On ne change pas une méthode qui marche plutôt bien. Cette année encore, les éditions de l’Iconoclaste n’alignent que trois titres pour leur rentrée littéraire, misant comme toujours sur la singularité et la diversité des voix et des styles pour mettre en avant une certaine idée de la littérature francophone contemporaine. Fidèles à leurs habitudes, elles laissent également une place à un premier roman, tout en comptant sur la (de plus en plus) populaire Cécile Coulon pour tracter leur joli petit train.
Seule en sa demeure, de Cécile Coulon
La jeune mais très prolifique romancière (31 ans et déjà 14 livres au compteur) poursuit l’aventure Iconoclaste (où elle co-dirige également la collection Iconopop’) après le beau succès rencontré il y a deux ans grâce à Une bête au Paradis. Et comme elle aime bien tenter toujours des choses nouvelles, la voici qui propose… un roman gothique. Tout y est : le XIXème siècle, une grande demeure hantée par l’esprit d’une femme, un mariage pesant et arrangé entre une très jeune femme et un riche propriétaire terrien, une servante terrifiante, des secrets inquiétants… jusqu’au jour où l’irruption d’une professeure de flûte vient tout bouleverser. À première vue, pour l’audace, l’aventure, le pari de la littérature de genre, c’est un grand oui. Lecture incontournable pour moi.
Mon mari, de Maud Ventura
Vu de l’extérieur, c’est un couple sans histoire. Quarantenaires, quinze ans de vie commune, deux enfants, une vie sociale et professionnelle réussie. Mais de l’intérieur, le tableau est moins glorieux. Pour elle en tout cas, qui se persuade que son mari ne l’aime plus, et entreprend de tout faire pour le prouver. Tendre des pièges, noter les faux pas, concevoir des peines à infliger, et bien sûr guetter les rivales – toutes les autres femmes, à qui elle entend prouver qu’elle est toujours la meilleure, la plus belle, la plus parfaite des épouses : tout est bon pour se prouver qu’elle a raison. Même le pire. Un premier roman de tourbillon psychologique qui pourrait valoir le coup d’œil.
Ne t’arrête pas de courir, de Mathieu Palain
C’est une histoire vraie, mais tellement fascinante et romanesque qu’elle a convaincu Mathieu Palain d’en faire son deuxième livre (après Sale gosse, 2019). Cette histoire, c’est celle de Toumany Coulibaly, athlète français spécialiste du 400 mètres, champion de France de la discipline en 2015… et cambrioleur multi-récidiviste, condamné à plusieurs peines de prison. Durant plusieurs mois, l’écrivain rend visite au sportif. Au parloir, une amitié se noue, consolidée par le fait que les deux hommes ont sensiblement le même âge et grandi au même endroit. En parallèle, Palain mène l’enquête, interroge des proches, pour tenter de comprendre comment un même individu a pu afficher deux visages aussi antagonistes, et briser une carrière prometteuse pour des petits crimes sans lendemain.
BILAN
Lecture certaine : Seule en sa demeure, de Cécile Coulon
Lectures potentielles : Mon mari, de Maud Ventura Ne t’arrête pas de courir, de Mathieu Palain
La maison Albin Michel fait partie de ces éditeurs chez qui la production dérape quelque peu : quinze romans sont en effet alignés pour cette rentrée 2017, douze français pour trois étrangers. Un menu d’autant plus étouffe-chrétien que tous les plats ne semblent pas spécialement raffinés… Alors, comme votre temps est précieux (et le nôtre aussi), on va essayer d’aller à l’essentiel – en toute subjectivité, comme d’habitude.
(Allez au bout de l’article quand même, on finira en causant de littérature étrangère et ça ira un peu mieux.)
