Sigma, de Julia Deck

Sigma, c’est le nom d’une organisation secrète dont la mission est de rechercher et de placer sous contrôle – ou d’éradiquer, quand il ne reste plus que cette solution expéditive – les oeuvres d’art susceptibles d’avoir une mauvaise influence sur l’humanité. Lorsqu’on apprend qu’une oeuvre disparue du peintre Konrad Kessler, artiste subversif s’il en est, serait sur le point de refaire surface, Sigma envoie ses meilleurs agents en Suisse pour tenter d’empêcher la catastrophe tant redoutée. Débute alors un ballet d’autant plus trouble que les agents en question ne se connaissent pas, ignorent qu’ils sont plusieurs sur le coup, et doivent composer avec des personnages impliqués dans l’affaire pour le moins imprévisibles…
Viviane Elisabeth Fauville et Le Triangle d’hiver, les deux premiers romans de Julia Deck, m’avaient enthousiasmé, chacun avec ses qualités propres, mais aussi de manière générale par le ton et l’univers fort qu’ils mettaient déjà en place. J’étais donc impatient de découvrir ce que l’imagination foisonnante et le style remarquable de la jeune romancière pourraient faire d’une histoire s’annonçant comme un bon pastiche de roman d’espionnage.
Je suis forcé d’avouer, et ce n’est pas de gaieté de cœur, que je suis resté un peu sur ma faim en achevant la lecture de Sigma.
Il faut pourtant commencer par saluer l’extraordinaire maîtrise romanesque de Julia Deck, sa capacité à composer des récits ambitieux sans jamais égarer son lecteur en route, ainsi que la force du trait avec laquelle elle plante des personnages hauts en couleur, que l’on cerne au bout de quelques pages à peine alors même qu’ils évoluent selon un chassé-croisé complexe, apparaissent furtivement dans les séquences des uns et des autres, et s’expriment à tour de rôle sous forme de rapports de mission adressés à la direction opérationnelle de Sigma.
Car, oui, le point de vue de l’histoire est systématiquement donné par les agents sous couverture de l’Organisation, à la fois spectateurs et acteurs du drame (l’une de leurs tâches consiste régulièrement à influencer leurs cibles pour qu’elles adoptent des vues et des choix conformes aux objectifs neutralisants de Sigma).
Le résultat est virtuose, extrêmement plaisant à lire, fascinant par moment – mais un peu vain au bout du compte. On peut se dire que le propos est justement de souligner la vacuité des « petits » milieux décrits ici : grandes fortunes financières, personnages incroyablement superficiels du monde artistique, actrices de cinéma déphasées, et jusqu’aux espions souvent dépassés par les règles d’un jeu dont ils sont plus marionnettes que manipulateurs.
Pourtant j’ai le sentiment d’être passé à côté d’un roman plus vaste qu’il ne l’est finalement ; j’en attendais notamment une réflexion stimulante sur la subversivité potentielle de l’art, aspect que Sigma ne fait qu’effleurer, comme à peu près tous ses sujets phagocytés par le caractère primesautier des protagonistes et des enjeux du récit.
Au bout du compte, le troisième roman de Julia Deck a des faux airs de pièce de boulevard, avec ses quiproquos, ses rebondissements, son caractère agréable – d’ailleurs le livre s’ouvre sur la distribution des personnages, comme pour inciter le lecteur à lire ce qui va suivre comme une comédie théâtrale. La romancière brille mais à vide, et Sigma, que j’ai ouvert dans l’excitation pour le refermer dans une relative indifférence, ne me laissera pas un grand souvenir. Rendez-vous manqué sans doute, mais j’ai hâte de retrouver Julia Deck dans son prochain opus, histoire de me réconcilier avec son talent évident.
Sigma, de Julia Deck
Éditions de Minuit, 2017
ISBN 978-2-7073-4372-7
233 p., 17,50€
Londres insolite et secrète
Ouais! Chouette! Je pars en week-end à Londres! Férue d’histoire et d’urbanisme, je m’empresse de trouver un guide qui saura me faire découvrir la ville sous un autre angle. Connaissant le sérieux des éditions Jonglez et leur fabuleux guide du Paris méconnu (écrit par des habitants) qui égaye mes longues randonnées dans Paris, je m’enquis derechef de la version londonienne, intitulée Londres insolite et secrète.
Quelle ne fut pas ma déception de voir alors cet ouvrage édité chez Point2, et son atroce format miniature. Certes, pour un guide, l’idée d’un format aussi petit était alléchante mais la manipulation dudit ouvrage est… comment dire… très complexe. Quand vous cherchez une page bien précise, bon courage ! Certes, ils auront au moins eu le mérite de mettre des photos en couleur et des plans (difficilement repérables entre toutes ces feuilles de papier tabac) mais lire un guide dans ce sens est une idée saugrenue, tout comme le papier Bible, qui prend l’eau en un clin d’oeil (on est à Londres ou pas?) et qui rend vraiment malaisé la recherche dans ce guide.
C’est vraiment dommage, car Londres insolite et secrète est un guide fort intéressant. Des anecdotes étonnantes, traitées avec humour, vous accompagneront tout au long de votre voyage. Pourquoi la tombe d’un chien allemand en plein coeur de Londres? A-t-on vraiment retrouvé la fameuse pierre contenant Excalibur, exposée à deux pas de la cathédrale? Qui sont ces vieux messieurs élégants qui portent vestes rouges et tricornes noirs?
Vous aurez toutes ces réponses dans ce formidable guide. Mais faites bien attention à prendre la version originale des éditions Jonglez, tellement plus pratique, plus belle et plus riche en photos et en plans que ce succédanée raté.
Donc, gros gros bémol pour le format POINT2 mais un grand bravo au travail et au sérieux des éditions Jonglez. Amoureux des villes, précipitez-vous sur ces ouvrages, ils se déclinent pour Genève, Barcelone, Marseille, Venise, Bruxelles, Lisbonne, Madrid, etc… Certes, en grand format, ils sont à 17€90 comparé au 10€90 du POINT2, mais vous y gagnerez en confort de lecture, en maniabilité et vous ne perdez pas un temps fou à tourner les pages!
Londres insolite et secrète
(nouvelle édition à paraître le 20/04/2012)
Editions Jonglez, 2009/2012
9782361950385
336p., 17€90
Un article de Clarice Darling.