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La Société des faux visages, de Xavier Mauméjean

En 1909, Sigmund Freud accomplit son premier et unique voyage aux États-Unis, en compagnie de ses disciples Sandor Ferenczi et Carl Gustav Jung, pour y donner une série de conférences et tenter de faire connaître au Nouveau Monde ses théories révolutionnaires. Pas gagné d’avance, d’autant qu’il se retrouve embarqué, plus ou moins à son corps défendant, dans une curieuse histoire : en effet, le milliardaire Cyrus Vandergraaf le convoque pour qu’il retrouve son fils Stuart, appelé à le succéder à la tête de son entreprise, mais aussi pour résoudre une singulière énigme en forme de gigantesque conteneur scellé et piégé – les deux événements étant probablement liés.
Pour l’assister dans cette singulière épreuve, Vandergraaf fait appel aux services de Harry Houdini, persuadé qu’associer l’homme capable de pénétrer l’esprit humain et l’illusionniste capable de s’échapper de n’importe quel lieu clos permettra de découvrir le fin mot de l’histoire…

Mauméjean - La Société des faux visagesDécidément, ce fameux voyage de Freud à New York n’en finit pas de fasciner les romanciers. Si E.L. Doctorow l’évoque dans Ragtime, l’Américain Jed Rubenfeld (dans l’extraordinaire Interprétation des meurtres, hélas épuisé en France grâce à la formidable politique de fonds des éditions Pocket) et le Français Luc Bossi (dans Manhattan Freud, pas lu) en ont fait le cœur des intrigues de leurs polars respectifs. Xavier Mauméjean, auteur prolifique en littérature de l’imaginaire, ajoute donc sa pierre à l’édifice, en la cimentant d’une association excitante avec Houdini.

Visiblement très documenté sur ses protagonistes, comme sur le contexte historique et géographique, Mauméjean déroule son intrigue dans le plus pur style feuilletonnant, avec rebondissements réguliers, rythme soutenu et style efficace qui ne laisse guère de place aux fioritures. Le résultat est très plaisant, même si les fréquentes digressions consacrées aux exploits passés de Houdini hachent parfois un peu trop le récit ; ces petites histoires véridiques, qui nourrissent souvent la fiction, sont néanmoins suffisamment captivantes pour passer outre ce petit défaut. De même qu’on en apprend beaucoup et de manière abordable sur les travaux de Freud.
On croise par ailleurs une belle galerie de personnages secondaires, des agents brutaux de Pinkerton aux gangs de New York, en passant par les puissants qui tiennent la ville entre les mains, permettant à l’auteur un flingage en règle du capitalisme échevelé à l’américaine qui trouve une évidente caisse de résonance avec l’actualité.

La Société des faux visages est un bon petit suspense intelligent et malin, qui remplit son cahier des charges et tient en haleine de bout en bout. Juste ce qu’il faut, et c’est très bien comme ça !

La Société des faux visages, de Xavier Mauméjean
Éditions Alma, 2017
ISBN 978-2-36279-235-9
279 p., 18€

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Spiral, de Paul Halter

Signé Bookfalo Kill

Au lieu du stage de voile qu’elle attendait avec impatience, Mélanie, seize ans, se voit offrir de drôles de vacances d’été : quinze jours dans le manoir perdu en pleine lande bretonne de son oncle Jerry, un homme fantasque dont elle garde d’inquiétants souvenirs d’enfance – liés surtout à la tour sinistre qui flanque la bâtisse, et au sommet de laquelle elle avait dormi, fillette, avec pour seuls compagnons les craquements sinistres de la vieille demeure et le hurlement du vent…
Arrivée sur place, privée de réseau téléphonique et de connexion Internet, la jeune fille envoie, jour après jour, des lettres à son petit ami Quentin, afin de lui raconter son séjour. Et ce dernier, avec les étranges visiteurs de l’oncle Jerry et l’ombre menaçante d’un étrangleur sévissant dans les environs, n’a rien d’idyllique…

Ah ! Ca fait plaisir de relire un bon vieux Club des Cinq !!!
…Non, bon, d’accord, pas de chien Dagobert dans ce roman, ni de héros prénommés Claude, François, Mick et Annie. Quentin et Mélanie sont des jeunes gens d’aujourd’hui, pour qui la survie passe par leur ordinateur et surtout leur téléphone portable. Pourtant, par son style vieillot et ses références – manoir maudit, héros intrépides et seconds rôles plus archétypaux tu meurs, crime mystérieux en chambre close -, Paul Halter joue plus dans la cour d’Enid Blyton ou Georges Chaulet que dans celle de Jean-Claude Mourlevat ou J.K. Rowling. D’ailleurs, priver ses personnages de leurs moyens de communication modernes pour les obliger à s’écrire et à se lire (mon Dieu, quelle horreur !) participe sans aucun doute de ce parti pris, même s’il ne faut y voir aucun message moralisateur.

C’est mignon, suranné, plein de bons sentiments et d’une naïveté confondante, sans doute assumée si j’en juge par la référence au Cluedo. L’esprit de ce jeu aussi mythique que gentillet résonne en effet franchement sous les hauts plafonds du manoir de l’oncle Jerry. D’ailleurs, il y a même un colonel ! Même s’il ne s’appelle pas Moutarde…
Si l’on ajoute la présence d’un autre personnage du nom de Robert (dit Bill) Morane, référence à peine masquée à un autre héros désuet des années de jeunesse de l’auteur, Bob Morane, on sent que Paul Halter a avant tout voulu s’amuser et se faire plaisir, sans chercher à révolutionner le genre.

Mais après tout, pourquoi pas ? Je pinaille, il n’empêche que Spiral se lit facilement. Et je suis bien obligé de reconnaître que je n’ai plus dix ans, et que je ne sais sans doute plus ce que je pourrais aimer lire si j’avais cet âge désormais lointain… Au moins, voilà un roman policier à la naphtaline qui contentera les grands-mères en quête de lectures respectables pour leurs petits-enfants (au diable, les vampires, sorciers et chats qui parlent !!!) : gentillet, qui ne fait pas trop peur et se termine bien.

On se demandera juste s’il est à sa place au sein de la nouvelle collection Thriller des éditions Rageot, car on est plus près de se servir une tasse de thé, les pieds au chaud dans ses pantoufles, que d’avoir la sueur au front et le palpitant à 180 pulsations minute… Mais là encore, je pinaille !

A partir de 10 ans.

Spiral, de Paul Halter
Éditions Rageot, collection Thriller, 2012
ISBN 978-2-7002-3618-7
234 p., 9,90€