CRUELLA :Frappe-toi le coeur, d’Amélie Nothomb (lu)
Une jeune fille d’une beauté renversante se délecte de l’admiration haineuse qu’elle provoque chez ses rivales. Jusqu’au jour où elle tombe amoureuse d’un garçon et rapidement enceinte de lui. Elle a dix-neuf ans et pense que sa vie est déjà finie. L’indifférence et la jalousie qu’elle voue à sa fille, dont on découvre très vite qu’elle est encore plus jolie que sa mère, vont bouleverser bien des existences…
Si elle ne nous épargne pas certaines facilités ou niaiseries occasionnelles, Nothomb surprend avec cette intrigue beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord, se déroulant sur plusieurs décennies et abordant des thèmes approchés au début de son œuvre : la malédiction de la beauté, la jalousie maladive, mais aussi l’égoïsme de l’ambition, les déceptions amoureuses, filiales ou amicales… Plutôt un bon cru – bien plus intéressant que celui de l’année dernière, et de loin.
SECRETS ET MENSONGES :La Gloire des maudits, de Nicolas d’Estienne d’Orves
Brillant mais dilettante, Nicolas d’Estienne d’Orves est capable du meilleur comme du pire. Avec ce nouveau roman, proche dans l’esprit des Fidélités successives, on l’espère du bon côté de la barrière. Il raconte ici l’histoire de Gabrielle Valoria, fille d’un collabo exécuté sous ses yeux à la Libération, qui se prépare à écrire la biographie de Sidonie Porel, grande romancière et figure fascinante de cet après-guerre agité. En enquêtant sur son sujet, Gabrielle plonge dans un monde de manipulations et de trahisons…
ZIGGY :De l’influence de David Bowie sur la destinée des jeunes filles, de Jean-Michel Guenassia
Guenassia n’arrête plus. Après avoir laissé passer vingt-trois ans entre ses deux premiers romans, puis encore trois entre le deuxième et le troisième, le voici qui enchaîne les titres au rythme d’un par rentrée littéraire depuis 2015. Cette fois, il nous présente Paul, jeune homme de 17 ans au look androgyne qui se plaît à brouiller les frontières tout en cultivant son amour exclusif des femmes. Bientôt, c’était inévitable, sa route croise celle d’un certain David Bowie… Opportuniste, Guenassia ? On peut se poser la question.
AMISTAD :Bakhita, de Véronique Olmi
Habituée des textes courts, Véronique Olmi se lâche : 464 pages pour raconter le destin de Bakhita, enlevée à sept ans dans son village du Darfour, réduite en esclavage, avant d’être rachetée par le Consul d’Italie et d’être ensuite affranchie. Elle décide ensuite de devenir religieuse et de se consacrer aux enfants pauvres. Albin Michel y croit beaucoup et annonce un grand livre. A voir.
SEUL CONTRE TOUS :Sangliers, d’Aurélien Delsaux
Entre l’Isère et le Dauphiné, Les Feuges est un village où le loyer dans la zone pavillonnaire est moins élevé qu’ailleurs, où la chasse aux sangliers fédère les hommes qui passent leur temps dans le seul bistrot du coin, où les enfants subissent la violence paternelle en toute impunité. C’est là que survient la première tuerie raciste dans un lycée français (résumé Electre).
THE DARK TOWER :La Tour abolie, de Gérard Mordillat
Au coeur de la Défense s’élève la tour Magister. Au sommet, l’état-major, qui lutte pour ses profits. Dans ses sous-sols, un petit peuple misérable, qui lutte pour sa survie. Quand les damnés du progrès décident d’investir la tour et d’atteindre ses hauteurs, tout est remis en cause et la violence explose au grand jour. Homme de gauche jusqu’à la caricature, Mordillat creuse son sillon de révolté social et politique. Pas forcément avec finesse sur ce coup.
LA PARITÉ, C’EST PAS GAGNÉ :Le Courage qu’il faut aux rivières, d’Emmanuelle Favier
Dans son village des Balkans, Manushe est « vierge jurée ». Elle a renoncé à sa condition de femme pour jouir des mêmes droits que les hommes. Sa rencontre avec Adrian, homme énigmatique et ardent, bouscule ses certitudes et met en péril son serment. Premier roman.
MARKETING VIRAL :Un dissident, de François-Régis Guenyveau
Un jeune scientifique rejoint une entreprise américaine très mystérieuse, dont le projet est de façonner l’homme de demain grâce à tous les moyens offerts par la science et les nouvelles technologies. D’abord enthousiaste, ce qu’il découvre sur place et les doutes sur sa propre personnalité remettent en question son engagement initial. Premier roman également.
