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Storyteller, de James Siegel

Signé Bookfalo Kill

Qu’est-ce qu’un bon journaliste ? Un raconteur d’histoires ou un rapporteur de faits ? Pour avoir oublié de se poser la question et truqué 56 articles, le brillant Tom Valle a été viré du prestigieux quotidien dont il était censé être la plume vedette. Du jour au lendemain, il n’est plus qu’un paria, le type auquel personne ne peut plus se fier. Une situation qu’il assume avec humilité et clairvoyance, tout heureux de pouvoir encore exercer son métier dans l’obscure feuille de chou de Littleton, Californie, chargé des inaugurations de centre commercial, des délits routiers ou des anniversaires à la maison de retraite.
Et c’est d’ailleurs ainsi que tout commence : par la rencontre d’une centenaire persuadée que son fils mort depuis quarante ans vient de lui rendre visite ; et par un accident de voiture mortel dont la victime n’est pas forcément celle que l’on imaginait… Deux faits anodins – mais qui une fois reliés, vont mettre Tom Valle sur la piste d’un énorme secret, l’enquête complexe, dangereuse et prestigieuse dont rêve tout journaliste.
Oui, mais s’il dévoile la vérité, qui voudra le croire, lui, le menteur compulsif ?

Chouette idée de départ que celle de ce polar. Un narrateur ayant un passé de manipulateur avéré, voilà de quoi faire ! D’emblée, Tom Valle explique qu’il écrit dans l’urgence, traqué par de mystérieux poursuivants qui n’ont aucun intérêt à ce que son récit soit connu de quiconque. Véritable menace ou délire de persécution ? Malheureusement, il n’y a aucun suspense de ce point de vue. Personnage attachant, porté sur l’auto-dérision et la repentance, Valle n’a pas la carrure des grands héros de thrillers paranoïaques. Il est trop lisse, trop gentil, trop résigné, pas Fox Mulder pour un sou. On est loin des Hommes du Président (le film magistral reprenant l’histoire de Woodward et Bernstein, les journalistes ayant dévoilé le scandale du Watergate), référence ambitieuse qu’avance imprudemment l’éditeur sur sa quatrième de couverture.

Cela n’empêche pas de suivre avec intérêt l’enquête de Valle et de tourner allègrement les pages d’un thriller clairement « à l’américaine » : phrases courtes, retours fréquents à la ligne, chapitres pas trop longs (4-5 pages en moyenne) ponctués quasi systématiquement d’un cliffhanger, histoire de pousser le lecteur à avoir envie de lire la suite au plus vite. La recette est connue, elle reste efficace quand l’auteur est suffisamment doué. James Siegel l’est, comme nombre de ses confrères d’Outre-Atlantique ayant tous été formés dans le même moule.

Revers de la médaille, l’ensemble n’a pas cette saveur particulière que savent apporter les grands auteurs, ceux qui ont une patte immédiatement identifiable. En bon faiseur, en bon « storyteller », Siegel s’en sort bien parce que son histoire est bonne, qu’il en maîtrise à la perfection le fil conducteur, le sujet, le ton et les rebondissements.
Sans être trop conventionnel, Storyteller est donc un polar U.S. classique, que j’ajoute à la catégorie « romans que je me rappelle avoir lus mais dont j’ai oublié le contenu ». Un bon moment de lecture, sans fausse note. C’est déjà pas mal, et ça fait plaisir à lire de temps en temps !

Storyteller, de James Siegel
Editions le Cherche-Midi, 2011
ISBN 978-2-7491-1029-5
461 p., 21€

P.S.: mention spéciale tout de même à l’éditeur pour sa couverture, originale, totalement adaptée au sujet et visuellement attirante. C’est d’ailleurs d’abord pour elle que je me suis intéressé à ce roman… Comme quoi, une bonne couverture, c’est important !

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