Le Consul de Salim Bachi
Il existe des héros ignorés et Aristides de Sousa Mendes en fait partie. Consul du Portugal à Bordeaux en juin 1940, il va délivrer, à tour de bras et sans distinction de religion et de nationalité, des visas pour permettre aux réfugiés, aux déplacés, aux persécutés, de fuir la France pour le Portugal.
Son action ne dure très longtemps, mais Aristides de Sousa Mendes va outrepasser ses fonctions pour tenter de sauver le plus grand nombre. Il en payera le prix. Il est relevé de ses fonctions et meurt dans la misère, seul.
Écrivant sous forme de confession, à l’orée de sa mort, le héros revient particulièrement sur ce moment douloureux et tragique de sa vie. Mais ce roman m’a laissé sur ma faim. 178 pages durant, je me suis demandée quand j’arriverais à m’attacher au personnage. Il geint en permanence, raconte de façon larmoyante sa vie et il répète plusieurs fois la même chose.
J’ai même eu l’étrange impression de lire plusieurs fois le même paragraphe à des endroits différents dans le livre. Comme si Gallimard avait fait une erreur en recopiant le texte. C’est vraiment déroutant.
Au final, le héros, dont l’exploit méritait d’être salué, est devenu un personnage principal geignard et complètement antipathique. Si l’écriture est belle, le style bien mené, je suis vraiment déçue du fond du livre. J’aurai aimé autre chose pour Aristides de Sousa Mendes, mais peut-être était-il vraiment comme cela à la fin de ses jours? Un livre doux-amer pour un héros de guerre, devenu Juste parmi les Nations.
Le Consul de Salim Bachi
Editions Gallimard, 2014
978207014788
178 p., 17€50
Un article de Clarice Darling.
Adam et Thomas d’Aharon Appelfeld
C’est l’histoire d’un petit garçon philosophe et débrouillard, Adam. Sa mère va le cacher dans la forêt qu’il connaît par coeur. La guerre fait rage dehors, les Nazis traquent les Juifs. Adam restera sagement caché jusqu’à ce que sa mère revienne le chercher. Et elle reviendra, ça, il en est sûr.
Thomas est le petit rondouillard premier de la classe. Pour échapper aux rafles, sa mère le dépose à la lisière de la forêt, en lui donnant pour ordre de se cacher le plus loin possible. Elle reviendra le chercher demain.
Adam et Thomas vont se rencontrer dans ce bois, ils vont attendre une nuit, puis deux, puis un mois, puis plusieurs. Jusqu’à ce que la guerre s’arrête. Cette histoire, c’est l’histoire vraie de centaines de Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Traqués, affamés, certains d’entre eux survivront plusieurs années dans les forêts, se terrant dans des trous, mangeant ce qu’ils peuvent. C’est l’histoire de l’auteur, Aharon Appelfed.
Jusqu’ici, en ce qui concerne le fond du roman, tout va bien. Mais alors la forme…
C’est le premier roman jeunesse d’Aharon Appelfeld. L’intention est louable, mais j’ai vraiment eu l’impression qu’il s’adressait à des demeurés. C’est niais, dégoulinant de bons sentiments, de :
« Tu connais mieux la forêt que moi. »
« Peut-être parce que la forêt a plus à offrir qu’un homme. »
ou encore
« Toi, tu ressens Dieu? »
« Quand je suis avec mes grands-parents oui. »
« Mais toi, tout seul, tu ressens sa présence? »
« J’ai l’impression qu’Il plane au dessus de moi. »
Rassurez-vous, le happy-end est de rigueur dans ce roman d’une fadaise sans nom, même le bon toutou échappe aux Nazis et grimpe aux arbres pour se réfugier dans la cabane improvisée. Ouf!
Seul point (très) positif du roman, les magnifiques illustrations de Philippe Dumas.
L’école des loisirs indique qu’Adam et Thomas est fait pour les 12 à 16 ans, je dirai plutôt pour les 8-12 ans bons lecteurs. Mais sincèrement, c’est long, ennuyeux, répétitif et d’un prosélytisme jamais vu pour ma part, dans un roman jeunesse à caractère non religieux. Une grosse déception!
Adam et Thomas d’Aharon Appelfeld
Editions Ecole des Loisirs, 2014
9782211217309
151 p., 15€
Un article de Clarice Darling.
