Signé Bookfalo Kill
Commandant à la brigade criminelle de Paris, Estelle Lacroix voit son passé ressurgir comme un boomerang lorsqu’elle apprend la découverte d’un cadavre atrocement mutilé dans les catacombes. Tous les indices évoquent la signature de Mygale, un tueur en série terrifiant sur lequel Estelle a réalisé son mémoire de fin d’études des années auparavant, et qui n’avait plus donné signe de vie depuis longtemps.
Associée au capitaine Gordinsky de la Brigade Spéciale d’Intervention, l’enquêtrice se retrouve confrontée autant à la menace du meurtrier qu’à ses propres démons, cruellement réveillés par cette affaire hors du commun…
Article 122-1 : ce titre intrigant renvoie à l’article du code pénal qui définit l’absence de responsabilité pénale d’une personne atteinte de troubles mentaux avérés au moment où elle commet un crime. Si l’on sait en plus que sous le pseudonyme de David Messager se cache (plus ou moins) un juge anti-terroriste en activité, on a la teneur de ce roman : un polar parisien tendu, hyper carré dans ses descriptions du monde de la police et de la justice (sans tomber non plus dans l’excès), et axé sur la psyché perturbée de ses personnages.
David Messager signe de fait un premier thriller plutôt réussi, même si les lecteurs aguerris auront peut-être des soupçons assez tôt… Thriller à la française, donc dans la lignée de Grangé, Thilliez et consorts, avec ses qualités – rythme soutenu, efficacité, noirceur et violence assumées, connaissances documentaires importantes – et, malheureusement, ses défauts. Vous me connaissez, je suis tatillon, c’est donc là-dessus que je vais insister.
Chez Messager, cela se traduit par des excès récurrents de psychologie, qui obligent l’auteur à raccrocher les wagons du récit de manière artificielle un peu trop souvent. Il faudrait compter le nombre de fois où l’on voit Estelle Lacroix partir dans ses pensées, avant d’en être extirpée par son interlocuteur pour revenir aux dialogues en cours. Ce n’est pas grave, et cela peut même être justifié par l’état mental de l’héroïne, mais cela en dit long sur cette volonté parfois peu subtile d’asséner des réflexions sur tout et n’importe quoi, même quand le moment de l’intrigue ne s’y prête pas.
Autre petit défaut, la tendance de David Messager à sur-écrire, à rechercher systématiquement la comparaison qui tue ou la métaphore absolue – encore une séquelle héritée de Jean-Christophe Grangé… Parfois cela fonctionne, surtout dans la deuxième partie du roman, quand la folie s’y installe (je n’en dis pas plus !) Mais la plupart du temps, soit les images convoquées sont ridicules, soit le texte se teinte d’un lyrisme pompier balayant toute possibilité de finesse. Dommage, mais franchement pas rédhibitoire.
Car bon, voilà, je pinaille, toujours est-il que j’ai lu Article 122-1 avec plaisir, et je suis sûr que les amateurs du genre (et ils sont nombreux) sauront réserver à David Messager un bon accueil, tant son thriller, bien fichu, angoissant et lesté des rebondissements adéquats, s’inscrit sans rougir parmi les bons titres sortis ces derniers temps en France.
Article 122-1, de David Messager
Éditions les Escales, 2013
ISBN 978-2-36569-009-6
281 p., 19,90€
23 juin 2013 | Catégories: Polars | Tags: 36 quai des Orfèvres, article 122-1, brigade criminelle, Cannibales Lecteurs, catacombes, David Messager, Estelle Lacroix, folie, Mygale, Paris, psychiatrie, psychologie, psychopathe, thriller, tueur en série | 1 commentaire
Signé Bookfalo Kill
Paris, 1866. Faustine, bientôt 16 ans, est une adolescente indépendante, joyeuse et généreuse. Elle vit de liberté en vidant les poches des bourgeois, ayant découvert dans ses doigts agiles un don exceptionnel pour le larcin libertaire. Le but de sa vie : sortir Violette, sa “petite mère”, de la pauvreté.
Un homme mystérieux, qui la suit et l’observe depuis quelque temps, finit par l’aborder pour lui proposer de rejoindre une société secrète dont il fait partie. C’est le début d’un destin exceptionnel pour la jeune Faustine…
Cela faisait longtemps que je n’avais pas lu un roman pour adolescents aussi naïf. Dans le registre des bons sentiments, Claire Mazard dégomme toute la concurrence réunie et fait de l’ombre aux bons vieux dessins animés sirupeux de notre enfance. Ridiculisée, Candy ! Au moins, la romancière ne s’en cache pas, qui tente d’assumer ses tendances au gnan-gnan dans une postface sans équivoque.
Tous les clichés moutonnent donc allègrement : le patron cruel qui exploite ses employées, les gens du peuple pauvres mais dignes dans la misère, les histoires d’amour compliquées ou contrariées, les gentils très gentils et les méchants très méchants…
Sans parler de l’héroïne : intelligente, belle, habile, agile, charismatique, courageuse, dévouée, désintéressée… Plus parfaite, tu meurs. Il se trouvera sûrement de jeunes lecteurs (lectrices, surtout) en manque de romantisme pour s’identifier à elle. Au temps pour ceux, sans doute nombreux, qui apprécient les contrastes.
Tout ceci passerait peut-être si le style ne s’avérait pas aussi ingénu que le contenu. Certes, le critère a de l’importance avant tout pour le lecteur adulte que je suis. Aussi, quand je lis : “Cette fille était GE-NI-ALE” (p.8), je tique. Quand les dialogues dégoulinent de mignardise (“Les rossignols sont des promesses de bonheur, tu sais, ma fille. Mais nous sommes heureuses, déjà, ensemble, alors ce rossignol sera une promesse… de vie meilleure !” (p.96)), je grince des dents. Ah, et l’art subtil des points de suspension – bien maltraité ici…
Les lecteurs adolescents se préoccupent-ils de stylistique ? Le débat est ouvert. Pas tous, sûrement, mais certains oui. Et quand je vois le talent de certains auteurs – Timothée de Fombelle, Jean-Claude Mourlevat, Marie-Aude Murail pour ne citer que ces trois pointures de la littérature jeunesse en France –, le soin qu’ils apportent à leur écriture et le succès qu’ils rencontrent, je me dis qu’il n’y a pas de fumée sans feu.
Tiens, puisqu’on parle de Marie-Aude Murail : elle aussi a rendu hommage au roman d’aventures populaire. Elle aussi en a pris tous les ingrédients et les a mélangés à l’exemple des maîtres, de Dickens à Dumas en passant par Leroux et Hugo. Le résultat, c’est Malo de Lange (Ecole des Loisirs) : drôle, enlevé, émouvant, le tout très bien écrit. Comme quoi c’est possible.
Les Compagnons de la Lune Rouge, de Claire Mazard
Editions Oskar, 2011
ISBN 978-2-350-00712-0
346 p., 13,95€
14 juin 2011 | Catégories: Romans jeunesse | Tags: 1867, aventures, catacombes, Claire Mazard, compagnons de la lune rouge, Dickens, Exposition Universelle, Hugo, populaire, roman jeunesse, Second Empire | Poster un commentaire