Méto t.3 : le Monde, d’Yves Grevet
Signé Bookfalo Kill
Contre son gré et toute attente, voici Méto de retour dans la Maison. Après avoir été traîtreusement récupéré parmi les Oreilles Coupées, longuement interrogé et maltraité par Jove, le créateur de la Maison, il intègre le groupe E, sorte d’unité d’élite formée à des missions dangereuses et confidentielles sur le continent.
Bien que placé sous haute surveillance, Méto poursuit son exploration de la vérité, découvre ce qu’il est advenu du Monde et pourquoi il en a été soustrait. En savoir plus lui permet de développer ses grands projets de changement…
Ayant déjà largement souligné les qualités de l’œuvre pour ados d’Yves Grevet dans mes chroniques sur les tomes 1 et 2 – qualités que l’on retrouve dans ce troisième et dernier volume -, je vais insister sur mes deux regrets majeurs pour cette conclusion de la trilogie.
Tout d’abord, le manque d’engagement stylistique de l’auteur m’a une nouvelle fois frappé, voire gêné dans certaines scènes qui auraient mérité d’être plus émouvantes – et les occasions ne manquent pas dans ce troisième tome, où Méto rencontre l’amour, expérimente d’autres formes d’amitié et découvre sa famille…
Ce style sans âme est efficace pour les scènes d’action et pour faire avancer rapidement le récit, mais il fait tomber à plat d’autres situations plus subtiles, ainsi que de nombreux dialogues qui sonnent creux.
D’autre part, il y avait largement de la place pour un tome en plus. Que la fin est rapide ! Elle paraît d’autant plus courte que le style de Grevet (j’insiste, je sais) est expéditif. Le dernier tiers du roman aurait pu – et dû – être développé davantage, laisser place à plus d’explications, plus de suspense… L’ambition politique du sujet le méritait.
En dépit de ces réserves, je dois souligner – avec plaisir, d’ailleurs – qu’Yves Grevet mène proprement à son terme une histoire passionnante, palpitante et intelligente, qui met à disposition de nombreux jeunes lecteurs des réflexions puissantes sur le pouvoir, l’indépendance, l’obéissance et la désobéissance, la manipulation…
Une trilogie captivante, impossible à lâcher une fois qu’on a mis le nez dedans. Hautement recommandée, donc !
Méto t.3 : Le Monde, d’Yves Grevet
Éditions Syros, 2010
ISBN 978-2-7485-1028-7
379 p., 16€50
Méto t.2 : l’Île, d’Yves Grevet
ATTENTION, SPOILER !
Ce deuxième tome de la série Méto étant une suite directe, je suis obligé de dévoiler des éléments de l’intrigue du premier volume et en évoquer notamment la fin.
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Signé Bookfalo Kill
En réussissant à quitter la Maison, Méto et ses amis pensaient avoir fait le plus dur… Grossière erreur. A peine sortis, ils sont obligés de livrer une bataille terrible qui en laisse plus d’un sur le carreau.
Méto reprend conscience quelques heures plus tard, gravement blessé, entravé sur un lit et les paupières cousues, incapable de se souvenir de ce qui s’est passé. Qui les a attaqués ? Où est-il ? Ses amis sont-ils tous morts ?
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas au bout de ses peines, ni de ses surprises…
Pour rédiger cette chronique, j’avais le choix entre deux options : soit en dire le moins possible, respectant ainsi la volonté de l’auteur de surprendre son lecteur dès les premières pages du livre ; soit détailler davantage les premières péripéties de ce deuxième tome, et ruiner en partie le suspense initial.
Vous l’aurez compris, j’ai donc décidé de me limiter au strict minimum. Comme l’indique le titre, Yves Grevet nous emmène à la découverte de l’île au cœur de laquelle se trouve la Maison, et à la rencontre de ses autres habitants – pas forcément plus aimables que les autres, d’ailleurs.
