La Servante du Seigneur, de Jean-Louis Fournier
Signé Bookfalo Kill
Ah, Jean-Louis Fournier et sa famille, c’est toute une histoire ! Et même plusieurs, puisque l’ancien acolyte de Pierre Desproges semble s’être fait une spécialité, ces dernières années, de consacrer ses romans à ses proches. Après son père alcoolique dans Il a jamais tué personne mon papa, il y eut surtout ses fils handicapés dans Où on va, Papa ? (prix Femina 2008), puis la disparition de Sylvie, sa deuxième compagne, dans Veuf.
Dans la Servante du Seigneur, c’est au tour de son troisième enfant d’endosser le rôle peu enviable de protagoniste. Tout est dans le titre : Jean-Louis Fournier s’interroge sur la soudaine passion religieuse de Marie, après la rencontre de cette dernière avec celui qu’il moque sous le sobriquet de Monseigneur, « habillé en noir, (…) des bottines qui brillent et des oreilles pointues comme Belzébuth ».
Le romancier raconte sa fille chérie avant – drôle, créative (elle était graphiste), aimant passionnément la vie, très présente auprès de son père après le décès de Sylvie – et après – dure, distante, totalement dévouée à Dieu et à son Monseigneur de compagnon.
Qu’en dire ? On y retrouve le style Fournier : chapitres courts (deux pages maximum), phrases brèves, formules qui claquent (« Pourquoi, depuis que tu es à Dieu, tu es odieuse ? »), entre dérision parfois cruelle, chagrin affleurant à peine, humour ravageur et tendresse pleine de pudeur. C’est à la fois facile et efficace. Souvent on sourit, de temps en temps on s’agace. Les 150 pages du livre s’avalent en moins d’une heure, laissant la même empreinte fugace qu’à chaque fois : une impression de douleur joyeuse qui dessine en creux davantage un portrait de l’auteur que de ses « personnages ».
Car, oui, prenant le prétexte des autres, les livres de Jean-Louis Fournier parlent avant tout de lui, et on ne peut s’empêcher de se demander, avec un peu de malaise, comment Marie va recevoir celui-ci… Même si les dernières pages, très émouvantes, viennent équilibrer la réflexion en faisant ressentir à quel point la fille manque au père, dans un mélange poignant de nostalgie et de peur de la vieillesse.
La Servante du Seigneur est sans surprise dans l’œuvre de Fournier, il plaira donc aux fans de l’auteur – qui pourraient tout de même légitimement grimacer à l’idée de dépenser 14€ pour un si petit livre, mais c’est un autre débat.
La Servante du Seigneur, de Jean-Louis Fournier
Éditions Stock, 2013
ISBN 978-2-234-07536-8
149 p., 14€
Plutôt à emprunter ou se faire prêter, alors.
25 août 2013 à 09:58