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Badroulboudour, de Jean-Baptiste de Froment

Éditions Aux Forges de Vulcain, 2021

ISBN 9782373050929

212 p.

18 €


Antoine Galland se retrouve un jour dans un hall d’aéroport, en partance pour un club de vacances en Égypte. Madeleine, sa femme, l’a quitté et, pour les vacances, lui a confié leurs deux petites filles.
Antoine a bien besoin de vacances. Il reste éprouvé par son divorce, mais aussi par l’agitation de ces derniers mois, où lui, l’homme discret, maladroit, féru de littérature arabe, s’est retrouvé, bien malgré lui, embrigadé dans une grande opération de communication du jeune Président de la République, Célestin Commode, qui, cherchant la synthèse parfaite pour réconcilier villes et banlieues, jeunes et vieux, modernes et réactionnaires, en même temps qu’une astuce pour relancer la diplomatie arabe de la France, a décidé de remettre au goût du jour Antoine Galland, l’illustre homonyme de notre héros, et traducteur des célèbres
Mille et une nuits.
Mais notre Antoine, dans ce club de vacances, se retrouve pris dans un jeu mystérieux qui consiste à identifier, cachée parmi les vacanciers, la femme parfaite : Badroulboudour.


Je suis très admiratif des auteurs capables de rassembler en deux cents pages à peine un nombre considérable d’informations, de strates de lecture et de considérations pertinentes sur la vie, tout en donnant l’impression de s’amuser follement – et en transmettant ce plaisir à son lecteur avec la plus grande générosité.

C’est le pari tenté et relevé haut la main par Jean-Baptiste de Froment pour son deuxième roman (après État de nature, paru en 2019 aux Forges de Vulcain). Un pari tout entier contenu dans son titre, à la fois exotique, chantant et énigmatique – en tout cas, pour toute personne qui, comme moi, ne connaît rien ou presque des Mille et une nuits.
Badroulboudour est le véritable nom de la princesse dont s’éprend Aladdin dans le conte éponyme. Badroulboudour, et non Jasmine, ainsi que le fait croire le dessin animé Disney depuis 1993 (le fameux studio aux grandes oreilles n’en étant pas à son coup d’essai lorsqu’il s’agit de simplifier et d’édulcorer des histoires beaucoup plus complexes que leur transcription pour bambins sur grand écran, cf. en vrac Peter Pan, Bambi ou La Reine des neiges, entre autres).

J’avoue sans honte que je l’ignorais. Je savais, en revanche, qu’Aladdin n’était pas un authentique conte des Mille et une nuits, tout comme Ali Baba et les quarante voleurs. Mais j’ignorais – encore – que ces deux histoires, et d’autres du célèbre recueil, étaient l’œuvre de leur découvreur et traducteur français, Antoine Galland.
Après avoir dévoré le roman de Jean-Baptiste de Froment, me voici désormais beaucoup plus savant sur ce sujet, d’autant plus que le romancier nous embarque dans cette grande page de la littérature avec légèreté et simplicité, sans jamais donner l’impression d’étaler sa science.

Il en résulte un roman érudit, ce qui ne signifie pas pour autant pompeux ou ennuyeux, arrogant ou condescendant. Que nenni, mes bons amis ! Au contraire, Jean-Baptiste de Froment ne perd jamais de vue son objectif romanesque : raconter une bonne histoire, et toujours faire en sorte que celle-ci avance dans la bonne humeur, tout en se nourrissant mine de rien de l’intelligence et de la richesse de son contenu.
En concevant cette intrigue d’homonyme contemporain, et en balançant notre pauvre Antoine Galland d’aujourd’hui dans le Kloub, succédané affligeant de club de vacances façon Bronzés, il arrime son intrigue du côté de la comédie, qu’il émaille d’un humour discret mais constant, d’une ironie délicieuse et d’un sens réjouissant de la dérision. Et s’offre le plaisir d’une petite galerie de personnages croquignolets, des petites filles tornades du héros à l’insupportable animateur en chef en passant par le meilleur ami lourdingue.

Jean-Baptiste de Froment y ajoute naturellement :
– une observation sociologique qui ne manque pas de piquant (le cadre du club de vacances est particulièrement bien exploité),
– un regard rapide mais stimulant sur l’orientalisme,
– un ravissant coup de griffe contre l’opportunisme des récupérations politiques (Antoine Galland premier du nom est choisi par le Président de la République pour entrer au Panthéon, dans l’objectif de « rassembler la Nation »),
– ou encore une jolie réflexion sur la porosité entre la réalité et la fiction, mise en abyme dans le roman même puisque certains rebondissements sèment le doute au point qu’on ne sait plus ce qui est vrai ou non sur les conditions dans lesquelles Les Mille et une nuits nous sont parvenues…

Oui, oui, tout ça ! Et en seulement deux cents pages.
Comme quoi, comme dirait une célèbre publicité caféinée, ce n’est pas la peine d’en rajouter.

