter à y ajouter des couches complexes. Il poursuit les références littéraires : Tolkien toujours (et même plus que jamais), mais aussi Victor Hugo, dont l’œuvre comme la vie jouent un rôle important ici.
On découvre également de nouveaux espaces, dont les Enclaves, des lieux cachés du jeu ; on en apprend plus sur les personnages, sur leurs motivations et leurs caractères ; et on tombe sur de nouveaux mystères, venant s’ajouter aux précédents qui ne s’éclaircissent guère pour leur part…
Histoire de multiplier les actions, le romancier dédouble également les points de vue : si Liza est la narratrice principale du roman, Thomas reprend de temps en temps la parole – double narration signalée dans la marge par des symboles précisant qui parle. Une bonne idée, qui fonctionne parfaitement, et dont on peut imaginer qu’elle sera poursuivie par la suite, avec l’ajout d’autres narrateurs.
Mais voilà, je reste cette fois légèrement sur ma faim. Rien de grave à vrai dire. C’est même logique, quand on sait qu’il reste encore trois tomes à la série, et que Karim Ressouni-Demigneux ne peut pas encore dévoiler trop de choses. Mais j’ai l’impression qu’à force de retenir ses informations, l’auteur se bride un peu. Le roman y perd en intensité, notamment sur la fin, où la fameuse bataille des Confins promise dans le titre manque de suspense, d’impact et de spectaculaire ; elle semble presque expédiée – même si la dernière phrase relance le mystère et donne immanquablement envie de lire la suite.
Je serai donc au rendez-vous du tome 3, volume pivot de l’œuvre normalement, en espérant que la série franchira un cap indispensable à l’intérêt et à la force de l’ensemble. Mais je suis sûr que ce sera le cas !
La Cité t.2 : la bataille des Confins, de Karim Ressouni-Demigneux
Éditions Rue du Monde, 2012
ISBN 978-2-35504-203-4
238 p., 16,50€