Les mystères de Larispem t.2 : les Jeux du Siècle

Éditions Gallimard, coll. Folio S.F., 2020
ISBN 9782072885310
400 p.
9,20 €
À l’aube du XXe siècle, les jeux de Larispem sont lancés ! Carmine, Nathanaël et Liberté forment l’une des six équipes de ce jeu de l’oie à échelle humaine. Pendant ce temps, la comtesse Vérité œuvre dans l’ombre pour s’emparer de la Cité-État. L’intrépide trio parviendra-t-il à déjouer ses plans ? Et sauront-ils décoder le Livre de Louis d’Ombreville, qui suscite tant de convoitises ?
Dans une trilogie, la deuxième position est la plus ingrate. L’épisode 2 porte la lourde responsabilité de tenir les promesses faites par le premier, de nouer plus solidement les fils du mystère sans perdre le lecteur (ou le spectateur), d’amorcer le feu d’artifice final du troisième, tout en assumant souvent la part la plus sombre et inquiétante de l’histoire.
Les Jeux du Siècle, deuxième tome des Mystères de Larispem, relève le défi haut la main. La maîtrise dont avait fait preuve Lucie Pierrat-Pajot dans le volume inaugural était remarquable, surtout qu’il s’agissait de son premier roman (lauréat, rappelons-le, du Concours du Premier Roman organisé par les éditions Gallimard-Jeunesse) ; elle devient bluffante ici.
Lâchant la bride à son cheval de suspense, la jeune romancière précipite l’intrigue dans un mouvement perpétuel dont le tempo soutenu ne se relâche jamais, boosté par une imagination débordante qui multiplie de géniales péripéties, tout en ménageant la place nécessaire aux personnages pour exister, avancer, se développer, se dévoiler. En particulier le trio central : Carmine, moins inébranlable qu’elle n’y paraît, Nathanaël, plus courageux qu’il ne le croit lui-même, et Liberté, qui se découvre un caractère en acier trempé et une détermination à toute épreuve.
On plonge plus avant dans le dédale de Larispem, sublime revisitation steampunk de Paris dont les moindres décors font frissonner d’excitation. Une exploration géographique qui va de pair avec une formidable réinvention et réflexion historique, questionnant le pouvoir, les idéaux et l’idéologie, l’ambition, le déterminisme des origines sociales… Autant de sujets ambitieux, que Lucie Pierrat-Pajot traite en finesse, en privilégiant l’aspect ludique de son intrigue, l’aventure et le suspense pour faire passer le tout en douceur.
Comme de juste, la romancière abandonne ses héros – et nous avec – au fin fond des ennuis, au plus sombre et inquiétant de leur périple.
Ce qui nous amène en toute logique… directement au tome 3 !
Sauvagerie, de J.G. Ballard
Signé Bookfalo Kill
Résidence luxueuse située à l’écart de Londres, étroitement surveillée et réservée à une élite sociale et financière, Pangbourne Village avait tout pour être un havre de paix. Un matin pourtant, c’est la stupeur : tous les adultes y sont retrouvés assassinés, et tous les enfants ont été kidnappés. Coupées avant le début du massacre, les caméras de surveillance n’ont rien enregistré.
Si des dizaines de pistes sont envisagées, allant du terrorisme international à l’erreur de manoeuvre militaire en passant par un psychopathe déchaîné ou un coup des gangs londoniens, aucune n’est étayée par la moindre preuve. Impuissants, les policiers font appel au psychiatre Richard Greville pour reprendre l’enquête de zéro…
Il est très difficile de parler en détail de Sauvagerie. D’abord parce que ce roman est très court. Ensuite et surtout parce qu’il dévoile petit à petit l’étrange vérité d’une affaire hors du commun, et qu’il vaut mieux en aborder la lecture l’esprit aussi vierge que possible, afin de pouvoir apprécier à sa juste valeur la force du message énoncé par J.G. Ballard, l’auteur de Crash !, Empire du Soleil ou La Foire aux atrocités.
Je dois préciser toutefois qu’en dépit des apparences, Sauvagerie n’est pas un polar. D’ailleurs, le pot aux roses est dévoilé à mi-livre et peut sans doute être deviné avant, preuve que ce n’était pas le sujet pour Ballard. Bien que publié tardivement (1988) dans l’œuvre de l’écrivain, ce roman est plutôt une réflexion d’anticipation, qui dénonce les dégâts insoupçonnés de la société de contrôle, froide et déshumanisée, ainsi que l’utopie moderne d’un bonheur fondé sur le matérialisme.
Glaçant et concentré, le récit livre une démonstration qui arrache des frissons d’horreur par son réalisme et son intelligence implacable.
Réédité en 2008 par Tristram (après une première parution chez Belfond en 1992), Sauvagerie vient de ressortir dans la nouvelle collection de poche de l’éditeur. L’occasion de découvrir, à un prix tout petit, ce texte fort et inoubliable.
Sauvagerie, de J.G. Ballard
Traduit de l’anglais par Robert Louit
Éditions Tristram, coll. Souple, 2013
ISBN 978-2-36719-005-1
85 p., 5,95€
Céleste, ma planète, de Timothée de Fombelle
Signé Bookfalo Kill
Comme je ne dirai jamais assez de bien de Timothée de Fombelle (et je ne vous ai pas encore parlé de Vango… ça viendra), je voudrais vous glisser quelques mots de regret au sujet de Céleste, ma planète (paru en 2009) : ce roman est beaucoup, beaucoup TROP COURT.
Car pour le reste, quelle petite merveille, encore une fois ! Initialement publié dans la revue Je Bouquine, Céleste… se déroule dans une version futuriste de notre monde, et pourtant effroyablement crédible. Les immeubles ont plus de 300 étages et porte des noms bizarres – !mmencity, !ntencity, !ndustry -, on range les voitures à la verticale dans de monstrueux parkings verticaux, la publicité est omniprésente et la pollution englobe tout.
Le narrateur de l’histoire n’est pas à sa place dans un tel environnement. C’est un garçon rêveur, qui dessine des cartes du monde et joue du piano, seul dans l’appartement gigantesque et sans âme, déserté par sa mère débordée de travail. Son seul ami est Briss, fils du laveur de carreaux des tours de verre, qui vient chaque soir vider le frigo que la mère du héros fait remplir à distance chaque lundi.
Mais tout change le jour où Céleste arrive au collège. Elle n’y reste pourtant qu’une matinée, ne dit pas un mot, mais c’est suffisant pour tomber amoureux – et pour partir à sa recherche coûte que coûte dans la ville immense…
Dans ces brèves 92 pages, il y a, certes, une histoire d’amour qui ne tient à rien, ce qui la rend d’autant plus juste et touchante. Mais il y a aussi et surtout un propos simple et subtil sur l’écologie, sur l’avenir de notre planète, sur la manière dont nous la pervertissons et dont nous nous avilissons par la même occasion.
Avec un beau mélange de mélancolie, d’humour léger, d’aventure et de fausse naïveté, Timothée de Fombelle signe une fable utopiste et engagée qui évoque Tistou les pouces verts et ses espoirs pacifistes.
Pour réfléchir et rêver, un petit livre facile et utile à partir de 10 ans.
Céleste, ma planète, de Timothée de Fombelle
Éditions Gallimard-Jeunesse, 2009
ISBN 978-2-07-062324-2
92 p., 4€