Underground Railroad, de Colson Whitehead

Petite-fille et fille d’esclaves, Cora, seize ans, travaille dans une plantation de coton en Georgie. Survivant aux jalousies et vilenies de ses semblables, louvoyant entre les éclats de violence dont les maîtres sont coutumiers pour tenir leur main d’oeuvre en respect, elle décide pourtant de s’évader en compagnie de Caesar, un esclave déterminé et sûr de lui, lorsqu’un danger trop grand finit par menacer sa survie. Ensemble, ils partent en quête de l’Underground Railroad, un réseau ferré souterrain et secret qui permet aux gens comme eux de s’échapper pour tenter de gagner des Etats plus cléments envers les Noirs.
Mais un terrifiant traqueur d’esclaves en fuite se lance à leurs trousses, et les terres promises ne s’avèrent pas forcément toujours aussi accueillantes que Cora pouvait l’espérer…

Whitehead - Underground RailroadPrix Pulitzer et Prix Arthur C. Clarke 2017, National Book Award 2016, la carte de visite d’Underground Railroad en jette méchamment. Et pour cause, car le sixième roman de Colson Whitehead mérite ces prix autant que les qualificatifs admiratifs ayant accueilli sa parution, aussi bien aux États-Unis qu’en France.
On trouve dans ce livre la mécanique narrative implacable dont les auteurs américains ont le secret, et dont nous avons toutes les raisons d’être jaloux : des personnages costauds, riches et complexes, ainsi qu’un style fluide et puissant, d’une grande efficacité, mis totalement au service d’un propos d’une superbe intelligence. Underground Railroad, c’est un blockbuster avec un scénario profond qui divertit, instruit et fait réfléchir à parts égales. Que dire d’autre ? Rien, à part admirer et se réjouir que de tels livres puissent exister.

La belle idée de Whitehead est évidemment d’avoir donné corps à ce fameux « Underground Railroad », expression métaphorique désignant en son temps le réseau clandestin de bons samaritains qui venaient en aide aux esclaves en fuite – une expression que le romancier américain a donc pris au pied de la lettre en la transformant en véritable ligne de chemin de fer. L’intuition est sublime, et elle autorise Colson Whitehead à balayer en un seul récit ramassé dans le temps une vaste part de l’histoire de l’esclavage et du racisme aux États-Unis. La résonance avec la situation actuelle des Noirs (et des étrangers de manière plus large) dans la première puissance mondiale est évidente, d’autant plus frappante à présent que Trump est président – aïe, ça fait vraiment mal de l’écrire.

Underground Railroad est un roman fulgurant, accessible à tous grâce à l’efficacité redoutable de son style et la limpidité de son propos. Une révélation méritée pour Colson Whitehead, et un livre hautement recommandable, l’un des grands de cette rentrée décidément riche.

Underground Railroad, de Colson Whitehead
(The Underground Railroad, traduit de l’américain par Serge Chauvin)
Éditions Albin Michel, 2017
ISBN 978-2-22639-319-7
416 p., 22,90€

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8 Réponses

  1. Je t’ai lu en diagonale, je vais le commencer ce soir !!

    27 septembre 2017 à 20:24

  2. alexmotamots

    Encore un avis positif. Livre noté, bien sûr.

    29 septembre 2017 à 11:37

  3. Il me tente beaucoup celui-ci! :)

    2 octobre 2017 à 10:36

  4. Guillemette

    J’aime beaucoup vos critiques.
    Seul reproche : écriture blanche sur fond noir… aie aie aie pour les yeux !

    10 octobre 2017 à 22:03

    • Ah, les goûts et les couleurs (justement) ;-) Je vous avoue que j’aime bien cette présentation, justement parce que ça change de pas mal de blogs – et puis cela créait l’ambiance « cannibale » que nous recherchions… A titre personnel, ça ne me pose pas de problème de lecture, mais je comprends que cela puisse piquer les yeux !
      Lorsque nous avons changé de modèle il y a un an ou deux, j’ai envisagé de passer à un modèle clair, mais n’en ai trouvé aucun qui me convenait. Du coup, on est resté au noir et blanc :)
      Cela dit, merci pour le petit compliment !

      11 octobre 2017 à 07:52

      • Guillemette

        Dans tous les cas je vous lis quand même, cela prouve bien que les critiques sont intéressantes et de qualités ! Je plisse un peu plus les yeux c’est tout ;)
        En tout cas bonne continuation !

        12 octobre 2017 à 22:58

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