Et encore, en vrac :
SUR LE FIL :La Nuit des enfants qui dansent, de Franck Pavloff
Un jeune funambule et un vieil Hongrois vivant confit dans son passé décident de partir ensemble à un festival rock à Budapest. (Je fais très court mais je ne sais pas comment vous donner envie, même avec les versions les plus longues des résumés.)
LE CLUB DES INCORRIGIBLES OPTIMISTES II :Le Songe du photographe, de Patricia Reznikov
A Paris, un adolescent en rupture de famille trouve refuge dans une communauté d’artistes d’Europe de l’est. Auprès d’eux, le garçon fait son éducation historique, esthétique et sentimentale. Un hommage à la culture de la Mitteleuropa.
CONNECTING PEOPLE :Vous connaissez peut-être, de Joann Sfar
C’est l’histoire d’un type qui rencontre une fille sur Facebook et qui adopte un chien à qui il essaie d’apprendre à ne pas tuer ses chats. C’est la suite de Comment tu parles à ton père. Que je n’ai pas lu. Donc je ne pourrai pas lire celui-ci. Dommage.
PARDON ? :La Vengeance du pardon, d’Eric-Emmanuel Schmitt
Quatre histoires sur le pardon. Désolé, donc.
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LE P’TIT TRAIN S’EN VA DANS LA CAMPAGNE :Underground Railroad, de Colson Whitehead
(traduit de l’américain par Serge Chauvin)
Attention, voici venir le prix Pulitzer 2017 et le National Book Award 2016 – autant dire qu’on ne boxe plus du tout dans la même catégorie. Whitehead y relate le périple d’une jeune esclave qui parvient à fuir la plantation de coton où elle est asservie, et entreprend de rallier les États libres du nord des États-Unis, un terrifiant chasseur d’esclaves sur ses talons. L’Underground Railroad du titre était le nom donné à un réseau clandestin d’aide aux esclaves en fuite ; le romancier le matérialise sous la forme d’un véritable train souterrain. Rien que pour cette idée, ça donne envie d’embarquer, non ?
TIC-TAC :Cox ou la course du temps, de Christoph Ransmayr
(traduit de l’allemand (Autriche) par Bernard Kreiss)
Grand maître horloger à Londres, au XVIIIème siècle, Alistair Cox est convoqué en Chine par l’empereur tyran Quianlong. Ce dernier lui ordonne de lui confectionner une série d’horloges capables de mesurer les subtiles variations du temps. Cox s’attèle à sa tâche au péril de sa vie, car les humeurs de l’empereur sont changeantes et ses exigences toujours plus élevées…
(C’est marrant, dès qu’on passe en littérature étrangère, proposer un résumé des livres est tout de suite plus intéressant !)
MAD MAX :Les sables de l’Amargosa, de Claire Vaye Watkins
(traduit de l’américain par Sarah Gurcel)
Dans une Californie transformée en désert, au cœur de Los Angeles livrée aux pillards et à la menace d’une dune de sable mouvant qui s’apprête à l’engloutir, Ray et Luz trouvent l’espoir d’un avenir meilleur en la personne d’une fillette qu’ils ravissent à un groupe de marginaux. Ils prennent alors la route, à la recherche d’une colonie mystérieuse où ils espèrent refaire leur vie.