Bon, donc, si je résume, nous avons : de l’esprit, de l’humour, de l’intelligence, de l’érudition, de la dérision, du mystère, du suspense, un soupçon de machiavélisme, et un joyeux coup de folie en guise de final (je ne vous en dis évidemment pas plus). Le tout s’intitule Badroulboudour, et constitue un véritable graal de librairie : un livre à la fois drôle, léger (au sens le plus pétillant du terme), éclairant et pertinent.
Bref, à ne pas manquer !

P.S. : ah oui, une dernière chose ! Badroulboudour est aussi une jolie histoire d’amour. Même si on ne le comprend pas tout de suite… mais cela ne gâche rien, au contraire !

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À première vue : la rentrée Aux Forges de Vulcain 2021


Intérêt global :


Ces derniers mois m’ont rendu accro aux Forges. Emmenée par son brillant éditeur, David Meulemans, cette petite maison dotée d’une identité visuelle forte a fait de la singularité une marque de fabrique littéraire. Certains titres investissent la littérature de genre (notamment la fantasy) tout en se jouant souvent de ses codes pour offrir des échappées neuves, d’une haute qualité stylistique et d’une grande intelligence ; d’autres livres ouvrent des portes insoupçonnées, et mènent souvent le lecteur là où il ne l’attend pas – là où, par ailleurs, l’humain et la volonté de comprendre le monde sont toujours au premier plan.
Les trois titres de la rentrée d’automne 2020 (
Requiem pour une Apache de Gilles Marchand, Chinatown, intérieur de Charles Yu, Les abysses de Rivers Solomon) étaient tous aussi remarquables que différents les uns des autres. Le programme 2021, riche de deux titres, annonce encore de nouvelles aventures – en attendant la parution très attendue en octobre du nouveau roman de Claire Duvivier (on en reparlera en temps voulu).


Vent blanc, noir cavalier, de Luke Rhinehart
(traduit de l’anglais (États-Unis) par Francis Guévremont)

Aux Forges de Vulcain continue à publier l’œuvre intégrale de Luke Rhinehart, longtemps réduite en France à son seul Homme-Dé. Après les hilarants (et pertinents) Invasion et Jésus-Christ Président, le quatrième titre de l’écrivain américain (sur douze prévus) à rejoindre le catalogue annonce un registre très différent.
Dans le Japon du début du XVIIIe siècle, Matari s’enfonce dans une forêt enneigée dans l’espoir de trouver la mort. Elle est recueillie par Oboko et son ami Izzi, deux poètes aux tempéraments opposés, qui s’éprennent de la jeune femme. Celle-ci leur apprend qu’elle est poursuivie par Arishi, un violent seigneur auquel elle est promise.
Composé comme un hommage aux Sept Samouraïs de Kurosawa, ce roman promet davantage de spiritualité et de réflexion existentielle. Une nouvelle facette du talent de Rhinehart, qui me rend très curieux.

Badroulboudour, de Jean-Baptiste de Froment

On peut d’ores et déjà remettre un prix à ce livre : celui du titre que les clients écorcheront presque à coup sûr en le demandant en librairie.
Sinon, le saviez-vous ? On doit la découverte et la première traduction française des Mille et Une Nuits à un érudit du XVIIème siècle nommé Antoine Galland.
Antoine Galland, c’est également le nom du héros du deuxième roman de Jean-Baptiste de Froment, mais lui vit à notre époque, et il a d’autres soucis en tête. Fraîchement divorcé, il arrive dans un club de vacances en Égypte, où il se trouve impliqué dans un jeu étrange visant à identifier la femme parfaite parmi les vacanciers.
Une aventure bizarre au cours de laquelle il sera confronté à son célèbre homonyme du passé, dans un jeu de miroirs éclairant sur notre temps.


BILAN


Lectures certaines :
Vent blanc, noir cavalier, de Luke Rhinehart
Badroulboudour, de Jean-Baptiste de Froment


À première vue : la rentrée Stock 2020

logo


Et on repart avec un paquet de dix grâce (?) aux éditions Stock, qui font partie des maisons habituées à dégorger leur trop-plein plus ou moins intéressant à chaque rentrée littéraire. Ce n’est pas parce qu’on s’appelle Stock qu’il faut plomber celui des libraires, merci bien.
De plus, faut-il vous le cacher ? Dans tout ceci, à première vue, pas grand-chose à garder.
Bref, pour reprendre le titre d’un de ces livres, ne tardons plus et affrontons cette grande épreuve, histoire d’en finir au plus vite.


