Tuer le père, d’Amélie Nothomb
Signé Bookfalo Kill
Le nouveau roman d’Amélie Nothomb s’intitule Tuer le père. Sa quatrième de couverture se résume comme d’habitude à une seule phrase : « Allez savoir ce qui se passe dans la tête d’un joueur. »
Il raconte l’histoire d’un adolescent, Joe. Passionné d’illusionnisme, il vit seul avec sa mère qui ne l’aime pas et collectionne les beaux-pères. Lorsqu’elle pense avoir trouvé le bon, elle demande à son garçon de débarasser le plancher. Joe s’en va bien volontiers, décidé à gagner sa vie en exerçant l’art de la magie. Pour progresser, il s’invite chez Norman, l’un des meilleurs prestidigitateurs du monde. Celui-ci le prend sous son aile, lui enseigne ses secrets et l’élève comme son fils avec sa femme Christina. Joe tombe amoureux de Christina. Tout ça risque de mal finir.
Tuer le père affiche 150 pages (grands caractères, larges interlignes) et coûte 16€. Je l’ai lu en une heure, à la minute près. Il va se vendre à plusieurs dizaines, voire centaines de milliers d’exemplaires.
Et sinon ?
Rien.
Ce roman avait du potentiel. La magie est un thème qui nourrit avec la littérature des affinités évidentes. Comme le prestidigitateur, l’écrivain est un manieur d’illusions qui fait du mensonge un art visant, non pas à abuser par malignité, mais à surprendre et à enchanter son lecteur. Lorsqu’elle aborde ce sujet, Nothomb livre d’ailleurs ses meilleures lignes, dignes de ses meilleurs romans.
Mais ce ne sont que quelques lignes, égarées au milieu d’un océan de platitudes qui m’ont laissé totalement indifférent. Je me demande encore quel est l’intérêt de l’apparition au début et à la fin de l’auteure en personne, qui se met en scène avec une certaine complaisance et sans aucun rapport avec le reste de l’histoire.
Et je passe sur la piteuse tentative de twist final, tellement cousue de fil blanc qu’elle donne au roman des allures de cadavre après autopsie.
Ne vous y trompez pas : je ne déteste pas Nothomb, ni ne la critique par principe. Au contraire, j’ai même aimé et suivi son travail, au début de sa carrière. Lorsqu’elle était encore écrivain. Son obsession thématique de la monstruosité sous toutes ses formes – en particulier de l’obésité – constituait la force de son oeuvre. Elle se montrait d’une telle virtuosité dans l’art délicat des dialogues qu’on lui pardonnait volontiers de limiter les descriptions et les transitions narratives à leur plus simple expression, pour mieux briller dans un jeu de réparties cinglantes, intelligentes, drôles, perverses, plus jouissives les unes que les autres. Son premier roman, Hygiène de l’assassin, était une merveille du genre, dont je recommande encore volontiers la lecture – même si mon affection va en premier lieu aux Catilinaires, oeuvre méconnue mais superbe.
Et puis, au fil des romans, Nothomb est devenu un système, une machinerie sans âme, un épouvantable gâchis de talent. L’auteur d’un livre par an, paraissant fin août, équivalent du starter pour le coureur de cent mètres : un coup de feu qui déclenche la ruée de la rentrée littéraire avant de partir aussitôt en fumée dans le ciel – aussitôt tiré, aussitôt oublié.
La Belge chapeautée est douée. Je suis sans doute présomptueux, mais je reste convaincu qu’elle pourra écrire, un jour, un GRAND livre. Ce jour arrivera lorsqu’elle cessera de céder à sa facilité naturelle et décidera de se confronter pour de bon à l’écriture, à une ambition littéraire plus élevée et moins lâche que celle consistant à expédier la rédaction de trois ou quatre opus minimalistes par an (détail biographique qui fait partie de sa « légende » médiatique), puis à confier à son éditeur le soin de choisir le meilleur (sans doute plutôt le moins mauvais).
J’espère vraiment voir ce jour arriver, même si chaque année qui passe et nous amène un énième roman sans saveur entame un peu plus mon optimisme naturel…
Et pardon si je m’échauffe un peu, mais voir un tel potentiel se déliter de livre en livre, c’est vraiment râlant.
Tuer le père, d’Amélie Nothomb
Editions Albin Michel, 2011
ISBN 978-2-226-22975-5
150 p., 16€
Pour ma part, j’ai plutôt accroché à ce roman, c’est une lecture agréable, et ça me va très bien. Il est bien meilleur de mon point de vue que les deux opus précédents.
30 septembre 2011 à 22:19
Hello Nico !
Merci pour ton point de vue. J’ai lu ce roman moi aussi sans déplaisir, parce que Nothomb écrit bien, et que comme tu le dis, c’est une lecture agréable – ce qui est presque toujours le cas avec ses livres. Je partage le point de vue que tu exprimes sur son blog (pour les curieux, c’est ici : http://leblogdenico.space-blogs.com/blog-note/189101/tuer-le-pere-amelie-nothomb-.html), que j’approuve pour l’essentiel dans le fond ; j’ai juste été plus sévère que toi dans ma formulation ;-)
Je voulais juste souligner qu’à mon avis, elle peut faire bien mieux – et d’ailleurs, j’avais lu une interview d’elle, il me semble que c’était dans Lire l’année dernière ou il y a deux ans, qu’elle pourrait un jour avoir envie d’écrire un gros et grand livre… J’avais aimé qu’elle le dise, car je suis convaincu qu’elle le peut, en effet. Et du coup, maintenant, j’attends avec impatience de voir si elle y arrivera, ou au moins si elle essaiera…
Après, Nothomb touche un large public avec des livres singuliers, qui portent sa griffe, et contente un grand nombre de lecteurs à chaque nouvelle rentrée. Je n’ai rien contre cela, au contraire ! Et tant mieux – pour elle comme pour ses fans – si cela dure.
A bientôt, merci encore !
B.K.
2 octobre 2011 à 21:26
bonjour, Tuer le père n’est pas son meilleur roman. C’est un roman qu’on ne lache pas, mais une fois qu’on l’a lu, le relira-t-on ? rien n’est moins sûr, car cet opus est dépourvu de la poésie si troublante et si bien amenée des premiers Nothomb… Mais la chute du roman est génial, il faut le dire, et tout lecteur sera surpris… Cependant, avec Une Forme de vie, elle détient l’un de ces plus beaux romans, (lire absolument les pages sur l’obésité, c’est étourdissant de talent, si vrai, et si drôle)… donc je dirais que Nothomb est une irrégulière, et que tout bon écrivain ne saurait proposer un chef d’oeuvre chaque année, à l’évidence. Elle pond un excellent bouquin tous les 3 ans, que je relis et souligne, et conseille. Perso, je trouve que c’est déjà énorme!! tant d’auteurs m’ennuient avec leurs descriptions merdiques, sans univers, ni obsessions…
22 octobre 2011 à 20:33