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Les livres qui comptent #6 : Le Mystère de la chambre jaune, de Gaston Leroux

ÉDUCATION D’UN POLARDEUX #2

Pour être honnête, après les coups d’éclat d’Agatha Christie en matière de twist, je n’ai pas tardé à découvrir une autre pierre d’angle du registre. Française, celle-là, et tout aussi étonnante, quoique avec d’autres moyens littéraires.
Retour en cinquième, dans la classe de Madame D. (oui, encore une fois, et ce ne sera pas la dernière.) Au programme cette fois : Le Mystère de la chambre jaune, de Gaston Leroux.


Un soir d’octobre 1892, au château du Glandier, peu après minuit, tandis que le professeur Stangerson travaille dans son laboratoire en compagnie de son serviteur, il entend, dans la chambre attenante, les appels au secours de sa fille. Tous les deux se précipitent, mais la porte est fermée de l’intérieur, comme les volets de l’unique fenêtre.
Lorsqu’ils découvrent finalement la jeune fille qui râle sur le plancher, il ne reste de l’assassin que la marque, sur les murs, d’une main ensanglantée – et le revolver du serviteur : meurtre incompréhensible, dont le reporter Joseph Rouletabille va pourtant percer le mystère, tout en essayant de devancer le célèbre enquêteur Frédéric Larsan venu régler cette affaire grâce à son savoir-faire plein de morgue…


Sans le savoir, en ouvrant ce livre, je vais poursuivre mon éducation d’apprenti polardeux, et consolider le socle de ma passion pour le « mauvais genre ». Après l’initiation à hauteur d’enfant avec Le Club des Cinq et Les Six Compagnons, j’aligne depuis mes dix ou onze ans les bijoux ciselés d’Agatha Christie, les comédies policières d’Exbrayat (publiées également au Masque et mettant en scène, notamment, les enquêtes foutraques d’Imogène MacCarthery ou du spectaculaire commissaire italien Tarchinini), et les aventures insolentes d’Arsène Lupin.

Gaston Leroux est un auteur à succès du début du XXème siècle à qui l’on doit, outre la série des enquêtes de Rouletabille, le célèbre Fantôme de l’Opéra, et une brochettes d’autres œuvres du même tonneau. Avec lui, j’entre de plain-pied dans la littérature populaire, véhiculée par la forme du roman feuilleton qui fait le triomphe d’un certain nombre d’auteurs et de journaux au XIXème siècle, et par un style volontiers emphatique, peu économe en ponctuation (les points d’exclamation et de suspension pullulent dans le texte) ni en mise en forme (les italiques et les majuscules sont également convoqués).
En créant Joseph Rouletabille, qui naît en 1907 dans Le Mystère de la chambre jaune, Leroux part chasser sur les terres d’Eugène Sue et de ses Mystères de Paris, et surtout sur celles d’Arthur Conan Doyle et son Sherlock Holmes, détective indépendant dont le brillant esprit décortique scènes de crime et suspects pour en faire surgir la vérité, aussi improbable soit-elle ; à l’évidence, Holmes sert de modèle au héros de Gaston Leroux. Très jeune reporter, farouchement indépendant, intellectuellement hors normes, Rouletabille a aussi tout du Tintin avant l’heure.

Je conçois qu’aujourd’hui cette littérature, très éloignée des canons contemporains, ne plaise pas à tout le monde. Dans le registre, les romans de Gaston Leroux ne sont sans doute pas les meilleurs du genre, notamment en raison de son écriture qui peut parfois paraître vieillotte, lourde, ampoulée, un peu artificielle, notamment dans les dialogues. Pour ma part, j’aime beaucoup, défauts compris. Il y a dans ces textes une fraîcheur, une candeur, une énergie sincère qui me parlent.
Quant au Mystère de la chambre jaune lui-même, j’ai beau connaître le fin mot de l’histoire (aussi extravagant que son intrigue de chambre close à répétition, puisque le schéma se reproduit dans l’intrigue), je l’ai relu plusieurs fois avec plaisir, parvenant à me laisser surprendre à chaque fois par les revirements de situation et les explications alambiquées de Rouletabille, envoûté par l’atmosphère singulière du roman et ses personnages insaisissables. Leroux y a repoussé ses propres capacités, se défiant lui-même de faire mieux que ses maîtres. Y a-t-il réussi ? Ce roman, en tout cas, n’a pas à rougir de la comparaison, ce qui ne sera pas le cas des suivants dans la saga Rouletabille, sympathiques et attachants, mais très loin d’égaler l’audace de sa mécanique.

Pour compléter
Le Mystère de la chambre jaune a fait l’objet de plusieurs adaptations au cinéma. La seule que j’ai vue a été réalisée par Bruno Podalydès, dans une version tergiversant entre polar et comédie iconoclaste, fidèle au style du réalisateur, qui ne m’a pas convaincu. Si Pierre Arditi campe un Frédéric Larsan solide, tout comme Michael Lonsdale en professeur Stangerson, Denis Podalydès est trop vieux pour le rôle de Rouletabille, et Sabine Azéma pas du tout crédible dans le rôle de Mlle Stangerson. Le film peut avoir du charme à l’occasion, mais pas du tout celui du roman.


Au programme la semaine prochaine :
…à l’aventure depuis son fauteuil…

3 réponses à « Les livres qui comptent #6 : Le Mystère de la chambre jaune, de Gaston Leroux »

  1. Ce policier m’avait estomaquée, à l’époque ! J’étais jeune, j’avais à peine 14 ans et je me suis creusée la cervelle pour trouver comment ce crime en chambre close avait eu lieu. C’était un peu tarabiscoté, je trouve, avec le recul, mais impossible de lâcher ce roman et c’est ce souvenir qu’il me reste et c’est le plus important ! ;) J’étais déjà mordue d’énigmes policières et d’enquêtes, j’ai continué à soigner et entretenir mon vice avec des polars :lol:

    1. On n’est vraiment pas cousins pour rien, décidément ;-)

      1. Ben non, je le constate !

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