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La Vie, de Régis de Sá Moreira

Signé Bookfalo Kill

Régis de Sá Moreira aime bien s’amuser quand il écrit. Dans Mari et femme, il imaginait qu’un homme et une femme se retrouvaient du jour au lendemain dans la peau l’un de l’autre. Narrée à la deuxième personne du singulier, l’histoire était rapportée du point de vue de l’homme coincé dans le corps de sa femme et vivant la vie de cette dernière, tout en demeurant conscient d’être un homme… (Vous suivez toujours ?)

Cette fois, il n’y pas un narrateur, mais des centaines. Véritable exercice de style, La Vie est une suite de paragraphes très courts, qui s’enchaînent selon le principe du « marabout de ficelle ». On saute ainsi d’un personnage à un autre, chacun n’existant que par une pensée, une action, un geste avant de passer le témoin au suivant. L’idée, bien sûr, étant que la fin du paragraphe précédent soit liée au personnage suivant, plus ou moins logiquement.

« Tous mes frères et sœurs me battent au baby-foot, c’est pas normal, je suis sûr que mes parents m’ont adopté…

C’est le seul que nous n’avions pas adopté. Des années plus tard il a tout découvert, il a quitté la maison et il ne nous a plus jamais parlé. C’est dur le silence pour une mère…

Pour un père ça n’existe pas. Entre ma femme et mes filles, j’ai entendu assez de paroles pour trois vies d’affilée. Reste encore la bonne… »

A l’arrivée, le livre compte 120 pages mais il pourrait aussi bien en avoir 350 ou 37. Du coup, habitués que nous sommes à une narration linéaire (début-milieu-fin), on peut en sortir un peu frustré (« oui mais c’est quoi l’histoire en fait ? »), tout en s’étant pris au jeu – parce que c’est un jeu avant tout, un jeu littéraire.

Le procédé a d’ailleurs une limite : il n’est pas évolutif. Les « personnages » se limitent à leur incarnation passagère, on ne les retrouve pas au fil des pages – ou alors, si c’est le cas, on ne s’en rend pas compte. Plus que des personnages, ce sont des fonctions : la femme trompée, le client casse-pieds à la boulangerie, le bébé en gestation, la vieille voisine qui vient de mourir… Des figures de vie telles que nous en connaissons tous, ou que nous pouvons nous-mêmes incarner, et qui se suivent dans le texte sans autre logique celle des enchaînements conçus par le romancier.

Les vignettes imaginées par Sá Moreira sont des tranches de vie, tour à tour drôles, décalées, émouvantes, inattendues. Certaines s’en limitent aux clichés. D’autres sont très bien vues. Il y a de tout. Comme dans la vie, tiens.

La vie, de Régis de Sá Moreira
Éditions Au Diable Vauvert, 2012
ISBN 978-2-84626-442-6
120 p., 15€

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Le bus de Paul Kirchner

ATTENTION OVNI!

Que dire hormis que ce comic-strip pourrait créer une catégorie à lui seul, l’onirique-strip? 
Si vous aimez la poésie, le surréalisme, prenez le bus. Les autres, empruntez plutôt le métro!

Paul Kirchner a réalisé ces vignettes dans les années 70 pour le magazine américain Heavy Metal. Sans but. Sans idées préconçues. Si ce n’est la vie d’un bus. 
Les dessins, très sobres, noirs et blancs, sans texte, contrebalancent les courts scénarii complètement absurdes et décalés.

Amateurs de Dali et Magritte, vous apprécierez les situations ubuesques. Les attaques de crabes-araignées géants, les avalanches de bus sans oublier le manifeste du parti co-bussiste de Karl Barx.

Il m’est extrêmement difficile de parler de cette bande dessinée. J’aime bien, tout en trouvant ça extrêmement étrange (et invendable, même par le libraire le plus chevronné).
Le mieux est que vous y jetiez vous-même un coup d’oeil. En attendant le bus

Le bus de Paul Kirchner
Editions Tanibis, 2012
9782848410203
82p., 15€

Un article de Clarice Darling