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L’Appel du coucou, de Robert Galbraith (alias J.K. Rowling)

Signé Bookfalo Kill

Ancien lieutenant de l’armée anglaise, où il exerçait dans la police militaire, Cormoran Strike est revenu d’Afghanistan avec une jambe en moins. Reconverti en détective privé, récemment séparé de l’amour de sa vie, il peine à se maintenir à flots, dans tous les sens du terme.
Lorsque l’avocat John Bristow se présente dans son bureau avec un très gros chèque pour lui demander d’enquêter sur la mort de sa jeune soeur, la célèbre top-model Lula Landry, qui s’est défenestrée quelques semaines plus tôt, Cormoran pense trouver là l’occasion de se changer les idées. Sauf que tout, des témoignages aux indices en passant par l’enquête de police, laisse penser à un suicide ; et que frayer dans les milieux rutilants de la mode ou des grandes familles fortunées de Londres n’a rien d’une partie de plaisir…

Rowling - L'Appel du coucouPour évoquer ce polar, il y a deux solutions. Soit garder le postulat qu’il s’agit du premier roman de Robert Galbraith, retraité de l’armée et agent de sécurité privé devenu auteur sur le tard ; soit partir tout de suite du principe qu’il s’agit du nouveau livre de J.K. Rowling, son deuxième pour adultes après Une place à prendre. Mais en fait, l’un ne va pas sans l’autre. Honnêtement, aurais-je lu L’Appel du coucou si le pseudonyme de l’auteur de Harry Potter avait tenu son secret plus longtemps ? Sur la foi du seul résumé de l’intrigue, probablement pas. Et Grasset, ou un autre éditeur français, aurait-il seulement publié ce roman ?

C’est tout le problème avec Rowling, que l’on avait déjà connu avec Une place à prendre. Il est très difficile de faire l’impasse sur son nom, tant a été grand son impact sur la littérature mondiale avec sa saga de sorciers. Je vais tâcher cependant de me montrer aussi objectif que possible.
Que vaut donc ce polar ? D’emblée, on constate qu’il présente une facture parfaitement classique, tant par son style, très sage, que sur le fond, où Galbraith-Rowling recycle les codes du roman de détective, habilement mais la moindre révolution. S’il se distingue par son physique de colosse et sa prothèse de jambe, Cormoran Strike épouse l’archétype du détective fauché, borderline (mais pas trop) et malheureux en amour. Doté d’un passé solide, le personnage offre des nuances intéressantes qui le rendent immédiatement attachant, d’autant plus que la romancière a l’intelligence de lui adjoindre en contrepoint une partenaire, Robin, sa secrétaire par intérim, au charme rafraîchissant.

Quant à l’histoire, elle permet à Rowling d’aborder un sujet qu’elle connaît très bien : les aléas de l’hyper-célébrité, tout en allant fouiller dans les dessous peu ragoûtants des milieux londoniens où l’argent coule à flots et où l’apparence compte plus que tout. Là encore, l’auteur maîtrise thèmes et construction du début à la fin, mais sans bouleverser le genre. Comme Une place à prendre, le roman souffre de quelques longueurs, alors que son classicisme général le laisse se fondre gentiment dans la masse.

L’Appel du coucou est donc un polar honnête, agréable à lire mais loin d’être incontournable, pour amateurs d’enquêtes paisibles (le roman est dénué de toute violence), avant tout psychologiques. Lorsque la deuxième enquête de Cormoran Strike paraîtra (elle est déjà en chantier), j’irai sans doute vérifier si J.K. Rowling élève son niveau de jeu, plus en souvenir du bon vieux temps de Harry Potter que par réelle curiosité…

L’Appel du coucou, de J.K. Rowling
Traduit de l’anglais par François Rosso
Éditions Grasset, 2013
ISBN 978-2-246-80904-3
572 p., 21,50€

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A première vue – la rentrée polar (2) : les promesses

Suite de la rentrée polar de l’automne 2013, avec, comme annoncé précédemment, l’auteur qu’on n’attendait pas dans ce registre (en tout cas pas si vite, et pas de cette manière…), et d’autres dont on espère une confirmation ou une belle découverte.

