Odile a disparu, laissant derrière elle son mari Ferment et leurs trois enfants. Privés de la présence maternelle, Béguin, Chiffon et la jeune Zizi Cabane doivent trouver un nouvel équilibre. Mais rien ne se passe comme prévu dans la maison. Une source apparaît dans le sous-sol, et veut absolument rejoindre le ruisseau du jardin. Un drôle de vent rôde. Et tandis que tante Jeanne essaie de ramener un peu de raison là dedans, Marcel Tremble, faux grand-père surgi de nulle part, accompagne avec tendresse la folie de ces êtres abandonnés.
Que vont devenir les chagrins ? Sur quelles pentes vont-ils désormais rouler ?
Des romans sur le deuil, le chagrin, la perte d’un être aimé, il en existe des tonnes. Mais rares sont ceux qui, comme celui-ci, peuvent se prévaloir d’être aussi tendres, aussi rassurants, frappés de folie douce et nimbés de réconfort.
Ne vous laissez pas arrêter par ce drôle de titre, Zizi Cabane, qui est aussi le nom de la plus jeune héroïne : derrière cette apparente naïveté, à la limite du puéril, il y a une belle explication nichée au coeur du texte, et aussi la volonté affichée d’inviter le lecteur, dès la couverture, à entrer dans un conte. Un conte moderne, intemporel (comme tous les contes) et enchanteur.

Bérengère Cournut a pour tous ses personnages une tendresse de mère, de sœur, d’aïeule bienveillante. Tout dans son écriture est fait pour les envelopper d’amour et de bienveillance, sentiments consolants qui rejaillissent sur le lecteur très vite amoureux de cette famille foutraque, déglinguée et merveilleusement poétique.
Quoi qu’ils fassent ou décident, quelle que soit la manière dont ces abandonnés d’amour décident d’affronter la disparition (créer un jardin, inventer des cartes sur des vieux chiffons), on n’a qu’une seule envie : les comprendre, les accompagner, et les aider à se forger une existence aussi solaire que possible.
Entièrement dédié au jaillissement onirique qui fait barrage au chagrin, le style de la romancière coule de source – métaphore aquatique qui s’impose, car l’eau joue dans ce texte un rôle primordial, profondément symbolique, au point parfois de devenir narratrice du récit, dans un ruissellement qui tient autant de la fuite que du renouveau.
C’est toute la nature, du reste, qui fait résonner les âmes des personnages, les arbres, les fleurs, le vent s’invitant sans cesse au premier plan du texte, entourant eux aussi les personnages de leur force sans âge, prenant possession de leurs âmes comme ils s’imposent chez eux, jusque dans leur maison.
Je n’en dis pas plus, vous laissant le privilège de découvrir ce roman délicieux et de goûter pleinement à son charme inimitable.
Ah, si, un dernier mot tout de même : comme les autres romans de Bérengère Cournut, et comme nombre d’autres textes merveilleux publiés par les éditions du Tripode (je pense en particulier aux romans d’Olivier Mak-Bouchard), Zizi Cabane démontre avec une évidente simplicité que la littérature française est loin d’être figée, qu’elle est capable d’être belle et créative, imaginative, de se renouveler et de s’aventurer vers de nouveaux horizons, littéraires et narratifs, loin de l’autofiction ou des best-sellers faciles à grosses ficelles. Il suffit de chercher un peu, et l’on est récompensé, et ça fait un bien fou.
Zizi Cabane, de Bérengère Cournut
Éditions Le Tripode, 2022
ISBN 9782370553317
240 p., 20€
Édition de poche parue en janvier 2024
ISBN 9782370553904
224 p., 10€
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