A première vue : la rentrée Julliard 2015
Du côté des éditions Julliard, on est plutôt en mode poids lourds pour cette rentrée 2015, puisque deux des trois auteurs présentant un roman dès le 20 août s’appellent Yasmina Khadra et Philippe Jaenada , grands noms de la maison. Anne Akrich, leur comparse féminine, née en 1986 et dont c’est le premier roman, ne sera pas de trop pour amener un peu de fraîcheur, même si les romans de ses illustres collègues présentent de solides arguments pour qu’on s’y intéresse.
LE CHANT DU BOURREAU : La Dernière nuit du Raïs, de Yasmina Khadra
On parlera forcément beaucoup de ce roman à la rentrée. D’abord parce que c’est Khadra, suivi par un large public. Ensuite pour son sujet, les dernières heures de Kadhafi, relatées dans un roman qui est l’occasion d’un retour sur la vie du dictateur libyen. Comme dans l’Attentat ou les Hirondelles de Kaboul, Khadra attaque à nouveau de front un sujet politique brûlant. On l’espère aussi brillant.
JE VOUS RÉÉCRIS DANS LE NOIR : La Petite femelle, de Philippe Jaenada
Fait rare, le même fait divers lointain aura été traité par deux écrivains différents la même année. Après Jean-Luc Seigle en janvier dans Je vous écris dans le noir, Jaenada s’intéresse à Pauline Dubuisson, coupable du meurtre de son amant en 1953, et dont l’histoire inspira un film de Clouzot, La Vérité. Seigle ayant réussi un roman beau et sobre sur le sujet, on attend le plus fantaisiste Jaenada au tournant.
LATEX : Un mot sur Irène, d’Anne Akrich
Premier roman d’une jeune femme de 29 ans, ce livre part de la mort d’une universitaire renommée, ayant tendance à emmener ses étudiantes dans son lit, et que l’on retrouve morte dans une chambre d’hôtel de New York à côté d’une poupée gonflable. Le mari d’Irène, frustré et gagné par la folie, raconte cette histoire. Ca va être chaud bouillant.
24 juillet 2015 | Catégories: A première vue, Romans Francophones | Tags: 2015, A première vue, amant, Anne Akrich, Bardot, Cannibales Lecteurs, Clouzot, dernière, dernière nuit du Raïs, fait divers, femelle, Irène, Jaenada, je vous écris dans le noir, Jean-Luc Seigle, Julliard, Kadhafi, Khadra, Libye, littéraire, meurtre, New York, nuit, Pauline Dubuisson, petite, petite femelle, Philippe Jaenada, premier roman, Raïs, rentrée, rentrée littéraire, sulfureux, un mot sur Irène, universitaire, vérité, Yasmina Khadra | 2 Commentaires
Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive, de Christophe Donner
Signé Bookfalo Kill
Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive.
Bon, commençons par l’évidence : c’est LE titre de la rentrée. Et même si Christophe Donner l’a vraisemblablement emprunté à Orson Welles (c’est ce qu’il affirme dans le livre), peu importe, l’effet claque est garanti, la curiosité bien giflée, on a envie de savoir ce qui se cache derrière. Et, ma foi, l’inspiration est bonne, car le bouquin l’est aussi, et puissamment.
Chantre de l’autofiction, où il s’est illustré de manière aussi brillante qu’agaçante, Donner se délaisse cette fois (ouf) mais reste dans la littérature du réel, puisqu’il s’empare de personnages ô combien célèbres : Claude Berri, Maurice Pialat, Jean-Luc Godard, Michel Simon, Jean Yanne, Brigitte Bardot, Milos Forman… et surtout Jean-Pierre Rassam. Aujourd’hui, c’est peut-être le nom le moins connu de la bande, mais pour les cinéphiles comme pour ceux qui ont connu l’époque évoquée ici par le romancier, c’était une figure incontournable.
Personnage fantasque, bousculé par l’urgence de vivre, accro au jeu, au sexe, aux drogues, capable de tous les emportements et de tous les enthousiasmes pour la beauté d’un geste qui ne le passionnait jamais longtemps, Rassam se fit producteur parce que le cinéma le fascinait – son monde plus que les films eux-mêmes, à vrai dire. Grand connaisseur du milieu, puissant entremetteur, il a lancé Jean Yanne cinéaste en faisant de Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil un succès aussi énorme qu’inattendu, mais a aussi produit Godard, Forman, Rohmer, Bresson ou la scandaleuse Grande bouffe de Marco Ferreri.
