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À première vue : la rentrée Fayard 2021


Intérêt global :


Place à un éditeur dont, je le rappelle par honnêteté, la production en littérature m’interpelle assez rarement. Mais c’est tout de même un nom très important parmi les maisons françaises, ce qui justifie de lui faire une place dans la rubrique « à première vue ».
Et puis, il y aura au moins une sortie événementielle qui devrait en toute logique faire parler d’elle, ne serait-ce que par la forte médiatisation de son auteur – dont c’est pourtant le premier roman…
Alors, une petite idée ?
(Bon, d’accord, c’est facile, la réponse se trouve juste en-dessous.)


Il était une fois à Hollywood, de Quentin Tarantino
(traduit de l’anglais (États-Unis) par Nicolas Richard)

Non, vous ne rêvez pas, on parle bien ici DU Quentin Tarantino, le seul le vrai.
Et si le titre de son premier roman vous rappelle furieusement celui de son dernier film en date (voire dernier film tout court ?), ce n’est pas un hasard. Il s’agit en effet, non pas d’une novélisation, mais d’une version romanesque (librement inspirée, dixit l’éditeur) de l’histoire déjà racontée sur grand écran par le réalisateur de Pulp Fiction.
On retrouvera donc l’acteur Rick Dalton, sa doublure cascade Cliff Booth, Sharon Tate et Charles Manson – entre autres figures hautes en couleurs de cette plongée sulfureuse dans le Hollywood de 1969.

La Danse de l’eau, de Ta-Nehisi Coates
(traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre Demarty)

Puisqu’on parle de premier roman, voici venir celui de Ta-Nehisi Coates – dont le nom connaît lui aussi une certaine notoriété, grâce à ses essais engagés sur la condition noire aux États-Unis (Une colère noire, Autrement 2016), mais également en tant que scénariste de comics, notamment sur Black Panther.
Sa première fiction littéraire le voit mettre en scène un jeune homme, né dans les fers, et à qui tous les souvenirs de sa mère ont été dérobés le jour où celle-ci a été vendue. Ne lui reste qu’un mystérieux pouvoir, capable de lui sauver la vie.
Il s’engage alors dans un grand périple qui va le conduire du sud au nord des États-Unis.

Olive, enfin, de Elizabeth Strout
(traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre Brévignon)

À Crosby, une ville côtière du Maine, la professeure de mathématiques Olive Kitteridge, désormais veuve et retraitée, entame cette nouvelle période de sa vie avec la surprise de trouver un nouveau mari en la personne de l’élégant Jack Kennison.
Au fil des années, elle croise des connaissances, des amis, des voisins et d’anciens élèves, autant de rencontres dont elle tire des leçons de vie.
Retour de l’héroïne rencontrée il y a quelques années dans le livre éponyme.

Feu, de Maria Pourchet

Il y a quelques années, j’avais lu par hasard Champion de Maria Pourchet, et m’étais surpris à beaucoup aimer alors que j’en attendais rien de spécial.
De quoi espérer plus que du résumé de ce nouveau roman ?
Je dois avouer que, sur le papier, je frétille assez peu : une quarantenaire mariée et mère de deux filles, qui s’ennuie dans sa vie pétrie de compromis, rencontre un cinquantenaire qui déprime entre boulot dans la finance, échappées sexuelles sur YouPorn et doutes sur le statut des hommes dans la société. Évidemment, ça fait badaboum. Mais jusqu’où ?
Ben j’en sais rien, mais je ne suis pas sûr d’être assez motivé pour explorer une histoire comme celle-ci. Et vous ?
(Vraie question ouverte, hein !)


Les djihadistes aussi ont des peines de cœur, de Morgan Sportès
Titre choc pour roman social d’aujourd’hui.
Après un jet de grenade dans une épicerie casher de banlieue parisienne, la police identifie l’auteur de l’attaque et, au lieu de l’appréhender tout de suite, le place sous surveillance pour débusquer son réseau. L’occasion de plonger dans le quotidien d’une vingtaine de djihadistes en puissance, dans leurs existences au ras du bitume, leurs origines et leurs vies de famille, pour déterrer les racines de leur choix.
Un pari toujours risqué, celui de chercher à retracer des traces d’humanité derrière le masque réducteur du « monstre ». Mais ce peut être salutaire, à condition que la réflexion soit irréprochable.

