p’tits cannibales lecteurs

J’en ai causé sur les réseaux sociaux, mais pas ici, c’est quand même le comble : depuis quelques jours, ce blog a un petit frère ! Un nouvel espace entièrement réservé à la littérature enfantine, depuis les livres pour les tout-petits jusqu’aux romans pour ados, en passant par les documentaires, les bandes dessinées et les albums musicaux.
Et ça s’appelle tout bêtement :

Pour savoir le pourquoi du comment de ce nouveau blog, je vous invite à vous reporter à sa présentation ici : https://ptitscannibaleslecteurs.com/about/
J’y reprendrai peu à peu la plupart des chroniques déjà publiées par ici, essentiellement sur des romans. Celles consacrées à mon chouchou Timothée de Fombelle y sont déjà largement reportées (comme par hasard).
Et j’y ajouterai plein de nouveaux articles, surtout sur des albums pour petits.
Belle découverte à ceux que ce nouveau projet intéressera !
Et, au passage, merci pour votre fidélité de manière générale :)
A première vue, le retour des Cannibales !

Coucou, nous revoilà ! Si nous avons eu besoin de souffler ces derniers mois sur ce blog, nous n’avons pas cessé de lire pour autant ; simplement, le temps, l’envie et l’énergie ont manqué, et comme il n’y avait aucune raison de nous forcer, nous avons levé le pied, comptant sur votre compréhension – et, peut-être, votre fidélité – pour vous retrouver lorsque nous déciderions de nous y remettre.
Et quoi de mieux que le retour de la rubrique « à première vue » pour repartir ? Les habitués du blog savent de quoi il est question, pour les autres je rappelle la règle de ce jeu devenu un rituel de Cannibales Lecteurs depuis 2013. Ouvrant ses portes aux alentours de la fin juin et courant pendant une bonne partie de l’été, « A première vue » est une présentation partielle et totalement subjective de la prochaine rentrée littéraire. Partielle parce qu’il est impossible de tout évoquer, subjective parce que nous n’avons pas encore lu grand-chose des livres à paraître à partir de la mi-août.
Sauf contre-indication, c’est donc sur la seule foi des résumés, présentations des rentrées par les éditeurs et réputations des auteurs en présence que nous fondons ces textes, qui ne constituent en rien des critiques constructives ni des avis définitifs. Alors, si nous nous permettons parfois quelques coups de griffe ou plaisanteries de plus ou moins mauvais goût, n’oubliez jamais qu’il s’agit d’un exercice où la mauvaise foi et les a priori ont entièrement droit de cité. Libre à vous de ne pas être d’accord, et à nous de nous tromper – quitte à le reconnaître plus tard, après lecture (ou pas).
Quoi qu’il en soit, si quelque bon mot vous hérisse, pas la peine de monter sur vos grands chevaux ni de nous agresser (c’est déjà arrivé, d’où cette précision) : « à première vue » n’est pas un travail critique, juste un regard plus ou moins distancié sur ce drôle de cirque qu’est la rentrée littéraire. Et puis, vous êtes ici sur un blog, soit un lieu d’expression personnelle, notre lieu. Si vous voulez discuter, échanger, donner un avis contradictoire, vous êtes tous les bienvenus, du moment que vous le faites avec des arguments et non des insultes ; de notre côté, nous essaierons d’être toujours à l’écoute – quitte, encore une fois, à admettre publiquement nos erreurs ou préjugés. Mais pour la rubrique « à première vue », la liberté de ton est de mise, la volonté de s’amuser aussi, et il est hors de question d’y renoncer… Vous êtes prévenus !
Ceci posé, nous sommes heureux de vous annoncer que quelques gros coups de cœur sont déjà au rendez-vous, notamment d’auteurs chouchous des Cannibales (Timothée de Fombelle, Sorj Chalandon), et qu’il devrait y avoir de quoi se réjouir parmi les 581 romans annoncés. Une rentrée copieuse, certes (trop, comme chaque année, mais on ne va pas refaire le film), plus prometteuse néanmoins que l’année dernière sur le papier.
Rendez-vous très vite donc, et au plaisir de vous retrouver par ici !