En centrant sa curiosité sur ce personnage haut en couleurs, Christophe Donner restitue à merveille le formidable tourbillon d’une époque de transition majeure, marquée par mai 68, l’annulation du festival de Cannes, l’invasion de la Tchécoslovaquie (ce qui donne une scène épique où Rassam et Berri partent récupérer les jumeaux de Forman à Prague dans la voiture de Truffaut), les conflits – déjà – entre Israël, la Palestine et les pays arabes alentour, l’émergence de Septembre Noir…
Mais c’est aussi et avant tout un livre sur ces acteurs du cinéma qui s’avèrent de formidables personnages de roman. Oui, je dis bien de roman. Car, si Christophe Donner clame dans le Monde des Livres que « l’imagination est un mythe », c’est bien d’imagination dont il use pour écrire Quiconque… Il choisit les personnages qui l’intéressent, écarte les autres ; met dans leurs bouches des dialogues largement fictifs, à l’exception de quelques citations véridiques, et construit un récit qui pourrait constituer un excellent film, et non pas une biographie.
Plus d’une fois, je me suis surpris au cours de ma lecture à imaginer quel comédien pourrait incarner aujourd’hui ce Claude Berri travailleur et naïf, un peu tâcheron mais obstiné ; ce Maurice Pialat amer, grande gueule, fâché contre tout le monde ; ce Godard d’anthologie, terriblement imbu de lui-même, poseur, jouant les incompréhensibles pour mieux se faire admirer.
Et puis les femmes bien sûr, car elles jouent un rôle primordial au milieu de tous ces hommes acharnés à réussir : Anne-Marie Rassam, sœur de Jean-Pierre, qui devient la femme de Berri ; Arlette, petite sœur de Berri, que Pialat séduit et embarque, causant une rupture sévère entre les deux hommes, que leurs visions antagonistes du cinéma ne feront qu’éloigner ; Anne Chardon, amoureuse de Rassam qui veut devenir actrice, devenir Anna Karina à la place d’Anna Karina, mais n’est que mignonne…
Pour tous, Donner n’a pas que des mots doux, il les campe dans toute leur complexité : avides, avares ou généreux, égoïstes, égocentriques, narcissiques, ambitieux jusqu’à la vanité, utopistes qui finissent par se heurter à la réalité du monde ou à s’en accommoder. On les admire pour cela, et on s’attache bien volontiers à leurs étranges destinées.
Quiconque exerce ce métier stupide… a l’énergie folle et contagieuse d’un film de Scorsese, ce rythme frénétique des livres impossibles à lâcher, avec ce qu’il faut de sérieux dans la reconstitution pour avoir l’impression de plonger dans une époque que l’on n’a pas (forcément) connue. Un très bon roman, où Christophe Donner aura usé le meilleur de son imagination.
Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive, de Christophe Donner
Éditions Grasset, 2014
ISBN 978-2-246-80032-3
300 p., 19€
12 septembre 2014 | Catégories: Romans Francophones | Tags: arrive, Bardot, Cannes, Cannibales Lecteurs, Christophe Donner, cinéma, Claude Berri, Clouzot, exerce, festival, film, France, Grasset, Jean Yanne, Jean-Pierre Rassam, mai 68, Maurice Pialat, mérite, métier, Michel Simon, Milos Forman, Prague, quiconque, quiconque exerce ce métier mérite tout ce qui lui arrive, Rassam, stupide, Tchécoslovaquie | 3 Commentaires
A première vue : la rentrée Grasset 2014
Chez Grasset, en 2013, Sorj Chalandon avait emporté nos suffrages et ceux de nombreux lecteurs. Pas sûr que nous retrouvions les mêmes motifs d’enthousiasme cette année, surtout avec Frédéric Beigbeder en tête de pont… Mais gardons la possibilité d’être agréablement surpris !
MYTHE LITTÉRAIRE : Oona & Salinger, de Frédéric Beigbeder
Auteur de L’attrape-coeurs, grand classique américain du XXème siècle, J.D. Salinger a cessé toute vie médiatique et littéraire à partir de 1953. Beigbeder imagine que c’est à cause d’une histoire d’amour impossible avec Oona, fille du dramaturge Eugene O’Neill. Un roman à fort potentiel médiatique, d’abord parce que Beigbeder, ensuite parce que Salinger. On en entendra donc beaucoup causer, mais sera-ce pour de bonnes raisons ? A voir…
MYTHE CINÉMATOGRAPHIQUE : Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive, de Christophe Donner
A la fin des années 60, trois amis vivent les grands événements de l’époque, mai 68, invasion de la Tchécoslovaquie par les Russes, rêvant côte à côte avant de se déchirer… Ils s’appellent Claude Berri, Maurice Pialat et Jean-Pierre Rassam.