Intérêt global :

mécontent


Emmanuel Ruben - SabreSabre, d’Emmanuel Ruben

Obsédé par le souvenir d’un sabre accroché au mur chez ses grands-parents, le narrateur part en quête de l’arme disparue, qui l’amène à remonter le temps et les branches de l’arbre de la famille Vidouble, dans un grand tourbillon mêlant explorations géographiques, éloge de l’imaginaire contre les déceptions du réel, plongées historiques et passions picaresques.

Florent Marchet - Le monde du vivantLe Monde du vivant, de Florent Marchet

Et nous revoilà à la campagne. Depuis que la prise de conscience écologique s’accélère dans la société, il semblerait que certains romanciers décident de replonger en nombre dans les racines de la terre… Sinon, on peut presque reprendre le pitch du prochain roman de Marie Nimier à paraître chez Gallimard, et l’adapter jusque ce qu’il faut. Soit l’histoire d’une famille, installée à la campagne pour réaliser le fantasme fermier du père. Au grand dam de Solène, sa fille de 13 ans, qui du coup le déteste. Pendant ce temps, Madame, qui entend mettre la main à la paille, se blesse avec une machine agricole. Un jeune woofeur vole à leur secours. Il est jeune, il a du charme, et des idées radicales. Ca va swinguer chez les apprentis laboureurs.
C’est ce qui s’appelle creuser un sillon.

Hervé Bel - Erika SattlerErika Sattler, d’Hervé Bel

Il ne lui faut qu’un discours, l’un de ces fameux discours enflammés qui ont fait sa réputation et contribué, pour une bonne part, à mener l’Allemagne sur la route du désastre. En écoutant Hitler, une adolescente se prend de passion pour la cause nazie. Au point d’y croire jusqu’au bout car, même lorsque la débâcle menace début 1945, Erika croit encore pouvoir vivre son idéal national-socialiste. Un portrait de femme dérangeant, cliché des dérives de l’Histoire.

Tobie Nathan - La société des belles personnesLa Société des belles personnes, de Tobie Nathan

« Les Nazis. Je hais ces gars-là. » (Indiana Jones)
Les revoilà dans le nouveau roman de Tobie Nathan, en train d’infiltrer l’armée égyptienne – sans parler de l’ombre maléfique de leurs actes inhumains, encore prégnants en cette année 1952 où commence le roman. Un jeune homme nommé Zohar Zohar arrive en France, fuyant l’Égypte à feu et à sang. Avec Aaron, Lucien et Paulette, il fonde la Société des Belles personnes, communauté unie par le désir de vengeance et par les démons de leur histoire personnelle, décidée à riposter par l’action contre les bourreaux du passé. Plus tard, son fils François découvre cette histoire, et décide de la poursuivre.

Nazanine Hozar - AriaAria, de Nazanine Hozar
(traduit de l’anglais (Canada) par Marc Amfreville)

Téhéran, 1953. Une nuit, Behrouz, humble chauffeur de l’armée, découvre dans une ruelle une petite fille qu’il ramène chez lui et nomme Aria. Alors que l’Iran sombre dans les divisions sociales et religieuses, l’enfant grandit dans l’ombre de trois figures maternelles. Quand la révolution éclate, la vie d’Aria, alors étudiante, comme celle de tout le pays, est bouleversée à jamais.

Olivia Elkaim - Le Tailleur de RelizaneLe Tailleur de Relizane, d’Olivia Elkaim

La romancière sonde ses origines familiales, remontant à l’histoire de ses grands-parents, Marcel et Viviane, forcés de quitter l’Algérie pendant la guerre et de s’exiler en France, où on les accueille par la force des choses, sans sympathie ni la moindre aide. L’occasion pour l’auteure d’explorer sa part juive et algérienne.

Etienne de Montéty - La grande épreuveLa Grande épreuve, d’Étienne de Montety

L’auteur s’empare d’un fait divers sordide dont vous vous souvenez sans doute, hélas : le meurtre, dans son église de Saint-Etienne du Rouvray, d’un prêtre, tué par un extrémiste islamiste. Par la fiction, Montety entend comprendre le caractère inéluctable des faits.
Attention, terrain miné.

Alexandra Dezzi - La colèreLa colère, d’Alexandra Dezzi

Un roman consacré à la domination à travers la relation qu’entretient la narratrice à son propre corps, des coups qu’elle reçoit lors de ses entraînements de boxe à la question du désir et des relations sexuelles, entre agression et jouissance.

