Mauvaise étoile, de R.J. Ellory
Signé Bookfalo Kill
Rien n’aurait dû se passer comme cela. Earl Sheridan, condamné à mort en route pour une prison de Californie où l’attendaient le couloir de la mort et la potence, n’aurait jamais dû transiter par le centre de correction pour mineurs d’Hesperia ni rencontrer les demi-frères Elliott Danziger, dit Digger, et Clarence « Clay » Luckman, qui y végétaient en espérant ne pas finir plus mal.
Mais voilà, une tempête de neige s’en est mêlée, déroutant l’escorte de Sheridan jusqu’à Hesperia. Là, le tueur s’est libéré facilement puis évadé, prenant Digger et Clay en otage pour se lancer dans une longue cavale sanglante, de la Californie au Texas, dont les conséquences iront au-delà de tout ce qu’on peut imaginer…
Époustouflant. D’une maîtrise et d’une subtilité sidérantes. Violent, effroyable, poignant, bouleversant : Mauvaise étoile est tout cela à la fois, prouvant une fois de plus le talent singulier, la puissance hors normes de R.J. Ellory, le romancier britannique qui parle des États-Unis mieux que bien des écrivains américains.
Ayant bouclé sa « trilogie institutionnelle » sur les USA (Vendetta consacré à la Mafia, les Anonymes sur la C.I.A. et les Anges de New York sur le N.Y.P.D.), l’auteur du magnifique Seul le silence revient avec ce thriller tendu et sombre, qui gagne en intensité, en force et en suspense au fil de ses 535 pages que l’on dévore sans pause ni peine.
A l’instar d’Au-delà du mal de Shane Stevens, Mauvaise étoile pourrait même devenir un classique du roman intelligent sur les tueurs en série, tant son analyse des mécanismes du mal et de la violence s’avère fine et minutieuse. Ellory prend surtout le parti du réalisme, dépeignant avec précision, presque avec distance, les pires actes comme les échecs, les erreurs, les incompréhensions et les colères de ses criminels.
Si la violence est omniprésente dans ce polar – jamais sans doute autant de morts n’ont pavé les chemins ténébreux d’un de ses livres -, le romancier évite les pièges du sensationnalisme ou de la surenchère gratuite dans lesquels trop nombreux de ses confrères se laissent tomber sans grâce lorsqu’ils décident de mettre en scène un sociopathe criminel. Il reste toujours au niveau de l’humain, dans toute sa triste gloire, sa complexité faite de cruauté et de douceur, de mesquinerie et d’espoir.
On retrouve surtout la maestria d’Ellory pour camper des héros inoubliables. La démonstration est d’autant plus flagrante dans Mauvaise étoile que les personnages sont nombreux, et que le romancier leur accorde à tous le même intérêt, prenant le temps de détailler leur histoire, leur vie, même s’ils ne doivent apparaître que deux pages et trouver une fin aussi rapide qu’atroce entre les mains d’un meurtrier.
Certains, apparus comme de modestes seconds rôles, gagnent aussi en importance pour finir parmi les plus marquants du livre, à l’image de John Cassidy, le policier consciencieux qui ne surgit qu’à mi-roman, mais dont la voix et les réflexions semblent épouser celles de l’auteur lui-même en s’imposant peu à peu dans l’intrigue.
Immense roman sur la fatalité mais aussi sur la rédemption, brillante analyse de l’exercice du mal, Mauvaise étoile installe un peu plus R.J. Ellory, s’il en était besoin, parmi les incontournables d’aujourd’hui. Presque déjà un classique, en tout cas LE roman à ne pas rater cette année, pour ceux qui pensent que le grand polar est autant un style qu’une intrigue.
Mauvaise étoile, de R.J. Ellory
Traduit de l’anglais par Fabrice Pointeau
Éditions Sonatine, 2013
ISBN 978-2-35584-194-1
535 p., 22€
Oh que nous sommes en phase sur ce bouquin, oh que oui ! ;-)
LE polar à lire cette année, s’il ne devait y en avoir qu’un
2 octobre 2013 à 10:05
Waouh, quelle réactivité, Yvan ;-)
Merci pour ton commentaire quasi instantané… et, oui, OUI, lisez « Mauvaise étoile » !
2 octobre 2013 à 10:11
Eh oui, quand on me parle de Ellory, je fonce !
Demain j’enfonce le clou sur mon blog avec mon ressenti ;-)
Si après ça, on a pas réussi à faire passer le message…
2 octobre 2013 à 10:15
Je n’avais pas aime Seul le silence. Mais j’avais adore les autres. Je note, bien sur !
6 octobre 2013 à 07:47
J’ai été tellement déçu par la sale affaire d’Ellory l’an dernier que j’ai des réticences.
C’est donc un roman extraordinaire?
16 octobre 2013 à 11:39
Pour moi, oui, « Mauvaise étoile » est un grand Ellory.
Quant à l’affaire… très honnêtement, maintenant, je m’en fous un peu. Même, avec le recul, ça me fait marrer, bien que sur le coup, j’aie été déçu.
Bon, qu’il dise du bien de ses propres livres en se faisant passer pour un lecteur anonyme, c’est minable, mais il faut remettre le truc dans le contexte et préciser qu’à l’époque, il était inconnu.
Quant à ses critiques de ses petits camarades, le seul truc que je lui reproche, c’est de l’avoir fait sous pseudo. Parce que, franchement, dire du mal de Mark Billingham, je peux comprendre ;-)
Et puis surtout, les réactions de certains de ses confrères m’ont paru particulièrement hypocrites, parce que dans le tas, il y en a sûrement qui faisaient la même chose. Simplement, Ellory a été assez maladroit pour se faire choper.
Pour le reste, en ce qui me concerne, ça ne change rien à la qualité de ses livres, et je trouverais dommage de me priver du plaisir de les lire à cause d’une anecdote sans grande importance, dans le fond.
18 octobre 2013 à 00:07
Je suis tout à fait de ton avis également :)
Ellory pour moi est vraiment un auteur qu’il FAUT lire! Ce dernier roman ci en particulier! Peut être son meilleur traduit en français pour l’instant (et les autres avaient déjà un très bon niveau).
17 décembre 2013 à 18:51
Pour ma part, je garde une tendresse particulière pour « Seul le silence », son premier traduit en français, celui qui l’a fait découvrir (et qui a lancé les éditions Sonatine au passage)… mais « Mauvaise étoile » n’est vraiment pas loin derrière ;-)
Merci pour ton commentaire !
Cannibalement,
B.K.
28 décembre 2013 à 08:57
Idem « Seul le silence » fut mon premier roman lu d’Ellory et je garderai toujours le souvenir de cette sensation très agréable à la lecture de ce roman. J’avais vraiment été transporté par sa plume.
5 janvier 2014 à 14:09