Avec ces célèbres personnages et d’autres, comme Godard, Trintignant, Bardot ou Jean Yanne, ce roman porté par son titre frappant, qu’il doit à Orson Welles, fera forcément parler de lui également.
MYTHE HISTORIQUE : Le Roi disait que j’étais diable, de Clara Dupont-Monod
Roman sur les premières années d’Aliénor d’Aquitaine, épouse de Louis VII.
ATTENDUE AU TOURNANT : Le Manteau de Greta Garbo, de Nelly Kaprièlian
Premier roman de Nelly Kaprièlian, critique aux Inrocks et au Masque et la Plume, où elle écrit et raconte beaucoup de bêtises. S’intéresser à la garde-robe pléthorique de Greta Garbo, qui n’a jamais porté les innombrables robes qu’elle a achetées, lui permettra-t-elle d’échapper à quelques sanglants règlements de compte ? Le petit monde littéraire parisien étant ce qu’il est, pas sûr… Après, il faudra parler du livre lui-même, mais du côté des Cannibales, pas sûr non plus que nous lui accordions la moindre curiosité, pour être honnête.
SECRET DE FAMILLE : Ce sont des choses qui arrivent, de Pauline Dreyfus
L’enterrement en 1945 de Natalie de Sorrente est l’occasion de revenir sur le lourd secret familial que la duchesse a tu durant toute la guerre. Si quelqu’un veut se dévouer pour celui-là…
HISTOIRE DE FAMILLE : La Femme qui dit non, de Gilles Martin-Chauffier
Sur l’Ile-aux-Moines, en 1938, Marge Evans, une jeune Anglaise, tombe amoureuse du Français Blaise de Méaban. Mais ce dernier part rejoindre de Gaulle à Londres pendant la guerre, et Marge se console dans les bras de Matthias, meilleur ami de Blaise, dont elle tombe enceinte.
Oui, bon, c’est sûr, raconté de cette manière, ce roman ne donne pas forcément envie (en tout cas pas à nous). Triangle amoureux, petites histoires dans la Grande Histoire, tout ça, bof… Mais il vaut peut-être mieux que cela.
VOLATILE : La Langue des oiseaux, de Claudie Hunzinger
Une romancière s’installe dans les montagnes pour étudier la langue des oiseaux. Une Japonaise la contacte et la charme par son écriture maladroite, avant de la rejoindre, terrifiée. Les deux femmes s’enfuient alors dans la forêt, visiblement liées par quelque chose…
(Je rappelle que, pour la plupart, nous n’avons pas encore lu ces romans, donc pardon si certains résumés vous paraissent étranges ou incomplets, mais ils ne tiennent que par le peu que l’on sait…)
CHÂTEAU DE SABLE : Les barrages de sable, de Jean-Yves Jouannais
Un essai romanesque sur les châteaux de sable, leurs sens cachés, leurs symboles… Une curiosité, caractéristique de la collection blanche de Grasset.
RIRES & CHANSONS : Dernier Royaume t.9 : Mourir de penser, de Pascal Quignard
Neuvième tome de la série d’essais littéraires de Quignard intitulée Dernier Royaume, ce livre explore les rapports entre la pensée et la mort, la mélancolie, l’abandon, le traumatisme… Fais-nous rire, Pascal.
9 juillet 2014 | Catégories: A première vue, Romans Francophones | Tags: 2014, Aliénor d'Aquitaine, Bardot, barrages de sable, Beigbeder, Cannibales Lecteurs, châteaux de sable, Christophe Donner, Clara Dupont-Monod, Claude Berri, Claudie Hunzinger, critique, dernier royaume, duchesse de Sorrente, Gilles Martin-Chauffier, Godard, Grasset, Greta Garbo, guerre, Inrocks, Japonaise, Jean Yanne, Jean-Yves Jouannais, langue des oiseaux, mai 68, manteau, mourir de penser, Nelly Kaprièlian, Oona, Pascal Quignard, Pauline Dreyfus, Pialat, quiconque exerce ce métier mérite tout ce qui lui arrive, Rassam, rentrée littéraire, Salinger, secret, Trintignant | Poster un commentaire