Programme sensible, d’Anne-Marie Garat
POURQUOI JE N’AI PAS DÉPASSÉ LA PAGE 50, par Bookfalo Kill
Pourquoi choisit-on un livre ? Et surtout, pourquoi en abandonne-t-on la lecture au bout de quelques pages ? C’est le but de cette nouvelle rubrique que d’expliquer un choix aussi radical, qui ne laisse pas toute sa chance à un auteur et risque de faire passer le lecteur à côté d’un roman peut-être extraordinaire au-delà de la page 50…
Bien évidemment, n’ayant pas lu le livre en entier, il s’agit moins d’en faire une critique que de parler d’une expérience défavorable de lecteur. Nous nous efforcerons donc d’être aussi mesurés que possible, sans rien cacher non plus de notre sévérité, de notre agacement ou de notre déception. Un exercice difficile mais, espérons-le, instructif et intéressant !
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En fait, techniquement, j’ai dépassé la fameuse page 50 de Programme sensible. De peu, certes, puisque c’est la page 55 qui a eu raison de ma patience de lecteur, avec ce passage qui résume bien mon sentiment général :
« Comme [Cathy] était douée pour la rhétorique, le babil à bâtons rompus, de digressions en divagations, j’en suis venu à être disert autant qu’elle, à discourir, phraser, briller, pétarader pour noyer le sujet, l’étourdir, le circonvenir. »
Voilà, tout est dit. Les cinquante-cinq premières pages sont conçues selon ce principe narratif – et, d’après ce que j’ai pu constater en survolant la suite, c’est la même chose pour les deux cents suivantes. Anne-Marie Garat discourt, phrase, pétarade pour noyer le sujet.
Etrangement, comme pour Jérôme « prix Goncourt 2012 » Ferrari (publié chez le même éditeur, d’où ma comparaison), nous avons tout de même ici une romancière qui travaille son style, dont l’écriture est tout sauf anodine. Malheureusement, elle est aussi tout sauf digeste. Véritable avalanche de phrases tordues et interminables, boursouflées d’adjectifs et d’adverbes, Programme sensible est une démonstration de force. Qui tourne au matraquage façon C.R.S. en folie. Et, oui, c’est assommant.
Avec un tel parti pris, on cherche forcément un peu l’intrigue. Parfois, au détour d’un énième coup d’éclat verbeux, on comprend vaguement que le narrateur, traducteur à domicile de son état, séparé de sa compagne Cathy, se heurte au refoulement d’un obscur passé nordique, que seules éclairent les assertions apparemment délirantes de sa tante Dee. Impossible d’en dire davantage, puisque c’est tout ce que j’ai pu tirer de ce que j’ai lu.
Auteur d’une vaste fresque en trois volumes, Anne-Marie Garat a peut-être voulu changer de style et privilégier l’ambiance et le travail stylistique. Pourquoi pas. Pour ma part, j’aime surtout qu’on me raconte une histoire. Faute de la trouver ici, en plus d’être étouffé par la débauche stylistique de la romancière, j’ai laissé tomber.
Maintenant, à vous de tenter l’aventure et de vous faire votre propre opinion… Sans hésiter à venir la partager ici, bien entendu !
Programme sensible, d’Anne-Marie Garat
Éditions Actes Sud, 2013
ISBN 978-2-330-01423-0
254 p., 19€
En effet, l’extrait que tu donnes ne donne pas envie.
7 février 2013 à 13:36
Je suis entièrement de votre avis….
Pour ma part, j’ai tenu jusqu’à la 157ème page… espérant rentrer dans une véritable histoire comme nous a si bien habité Anne-Marie Garat avec « Dans la main du diable ». Programme sensible est tiré par les cheveux, trop compliqué, un style trop alambiqué. Dommage car j’ai acheté ce livre pour son auteur que j’admire malgré tout!
6 mai 2013 à 18:16
Bonjour Milie,
et merci pour votre commentaire. Vous avez fait preuve de plus de courage que moi, malheureusement sans en tirer de récompense !
Il faudra, un jour où j’aurai le temps (ah ah), que j’essaie de lire ses autres œuvres, notamment sa fameuse trilogie dont tant de gens disent tant de bien.
Cannibalement,
B.K.
6 mai 2013 à 18:58