7 de Tristan Garcia
Le moins qu’on puisse dire, c’est que le nouvel opus de Tristan Garcia est un ouvrage hybride. Ce n’est pas un recueil de nouvelles mais ce n’est pas non plus un roman. Des romans, comme le suggère Gallimard sur la couverture? Je ne sais pas, je suis encore perturbée par la puissance stylistique et la force des personnages.
Il y a plusieurs histoires dans 7 et la dernière est celle qui m’a le plus marquée. Même si toutes ont leur place dans ce livre, la dernière condense en une seule les précédentes. Les six premières histoires, qui pourraient sembler au lecteur un peu disparates, se retrouvent toutes dans la dernière histoire, intitulée La Septième.
J’ai cru que le livre s’intitulait 7 comme les sept pêchés capitaux. Mais je me suis trompée, il est bien plus que cela. C’est un mélange de rébellion, de révolution, de dénonciation de la folie et la stupidité humaine, une critique acerbe de nos contemporains et des dérives qui peuvent être engendrés par nos esprits malades. 7 est aussi une tentative de nous faire prendre conscience de notre capacité à tout détruire et de notre incapacité à faire revenir les choses comme avant.
Comment agiriez-vous si vous pouviez vivre plusieurs fois en rencontrant, à chaque vie, les mêmes personnes? Vous comporteriez-vous différemment avec elles? Seriez-vous une fois un salaud fini et la fois suivante, le héros qu’elles attendaient?
Comme à chaque lecture d’un ouvrage de Tristan Garcia, je suis épatée par son style, sa puissance et sa capacité à m’entraîner là où je ne m’y attends pas. Même si Faber le destructeur reste mon préféré, 7 est un très bon roman, de celui qui met des claques et me remet en question. Ce qui est, pour moi, l’essence même de la littérature.
7 de Tristan Garcia
Éditions Gallimard, 2015
9782070149889
576 p., 22€
Un article de Clarice Darling
A première vue : la rentrée Gallimard 2015
Pour le 500e article de ce blog (oh là là, déjà…), nous aurions pu imaginer quelque chose d’un peu festif, ou bien une rétrospective de tous nos blablas, un best of, que sais-je… Mais bon, l’actualité étant ce qu’elle est, au lieu de tout ça, nous allons vous présenter la rentrée littéraire 2015 des éditions Gallimard. Hé oui, on ne fait pas toujours ce qu’on veut.
Ah, Gallimard ! Dois-je vous rebattre les oreilles comme chaque année avec cet éditeur, certes prestigieux, mais qui n’a toujours pas compris que le trop est l’ennemi du bien ? Avec vingt livres présentés en cette rentrée 2015 (17 français et 3 étrangers), la vénérable maison est à nouveau hors de toute réalité et bien loin de ses consœurs. Sans doute espère-t-elle écraser la concurrence en occupant largement le terrain…
Autant dire que ça ne marchera pas : sur l’ensemble de leur offre, peu de romans se détachent – cependant ceux qui le font sont très intéressants. Sur le papier, en tout cas.
Comme chaque année, nous nous contenterons de citer en fin d’article les titres qui nous semblent les moins attractifs – un choix subjectif totalement assumé, bien entendu. Et vous aurez le droit de ne pas être d’accord !
Y’A DU GONCOURT DANS L’AIR : Les prépondérants, de Hédi Kaddour
Il y a dix ans, Hédi Kaddour, jusqu’alors poète confidentiel, débarquait dans le paysage romanesque avec Waltenberg, somme ambitieuse couvrant une grande partie de l’Histoire du XXème siècle au fil d’un entrelacs admirable d’intrigues et de personnages, qui lui avait valu le Goncourt du premier roman. Avec ce nouveau roman d’aventures, il nous propulse dans les années 20, à l’occasion d’un tournage hollywoodien dans une petite ville du Maghreb qui va provoquer un choc des cultures propice à une réflexion plus large sur le monde d’alors, pris entre deux conflits mondiaux. Grosse attente en ce qui nous concerne.