À première vue, chez Stock comme chez la plupart des éditeurs, on voit arriver une rentrée sérieuse comme un premier de la classe, mais manquant clairement de fantaisie (à une exception près peut-être). C’est déjà pas mal, me direz-vous. Mouais, mais on n’aurait rien contre un peu d’excitation et d’inattendu. Pas sûr de les trouver sous la couverture bleue de la vénérable maison désormais dirigée par Manuel Carcassonne, qui aligne de plus beaucoup (trop) de candidats sur la ligne de départ : neuf auteurs français, deux étrangers, ça sent la surchauffe…
AUCUN LIEN :Une fille et un flingue, d’Olivier Pourriol
Elle est sans doute là, la touche de folie de la rentrée Stock ! Ancien chroniqueur littéraire muselé du Grand Journal (expérience amère dont il a tiré un récit décapant, On/Off), mais aussi et surtout spécialiste de cinéma, Pourriol met en scène deux frangins, Aliocha et Dimitri, fans de cinoche et obsédés par le désir de réaliser un film. Comment y parvenir quand on est fauché et inconnu ? En appliquant à la lettre le précepte d’un grand maître du Septième Art : « Un film, c’est un hold up » (Luc B.) Un « braquage » que les deux frères vont tenter de réussir avec l’aide de Catherine D. et Gérard D., en plein Festival de Cannes… Annoncé comme une comédie délirante, Une fille et un flingue est le genre de bouquin qui passe ou qui casse, sans juste milieu. Pourriol a tout le talent médiatique nécessaire pour défendre son livre sur les plateaux de télévision, mais son livre saura-t-il se défendre tout seul ?
GENÈSE II, LA REVANCHE :Au commencement du septième jour, de Luc Lang
Je n’ai jamais rien lu de Luc Lang, auteur emblématique de Stock, faute d’avoir réussi à m’intéresser à son travail jusqu’à présent. Cela changera peut-être avec ce nouveau roman, récit d’une vie trop parfaite pour être honnête et qui s’écroule brutalement lorsque la supercherie est dévoilée. Cette vie, c’est celle de Thomas, dont la femme Camille a un jour un terrible accident de voiture à un endroit où elle n’aurait jamais dû se trouver. Tandis que Camille reste plongée dans le coma et que tout s’écroule autour de lui, Thomas entame une vaste enquête qui va lui faire passer en revue toute son existence, sa relation avec son père, ses frère et soeur, ses enfants… Luc Lang revendique l’inspiration de Cormac McCarthy (rien de moins) pour ce roman présenté par son éditeur comme son plus ambitieux.
ALLÔ PAPA TANGO CHARLIE :Bronson, d’Arnaud Sagnard
Premier roman qui met en parallèle une ligne autobiographique et la vie du comédien Charles Bronson, depuis une jeunesse misérable durant la Grande Dépression jusqu’à la gloire hollywoodienne, renommée et richesse dissimulant la hantise quotidienne d’un homme rongé par la peur. Ce genre d’exercice a déjà donné de fort belles choses, notamment sous la plume de Florence Seyvos (Un garçon incassable, autour de Buster Keaton), alors pourquoi pas ?
C’EST UNE MAISON BLEUE :Les visages pâles, de Solange Bied-Charreton
Les trois petits-enfants de Raoul Estienne se retrouvent dans la vieille demeure chargée de souvenirs du vieil homme qui vient de s’éteindre. Faut-il vendre la maison ou la garder ? La question agite les héritiers autant que la Manif pour Tous, au même moment, déchire la société française, et oblige les uns et les autres à faire le point sur leurs existences… Je ne sais pas s’il faut attendre grand-chose d’un roman dont les personnages se prénomment Hortense, Charles ou Alexandre, mais bon. Il paraît que c’est « caustique » (dixit l’éditeur).
C’EST L’AMOUR A LA PLAGE (AOU CHA-CHA-CHA) : Maures, de Sébastien Berlendis
Les vacances d’été, la mer, les dunes, le camping, le dancing, l’adolescence, la découverte des filles… Tout ceci est follement original, n’est-ce pas ? Déjà vu, déjà lu, il faudrait vraiment une plume exceptionnelle ou un point de vue extrêmement singulier pour distinguer un tel récit. Toujours possible, mais on n’y croit guère…
POKER FACE :L’Indolente, de Françoise Cloarec
En 2008, Françoise Cloarec avait signé un succès surprise avec La Vie rêvée de Séraphine de Senlis (qui avait donné une adaptation cinématographique non moins triomphale, Séraphine, avec Yolande Moreau). Elle revient au milieu de la peinture avec cette enquête littéraire sur Marthe Bonnard, dont on découvre après le décès de son peintre de mari, Pierre Bonnard, qu’elle n’était pas du tout celle qu’elle avait toujours prétendu être.
