Hélène, ex-commissaire de police, reprend du service pour retrouver un couple et leur petit garçon, Milo. Elle rencontre les dernières personnes à avoir été en contact avec eux. Depuis que la France a basculé dans l’ère de la Transparence, ces hommes et ces femmes vivent dans un monde harmonieux, libéré du mal, où chacun évolue sous le regard protecteur de ses voisins.
Mais au cours de son enquête, Hélène va dévoiler une vérité aussi surprenante que terrifiante.
Un mot pour qualifier ce roman : malin.
Suivant la foi que l’on accorde à son propos, on pourrait ajouter lucide, pertinent, connecté à l’air du temps. Mais « malin » les résume tous et s’avère celui qui lui correspond le mieux.

Pourquoi ? Parce qu’avec cette fable vive et directe, Lilia Hassaine applique en fiction ce qu’elle a d’abord abordé en tant que journaliste, notamment pour Quotidien : scruter la société contemporaine et quelques formes modernes de ses dérives.
Ici, en recourant à la métaphore de la Transparence comme mode de vie et comme programme politique, elle s’attaque à la dictature de l’instant et de l’émotion, au potentiel tyrannique des réseaux sociaux, à tout ce qui constitue une nouvelle forme d’hypocrisie : se donner le beau rôle en se mettant en scène dans les meilleures conditions, tout en fustigeant ses concurrents ou ses adversaires jugés coupables de se comporter de manière exactement inverse. Des tribunaux populaires qui ne disent pas leur nom, s’appuient sur des appareils d’une puissance considérable (une chaîne de télévision, par exemple) et font des dégâts terrifiants.
C’est assez bien vu, et ultra-efficace, la romancière ayant fait le choix de traiter son intrigue sous la forme d’un pseudo-polar qui propulse l’histoire droit devant elle, sans temps mort ni digression. La résolution de l’intrigue n’est pas en soi le plus important, le traitement didactique du sujet intéresse davantage Lilia Hassaine.
Revers de la médaille, d’un point de vue formel, il n’y a pas grand-chose à voir. Privilégiant l’efficacité, Lilia Hassaine ne perd pas de temps en littérature. Là aussi, c’est droit au but, entre grammaire purement fonctionnelle et personnages archétypaux, faciles à identifier, qui permettent de ne pas perdre de temps. Quelque part, le côté dépouillé du style s’associe assez bien à la portée glaçante du propos. Mais ce n’est pas suffisant.
Ça l’est d’autant moins que l’intrigue montre assez vite ses limites. Cantonné au statut de prétexte, le suspense s’enlise, finit par perdre de son intérêt – bien que Lilia Hassaine lui trouve une résolution intéressante, à la hauteur de son propos, in extremis.
Panorama est un roman intéressant, plutôt percutant, qui aurait gagné en force avec davantage d’engagement littéraire et de profondeur à tous points de vue. Malin, donc – mais comme tous les petits malins, il finit par dévoiler quelques faiblesses.
Panorama, de Lilia Hassaine
Éditions Gallimard, coll. Folio
ISBN 9782073095282
256 p., 8,50€
Ce roman, paru initialement aux éditions Gallimard le 17 août 2023 (240 p., 9782073035059, 20€), a reçu le Prix Renaudot des Lycéens.

Laisser un commentaire