Souvenirs de ma vie d’hôtel, de Jacques Fieschi
Dans les années 70, trois jeunes gens, une fille et deux garçons, empêtrés dans un triangle amoureux. La fille aime l’un des garçons, l’un des garçons aime l’autre garçon, et les trois font semblant de croire qu’ils font un petit boulot d’étudiant alors qu’ils participent à une escroquerie. Mais les masques finissent toujours par tomber.
(Et j’aurais peine à exprimer le profond sentiment d’indifférence que ce genre de résumé m’inspire.)


BILAN


Lectures potentielles :
La Danse de l’eau, de Ta-Nehisi Coates
Il était une fois à Hollywood, de Quentin Tarantino
(Je ne suis pas un grand amateur du cinéma de Tarantino, mais je suis curieux de voir ce que son style si particulier peut donner en littérature.)

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A première vue : la rentrée Grasset 2016

Chez Grasset, en général, je trouve matière à prendre du plaisir de lecture tous les deux ans. En 2015, il y avait Sorj Chalandon (Profession du père) et Laurent Binet (La Septième fonction du langage) ; en 2013, Chalandon encore (Le Quatrième mur) et Léonora Miano (La Saison de l’ombre). Vous l’aurez compris, 2016 et ses douze parutions (c’est trop !!!) ne semblent pas parties pour être un grand cru – mais il y a tout de même des raisons d’espérer, des chances d’être surpris. Alors ne partons pas battus d’avance, et croisons les doigts pour dénicher des pépites dans ce programme !

Faye - Petit PaysLA SAISON DES MACHETTES : Petit Pays, de Gaël Faye (lu)
La guerre civile au Burundi, voisine et contemporaine de celle au Rwanda, vue par les yeux d’un enfant. Ce premier roman de Gaël Faye buzze à tout va – buzz quelque peu orchestré par son éditeur, qui met en avant les ventes faramineuses des droits du livre à l’étranger, dans des proportions supérieures à celles qui avaient accueilli la parution d’un autre premier roman événement chez Grasset, HHhH de Laurent Binet… Pour ma part, je n’ai été saisi par ce livre que dans son dernier tiers, lorsque la violence se déchaîne et que Faye nous la fait voir avec force et retenue. Tout ce qui précède, chronique d’enfance et de famille, m’a paru plutôt anodin et longuet.

Miano - Crépuscule du tourmentFEMINA PLURIEL : Crépuscule du tourment, de Léonora Miano
Ce roman choral donne la parole à quatre femmes liées au même homme : sa mère, sa soeur, son ex qu’il aimait trop et mal, et sa compagne avec qui il vit parce qu’il ne l’aime pas. En s’adressant à lui, elles dévoilent leurs tourments, leurs secrets, leurs quêtes de vie, mettant en écho leurs histoires personnelles et la grande Histoire, au cœur d’un pays d’Afrique subsaharienne qui pourrait être le Cameroun cher à l’auteure. On peut compter sur l’intelligence, la sensibilité et la sensualité de Léonora Miano pour donner du sens à ce texte.

Boris - POLICEL.511-1 : POLICE, de Hugo Boris (lu)
Trois gardiens de la paix sont chargés d’escorter à l’aéroport un étranger en situation irrégulière, dans le cadre d’une procédure de reconduite à la frontière. Mais les secousses de leurs vies personnelles finissent par entrer en conflit avec cette mission… Dans un registre très différent, Hugo Boris s’était montré très convaincant avec Trois grands fauves, publié chez Belfond. Ce qui permettait d’espérer quelque chose de ce roman placé à la hauteur du policier en tenue, le flic anonyme que l’on croise tous les jours dans la rue. Ambitieux comme Tavernier (L.627) ou Maïwenn (Polisse) ?
Après lecture, pas vraiment, le récit balançant entre une volonté de décrire le métier des flics de manière réaliste et les choix de la fiction, qui finissent par prendre le dessus au point de faire perdre de sa force au livre. Pas mal, mais pas aussi ambitieux ni réussi que Trois grands fauves.

Boley - Fils du FeuNIEBELUNGEN : Fils du feu, de Guy Boley
C’est l’autre premier roman de la rentrée Grasset, et ce pourrait être une vraie curiosité. Enfants de forgeron, deux frères sont les Fils du Feu, promis à un destin brillant. Mais l’un des deux meurt subitement, semant le chaos dans le destin familial. Tandis que le père se perd dans l’alcool, la mère nie la réalité et ignore la disparition de son enfant. L’autre frère trace néanmoins son chemin et devient un peintre confirmé, trouvant la paix dans ses tableaux. Abordé à la manière d’une légende, ce récit devra compter sur une langue singulière et une atmosphère étrange pour se démarquer.

