Steven Spielberg : une rétrospective, de Richard Schickel
Signé Bookfalo Kill
En chantant les louanges de Clément Safra et de son Dictionnaire Spielberg l’année dernière, j’ai dû vous laisser entendre ma passion personnelle pour le réalisateur de Minority Report. Alors, oui, n’y allons pas par quatre chemins : oui, je suis fan de Steven Spielberg.
Me pardonneront, je l’espère, ceux qui ne peuvent pas supporter le cinéma spectaculaire, volontiers commercial (mais pas que), parfois sentimental (mais pas que… heureusement !) de celui qui est l’une des figures incontournables de Hollywood. Il y en a, je le sais, sans doute même parmi vous, fidèles lecteurs. Ce n’est pas grave, restons amis. Et je vais essayer de ne pas vous embêter trop longtemps avec ma marotte, promis.
Mais tout de même, je voulais dire un mot d’un nouveau gros et beau livre qui vient de paraître aux éditions de la Martinière, intitulé tout simplement Steven Spielberg : une rétrospective. Déjà auteur d’un ouvrage similaire sur Clint Eastwood ou d’entretiens avec Martin Scorsese, le vénérable Richard Schickel, éminent critique du Time, ajoute donc le cinéaste américain le plus influent et le plus puissant d’Hollywood à son tableau de chasse.
Sa méthode est simple : après une introduction consacrée à la jeunesse du réalisateur, Schickel déroule son œuvre de manière chronologique, présentant et analysant chaque film l’un après l’autre, en s’appuyant sur les nombreux entretiens qu’il a eus avec Spielberg himself. Le résultat n’est pas dénué de réserve, contrairement à ce que ce choix pourrait laisser craindre – les premiers reproches sortant de la bouche du cinéaste lui-même d’ailleurs.
Néanmoins, il ne s’agit pas d’un ouvrage d’analyse critique, avec la distance générale que cela impliquerait. On pourra d’ailleurs ne pas être d’accord avec l’opinion laudatrice de Shickel sur certains films, comme par exemple le dernier en date, le lourdingue Cheval de guerre – d’ailleurs bizarrement encensé par une critique française pourtant prompte pendant trente ans à flinguer Spielberg, jusqu’à ce que son acharnement à rester sur le devant de la scène finisse par lui attirer son respect et sa reconnaissance…
L’aspect « beau livre », avec ses quelques 400 photographies et illustrations, dont beaucoup de peu connues, rappelle qu’il s’agit avant tout d’un ouvrage destiné à célébrer l’œuvre curieuse, protéiforme, d’un réalisateur qui hésite de plus en plus entre méga-productions et films intimistes, blockbusters au premier degré et sujets sombres, souvent historiques.
De quoi contenter avant tout les amateurs de l’univers de Steven Spielberg, dont ils liront au début du livre une préface qui lui ressemble : humble, passionnée et humaniste.
Steven Spielberg : une rétrospective, de Richard Schickel
Préface de Steven Spielberg
Éditions de la Martinière, 2012
ISBN 978-2-7324-4986-9
280 p., 35€
Dictionnaire Spielberg, de Clément Safra
Signé Bookfalo Kill
Agé de 24 ans, récemment diplômé de l’Université Paris VII en études cinématographiques, Clément Safra va marquer d’emblée l’esprit des cinéphiles en publiant un Dictionnaire Spielberg tout à fait remarquable, au moment même où le réalisateur américain révolutionne le cinéma d’animation avec un Tintin en images de synthèse tout simplement bluffant.
Sous forme d’entrées encyclopédiques, le jeune auteur parcourt en détail l’oeuvre de l’un des cinéastes majeurs de notre époque. S’il sait se faire critique (voir par exemple les articles « Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal » ou « Le Monde Perdu : Jurassic Park »), on sent qu’on a affaire à un véritable passionné du travail de Steven Spielberg.
Fan, certes, mais tout à fait capable d’analyser les motifs de son intérêt pour le réalisateur américain. Loin de se cantonner à ce que de nombreux exégètes ont déjà fort bien expliqué dans de précédents essais, Safra avance de nouvelles pistes et pousse au maximum des réflexions aussi passionnantes qu’accessibles. La lecture de l’entrée « Jurassic Park » en surprendra ainsi sûrement plein d’un…
Outre des articles consacrés à chacun des films du cinéaste, on trouve dans ce dictionnaire des entrées sur les acteurs ayant travaillé sous les ordres de Spielberg, d’autres sur ses influences (David Lean, Alfred Hitchcock…) ou ses collaborateurs – fidèles, comme le compositeur John Williams ou le monteur Michael Kahn, réguliers comme George Lucas, ou occasionnels comme Quincy Jones.
Plus intéressant encore, les entrées thématiques dégagent les nombreuses lignes de force du travail de Spielberg. De E comme « Enfant », »Eau » ou « Effets Spéciaux » à L comme « Lumière », « Lune » ou « Langage », en passant par le H de « Histoire », le F de « Femmes, le Q de « Quotidien » ou le S de « Shoah », Safra démontre avec méthode que le réalisateur est à la tête d’une véritable oeuvre, consistante, construite, savant mélange d’exigence et d’ouverture au grand public.
Le livre comporte en outre un livret central de photographies, qui permet de mettre en relief certaines obsessions visuelles de Spielberg – les machines, les figures circulaires, sa manière de filmer les visages ou les regards, son travail sur la lumière « blanche » ou « divine », cet aura lumineux en contre-jour qui constitue l’une de ses signatures les plus célèbres…
Bref, Clément Safra livre une étude complète, intelligente et intelligible pour n’importe quel lecteur – pas la peine de lire les Cahiers du Cinéma ou de sortir d’une école de cinéma pour comprendre ce dont il est question ici. De quoi satisfaire les connaisseurs de Spielberg, aussi bien que les « novices » désireux de découvrir une filmographie beaucoup plus complexe que ce que les détracteurs du papa d’E.T. voudraient continuer à faire croire.
Dictionnaire Spielberg, de Clément Safra
Editions Vendémiaire, 2011
ISBN 978-2-363-58010-8
359 p., 25€
On en parle aussi ici : Ecran large, Steven Spielberg Collection (blog)