L’Île du Point Némo, de Jean-Marie Blas de Roblès

Signé Bookfalo Kill

Quand on s’appelle John Shylock Holmes, pas étonnant d’être irrésistiblement attiré par les mystères les plus étonnants – même si on n’a aucun lien avec le célèbre détective ! Aussi, lorsque Lady MacRae mandate l’intéressé pour retrouver l’Anankè, un diamant de très grande valeur qu’on a soutiré à son coffre-fort, et que dans le même temps, on retrouve non loin de là trois pieds chaussés de baskets de marque Anankè aux pointures différentes, il n’hésite pas une seconde à se lancer dans l’aventure, en compagnie de Grimod, son majordome noir, de son ami Martial Canterel, aussi riche qu’excentrique et opiomane au dernier degré (et par ailleurs ancien amant de Lady MacRae), et de Miss Sharrington, secrétaire de ce dernier…

…et ce résumé, sincèrement, c’est la version courte et simplifiée ! Car le nouveau roman de Jean-Marie Blas de Roblès est infiniment plus riche, plus fou, plus foisonnant, plus complexe, plus exaltant, plus drôle – bref, plus tout que ce que les quelques lignes ci-dessous laissent imaginer.

Blas de Roblès - L'Île du Point NémoImaginer, tiens, d’ailleurs, c’est le maître-mot de ce livre-trublion qui clame son amour de la littérature, et notamment de la littérature d’aventure, Jules Verne en tête (mais aussi Dumas, Conan Doyle ou Lovecraft). Savant sans ostentation, privilégiant toujours l’histoire qu’il raconte plutôt que d’avoir la vanité d’étaler ses connaissances (pourtant immenses), Blas de Roblès s’autorise toutes les excentricités et ne refuse rien à son inventivité. Pour le dire autrement, ça part dans tous les sens et c’est jubilatoire.
De longs et périlleux voyages par tous les moyens de transports possibles, trains (dont le Transsibérien), bateaux, voitures, et même un dirigeable, des personnages tous plus dingues et mystérieux les uns que les autres, des rebondissements à foison, un rythme ébouriffant, des énigmes improbables, des meurtres, des trahisons… Il y a tout cela et bien d’autres choses dans L’Île du Point Némo, animé par une érudition époustouflante et un style virevoltant, riche, plein de verve, qui prouve que, oui, OUI, il y a encore de vrais grands écrivains en France.

Je le dis d’autant plus volontiers que Jean-Marie Blas de Roblès va encore plus loin avec ce livre, dont le récit d’aventure n’est qu’une composante. Un récit dans le récit, pour être précis, avec une bonne dose de mise en abyme, car entre deux péripéties de Holmes et compagnie, l’auteur imbrique d’autres histoires qui lui répondent étonnamment, en mêlant tellement de choses étonnantes et passionnantes qu’il serait dommage de chercher à les résumer ici. Sachez seulement, par exemple, qu’il sera question d’une usine de fabrication de liseuses électroniques, ou de la tradition de lecture à haute voix dans les ateliers de fabrication de cigares à Cuba…
Le ton y varie également, passant de passages joyeusement égrillards (hello Rabelais !) à d’autres relevant du naturalisme pur et dur (coucou Zola !), dans un mélange audacieux des genres et des styles qui fonctionne à plein régime.

En relisant ce que je viens d’écrire, je constate, un peu dépité, que je suis loin de rendre justice à ce chef d’œuvre (oui, j’ose le terme !)… Que dire d’autre, ou de mieux ? C’est simple, en fait : lâchez tout ce que vous faites, foncez chez votre libraire, achetez L’Île du Point Némo et plongez-vous dedans séance tenante. Superbement écrit, génialement pensé et construit, merveilleusement excitant, d’une liberté totale, c’est de loin mon plus gros coup de cette rentrée littéraire 2014 !

L’Île du Point Némo, de Jean-Marie Blas de Roblès
  Éditions Zulma, 2014
ISBN 978-2-84304-697-1
464 p., 22,50€

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7 Réponses

  1. alexmotamots

    Un auteur dont j’aime beaucoup la plume.

    21 août 2014 à 12:16

  2. Julien Delmaire

    Entièrement d’accord avec vous, L’île du Point Némo est une merveille, dès la première page et jusqu’à la dernière, je me pinçais mentalement pour y croire, ce livre est bel et bien écrit par un écrivain français, vivant et a priori sympathique. Les passages pornos à la Pierre Louÿs sont les plus baths que j’ai pu lire depuis… Pierre Louÿs ! L’Enjambeur Nô, rien que cette trouvaille, prouve à quel point J-M Blas de Roblès est inspiré. Allez, tiens, je vais le relire…

    27 août 2014 à 13:37

    • Merci Julien pour ce bel avis ! Ce roman rend enthousiaste et généreux, c’est très agréable à voir et à lire. Vive l’imagination !!!

      29 août 2014 à 12:05

  3. Sophie Coinderue

    J’ai lu les 100 premières pages et je suis très perplexe, je n’arrive pas du tout à dire si j’aime ou pas. Je crois que ça part un peu trop dans tous les sens pour moi.
    J’ai bien rigolé en lisant page 100 l’anecdote citée dans TOUTES les critiques dans les médias, présentée toujours comme un ressort hyper important, qui pour le moment me paraît être vraiment… anecdotique.

    27 août 2014 à 18:35

    • C’est vrai que c’est foisonnant ;-) Pour ma part, quand c’est maîtrisé (ce qui me semble être le cas ici), j’adore ! Mais cela peut être déconcertant, voire étourdissant au sens propre du terme.

      Je ne me souviens pas de cette anecdote de la page 100, et comme je n’ai pas le livre sous la main… De quoi s’agit-il ?
      Quant au fait que les médias reprennent tous plus ou moins le même exemple, c’est que bien souvent, ils utilisent un dossier de presse, instrument bien pratique pour éviter de se casser la tête – même si on a lu le livre en question…

      29 août 2014 à 12:08

  4. Pingback: À première vue : la rentrée Zulma 2020 | Cannibales Lecteurs

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