(MÉGA) COUP DE CŒUR
La reine Ema et le roi Thibault ont sacrifié ce qu’ils avaient de plus précieux. Dévastés, ils doivent maintenant faire face à la plus grande des menaces : Jacquard. Le frère du roi est prêt à tout pour s’emparer du trône et la toile qu’il tisse autour du couple royal est un piège implacable…
Après le bleu de la mer et le vert de la forêt, voici le rouge. Pas d’équivoque : rouge sang, rouge violence, rouge comme le mal qui ronge le Royaume de Pierre d’Angle et menace de l’envahir pour de bon. La silhouette encapuchonnée qui se dresse à la lisière de sa couverture, sur fond de Catastrophe, ne représentant pas le moindre des périls qui pèse sur l’île-royaume…

Ce troisième tome est sans hésitation mon préféré des quatre, que j’ai pourtant tous adorés sans réserve. Il m’a laissé sidéré, exsangue, bouleversé, totalement abasourdi. Je ne sais pas depuis combien de temps je n’avais pas été à ce point renversé par un livre – et comme par hasard (ou pas), il s’agit d’un roman « pour la jeunesse ».
Oui, parce que, si je réfléchis deux minutes, les premiers titres (pas les seuls, mais les premiers) qui me viennent à l’esprit pour égaler les sentiments extraordinaires qui m’ont remué à la lecture des Adieux sont des romans de littérature jeunesse. Harry Potter et la Coupe de Feu, de J.K. Rowling. Vango et Le Livre de Perle, de Timothée de Fombelle. Les larmes de l’assassin, d’Anne-Laure Bondoux. Le Passeur, de Lois Lowry (le premier de tous !)
Ce sont tous, parmi d’autres, des marqueurs majeurs de ma vie de lecteur adulte ; et ils ont tous été écrits à l’intention d’enfants ou d’adolescents sans avoir été écrits spécifiquement pour eux, par des auteurs qui estiment au plus haut point l’intelligence de leur public, quel que soit son âge – ce qui fait que des adultes normalement constitués y trouvent leur compte. Et ce n’est pas la moindre de leurs qualités.
Bref, revenons donc à nos Adieux qui, malgré ce titre crépusculaire, ne clôturent pas la saga en quatre volumes… et heureusement, parce que vu ce qui vous attend dans le grand final de ce troisième tome, ce serait juste intolérable.
Je ne dis rien de plus, évidemment. Mais, d’une manière ou d’une autre, je devais mentionner cette fin. Elle est incroyable, et participe pour beaucoup à l’effet de sidération évoqué ci-dessus. Il a fallu à Pascale Quiviger une audace exceptionnelle, et beaucoup de courage, pour nous amener à ce point de son histoire – et nous y laisser suspendus, hagards, à la limite de l’incrédulité. C’est sans aucun doute l’une des conclusions les plus folles que j’aie jamais lues.
Je supplie ceux qui s’en sont arrêtés aux prémices du premier tome ou qui ont trouvé le deuxième trop statique de revenir sur leur avis hâtif, de poursuivre leur lecture et de pousser jusqu’au troisième. Vous voulez de l’action ? Vous allez être servis !
En effet, Pascale Quiviger continue à varier les registres, et s’engage cette fois dans un récit palpitant, qui n’arrête pas une seconde, et défonce le lecteur façon marteau-pilon. Il ne sera rien épargné ici aux nombreux personnages de la saga, et vous souffrirez avec eux, et vous espérerez avec eux, et vous lutterez avec eux, pied à pied, contre le destin qui s’acharne, et contre les machinations monstrueuses du Prince Jacquard, toujours plus déterminé à récupérer le trône.
Jacquard. Arrêtons-nous un instant sur ce personnage, ça vaut le coup d’œil. Je l’ai déjà dit dans la chronique des Filles de mai, voilà un personnage de méchant pur et dur, archétypal, presque manichéen à force d’être aussi obstiné dans sa quête de destruction. Le méchant réjouissant de méchanceté, qu’on finit par adorer détester, dans toute son horrible splendeur.
C’est le personnage qui, de tous, paraît sans doute le plus simpliste, alors que tous les autres ne cessent de se parer de nuances admirables venant étoffer le canevas primaire sous lequel ils ont commencé par naître dans ces pages. Jacquard est brut, taillé sans grâce dans le marbre du mal… mais quelle puissance, quelle intensité ! Jouant par contraste, sa bestialité est indispensable à la subtilité des autres, notamment à l’humanité pleine de nuances de Thibault et d’Ema.
Je voudrais avoir un mot pour tous les autres, mais ils sont si nombreux, et tous si indispensables à la marche du récit, que c’est impossible. Ce sont des compagnons de route fabuleux (avec des gros coups de cœur pour Lysandre et sa Brunante, Lucas Corbières, Esmée la messagère), que l’on est heureux d’accompagner et que l’on regrette déjà de devoir quitter, alors que le chemin est encore long avant de devoir s’en séparer.
Ils sont d’autant plus riches et attachants que Pascale Quiviger ne les ménage pas, pas plus que ses lecteurs. Au contraire… Sans trop en dire, je préfère vous prévenir que vous avez intérêt à passer en mode Game of Thrones, à vous tenir prêts à tout, y compris à en voir tomber en cours de route, et pas des moindres…
Fin de chronique pour Les Adieux, j’ai peur de trop en dire, et je crois (j’espère !) que le message est passé. Avec ce troisième volume, Pascale Quiviger installe définitivement Le Royaume de Pierre d’Angle dans la famille des grandes sagas de la littérature jeunesse (et au-delà), avec sa luxuriance de sentiments et de péripéties, la puissance de son univers à la fois complexe et d’une évidence totale, et la richesse de ses personnages.
Et ce n’est pas fini… Rendez-vous au dernier tome !
À partir de 13 ans.
Le Royaume de Pierre d’Angle t.3 : Les Adieux, de Pascale Quiviger
Éditions du Rouergue, 2020
ISBN 9782812619663
512 p., 18€
Également disponible en Folio Fantasy :
ISBN 9782072999222
512 p., 9,90€

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