Caroline de Bodinat - Dernière cartoucheDernière cartouche, de Caroline de Bodinat

Un aristocrate de province, dont la vie semble taillée dans le marbre des convenances (une femme, trois enfants, une maîtresse, un labrador, une entreprise), échappe de plus en plus à la réalité, sous la pression des attentes des autres. Jusqu’à décider d’en finir avec tout ça.
(Oh oui, finissons-en.)

Simon Libérati - Les démonsLes démons, de Simon Liberati

« Un roman d’une ambition rare, mêlant l’intrigue balzacienne à l’hymne pop », dixit l’éditeur. Je vous laisse là-dessus ?


BILAN


Sans surprise, aucune envie pour moi dans ce programme. Hormis, peut-être, Sabre, mais ce sera loin d’être une priorité.


A première vue : la rentrée Actes Sud 2017

La fin des présentations de rentrée littéraire approche, et…

En attendant, causons des éditions Actes Sud, qui abordent leur première rentrée avec leur patronne à la tête du Ministère de la Culture – ce qui n’a aucun rapport, certes. A vrai dire, je glose et tournicote parce que je ne sais pas bien dans quel sens prendre le programme de la maison arlésienne, gros plateau qui fait la part belle à la littérature étrangère (sept titres) et avance quelques auteurs importants – dont deux retours attendus, ceux de Don DeLillo et Kamel Daoud. Bref, l’assiette est bien remplie et présente joliment, reste à savoir si les mets seront de qualité.

Daoud - Zabor ou les psaumesSHÉHÉRAZADE : Zabor ou les Psaumes, de Kamel Daoud
Après un recueil de nouvelles salué d’un succès d’estime, Kamel Daoud a fracassé la porte de la littérature francophone avec Meursault, contre-enquête, premier roman choc en forme de réécriture de L’Étranger de Camus du point de vue arabe. Connu pour l’exigence de sa pensée, le journaliste algérien est forcément très attendu avec ce deuxième roman racontant l’histoire d’un homme qui, orphelin de mère et négligé par son père, se réfugie dans les livres et y trouve un sens à sa vie. Depuis, le seul sens qu’il donne à son existence est le geste d’écriture. Jusqu’au jour où son demi-frère, qu’il déteste, l’appelle au chevet de son père mourant…

Lafon - Mercy, Mary, PattySTARMANIA : Mercy, Mary, Patty, de Lola Lafon
Révélée elle aussi grâce à son précédent roman, La Petite communiste qui ne souriait jamais, Lola Lafon s’empare d’un fait divers américain qui a défrayé la chronique dans les années 1970 : l’enlèvement de Patricia Hearst, petite-fille du magnat de la presse William Randolph Hearst (qui avait en son temps inspiré Orson Welles pour son Citizen Kane), par un groupuscule révolutionnaire ; à la surprise générale, la jeune femme a fini par épouser la cause de ses ravisseurs et été arrêtée avec eux. Une professeure américaine, assistée d’une de ses étudiantes, se voit chargée par l’avocat de Patricia de réaliser un dossier sur cette affaire, pour tenter de comprendre le revirement inattendu de l’héritière.

Ferney - Les bourgeoisC’EST COMME LES COCHONS : Les Bourgeois, d’Alice Ferney
Les Bourgeois, ce sont dix frères et sœurs nés à Paris entre les deux guerres mondiales. À leur place dans les hautes sphères, ils impriment le cours de l’Histoire de leurs convictions et de leurs actes. En suivant les trajectoires de cette fratrie, Alice Ferney retrace les énormes bouleversements du XXème siècle, des gigantesques conflits planétaires à l’avènement des nouvelles technologies en passant par mai 68 et les décolonisations.

Ducrozet - L'Invention des corpsTHE CIRCLE : L’Invention des corps, de Pierre Ducrozet
En septembre 2014, une quarantaine d’étudiants mexicains sont enlevés et massacrés par la police. Rescapé du carnage, Alvaro fuit aux États-Unis, où il met ses compétences d’informaticien au service d’un gourou du Net fasciné par le transhumanisme. Une réflexion pointue sur les risques et dérives de notre monde ultra-connecté et amoralisé.

Dion - ImagoRELAX, DON’T DO IT : Imago, de Cyril Dion
Un jeune Palestinien pacifiste quitte son pays et traverse l’Europe à la poursuite de son frère, parti commettre l’irréparable à Paris, dans l’espoir de l’empêcher de passer à l’acte. Un premier roman qui tutoie l’actualité. Risqué ?