Liberati - California GirlsMANSON ON THE HILL : California Girls, de Simon Liberati
Liberati fait son fond de commerce des personnages sulfureux (à commencer par sa femme, héroïne de son précédent roman paru l’année dernière, Eva) et/ou tragiques (Jayne Mansfield 1967, férocement détesté par Clarice il y a cinq ans). Autant dire qu’en le voyant s’emparer du terrible Charles Manson et de l’assassinat sordide de Sharon Tate, on peut craindre le pire en matière de vulgarité et de voyeurisme. Mais on n’ira pas vérifier, ce n’est pas comme si on avait du temps à perdre non plus.

Pour le reste, vous m’excuserez mais je vais abréger, sinon on y sera encore demain.

MUNCH : Le Cri, de Thierry Vila
Femme médecin sur des bateaux d’exploration pétrolière, Lil Servinsky souffre d’un trouble qui lui fait pousser de temps à autre des cris qu’elle ne peut contrôler. Sa nouvelle embauche la confronte à l’hostilité du commandant. Un huis clos en pleine mer, une femme au milieu des hommes… Pourquoi pas.

NIOUYORQUE, NIOUYORQUE : Le Dernier des nôtres, d’Adélaïde de Clermont-Tonnerre
De Dresde en 1945 à Manhattan en 1969, une saga foisonnante avec ses rivalités, ses secrets, ses amours impossibles, ses amitiés flamboyantes et ses noms célèbres pour attirer le chaland (Patti Smith, Warhol, Dylan…)

DOUBLE DÉCIMÈTRE : L’Enfant qui mesurait le monde, de Metin Arditi
Sur une île grecque plombée par la crise, un projet d’hôtel met la population en émoi. Une agitation qui bouleverse le quotidien morne de trois personnages, un enfant autiste, sa mère accaparée par le travail et un vieil architecte rongé de chagrin après la mort de sa fille.

ET MOI, ET MOI, ET MOI : L’Innocent, de Christophe Donner
Entre 13 et 15 ans, Christophe découvre qu’il a une quéquette. Cela valait bien le coup d’en faire un livre.

QUI PEUT ACCAPARER DES OBJETS SANS RESURGIR SUR AUTRUI : L’Incandescente, de Claudie Hunzinger
Une histoire de jeunes filles, des adolescentes qui s’écrivent… non, en fait, j’ai rien compris au résumé.

*****

Et on finit (ouf !!!) par les deux romans étrangers qui, dans deux styles différents, devraient sérieusement nous dépayser…

Ammaniti - AnnaSEULS : Anna, de Niccolo Ammaniti
L’un de mes auteurs italiens préférés revient là où on ne l’attendait pas du tout, sur le terrain de la fiction post-apocalyptique (décidément à la mode en ce moment). Nous sommes en 2020, un virus décime depuis quatre ans la population adulte, n’épargnant les enfants que jusqu’à la puberté. Anna survit avec Astor, son petit frère de quatre ans. Lorsque le petit garçon disparaît, elle met tout en oeuvre pour le retrouver, affrontant seule les bandes d’enfants sauvages, les chiens errants et la pestilence d’un monde qui s’effondre. En Italie, le roman avait été classé dans la catégorie « young adult » ; Grasset – qui récupère au passage cet auteur parti quelque temps chez Robert Laffont – décide de le publier en adulte. A voir si ce pari bizarre permettra de faire mieux connaître Ammaniti en France, où il peine depuis toujours à trouver son public.

Martel - Les hautes montagnes du Portugalπ² : Les hautes montagnes du Portugal, de Yann Martel
Un village perdu au pied des Hautes Montagnes du Portugal est le théâtre au fil des années de curieux événements. En 1904, un jeune homme frappé par le deuil décide de tourner le dos au monde – littéralement, puisqu’il ne marche plus qu’à reculons. Il se lance ainsi dans la quête éperdue d’un mystérieux objet confectionné par un prêtre. En 1939, un médecin reçoit la visite d’une vieille femme qui lui demande d’autopsier son mari, qu’elle apporte dans sa valise. Enfin, en 1981, un sénateur canadien en deuil s’installe au village, en quête de ses racines – et en compagnie d’un chimpanzé…
Depuis L’Histoire de Pi, succès mondial surprise, le romancier canadien Yann Martel peine à trouver son second souffle. En renouant avec une intrigue pleine de merveilleux, ce sera peut-être le cas.