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La Comète, de Claire Holroyde

Éditions Gallmeister, 2021

ISBN 9782351782316

512 p.

25,40 €

The Effort
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jacques Mailhos


Jaillie de l’ombre du Soleil, la comète noire DU3 se dirige droit vers la Terre. Une collision semble inévitable, ce qui provoquerait une véritable Apocalypse.
Un jeune spécialiste de l’aéronautique, Ben Schwartz, est nommé à la tête d’une équipe internationale censée trouver le moyen de faire dévier l’énorme bolide céleste de sa trajectoire. Réunis sur la base de Kourou en Guyane, coupés de leurs proches, des hommes et des femmes de tous horizons rivalisent d’ingéniosité pour affronter ce défi sans précédent.
Mais contre toute attente, ce n’est pas l’exploit technologique qui se révèle le plus difficile ; en temps de crise, les passions humaines s’exacerbent, comme sur ce bateau brise-glace en route vers l’Arctique où un photographe baroudeur se rapproche d’une biologiste solitaire.
Alors que le temps vient à manquer, chacun se montre sous son vrai jour.


Au premier coup d’œil, cette histoire a inévitablement des faux airs d’Armaggeddon. Et c’est vrai que, dans les premiers chapitres, en multipliant les personnages et les points de vue, nous entraînant d’un brise-glace en route pour l’Arctique au centre spatial de Kourou en Guyane, le premier roman de Claire Holroyde se donne des faux airs de blockbuster à gros moyens.
Très vite, cependant, la littérature reprend le dessus, en prenant le temps de creuser profond dans les personnages, en s’offrant le luxe de descriptions luxuriantes et de longues et complexes considérations scientifiques. Autant d’éléments ralentisseurs qui, dans une production Michael Bay, auraient tout de la faute de goût à couper de toute urgence au montage, mais que le roman autorise sans problème.

Le propos de la romancière, du reste, est moins de céder au sensationnalisme que de décrypter la manière dont l’humanité réagirait à une menace pareille. Et le tableau qu’elle dresse laisse assez peu de place à l’espoir : émeutes, retour à l’état sauvage, délitement accéléré des codes et repères sociaux, égoïsme exacerbé, hommes et femmes sous la plume de Claire Holroyde laissent globalement s’exprimer leurs pires penchants.
Perdue de loin en loin dans cette apocalypse tristement humaine, la résistance des scientifiques paraît dérisoire, voire inutile. On en est à se demander s’il ne vaudrait pas mieux laisser la nature faire son travail et mettre fin au règne imbécile de cet être soi-disant doué d’intelligence qui ne perd jamais une occasion de massacrer son prochain.

S’il fait froid dans le dos, le propos ne manque certes pas de pertinence. Le roman, lui, souffre de réelles longueurs, et de personnages qui m’ont paru étrangement désincarnés, alors même que l’écrivaine s’acharne à détailler leur allure, leurs pensées, leurs réactions. Trop, peut-être, étouffant sous l’accumulation leur spontanéité et leur marge de liberté dans mon imaginaire de lecteur.
Je n’ai pas non plus été emporté par le style de Claire Holroyde, pourtant confié à la traduction experte de Jacques Mailhos. J’ai trouvé sa langue empruntée, poussive, pas aidée par un manque de rythme global éteignant le sentiment d’urgence qui aurait dû prévaloir dans une histoire comme celle-ci.

Enfin, dernier bémol, l’intrigue semble se déliter au fur et à mesure du roman, jusqu’à l’amener à une conclusion plutôt décevante en oubliant en route de nous informer du destin de certains personnages principaux. Frustrant, et un peu gênant.

Avis mitigé donc pour cette Comète, premier roman intéressant, parfois saisissant, mais qui manque à mes yeux de densité et de puissance pour tenir sur une telle longueur.
Très bon point en revanche pour la magnifique couverture conçue par les éditions Gallmeister, qui a attiré mon attention sur ce livre.
(On se console comme on peut !)


Chez les amis blogueurs, j’ai déniché peu d’occurrences (pour le moment) au sujet de ce roman. Mais vous pourrez lire un peu plus d’enthousiasme qu’ici chez Léa Touch Book et From Richmond to Tacoma.

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Dark Country, de Thomas Ott

Signé Bookfalo Kill

Pas facile de parler d’un album de 56 pages sans aucun dialogue, surtout quand tout son intérêt réside dans la découverte d’une histoire – sombre, comme le titre l’indique – dont les images se suffisent à elles-mêmes.
Tout juste pourrais-je dire que l’on s’embarque avec un couple de jeunes mariés, sur la route d’un voyage de noces dont la destination est inconnue. Malheureusement, le charme se brise pour eux lorsque leur voiture percute un homme en pleine nuit, et que débute alors un cauchemar sans nom…

Ott - Dark CountryAdapté d’un roman de Tab Murphy, lui-même adapté auparavant par Thomas Jane en film (que Thomas Ott n’a pas vu, livrant ainsi sa propre interprétation du texte original), Dark Country est donc une petite merveille de noirceur. Dans tous les sens du terme, puisque l’histoire, qui aurait pu être une excellente nouvelle de Stephen King, déroule son récit horrifique dans un noir et blanc hachuré du plus bel effet, donnant la part belle à la première des deux couleurs pour une atmosphère stressante et étouffante à souhait.
Pour continuer sur l’aspect formel de l’album, Ott joue en plus sur les référents cinématographiques, en usant le plus souvent de cadres allongés façon Cinémascope, qui étire l’image pour lui ajouter zones d’ombre et suggestions d’un hors-champ inquiétant.

Le livre en lui-même est également une jolie réussite : relié, doté d’une couverture toilée du plus bel effet, et impeccablement réalisé avec ses pages noires qui enferment le lecteur dans l’obscurité du récit. Un beau travail des éditions l’Apocalypse, qui explique le prix un peu élevé d’un album aussi court. Le voyage vaut le coup, néanmoins !

Dark Country, de Thomas Ott
 Éditions l’Apocalypse, 2013
ISBN 978-2-36731-019-0
56 p., 19€