Méto et ses amis (oui, bon, je vous le concède, Méto n’est pas seul, et quelques figures marquantes du premier tome survivent au début apocalyptique du roman) expérimentent d’autres formes d’asservissement, approfondissent leur apprentissage des responsabilités et des souffrances liées à la vie en société. Petit à petit, ils en apprennent également davantage sur ce qui se passe sur l’île et dans la Maison, ainsi que sur eux-mêmes…
Yves Grevet creuse donc le sillon intelligent qu’il avait entamé dans le premier volume, tout en assurant le même suspense et la même maîtrise narrative – avec le même style minimaliste. Cela fonctionne tout aussi bien, et on n’a qu’une envie… Mais oui, se plonger dans le tome 3, pour enfin (?) tout savoir !
A suivre encore une fois, donc.
Méto t.2 : L’Île, d’Yves Grevet
Éditions Syros, 2009
ISBN 978-2-7485-0786-7
247 p., 16€
Luz, de Marin Ledun
Signé Bookfalo Kill
C’est le début de l’été. Un dimanche caniculaire, Luz, 14 ans, profite de la première occasion qui se présente pour fausser compagnie à sa famille, surtout aux adultes confits dans la paresse et les excès de table. Et surtout à Frédéric Vanier, le meilleur ami de son père, qui s’intéresse soudain de trop près à elle…
Descendue au bord de la Volte, la rivière voisine, pour s’y baigner, Luz rencontre Thomas, un garçon qui lui plaît beaucoup, accompagnée de Manon, l’une de ses camarades de classe, beaucoup plus populaire qu’elle. Les deux filles ne s’apprécient guère, mais le trio décide tout de même de se rendre ensemble dans un coin sauvage et préservé car difficile d’accès, pour s’y baigner en toute tranquillité. Mais des copains de Thomas débarquent bientôt, menaçant un après-midi d’été qui avait pourtant tout pour être parfait…
Avec Zone Est, superbe roman d’anticipation dans la veine de Philip K. Dick, et Les visages écrasés, intraitable roman noir sur la déshumanisation du travail, Marin Ledun a marqué l’année 2011. Auteur engagé comme on n’en fait – hélas – plus guère, écrivain protéiforme à la plume acérée, il a clairement franchi un cap, que son incursion dans le genre du roman pour ados confirme. Aussi surprenant que cela puisse paraître.
On retrouve dans Luz son style acéré, qui nous permet dès le début du roman de nous plonger dans une atmosphère estivale à la fois familière et douce-amère :
« Des éclats de rire et des bruits de pas résonnent quelque part dans la maison. Premier dimanche des vacances d’été. Fenêtres et portes entrouvertes laissent filtrer un léger courant d’air qui apporte une illusion de fraîcheur. (…) Il est presque quatre heures de l’après-midi et les adultes sont encore affalés à table, à l’ombre du mûrier. La plupart des hommes sont ivres, les femmes feignent de trouver ça normal et contemplent les cadavres de bouteilles d’un œil vide de toute expression. »
Sous couvert d’un bref suspense au parfum d’aventure (l’histoire se déroule sur quelques heures), Marin Ledun imbrique avec finesse plusieurs thématiques majeures de l’adolescence : découverte de soi, de son corps, du désir – le sien et celui des autres ; rapports familiaux complexes ; difficulté de se faire entendre et comprendre ; expérimentation des limites, jeu avec les interdits…
Auteur tout sauf angélique, Marin traite ces sujets sans compromission, avec un réalisme parfois cruel mais jamais excessif. On croit à ses personnages, ados un peu perdus et bouleversés. On s’attache à Luz, gamine animée d’une rébellion très pure. On tremble pour elle lorsque le péril survient, brutal et inattendu.
Un roman bref mais riche et intense. Une belle réussite, à partir de 13 ans.
Luz, de Marin Ledun
Éditions Syros, collection Rat Noir, 2012
ISBN 978-2-7485-1180-2
117 p., 14€