SEAS OF RHYE : 7, de Tristan Garcia
« Romans », indique la couverture. Au pluriel donc, puisque 7 est la somme de sept histoires, apparemment indépendantes, qui finissent par se répondre et constituer une vue d’ensemble de notre société – pas au mieux de sa forme, j’aime autant vous prévenir. Au programme, et en variant formes et tons : drogue, art, politique, religion, mode, extra-terrestres et immortalité. Les plus hautes attentes sont là aussi autorisées.
GEORGE ORWELL RELOADED : 2084, de Boualem Sansal
Je ferais volontiers également du romancier algérien un candidat sérieux aux prix d’automne ; en tout cas, on parlera forcément de sa variation sur 1984, se déroulant dans un pays imaginaire, l’Abistan, placé sous la coupe du prophète Abi, « délégué de Yolah sur terre », qui conditionne le bonheur de ses sujets à une soumission totale et à un rejet des pensées personnelles. Le héros remet pourtant en cause cet état de fait et part en quête d’un peuple de renégats, qui vivraient sans religion dans des ghettos…
CHUCHOTIS II : La Terre qui penche, de Carole Martinez
Retour au Domaine des Murmures pour Carole Martinez, qui y avait décroché un Goncourt des Lycéens il y a quatre ans. Nous sommes toujours au Moyen Age, mais presque deux siècles plus tard, et les femmes occupent à nouveau le premier plan. Cette fois, le roman est articulé autour d’un dialogue entre une vieille âme et une petite fille qui partagent la même tombe – la première étant en fait l’âge l’âme de la seconde, qui évoque son enfance et, à travers elle, son époque.
PAPYLAND : Mémoires d’outre-mer, de Michaël Ferrier
A l’origine de ce livre, Ferrier mène des recherches sur son grand-père Maxime, né à l’île Maurice, devenu acrobate dans un cirque itinérant de l’océan Indien, avant de s’installer à Madagascar. C’est là, en déroulant le fil de l’enquête familiale, que l’auteur découvre l’histoire du « projet Madagascar », un plan nazi visant à envoyer les Juifs d’Allemagne et de l’Europe vaincue sur l’île afin de les y parquer. Les deux investigations cohabitent dans ce récit ambitieux qui promet d’être passionnant.
GRANDPAPYLAND : Le Bercail, de Marie Causse
Une autre enquête familiale, celle que mène la romancière sur son arrière-grand-père, arrêté en février 1944 et mort en déportation six mois plus tard. Durant son enfance, Marie Causse a collecté les souvenirs de sa grand-mère ; devenue adulte, elle mène des recherches plus approfondies, qui la conduisent à proposer dans ce livre, outre l’histoire de son aïeul, une évocation de la Résistance dans un petit village français.
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Voilà les romans francophones les plus intéressants, au nombre de six donc – ce qui en laisse onze plus ou moins sur le carreau… Avant de les évoquer rapidement, passons aux trois étrangers, beaucoup plus consistants.
SOPHOCLE RELOADED : Une Antigone à Kandahar, de Joydeep Roy-Bhattacharya
(traduit de l’anglais par Antoine Bargel)
Je me régale d’avance à l’idée des demandes que feront les clients en librairie lorsqu’ils essaieront de prononcer le nom de l’auteur :p
Plus sérieusement, tout est dans le titre : le romancier indien, qui vit aux États-Unis, repense le célèbre drame antique de Sophocle dans le cadre de la guerre en Afghanistan. Une femme en fauteuil roulant, enveloppée dans une burqa, se présente aux portes d’une base américaine pour réclamer le corps de son frère, combattant tué dans un affrontement récent. En confiant la parole à des protagonistes des deux camps, l’auteur donne à voir la guerre dans toute son absurdité.
SCARY MOVIE : Intérieur nuit, de Marisha Pessl
(traduit de l’américain par Clément Baude)
La mort mystérieuse d’une jeune femme pousse un journaliste d’investigation opiniâtre à s’intéresser de nouveau au père de la disparue, Stanislas Cordova, un célèbre réalisateur de films d’horreur dérangeants dans l’ombre desquels l’homme se camoufle depuis trente ans. Sa précédente enquête avait failli briser Scott McGrath, mais il en faudrait plus pour l’arrêter, et on plonge avec lui dans les sombres secrets d’une oeuvre hantée… Le roman sera enrichi de documents, photographies, extraits de journaux. Une originalité formelle pour un pavé de 720 pages aussi intriguant qu’intimidant.