DANS DEUX CENTS MÈTRES, TOURNEZ A GAUCHE :À tombeau ouvert, de Bernard Chambaz
Le 1er mai 1994, le pilote Ayrton Senna se tue au volant de sa Formule 1, en ratant un virage et en allant s’écraser contre un mur à 260 km/h. A partir de ce drame diffusé en direct et en mondovision télévisuelle, Bernard Chambaz tire un roman sur la fascination pour la vitesse, croisant le destin de Senna avec ceux d’autres pilotes célèbres mais aussi avec ceux de ses proches, dont son fils mort dans un accident de la route.
L’AMANTE DU VIETNAM DU NORD :L’Éveil, de Line Papin
Stock lance une auteure de 20 ans dans l’arène, avec un premier roman sous forte influence de Marguerite Duras, une histoire d’amour torride dans la touffeur de Hanoï, la capitale du Vietnam (où est née Line Papin). On annonce une jeune prodige, il faudra voir si elle est authentique.
AU CHARBON :Anthracite, de Cédric Gras
Dans un décor de guerre, une tragi-comédie sur fond de pays qui s’écroule – ce pays, c’est l’Ukraine, violemment divisée après la sécession en 2014 de la région minière du Donbass qui décide de rejoindre la Russie. Parce qu’il s’est obstiné depuis l’événement à y faire jouer l’hymne national ukrainien, un chef d’orchestre est obligé de prendre la fuite avec son ami d’enfance à bord d’une bagnole aussi décrépite que les paysages industriels qu’ils traversent… Premier roman.
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L’ÉNERGIE EST NOTRE AVENIR, ÉCONOMISONS-LA :Un travail comme un autre, de Virginia Reeves
Alabama, années 20. Avec l’aide de son ouvrier agricole, un fermier détourne une ligne électrique de l’Etat pour augmenter le rendement de son exploitation. Tout roule jusqu’à ce qu’un employé paye de sa vie cette installation sauvage. Wilson, l’ouvrier, écope des travaux forcés dans les mines, tandis que son patron est envoyé au pénitencier. Confronté à la violence extrême de la prison, il tente tout de même d’envisager l’avenir… Premier roman de l’Américaine Virginia Reeves.
POÉTER PLUS HAUT QUE SON… :Ce qui reste de la nuit, d’Ersi Sotiropoulos
En 1897, Constantin Cavafy n’est pas encore le grand poète grec qu’il est appelé à devenir. Écrasé par l’affection de sa mère, tourmenté par son homosexualité, à la recherche de son style et de sa voix, il fait un séjour de trois jours à Paris qui va tout changer pour lui. La romancière grecque Ersi Sotiropoulos dresse un portrait littéraire de Cavafy en s’interrogeant sur le lien entre création et désespoir, dans un livre dense et exigeant (une manière polie de suggérer autre chose, je vous laisse deviner quoi).
Adam Stone veut la liberté et la paix. Il veut une chance de s’échapper de Blackwater, la ville désertique dans laquelle il a grandi. Mais, plus que tout, il veut la belle Sadie Blood. Aux côtés de Sadie et de Kane — un Pilote inquiétant —, Adam se lance dans le circuit de Blackwater, une course à moto brutale qui les mettra tous à l’épreuve, corps et âme.
La récompense? Un aller simple pour la Base, promesse d’un paradis. Et pour cette chance d’une nouvelle vie, Adam est prêt à tout risquer… (résumé éditeur)
Oui, j’avoue, pour ce livre, je ne me suis même pas fatigué à rédiger un résumé fait maison. Pour tout vous dire, j’ai eu le sentiment que ce Stone Rider ne valait pas la peine de perdre trop de temps. D’ailleurs, on pourrait le présenter d’une autre manière, tout aussi efficace : Stone Rider, c’est Hunger Games dans l’univers de Mad Max.
