Pourquoi je n’ai pas dépassé la page 50 : L’oubli, de Frederika Amalia Finkelstein
Pourquoi choisit-on un livre ? Et surtout, pourquoi en abandonne-t-on la lecture au bout de quelques pages ? C’est le but de cette rubrique que d’expliquer un choix aussi radical, qui ne laisse pas toute sa chance à un auteur et risque de faire passer le lecteur à côté d’un roman peut-être extraordinaire au-delà de la page 50…
Bien évidemment, n’ayant pas lu le livre en entier, il s’agit moins d’en faire une critique que de parler d’une expérience défavorable de lecteur. Nous nous efforcerons donc d’être aussi mesurés que possible, sans rien cacher non plus de notre sévérité, de notre agacement ou de notre déception. Un exercice difficile mais, espérons-le, instructif et intéressant !
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Autant vous le dire tout de suite, j’ai détesté. C’est assez rare pour être souligné. Je crois que jamais, je n’avais haï un livre. Cet ouvrage est tellement abominable à lire que je n’ai pas dépassé la page 37. Je ne comprends pas pourquoi notre bon JMG Le Clézio et l’intelligentsia française (et plus particulièrement parisienne…) sont en pâmoison devant ce bouquin.
L’auteur, une jeune étudiante en philo (ceci explique peut-être cela) a seulement 23 ans et joue de sa jeunesse comme d’un nouveau style littéraire. Peut-être a-t-elle été sponsorisée par Coca-Cola car ces deux mots apparaissent très très souvent…
En gros, l’héroïne Alma-Dorothéa (donc Frederika-Amalia) est la descendante de Juifs qui ont subi les persécutions pendant la Seconde Guerre Mondiale. Sauf que ce poids de l’Histoire est trop lourd à porter. Elle ne supporte plus et cherche à oublier cet héritage en déambulant dans les rues de Paris, Daft Punk dans les oreilles, ou en s’abrutissant de jeux vidéos, toujours un Coca à portée de main.
L’histoire aurait pu être intéressante. Le postulat de départ est une vraie bonne idée. Mais alors ce style littéraire, quelle horreur!
Un extrait pris au hasard vaut mieux qu’un long discours…
« Je regarde mes chaussures. Elles sont sales. Je les ai achetées il y a peu de temps mais je n’en ai pas pris soin. J’ai oublié mes chaussures. Dans la rue, sur les trottoirs et dans les jardins, j’ai foulé le gravier, j’ai foulé le béton et les dalles sans le moindre ménagement pour ces tennis en toile de couleur blanche, aux semelles abîmées, probablement parsemées d’excréments canins et d’urine humaine en quantité si faible que je ne pourrai pas le déceler. Si je portais mon nez jusqu’à elles, ce que je vais m’épargner, je sentirais l’odeur âpre du caoutchouc chinois, peut-être aussi l’odeur lointaine de la poussière des Tuileries, qui rappelle l’Ancien Régime.
Je me demande si les chambres à gaz avaient une odeur quelque peu semblable à l’odeur des semelles de mes chaussures, mais naturellement, infiniment plus forte. Je pense que cela est possible. Il aurait fallu pouvoir le demander à un Juif ayant fait l’expérience de la chambre à gaz, mais ce Juif est mort. A un SS? Il semble, d’après ce que j’ai lu, que les SS sont des êtres remarquablement doués pour l’obéissance : il suffit d’un ordre. J’aurais ordonné à un SS de sentir mes tennis, je lui aurais ordonné, sur-le-champ, de me dire si l’odeur de mes chaussures avait un quelconque lien avec l’odeur caractéristique d’une chambre à gaz après le travail accompli, vous pouvez être certains que j’aurais obtenu une réponse positive ou négative, et une réponse détaillée.
J’éprouve un léger haut-le-cœur; il faut purifier son cerveau des horreurs qui le parsèment, comme des traces d’excréments sous les semelles de ses chaussures. Je dois éliminer ce qui obstrue mes émotions. Il faudrait que je pleure. Cela fait si longtemps. Il le faudrait. J’étais au Drugstore des Champs-Élysées hier matin et je n’ai pas réussi. J’aurais aimé pleurer devant le bar, ou devant les livres, ou devant le rayon frais, mais je ne pensais qu’à Daft Punk et à mon soda, et aussi je pensais à la mort, je pensais à l’horreur qu’on nous a fait vivre ici-même il y a quelques années, à Paris : les rafles, les trains à bestiaux qui ont contenu des Juifs. Ma canette était froide. J’ai aimé ce Pepsi, il m’a rendu le plus grand des services : il m’a désaltérée. »
Si vous aimez les phrases courtes qui s’enchaînent sans queue ni tête, si vous avez envie de baffer l’héroïne et l’auteur, si vous aimez les gamines prétentieuses, ce livre est fait pour vous. Moi, le style m’a tellement énervé que j’ai préféré arrêter.
L’oubli de Frederika Amalia Finkelstein
Éditions Gallimard, 2014
9782070146505
173p.; 16€90
Un article de Clarice Darling.
Pourquoi je ne l’ai pas lu? Parce que j’ai vu une interview de l’auteur, et rien que l’écouter j’ai pas pu. Elle dit deux mots, s’arrête, en dit trois, se re-arrête. C’est insupportable, et si c’est certainement une personne très intelligente, je la trouve assez prétentieuse dans sa façon d’être…
15 septembre 2014 à 12:25
J’ai pensé la même chose! A l’oral comme à l’écrit, cette fille est pour moi, une « tête à claques » :)
16 septembre 2014 à 07:54
Tout à fait d’accord avec toi, Insupportable ….. et je me suis rendu jusqu’à la dernière page :-( , mais affligeant jusqu’au bout.
29 septembre 2014 à 11:30
Tu es bien courageux! Je t’admire!
29 septembre 2014 à 20:06