Gallay - La Beauté des joursLA VIE PAR PROCURATION : La Beauté des jours, de Claudie Gallay
Heureuse en mariage, mère comblée de deux filles jumelles désormais étudiantes, Jeanne mène une existence paisible. La découverte de l’œuvre de l’artiste Marina Abramovic lui ouvre la porte d’autres possibles où l’imprévu est roi.

*****

Delillo - Zéro KPROMETHEUS : Zéro K, de Don DeLillo
(traduit de l’américain par Francis Kerline)
Le dernier roman de Don DeLillo, Cosmopolis (adapté au cinéma par Cronenberg avec Robert Pattinson), date en France de 2012. C’est donc le retour attendu d’un auteur américain exigeant, très soucieux de la forme et porteur d’une vision ténébreuse des États-Unis en particulier et du monde en général.
Pas d’exception avec ce nouveau livre : Zéro K y est le nom d’un centre de recherches secret qui propose à ceux qui le souhaitent de s’éteindre provisoirement, de mettre leur vie en stand by en attendant que les progrès de la science permettent de prolonger l’existence et d’éradiquer les maladies. Un homme richissime, actionnaire du centre, décide d’y faire entrer son épouse, condamnée à court terme par la science, et convoque son fils pour qu’il assiste à l’extinction programmée de la jeune femme…
Un sujet déjà abordé en littérature ou au cinéma, mais dont on espère que DeLillo le poussera dans ses derniers retranchements philosophiques.

Zeh - BrandebourgDU VENT DU BLUFF DES MOTS : Brandebourg, de Julie Zeh
(traduit de l’allemand par Rose Labourie)
Des Berlinois portés par une vision romantique de la campagne débarquent dans un village du Brandebourg, État de l’ex-R.D.A., avec sous le bras un projet de parc éolien qui n’enthousiasme guère les paysans du coin. Une lutte féroce débute entre les deux clans, attisée par une femme qui manipule volontiers les sentiments des uns et des autres pour en tirer profit… La plume mordante et le regard acéré de Julie Zeh devraient s’épanouir au fil des 500 pages de ce concentré d'(in)humanité dans toute sa splendeur.

Clemot - PolarisALIEN 28 : Polaris, de Fernando Clemot
(traduit de l’espagnol par Claude Bleton)
Océan Arctique, 1960. Dans un vieux rafiot au mouillage devant l’île de Jan Mayen, dans un paysage fermé, glacial et désertique, le médecin de bord est confronté à la folie inexplicable qui a gagné l’équipage (résumé Électre). La mer, le froid, un huis clos flippant sur un bateau… Pitch court, tentation forte !

Trevi - Le Peuple de boisGOOD MORNING ITALIA : Le Peuple de bois, d’Emanuele Trevi
(traduit de l’italien par Marguerite Pozzoli)
En Calabre, un prêtre défroqué anime une émission de radio où son esprit satirique s’en donne à cœur joie. Si les auditeurs suivent et se réjouissent de sa liberté de ton, les puissants grincent des dents…

Affinity K - MischlingL’ANGE DE LA MORT : Mischling, d’Affinity K
(traduit de l’américain par Patrice Repusseau)
Le terme « Mischling » en allemand désigne les sang-mêlé. C’est parce qu’elles en sont que deux sœurs jumelles sont envoyées à Auschwitz et choisies par le docteur Mengele pour mener sur elles ses terrifiantes expériences. Pour résister à l’horreur, les fillettes de douze ans se réfugient dans leur complicité et leur imagination. Peu avant l’arrivée de l’armée russe, l’une des deux disparaît ; une fois libérée, sa sœur part à sa recherche… Terrain très très glissant pour ce roman, tant il est risqué de « jouer » avec certains sujets. Auschwitz et les expériences de Mengele en font partie.

El-Thouky - Les femmes de KarantinaOÙ TOUT COMMENCE ET TOUT FINIT : Les femmes de Karantina, de Nael al-Toukhy
(traduit de l’arabe (Égypte) par Khaled Osman)
Saga familiale sur trois générations dans une Alexandrie parallèle et secrète, ce roman offre une galerie de personnages truculents tous plus en délicatesse avec la loi les uns que les autres (résumé éditeur).

CRIME ET CHÂTIMENT : Solovki, de Zakhar Prilepine
(traduit du russe par Joëlle Dublanchet)
Attention, pavé ! L’écrivain russe déploie sur 830 pages une vaste histoire d’amour entre un détenu et sa gardienne, et une intrigue puissamment romanesque pour évoquer l’enfer des îles Solovki, archipel situé dans la Mer Blanche au nord-ouest de la Russie où un camp de prisonniers servit de base et de « laboratoire » pour fonder le système du Goulag.