(Rappel : l’annonce, les visuels et les dates de ces sorties, précisées entre parenthèses, s’appuient sur le programme du logiciel professionnel Electre, et peuvent donc être soumis à variation.)

L’INVITÉ(E) SURPRISE

Galbraith - The Cuckoo's CallingIl nous vient d’Angleterre et se présente sous le nom de Robert Galbraith, militaire à la retraite et auteur d’un premier roman policier intitulé The Cuckoo’s Calling (qui devrait être logiquement traduit par L’Appel du coucou). Une oeuvre très bien reçue par les critiques outre-Manche, certains s’avouant même confondus par la maîtrise exceptionnelle du romancier pour ses débuts littéraires.

Et pour cause : Robert Galbraith n’est autre que… J.K. Rowling. La maman de Harry Potter a mystifié tout le monde en s’offrant le plaisir de sortir un roman sans aucune pression médiatique et de voir son travail apprécié sans arrière-pensée. Vendu modestement à 1500 exemplaires entre avril et juillet, son premier polar a exlosé les compteurs et épuisé son premier tirage en quelques heures dès la supercherie révélée. Après Une place à prendre, soufflé médiatique retombé bien vite sous le feu nourri de critiques acerbes (souvent exagérées), voici l’occasion de mesurer plus sereinement le talent de la romancière britannique, qui crée encore et toujours la sensation, qu’elle le veuille ou non.
La traduction française est attendue chez Grasset en octobre.

LES PROMESSES

Ne me cherche pas, de Megan Abbott : nous avions adoré La Fin de l’innocence, bonne nouvelle : Megan Abbott revient à l’époque contemporaine – entre deux romans ancrés au début du XXème, sa spécialité – avec l’histoire d’une équipe de pom-pom girls qui tombent sous la charme de leur nouvelle coach. Fascination et plongée dans les extrêmes au programme… (Lattès, 1/11)

Del Arbol - La Maison des chagrinsLa Maison des chagrins, de Victor del Arbol : sur le papier, des airs de fantastique espagnol mâtiné d’Oscar Wilde… Une violoniste demande à un peintre de réaliser le portrait de l’assassin de son fils afin d’y déceler la marque de l’infamie. Deuxième roman de l’auteur de la Tristesse du samouraï, polar remarqué sur l’Espagne franquiste. (Actes Sud, 4/09)

Bayard - A l'école de la nuitA l’école de la nuit, de Louis Bayard : après avoir mis en scène Edgar Poe dans Un oeil bleu pâle et Vidocq dans La Tour Noire, l’auteur américain au plus français des noms s’intéresse à Thomas Harriot, mathématicien anglais du XVIe siècle, précurseur en algèbre et en astronomie, brièvement arrêté dans l’affaire de la Conspiration des poudres (rendue célèbre par la figure de Guy Fawkes) et soupçonné d’avoir participé à l’École de la nuit, un complot visant à établir l’athéisme en Angleterre… En ajoutant une deuxième intrigue contemporaine, Bayard signe un nouveau roman historique très prometteur. (Cherche-Midi, 24/10)

Bolton - Ecrit en lettres de sangÉcrit en lettres de sang, de Sharon Bolton : de nos jours en plein Londres, une jeune policière voit mourir dans ses bras une femme sauvagement poignardée. Nous sommes le jour anniversaire du premier meurtre avéré de Jack l’Eventreur, et les similitudes entre les crimes est frappante… Nouvelle variation sur le mythe du tueur le plus légendaire d’Angleterre, un pari toujours risqué mais qui peut donner un bon thriller s’il est bien mené. (Fleuve Noir, 12/09)

Une certaine vérité, de David Corbett : la nouvelle révélation Sonatine ? Fils d’un flic mystérieusement disparu dix ans plus tôt, un jeune homme se voit obligé d’affronter le passé qui ressurgit… (Sonatine, 14/08)

Pyromanie, de Bruce DeSilva : un journaliste de la vieille école enquête sur une épidémie d’incendies qui ravagent son quartier de Providence, Rhode Island. Un premier roman lancé dans la collection Actes Noirs, cela justifie de rester attentif. (Actes Sud, 4/09)

