Martini Shoot, de F.G. Haghenbeck

Un cocktail pas assez frappé

Signé Bookfalo Kill

“Je suis nourrice pour starlettes. J’évite qu’elles fassent dans leur froc et se taillent une mauvaise réputation.”
Ainsi se présente Sunny Pascal, “limier beatnik (…) mi-mexicain, mi-gringo ; mi-alcoolique, mi-surfer ; mi-vivant, mi-mort.” Son travail : empêcher que des célébrités n’aient des ennuis quand elles sont surprises en train de s’adonner leurs mauvais penchants. Autant dire qu’il va avoir beaucoup de boulot sur le tournage de La Nuit de l’Iguane, le film que tourne John Huston avec Ava Gardner et Sue Lyon (la Lolita de Kubrick), mais aussi et surtout le couple le plus glamour du moment : Richard Burton et Liz Taylor, épié par tous les paparazzi de la Terre. Un détail, histoire de donner une idée de l’atmosphère générale sur le plateau ? Le réalisateur, grand caractériel devant l’Éternel, a offert à chacune de ses stars un pistolet en or et les balles en argent qui vont avec…
Aussi, l’une de ces balles est retrouvée dans le corps d’un type, qu’un bijou de grande valeur disparaît, qu’une partie du décor s’écroule et que toute une galerie de gueules patibulaires se met à vadrouiller alentour, l’ami Sunny a bien besoin de son Colt et de son amour des cocktails en tous genres pour s’en sortir…

Comme l’admet volontiers F.G. Haghenbeck dans une brève postface, Martini Shoot est un hommage aux romans noirs “hard-boiled”, notamment ceux de Chandler ou Paco Ignacio Taïbo II. Tous les ingrédients du genre sont présents : un héros narrateur gouailleur, alcoolique et désabusé ; des femmes fatales, des seconds couteaux hauts en couleur et des méchants aussi moches que tordus ; des balles perdues, un ou deux cadavres et des coups de poing ; et surtout, beaucoup, beaucoup d’alcool. Tellement que les vingt-six chapitres du roman portent tous un nom de cocktail, assorti de sa recette et de l’histoire de sa création.

Malheureusement, tout ceci ne suffit pas à réussir un bon roman noir. L’intrigue s’avère extrêmement confuse, à tel point qu’au bout d’un moment, on ne sait plus tout à fait ce que fabrique le héros. Certes, le propre d’un enquêteur est souvent de se faire balader, mais là, c’est le lecteur qui trinque, y compris quand l’heure des explications arrive…
Par ailleurs, l’humour des dialogues ou des monologues intérieurs manque souvent de l’épice indispensable à tout personnage de détective privé digne de ce nom.
Et puis, on peut regretter que l’auteur n’ait pas davantage exploité le cadre cinématographique qu’il a choisi. On saisit de temps en temps l’atmosphère du plateau de tournage, on croise régulièrement les (célèbres) acteurs qui l’animent, mais le tout manque trop de chair et de vie.

Il faut néanmoins saluer l’idée vraiment originale du roman, qui consiste à associer chaque chapitre à un cocktail différent. D’une certaine manière, le romancier mexicain rend ainsi hommage à la quintessence du roman hard-boiled. Cependant, l’insertion de la recette et de l’histoire du cocktail correspondant au début du chapitre présente l’inconvénient de couper la lecture, et peut parfois faire perdre le fil d’une intrigue qui n’est déjà pas facile à saisir. Au bout du compte, j’ai fini par ne plus les lire pour me concentrer sur l’histoire.

Associer les bons ingrédients ne suffit pas à produire un mélange de rêve. Il faut également le coup de patte magique du barman ; Haghenbeck, malheureusement, n’est pas un virtuose du shaker. Certes, on reconnaît le goût de sa mixture, et on n’a même pas trop de mal à tout avaler, mais il manque clairement le petit quelque chose – un soupçon de sucre givré au bord du verre, une olive piquée d’un cure-dents, que sais-je encore – qui donne envie de repasser commande sur-le-champ.

Martini Shoot (Trago Amargo), de F.G. Haghenbeck
Éditions Denoël
ISBN 978-2-207-26155-2
192 p., 13,50€

Retrouvez Martini Shoot sur le site des éditions Denoël.

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