A première vue : la rentrée Actes Sud 2016

Allez, comme les précédents étés, c’est reparti pour la rubrique À première vue, dans laquelle nous vous présentons rapidement une partie de la rentrée littéraire qui atterrira sur les tables des libraires à partir de la mi-août. 560 romans au programme cette année, soit un peu moins que l’année dernière – mais encore trop, surtout que ce cru 2016 ne part pas forcément gagnant. Il y aura quelques grands rendez-vous, mais d’après le premier panoramique que nous avons pu faire, ils seront rares, égarés au milieu de nombreux titres carrément dispensables…

2015 a été l’année Actes Sud, avec notamment la sortie événement du quatrième tome de Millenium, le triomphe extraordinaire du Charme discret de l’intestin de Giulia Enders, et la consécration de Mathias Enard, couronné du prix Goncourt pour Boussole. Cette année, les éditions arlésiennes présentent une rentrée solide, qui comptent des valeurs sûres aussi bien en littérature française (Gaudé, Vuillard, Goby) qu’étrangère (Salman Rushdie). Pas de folie des grandeurs donc (ouf !), et quelques jolies promesses.

Vuillard - 14 juilletA LA LANTERNE : 14 juillet, d’Eric Vuillard (lu)
Encore trop méconnu du grand public, Eric Vuillard est pourtant l’un des auteurs français les plus intéressants et talentueux de ces dernières années, dont la spécialité est de mettre en scène des pages d’Histoire dans des récits littéraires de haute volée – nous avions adoré il y a deux ans Tristesse de la terre, récit incroyable autour de Buffalo Bill. Espérons que son nouveau livre lui gagnera les faveurs d’innombrables lecteurs, car il le mérite largement : 14 juillet, comme son titre l’indique, nous fait revivre la prise de la Bastille – mais comme on l’a rarement lu, à hauteur d’homme, parmi les innombrables anonymes qui ont fait de cette journée l’un des plus moments les plus déterminants de l’Histoire de France, au coeur du peuple et non pas du point de vue des notables. Puissant, littérairement virtuose, ce petit livre offre de plus une résonance troublante avec notre époque. L’un des indispensables de la rentrée.

Gaudé - Ecoutez nos défaitesMOURIR POUR SES IDÉES : Écoutez nos défaites, de Laurent Gaudé
Prix Goncourt en 2004 pour Le Soleil des Scorta, Laurent Gaudé donne l’impression de faire partie du décor littéraire français depuis très longtemps. Il n’aura pourtant que 44 ans lorsqu’il présentera fin août son nouveau roman, réflexion sur l’absurdité des conquêtes et la nécessité sans cesse renouvelée de se battre pour l’humanité ou la beauté. Écoutez nos défaites met en scène un agent des renseignements français chargé de traquer un membre des commandos d’élite américains soupçonné de trafics divers, et qui rencontre une archéologue irakienne tentant de préserver les œuvres d’art des villes bombardées. Un livre qui paraît aussi ancré dans le réel que l’était Eldorado au milieu des années 2000 sur le drame des migrants.

Goby - Un paquebot dans les arbresTOUSS TOUSS : Un paquebot dans les arbres, de Valentine Goby
Très remarquée pour l’ambitieux et poignant Kinderzimmer il y a trois ans, Valentine Goby change de décor pour nous emmener à la fin des années 50, dans un sanatorium où sont envoyés tour à tour les parents de Mathilde. Livrée à elle-même, sans aucune ressource, la courageuse adolescente entreprend alors tout ce qui est possible pour faire sortir son père et sa mère du « grand paquebot dans les arbres »…

Cherfi - Ma part de GauloisMOTIVÉ : Ma part de Gaulois, de Magyd Cherfi
Le chanteur du groupe Zebda évoque son adolescence au début des années 80, à Toulouse, alors qu’il se fait remarquer simplement parce que lui, petit rebeu de quartier défavorisé, ambitionne de passer et de réussir son bac… Un texte autobiographique qui ne devrait pas manquer de mordant et de poésie, connaissant le bonhomme.

Froger - Sauve qui peut (la révolution)LE CINÉMA, C’EST… : Sauve qui peut (la révolution), de Thierry Froger
Et si Godard avait voulu réaliser un film sur la Révolution française intitulé Quatre-vingt-treize et demi ? C’est le postulat de départ du premier roman de Thierry Froger, pavé de 450 pages qui sera soit étourdissant, soit royalement pompeux – c’est-à-dire, soit révolutionnaire soit godardien. Un gros point d’interrogation sur ce livre.

