Smog, de Jérôme Harlay

Signé Bookfalo Kill

Smog n’est pas une ode au brouillard londonien mais le nom d’une curiosité architecturale : une maison en forme de bateau, suspendue au-dessus de Marseille. Elle appartenait à Johan Verbeeke, un inventeur belge fantasque, et à son épouse Susan, qui viennent de mourir dans un accident d’avion. Leur avocat et ami, Pierre Roubault, se rend sur place pour s’occuper de la succession, l’étrange maison-navire revenant par testament à son propre fils Fergus, âgé de neuf ans. Ce sont les vacances d’été, le petit garçon est également du voyage.
La propriété des Verbeeke est entretenue par Marc et Aude Labeyrie, un couple d’apparence affable qui qui dissimule un lourd secret. Obligé de repartir rapidement pour s’occuper d’autres aspects de la succession, Pierre Roubault décide de confier son fils aux Labeyrie, Marc semblant en particulier s’enticher du jeune garçon ; dans le même temps, Joël, le fils aîné de Roubault né d’un premier mariage, rejoint le Smog pour y passer quelques jours de vacances et – espère en tout cas son père – apprendre à connaître son petit frère moitié plus jeune que lui.
Une fois l’avocat reparti, les caractères se tendent et s’exacerbent, des figures menaçantes apparaissent, et les zones d’ombre de chacun s’apprêtent à refaire surface…

Smog porte bien son titre : au début, le lecteur navigue à vue dans le brouillard d’un récit qui commence sans prévenir, par une scène dans un aéroport où les avions sont cloués au sol par les intempéries. Puis, petit à petit, les personnages, les destins, les histoires se dessinent. Jérôme Harlay recourt à une construction polyphonique pour mieux parcourir le spectre des sentiments et des conflits psychologiques qui agitent tous les personnages sans exception. L’un après l’autre, ils prennent la parole, suivant la linéarité du récit et en dévoilant petit à petit les enjeux.

Mais que tout ceci traîne en longueur… Roman paradoxal, Smog entreprend de sonder les noirceurs de l’âme avec une application quasi scolaire dans la forme. C’est bien écrit, presque trop. Le reproche peut paraître exagéré, surtout à une époque où le style ne semble plus la priorité des auteurs ni des éditeurs ; pour autant, il faut qu’il y en ait, du style, pour singulariser un auteur – et je mentirais en affirmant que celui de Jérôme Harlay m’a frappé. Peut-être est-ce dû au choix du changement de narrateur à chaque chapitre, exercice complexe s’il en est. Ici, l’auteur peine à investir pleinement chacune de ses voix, hormis peut-être celle de Joël, le grand frère.

Puis, pour retarder le temps des révélations, le récit emprunte des tours et détours qui finissent par désamorcer la montée de la tension (même si certains lecteurs y ont été sensibles), tout en s’appuyant sur des personnages secondaires un peu lourds, prévisibles. Le premier roman de Harlay, Le Sel de la guerre, était un polar, et on sent ici qu’il a souhaité s’affranchir du genre sans y arriver tout à fait, d’où l’aspect parfois bancal d’un roman qui hésite entre suspense et récit psychologico-intimiste sans parvenir à concilier les deux.

Harlay a cependant l’art et la manière de créer une atmosphère poisseuse, irrespirable, et de camper des décors frappants – à ce titre, le Smog est une superbe idée de cadre. De quoi espérer le voir franchir un cap et se lâcher davantage prochainement ? A voir.

Smog, de Jérôme Harlay
Editions Belfond, 2011
ISBN 978-2-7144-5134-7
308 p., 20€

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Et si vous voulez voir et écouter l’auteur défendre son roman : la Fringale littéraire

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