Vampires, de Thierry Jonquet

Signé Bookfalo Kill

En trouvant le corps d’un homme savamment empalé dans un hangar de la région parisienne, Razvan comprend qu’il a affaire à bien davantage qu’un crime atroce perpétré par un dément. Ses origines roumaines lui font aussitôt penser au supplice favori de Vlad Tepes, terrifiant comte transylvanien des âges obscurs plus connu de nos jours sous le nom de Dracula…
Conséquence inattendue, la nouvelle frappe de plein fouet la famille Radescu. Reclus dans leur demeure cachée au fond d’une suite de courettes, en plein coeur de Belleville, le patriarche Petre et les siens tentent d’accommoder leur condition de vampires – oui oui, des vampires, des vrais, comme dans Twilight mais en beaucoup mieux – aux impératifs de la société française contemporaine. Pas facile tous les jours… Alors, l’annonce de cette découverte macabre risque bien de ne pas arranger les choses !

A sa sortie, début 2011, certains se sont interrogés sur l’opportunité de publier ce livre, voire sur l’opportunisme possible de l’éditeur qui aurait cherché à « faire de l’argent » sur le dos de son célèbre auteur, en misant sur l’émotion ressentie par nombre de lecteurs à l’annonce de la mort de Thierry Jonquet, survenue brutalement en août 2009 des suites d’un accident vasculaire cérébral.
Le débat était inévitable, mais pour moi, il n’y a aucune ambiguïté. Pour l’amoureux de l’oeuvre de Jonquet que je suis, Vampires est autant un documentqu’un cadeau. Frustrant, certes, car il est impossible d’ignorer qu’il manque sans doute au moins un tiers, voire plus, à ce roman. Tout aussi impossible de ne pas relever quelques maladresses inhabituelles et d’en déduire que le texte n’a guère été relu ni corrigé par son auteur, et qu’il est livré presque brut – déjà remarquable, mais clairement inachevé, se concluant par deux dernières phrases prenant une saveur cruellement ironique après coup : « Un long travail commençait. Aussi routinier qu’incertain »…

En l’état, Vampires porte indéniablement la marque de Thierry Jonquet. Il révèle qu’une fois de plus, le romancier souhaitait nous proposer quelque chose de nouveau, de différent, d’audacieux, tout en traitant de certaines de ses obsessions : le rapport au corps, à la souffrance, à la vieillesse… Le tout situé à Belleville, son quartier.
Son ultime opus est habité de personnages incroyables (de la tribu Radescu au substitut Valjean, en passant par le légiste Pluvenage, déjà présent dans les Orpailleurs et Moloch), traversé de beaux moments autant que de scènes d’une violence qui serait insoutenable si elle n’était éclairée d’un humour aussi noir que salvateur.
Allez, pour le plaisir, un petit extrait, situé au début, alors que Razvan vient de découvrir le cadavre supplicié de l’empalé :

« Et soudain, d’une rotation puissante du bassin, il opéra un demi-tour et s’enfuit à toute allure. Sa hachette à la main, qu’il agitait en moulinets frénétiques au-dessus de sa tête, il dévala la pente menant au hangar. (…)
Ce n’était vraiment pas son jour de chance : alors qu’il parvenait, hors d’haleine, à proximité du bidonville, s’époumonant comme un damné, il aperçut les lueurs des phares des camionnettes d’une escouade de CRS qui avaient encerclé le campement et procédaient manu militari à l’évacuation de ses occupants. Sa survenue inopinée, une machette à la main, provoqua un certain émoi. Pour la faire courte, disons que les CRS se laissèrent aller à un mouvement d’humeur bien compréhensible. »

Ma seule véritable réserve au moment de la sortie en grand format du livre était son prix : 18€. Là, ça faisait cher le « cadeau »… Sa parution en poche aujourd’hui est une belle occasion de retrouver pour la dernière fois l’univers riche, inventif, puissant de l’un des plus grands auteurs français de polars de ces trente dernières années. N’hésitez pas.

Vampires, de Thierry Jonquet
Editions Points Seuil, collection Roman Noir, 2012
(Parution originale : éditions du Seuil, 2011)
ISBN 978-2-7578-2650-8
210 p., 6,50€

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Une Réponse

  1. Il y a longtemps que je n’en ai pas lu, cela me manquerait presque. Je note.

    18 janvier 2012 à 10:29

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