VOTRE AMITIÉ AVEC UNE TRUITE : D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds, de Jon Kalman Stefansson
(traduit de l’islandais par Eric Boury)
Avec Entre ciel et terre et ses suites, l’auteur islandais est devenu une valeur sûre de la littérature nordique. Ce nouveau roman suit le retour d’un homme, expatrié au Danemark, dans la ville de son enfance. En trois époques suivant trois générations de la même famille, Stefansson interroge l’histoire de son pays, ses traditions mais aussi la manière dont il vit l’irruption de la modernité.
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Pour un peu, je ne mentionnerais pas le reste de la production francophone, parce que je ne vous cache pas que ça me fatigue d’avance… Mais, soyons honnêtes, il y a sûrement des textes honorables dans le lot, aussi les citerai-je tous, au moins par politesse.
Le Censeur, de Clélia Anfray : entré à l’Académie grâce à un unique succès, et à son art de courtisan, Charles Brifaut devient censeur des théâtres, ce qui lui donne droit de vie et de mort sur les oeuvres et les auteurs de son temps – notamment un certain Victor Hugo, dont il se plaît à briser Hernani. Mais l’arrivée d’un secrétaire inquiétant vient menacer son ascension.
Au pays d’Alice, de Gaëlle Bantegnie : l’auteure a eu une fille. C’est bien, on est content pour elle, ce n’était peut-être pas la peine d’en faire un bouquin.
Le Secret de l’Empereur, d’Amélie de Bourbon Parme : récit de l’abdication de Charles Quint, qui préfère renoncer au pouvoir lorsqu’il réalise que ce dernier ne lui permettra pas d’atteindre les idéaux auxquels il rêvait. Dans sa retraite, il se passionne pour les instruments de mesure du temps. Tic-tac.
Daniel Avner a disparu, d’Elena Costa : les parents de Daniel Avner ont été déportés. Chaque jour, après la Libération, sur l’ordre de son grand-père qui le terrorise, le jeune garçon vient au Lutetia les attendre, tout en sachant que tout espoir est vain. Premier roman.
Les irremplaçables, de Cynthia Fleury : Gallimard sort dans sa collection blanche, estampillée roman, le nouvel essai de la philosophe-psychanalyste à succès, et le balance dans sa rentrée littéraire. Si quelqu’un comprend…
Un papa de sang, de Jean Hatzfeld : l’ancien journaliste retourne au Rwanda, auquel il a consacré plusieurs livres (Une saison de machettes). Il y retrouve les enfants des bourreaux et des victimes du génocide survenu il y a déjà vingt ans, et leur donne la parole. Là, on pourrait avoir un texte fort, poignant et intelligent, reconnaissons-le.
Gratis, de Félicité Herzog : après s’être fait un nom en balançant sur son père, l’alpiniste Maurice Herzog (Un héros, Grasset, 2012), Félicité signe un premier roman narrant les grandeurs et décadences d’un homme, devenu riche grâce à une start-up, qui se réfugie à Jersey après avoir été ruiné pour concevoir une « solution à la condition humaine »…
Magique aujourd’hui, d’Isabelle Jarry : un roman d’anticipation dont le pitch évoque irrésistiblement un croisement entre Wall-E, le dessin animé Pixar, et Her, le film de Spike Jonze. Soit la relation fusionnelle entre un jeune homme et son assistant androïde.
Casanova l’aventure, d’Alain Jaubert : trente textes dont Casanova est le héros. Voilà.
Pirates, de Fabrice Loi : Marseille sert de cadre au parcours tragique d’un homme, ancien forain qui se lie d’amitié avec un ancien militaire. A un moment, apparemment, des pirates somaliens arrivent dans l’histoire, mais je n’ai pas trop compris comment. Si quelqu’un veut se dévouer pour le lire…
Hallali pour un chasseur, de Jean-François Samlong : roman initiatique et d’amour, ce récit d’une chasse interdite qui tourne mal est le douzième livre de cet auteur réunionnais.