La mer, le matin de Margaret Mazzantini
Ami lecteur, je vais t’épargner une lecture insipide. Je serai brève, concise et sans appel.
Je n’avais rien lu de Margaret Mazzantini et heureusement. Le mélo saupoudré de pathos culcul la praline, très peu pour moi.
Vito vit en Italie avec sa mère, Angelina, et sa grand-mère, Santa. Toutes deux vivaient autrefois en Libye et ont été chassées par l’arrivée de Khadafi au pouvoir parce qu’elles étaient italiennes.
Jamila vit en Libye et est contrainte de fuir les exactions commises dans son pays avec son petit garçon, Farid. Elle prend la mer sur une barque avec des dizaines d’autres réfugiés et se prend à espérer une vie meilleure pour son enfant.
Ce roman partait d’un bon sentiment. Deux mères, qu’une mer sépare et qui pourtant sont proches sans jamais se connaître. La fuite, l’angoisse, la peur sont des sentiments communs lorsqu’on vit dans un pays en guerre et plus encore quand on fuit, qu’on doit tout laisser derrière soi sans se retourner pour tenter de se trouver un avenir. L’histoire aurait pu être touchante, aurait pu être réaliste s’il n’y avait pas cette écriture… Quand j’ai lu La mer, le matin, j’avais l’impression de (re)lire du De Luca. C’est mièvre, pseudo-poétique, aux envolées lyriques. « Ah mon Dieu, regardez comme j’écris bien, que je fais de longues phrases poétiques! »
Lecteur, passe ton chemin, il y a tant de magnifiques choses à lire…
La mer, le matin de Margaret Mazzantini
Editions Robert Laffont, 2012
9782221131398
133p., 15€
Un article de Clarice Darling.
Guerre, et si ça nous arrivait? de Janne Teller
Un matin, est arrivé à la librairie, un ouvrage dont la couverture est un passeport et où brillent en lettres dorées, ces six lettres qui nous font soit frémir à cause des atrocités commises, soit nous font vaguement réagir, parce que de toute façon, la guerre, c’est loin, ça n’arrivera jamais chez nous, etc…
Janne Teller a décidé dans cet ouvrage de nous démontrer ce qu’on peut ressentir, en période de guerre. Et de prendre le lecteur par les tripes, en transposant une guerre, dans notre bonne vieille France.
Cela faisait longtemps qu’un ouvrage ne m’avait pas mis autant mal à l’aise. Le pari est réussi! Celui de faire prendre conscience aux lecteurs de ce qui arrive aux réfugiés, à toutes ces victimes de la barbarie « humaine » (je dirais plutôt inhumaine). Ecrit au présent et à la deuxième personne du singulier, parfois même à l’impératif, Guerre est un ouvrage vraiment dérangeant.
« L’hiver arrive, il n’y a pas de chauffage, il pleut à l’intérieur. Seule la cuisine est encore habitable. Ta mère a une bronchite, elle couve une nouvelle pneumonie. Contre la volonté de tes parents, ton frère a rejoint la milice. Récemment, il a perdu trois doigts de la main gauche dans l’explosion d’une mine. Des éclats de grenade ont blessé ta jeune soeur à la tête. Elle est hospitalisée dans un établissement dénué d’équipement. Une bombe tombée sur leur maison de retraite a tué tes grands-parents paternels. Toi, tu es toujours entier, mais tu as sans cesse la peur au ventre. »
Au début, je me suis crue dans un jeu vidéo. Puisqu’il est vrai que, pour moi aussi, la guerre paraît très loin. Mais au regard de l’histoire, la fin de la Seconde Guerre Mondiale n’est pas si éloignée de notre présent. Janne Teller a le mérite d’exposer la vie d’un adolescent confronté à la guerre qui ravage son pays et plus encore, sa vie. L’auteur s’est refusée à faire référence à tout conflit préexistant, pour ne pas alimenter les ragots qui qualifient parfois son ouvrage de politique. Janne Teller n’a jamais eu une telle idée, elle le précise bien en fin d’ouvrage. C’est un ouvrage de pure fiction, rédigé de façon à ce que le lecteur soit le héros, et dont le happy end voudrait qu’il survive à cette fichue guerre.
Guerre, et si ça nous arrivait? de Janne Teller
Editions Les Grandes Personnes, 2012
9782361931384
60p., 7€90
Un article de Clarice Darling.