Py - Les Parisiens(PAS) CAPITALE : Les Parisiens, d’Olivier Py
Une plongée dans la nuit parisienne, dans le sillage d’un jeune provincial, Rastignac des temps modernes, qui rêve de théâtre et de mettre la capitale à ses pieds… Olivier Py devrait encore agacer avec ce nouveau livre au parfum bobo en diable, qui nous laisse penser qu’il devrait se consacrer pleinement au festival d’Avignon et au théâtre plutôt que d’encombrer les tables des libraires avec ses élucubrations littéraires.

*****

Rushdie - Deux ansUNE BONNE PAIRE DE DJINNS : Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits, de Salman Rushdie
Le plus barbu des vieux sages romanciers propose cette fois un conte philosophique, dans lequel des djinns, créatures mythiques et immortelles, décident de se mêler aux humains pour partager leurs vies pleines de folie et de déraison. L’occasion, par le filtre de la fiction fantastique, d’une vaste réflexion sur l’histoire humaine.

SAGA SUÉDÉE : Fermer les yeux (Le Siècle des grandes aventures t.4) – titre incertain
Le romancier suédois poursuit sa vaste geste contemporaine qui explore les bouleversements du XXème siècle, en confrontant Lauritz, l’aîné des frères Lauritzen héros de la saga, au drame de la Seconde Guerre mondiale.

WHEN YOU BELIEVE : Le Roman égyptien, d’Orly Castel-Bloom
A travers les époques et les pays, entre l’Égypte biblique, l’Espagne de l’Inquisition et les kibboutz israéliens, l’errance des Castil, une famille juive. Ce roman a reçu l’équivalent du prix Goncourt égyptien.

Lustiger - Les insatiablesFRANCE-ALLEMAGNE, LE RETOUR : Les Insatiables, de Gila Lustiger
Gila Lustiger est allemande mais vit en France. Son nouveau roman, qui suit l’enquête opiniâtre d’un journaliste sur un meurtre vieux de 27 ans qui vient d’être résolu grâce à l’ADN, dresse un tableau sans concession de la France contemporaine. Grosse Bertha : 1 / Ligne Maginot : 0.

DEUXIÈME ÉTOILE A DROITE ET TOUT DROIT JUSQU’AU MATIN : Phare 23, de Hugh Howey
L’auteur de la trilogie à succès Silo revient avec un nouveau roman de S.F., publié dans la collection Exofictions. Nous sommes au XXIIIème siècle et les phares se trouvent désormais dans l’espace, où ils guident des vaisseaux voyageant à plusieurs fois la vitesse de la lumière. Construits pour être robustes, à toute épreuve, ces phares sont les garants de l’espace stellaire. Mais que se passerait-il en cas de dysfonctionnement ?…


A première vue : la rentrée Stock 2015

Pour sa troisième année à la tête de Stock, l’éditeur Manuel Carcassonnne propose une rentrée solide quoique un peu trop riche (onze romans, neuf français et deux étrangers), où des valeurs sûres de la maison accueillent deux premiers romans, dont un aura sûrement la faveur des médias, et quelques transfuges aux noms prestigieux, dont le Britannique Nick Hornby et le romancier-psychanalyste Tobie Nathan.

Boltanski - La CacheDANS MON ARBRE IL Y A… : La Cache, de Christophe Boltanski
Si son nom vous est familier, ce n’est pas un hasard. Grand reporter au Nouvel Obs, Christophe Boltanski est aussi le fils du sociologue Luc Boltanski et le neveu de l’artiste Christian Boltanski. Ces précisions ont un sens, puisque c’est l’histoire de sa drôle de famille que livre ici le néo-romancier, en articulant son récit autour des pièces de la maision familiale à Paris. Le point de départ : la cache, un réduit minuscule où son grand-père s’est caché des Allemands durant la Seconde Guerre mondiale, et qui est devenu par la suite le point névralgique de la demeure. La presse sera probablement au rendez-vous de ce gros premier roman.

Giraud - Nous serons des hérosRACINES : Nous serons des héros, de Brigitte Giraud
Joli titre pour le nouvel opus de la romancière lyonnaise, qui relate l’arrivée en France d’une femme et de son jeune fils, Olivio, tous deux ayant fui la dictature portugaise. Recueillis par un rapatrié d’Algérie, ils espèrent un nouveau départ mais l’homme ne supporte pas l’adolescent. Celui-ci se lie d’amitié avec Ahmed, un immigré algérien de son âge… Un roman où amours, tensions et quêtes de soi et de son identité seront au cœur du récit.