Voilà : un monde post-apocalyptique en pleine déréliction, de l’action, tout un tas de gens peu recommandables, voire carrément psychopathes sur les bords, de l’action, des motos, de l’action, de la poussière, de l’action, une épreuve hyper dangereuse où on commence par survivre avant de penser à gagner… Il y a tous les ingrédients déjà vus à droite à gauche, compilés sans grand talent (chers amis de Gallimard-Jeunesse, pour « l’écriture nouvelle et captivante », on repassera, merci) par un auteur qui n’apporte rien de neuf au genre de la dystopie, animés par des personnages épais comme des pitchs de Luc Besson, dans un roman qui se lit vite parce qu’il enchaîne les scènes trépidantes, et c’est là sa qualité première. La seule, à mon avis.
Ce qui m’embête le plus, en fait, c’est que Stone Rider s’est vu récemment décerner la Pépite du Roman Ado au Salon de la littérature jeunesse de Montreuil. Quand on se rappelle que, l’année dernière, le lauréat était le fabuleux Livre de Perle de Timothée de Fombelle, on est en droit de se demander si, cette année, les membres du jury ne songeaient pas trop à l’otite de la petite dernière ou à la quiche courgettes-oignons du déjeuner au moment de passer au vote. Parce qu’il y avait beaucoup, beaucoup mieux en compétition…
Stone Rider, de David Hofmeyr (traduit de l’anglais par Alice Marchand) Éditions Gallimard-Jeunesse, 2015 ISBN 9782070666751 320 p., 15€
Dominic Silvagni mène une vie de rêve à Gold Coast, petite ville située sur la côte nord-est de l’Australie : famille très riche, maison luxueuse dans une résidence protégée, amis formidables, et un talent certain pour la course à pied, encouragé par les conseils éclairés de son grand-père Gus. Pourtant, le jour de ses quinze ans, sa vie bascule. Par son père et son grand-père, il découvre que sa famille subit une vieille malédiction, dette héritée d’un lointain ancêtre ayant fui sans autorisation la ‘Ndrangheta, une branche particulièrement violente de la Mafia italienne. Dom doit désormais honorer six contrats successifs, sous peine de se voir prélever une livre de chair en cas d’échec. Pour son baptême du feu, il doit arrêter le Zolt, un jeune criminel insaisissable et particulièrement populaire auprès des adolescents australiens. Plus facile à dire qu’à faire, évidemment…
Après avoir marqué la littérature jeunesse en publiant la traduction de la longue série d’espionnage CHERUBde l’Anglais Robert Muchamore en 2007, énorme succès auprès des préados et ados, Casterman lance une nouvelle série survitaminée, avec l’espoir de renouveler l’exploit.Dette de sang, le premier tome deRush, en pose rapidement les bases : efficacité, humour, dépaysement, action et suspense.
Bon, soyons clairs,Rushne fonctionnera pas aussi bien que CHERUB. Ce qui permet à Muchamore de toucher aussi juste ses jeunes lecteurs, c’est le réalisme de ses héros, leur authenticité – en dépit des situations exceptionnelles dans lesquelles ils se retrouvent, ils sonnent toujours juste, quotidiens, dans leurs qualités comme dans leurs défauts, leurs réussites comme leurs échecs, et surtout dans leurs relations entre eux ou avec les adultes. Comme dans Harry Potter, d’ailleurs, même si le cadre est différent. Dom, le héros deRush, est loin de tout cela. Fils de famille privilégié, vivant en vase clos, sous le climat très favorable de l’Australie, il ne touche pas vraiment terre. Et ses aventures, pour palpitantes qu’elles soient, restent trop atypiques (on y fait des poursuites en hors-bord de luxe, quand même) pour réveiller un écho chez ses lecteurs « normaux ».
Néanmoins, je l’ai dit, ce début de série est efficace, captivant et facile à lire. C’est déjà bien ! On verra pour la suite… A partir de 11-12 ans.
P.S.: au début, je trouvais les couvertures de CHERUB assez moches. Maintenant que j’ai vu celle deRush, je relativise. Dites, amis de Casterman, vous savez que c’est important, une bonne couverture ? Parce que celle-ci, je suis désolé de le dire, est aussi vilaine que techniquement mal foutue. Copie à revoir de toute urgence !
Rush, Contrat #1 : Dette de sang, dePhillip Gwynne Traduit de l’australien par Antoine Pinchot Éditions Casterman, 2014 ISBN 978-2-203-08446-9 255 p., 15€