La Vie sans fards de Maryse Condé
Je ne connaissais pas Maryse Condé. Tout juste avais-je vu sur la table de ma librairie préférée, Célanire cou-coupé, mais je n’avais pas passé le cap. Qu’est-ce que j’ai dû rater! La Vie sans fards est une autobiographie comme je n’en avais jamais lue jusqu’à présent. Rousseau, c’est des foutaises. Même Momone (aka Simone de Beauvoir) avait beau jeu de se mettre en scène et de tirer à elle, la couverture. Maryse Condé est bien loin de tout ça. Elle l’annonce elle-même dans la quatrième de couverture, « Il semble que l’être humain soit tellement désireux de se peindre une existence différente de celle qu’il a vécue, qu’il l’embellit, souvent malgré lui. Il faut donc considérer la Vie sans fards comme une tentative de parler vrai, de rejeter les mythes et les idéalisations flatteuses et faciles. » Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la vie de Maryse Condé n’est absolument pas facile ni flatteuse.
Née en Guadeloupe, au sein du famille qui cherchait à tout prix l’élévation sociale et culturelle de ses enfants, elle est scolarisée au lycée en métropole, avant d’obtenir son bac et d’entrer à l’université. Sa vie s’en trouve chamboulée. Maryse Condé décrit avec une force incomparable, cette vie que rien ne prédestinait à l’écriture. Comment être noire quand on n’a jamais vécu en Afrique? Après une rupture sentimentale, elle embarque, enceinte, son premier né dans les bras pour ce continent qu’elle ne connaît pas. La terre de ses ancêtres lointains. Elle pense pouvoir s’y sentir enfin chez elle. Il n’en est rien. L’apprentissage de ce continent est lourd et difficile.
Maryse Condé n’a pas franchement eu une belle vie avant ses 30ans. Que de galères! 4 enfants, des ruptures sentimentales, des viols, des privations, des angoisses. Dit comme cela, on pourrait croire que cet ouvrage est misérabiliste. Absolument pas. Elle a su garder en elle la volonté de fer qui est la sienne, sauver ses enfants de la misère.
Cette autobiographie est la plus… vraie que j’ai jamais lue pour l’instant. Maryse Condé est franche, directe, sans détour, évoquant par exemple, la mouise dans laquelle une nouvelle grossesse la plonge, l’idée de faire adopter l’une de ses filles pour avoir moins de bouches à nourrir, et autres considérations terribles qui peuvent être celles de mères désemparées.
La Vie sans fards est un ouvrage fort, qui frappe et détonne dans cette nuée d’autobiographies. Un livre qui prouve qu’en attendant le bonheur, on peut le trouver.
La Vie sans fards de Maryse Condé
Editions JC Lattès, 2012
9782709636858
334p., 19€
Un article de Clarice Darling.
Je suis beaucoup plus mitigée que toi sur ce livre. J’ai eu beaucoup de mal à la comprendre et à la plaindre…Je me permets de citer ton billet sur mon blog du coup. Au plaisir de te lire
28 octobre 2012 à 11:56
Merci pour ton commentaire Anna.
Quand j’ai lu son livre, je n’ai pu m’empêcher de faire la comparaison avec ma vie et me dire qu’en 30 ans, elle a accumulé les difficultés, choisis sciemment ou non. J’ai eu la chance de rencontrer Maryse Condé la semaine dernière, une Maryse Condé malade, affaiblie, mais au caractère toujours bien trempé. Je lui ai demandé la façon dont ses filles ont vécu la sortie du livre et ce qu’elles en ont pensé. Maryse Condé m’a répondu que c’était une question dangereuse mais pertinente et que ses filles ont été, comme écorchées vives. Elles ont découvert la vie de leur mère qu’elles ne connaissaient pas forcément. Maintenant, la pilule est digérée et comme dit Maryse Condé, une mère, on a beau s’engueuler avec, on y revient toujours.
Cannibalement
Clarice.
28 octobre 2012 à 14:25
J’imagine à quel point cela ne doit pas etre évident pour ces enfants aujourd’hui d’apprendre tout ça. Difficile d’être une mère courage et franche….
28 octobre 2012 à 21:27