Liberati - EvaPOMME TOMBÉE DE L’ARBRE : Eva, de Simon Liberati
Enfant, elle a posé nue pour sa mère, la photographe Irina Ionesco, souvent dans des poses érotiques qui ont fait scandale. Une expérience traumatisante qui a laissé des traces et a marqué durablement sa vie, entre jeunesse tumultueuse et procès retentissant contre sa génitrice. Depuis, récemment, elle est devenue la femme de Simon Liberati, qui lui consacre donc ce récit intime, après l’avoir croisé plusieurs fois au fil des années, et s’en être inspiré pour son premier roman alors qu’il ne la connaissait pas encore. Là aussi, presse attendue… pour de bonnes raisons, on espère.

Faye - Il faut tenter de vivreBRANCHES : Il faut tenter de vivre, d’Eric Faye
Sandrine Broussard non plus n’a pas eu la vie facile. De son enfance maltraitée, elle a eu l’idée de se venger en séduisant à la chaîne qu’elle arnaquait ensuite avant de disparaître, multipliant identités, vies et fuites. Depuis longtemps fasciné par cet femme insaisissable, le narrateur finit par la rencontrer et se lier à elle. Un roman autobiographique auquel Eric Faye tient beaucoup.

Frèche - un homme dangereuxINCENDIAIRE : Un homme dangereux, d’Emilie Frèche
Attention, sujet sensible. Ce roman met en scène un homme convainquant une femme de tout quitter, son mari et ses filles partis en Israël, pour vivre avec lui. Mais son véritable projet est de la détruire, pour la seule raison qu’elle est juive… Une œuvre post-Charlie qui pourrait faire grincer des dents.

Noiville - L'Illusion délirante d'être aiméPETIT POUCET PERDU DANS LA FORÊT DES SENTIMENTS : L’illusion délirante d’être aimé, de Florence Noiville
L’illusion délirante d’être aimé est une véritable maladie, potentiellement dangereuse, connue sous le nom de « syndrome de Clérambault », du nom du psychiatre qui l’a diagnostiquée. L’héroïne de ce roman, Laura, en souffre, accusant une ancienne amie de la harceler. Sauf que personne dans son entourage n’est témoin de rien…

Nathan - Ce pays qui te ressembleCANOPÉE : Ce pays qui te ressemble, de Tobie Nathan
Une grande fresque historique prenant pour cadre l’Egypte, dont est originaire Tobie Nathan. Suivant depuis longtemps une double carrière de psychanalyste réputé et de romancier, l’écrivain retrace à travers le parcours extraordinaire de Zohar, né dans le ghetto juif du Caire, l’histoire récente de son pays, depuis le roi Farouk jusqu’à l’islamisation grandissante de ces dernières années.

DÉRACINÉE : Sœurs de miséricorde, de Colombe Schneck
Une Bolivienne quitte son pays et sa pauvreté pour Paris, où elle espère gagner sa vie. Elle se heurte à une autre vision du monde, froide et désincarnée, notamment chez les riches qui l’emploient. Si ce roman est inspirée d’une rencontre qu’elle a faite, pour une fois Colombe Schneck ne parle pas d’elle. C’est déjà ça.

DÉRACINÉS : Les bannis, de Laurent Carpentier
C’est l’autre premier roman de la rentrée Stock. Inspiré de faits réels, il relate le bannissement, l’excommunication, l’exil et l’exploitation des membres d’une famille dans le tumulte du XXe siècle dans un texte qui oscille entre vie et mort, entre horreur et humour.

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Hornby - Funny GirlBOURGEONS : Funny Girl, de Nick Hornby
(traduit de l’anglais par Christine Barbaste)
Un grand nom de la littérature anglaise contemporaine rejoint Stock ! L’auteur de Carton jaune, Pour un garçon, Haute fidélité ou Juliet, Naked évoque les Swinging Sixties, à travers l’histoire d’une actrice, Sophie Straw, star d’une comédie à succès de la BBC dans les années 60. Un roman que l’on attend comme toujours enlevé, humain, chaleureux et drôle.

Stanisic - Avant la fêteRADICELLES : Avant la fête, de Sasa Stanisic
(traduit de l’allemand par Françoise Toraille)
Ce n’est que le second roman de Sasa Stanisic, romancier d’origine yougoslave qui vit en Allemagne, et connut un gros succès avec son premier titre, Le Soldat et le Gramophone – c’était en 2008, déjà. Cette fois, il raconte un village et ses habitants, le temps d’une nuit, avant la fête de la Sainte-Anne, moment important de la communauté.