L’Été des jouets morts, de Toni Hill : enquête dans la haute société de Barcelone. Premier roman également, dont le titre attire l’œil. (Flammarion, 23/10)

Holbert - Animaux solitairesAnimaux solitaires, de Bruce Holbert : le polar de la rentrée Gallmeister s’annonce noir de chez noir. Dans le comté de l’Okanogan, Washington, en 1932, un vieux flic reprend du service pour tenter d’arrêter un tueur d’Indiens, et poursuit sa traque jusque dans les vallées sauvages de l’OUest, tandis qu’il croise de vieilles connaissances et que son passé ténébreux se dévoile peu à peu… (Gallmeister, 29/08)

May - Scène de crime virtuelleScène de crime virtuelle, de Peter May : alors, oui, j’aurais pu, j’aurais même dû classer ce polar parmi les poids lourds, Peter May étant déjà un nom plus que confirmé du genre. Mais j’avoue que sa série chinoise ne m’a jamais inspiré, et que je n’ai jamais dépassé le premier tome de sa trilogie écossaise… Avec ce thriller étonnant qui se déroule à moitié dans Second Life, l’univers virtuel parallèle au nôtre, May surprend – et pas qu’un peu, puisque je suis en train de le lire et que, pour l’instant, c’est très réussi… Coup de cœur à prévoir ! (Éditions du Rouergue, 4/09)

Reflex, de Maud Mayeras : voilà une jeune femme qui sait prendre son temps ! Son premier roman, Hématome, avait été l’une des sensations du thriller français en 2006 ; depuis, rien… Autant dire que Maud Mayeras est très attendue. Elle nous promet une confrontation effroyable entre une photographe de l’Identité Judiciaire, en deuil de son fils assassiné onze ans plus tôt, et un tueur en série qui écorche ses victimes et collectionne leurs odeurs. Cela devrait être intense ! (Anne Carrière, 3/10)

Roy - Bent RoadBent Road, de Lori Roy : un pitch qui a des faux airs de Seul le silence, de R.J. Ellory, pour le premier roman de cette romancière du Kansas. Effrayée par les émeutes raciales qui agitent Detroit en 1967, la famille Scott décide de retourner à Bent Road, Kansas, où a grandi Arthur, le père. Il s’y retrouve confronté au plus sombre de ses secrets, celui entourant la mort de sa soeur lorsqu’il était enfant, alors qu’une autre fillette disparaît dans les environs… (Éditions du Masque, 21/08)

La Reine de la Baltique, de Viveca Sten : une nouvelle romancière suédoise – eh oui, tous les auteurs du Grand Nord n’ont pas encore été traduits… Avec son intrigue communautaire, son ambiance locale typique et la relative discrétion de ses meurtres, on la compare à Camilla Läckberg, grande prêtresse actuelle du polar grand public. (Albin Michel, 2/09)

Tyler - Homicides multiples dans un hôtel miteux des bords de LoireHomicides multiples dans un hôtel miteux des bords de Loire, de L.C. Tyler : après Étrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage, L.C. Tyler confirme son goût des longs titres délirants, un moyen plutôt rigolo de se distinguer de la concurrence. Rigolo et différent, c’est d’ailleurs le ton attendu de ce deuxième roman, entre Agatha Christie et L’Assassin habite au 21 de Steeman : un auteur de polars en pleine crise de la quarantaine se réfugie dans un hôtel au bord de la Loire, mais son agent l’y débusque. Lorsque l’un des autres pensionnaires est assassiné, le duo décide d’enquêter… (Sonatine, 19/09)

Waites - Né sous les coupsNé sous les coups, de Martyn Waites : pour finir, un premier roman qui a l’air beaucoup moins fendard que le précédent, avec son ancienne cité minière anglaise désormais sinistrée et devenue un haut lieu de la criminalité… Les Anglais n’en ont pas fini avec cette part douloureuse de leur histoire récente. (Rivages, 21/08)

Un beau paquet de romans à découvrir et à surveiller, donc… en sachant qu’il ne s’agit que d’une sélection, et que tout n’est pas encore annoncé.
L’automne polar s’annonce en tout cas plus excitant qu’un premier semestre plutôt fade.
A l’avance, bonnes lectures à tous !